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30/04/2024 | FRANCE | N°24/00097

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 30 avril 2024, 24/00097


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00097 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NX4R





ORDONNANCE









Le TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE à 13 H 30



Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur [T] [

F], représentant du Préfet de La Vienne,



En présence de Monsieur [P] [H] [V], né le 07 Juillet 1982 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE), de nationalité Ivoirienne, et de son conse...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00097 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NX4R

ORDONNANCE

Le TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE à 13 H 30

Nous, Emmanuel BREARD, conseiller à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [T] [F], représentant du Préfet de La Vienne,

En présence de Monsieur [P] [H] [V], né le 07 Juillet 1982 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE), de nationalité Ivoirienne, et de son conseil Maître Amélie MONGIE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [P] [H] [V], né le 07 Juillet 1982 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE), de nationalité Ivoirienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 27 novembre 2023 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 26 avril 2024 à 16h04 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [H] [V], pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [P] [H] [V],

né le 07 Juillet 1982 à [Localité 1] (COTE D'IVOIRE), de nationalité Ivoirienne, le 29 avril 2024 à 12h37,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Amélie MONGIE, conseil de Monsieur [P] [H] [V], ainsi que les observations de Monsieur [T] [F], représentant de la préfecture de La Vienne et les explications de Monsieur [P] [H] [V] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Monsieur le Conseiller a indiqué que la décision serait rendue le 30 avril 2024 à 13h30,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [P] [H] [V], né le 25 novembre 2002 à [Localité 1] (Côte d'Ivoire), de nationalité ivoirienne, a fait l'objet d'une décision de placement en rétention pris par Mme la préfète de la Vienne le 27 novembre 2023.

Cette mesure a été levée le 24 janvier 2024, suite à une ordonnance du tribunal administratif de Lyon statuant en référé sur la mesure d'expulsion le concernant, et M. [V] a bénéficié d'une assignation à résidence. Néanmoins, le 25 janvier suivant, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête en annulation de l'arrêté d'expulsion au fond le 24 avril, l'intéressé s'est de nouveau soustrait à son éloignement en refusant d'embarquer sur le vol prévu le jour même. Il a fait l'objet d'un second arrêté de placement de rétention pris par Mme la préfète de la Vienne le 24 avril 2024.

Par requête reçue au greffe le 25 avril 2024 à 16 heures 04, Mme la préfète de la Vienne a sollicité, au visa de l'article L742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après CESEDA), la prolongation de la rétention de l'intéressé dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours.

Par requête reçue au greffe le même jour à 16 heures 08, M. [V] a sollicité qu'il soit constaté l'irrégularité de l'arrêté de placement en rétention, outre la condamnation de son adversaire à lui verser la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance en date du 26 avril février 2024 rendue à 16h04 et notifiée sur le champ à l'intéressé, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux a ordonné la jonction de deux requêtes, a accordé l'aide juridictionnelle provisoire à M. [V], rejeté les moyens les moyens d'irrecevabilité, déclaré recevable les requêtes précitées, rejetée la demande en contestation de l'arrêté de placement en rétention, dit la procédure régulière, autorisé le maintien de la rétention de M. [V] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures du placement en rétention.

Par mail adressé au greffe le 29 avril 2024 à 12 heures 37, le conseil de M. [V] a fait appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 26 avril 2024 demandant à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé sa requête,

- infirmer l'ordonnance entreprise,

- déclarer irrégulier l'arrêté de placement en rétention du 24 avril 2024 précité,

- rejeter la requête en prolongation de la rétention administrative de l'appelant,

- ordonner la remise en liberté de l'intéressé,

- condamner Mme la préfète de la Vienne à verser au conseil de M. [V] la somme de 1.000 euros par application des dispositions combinées des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de loi du 20 juillet 1991.

A l'audience, le conseil de M. [V] remet en cause toute base légale à la rétention, relevant que suite à la suspension de l'arrêté d'expulsion, par le juge des référés le 24 janvier 2024, M. [V] a reçu une nouvelle convocation aux fins d'un retrait de titre de séjour et donc que la décision expulsion du 27 novembre 2023 a été implicitement mais nécessairement abrogée, sans qu'il soit communiqué de nouvelle décision.

De même, se prévalant de l'article L.741-4 du CESEDA, l'appelant estime que la décision d'expulsion le concernant n'a pas pris en compte son état de vulnérabilité au regard des conditions de rétention, ne tenant compte de celle-ci qu'au regard de la possibilité de pouvoir expulser M. [V]. Il souligne que les médecins de l'OFI se prononcent uniquement sur la question de la nécessité d'une prise en charge médicale le concernant et de savoir si celle-ci peut avoir lieu en Côte d'Ivoire et non sur la compatibilité entre son état de vulnérabilité et les conditions d'une rétention, cette dernière n'ayant pas été analysée. Il en déduit un défaut de motivation, alors que son état de santé est selon ses dires incompatible avec une telle mesure, devant faire l'objet d'un suivi spécialisé très régulier. Il soutient que son traitement doit être adapté et qu'il doit être vérifié qu'il lui convient.

Il conteste en outre présenter une menace pour l'ordre public, relevant que les seuls signalements versés aux débats ne sauraient suffire, qu'il n'a fait l'objet que d'une condamnation pénale et que la commission d'expulsion a émis un avis défavorable à l'expulsion du requérant, du fait de ce que la commission de l'infraction est en lien avec le trouble psychiatrique dont il souffre.

Arguant de l'article L.741-1 du CESEDA, il indique qu'il n'existe pas de risque de fuite au sens de l'article L.612-3 du même code, étant régulièrement arrivé en France en 2018, afin de rejoindre sa mère, sa s'ur et son frère au titre d'un regroupement familial, ne plus avoir d'attache avec son pays de naissance. Il affirme présenter, outre cet étayage familiale important, une adresse stable, des diplômes et d'une expérience professionnelle en France.

Le représentant de la préfecture de la Vienne demande pour sa part la confirmation de l'ordonnance attaquée et le rejet des demandes de la partie adverse. Pour cela, il relève que le recours à l'encontre de l'arrêté d'expulsion a été rejeté par le tribunal administratif de Lyon le 25 janvier 2024, que la vulnérabilité de M. [V] a été prise en compte, notamment par les médecins de l'OFI, qu'il existe plusieurs condamnations pénales importantes en page 8 des pièces versée, que M. [V] a opposé deux refus d'embarquement, dont un suite à une mesure d'assignation à résidence surveillée. Il entend encore qu'il soit retenu que les garanties de représentation ne sont pas réunies en ce que l'appelant ne travaille pas et qu'il existe un risque de fuite au vu de refus par l'intéressé à quitter le territoire français.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1/ Sur la recevabilité de l'appel :

Effectué dans les délais et motivé, l'appel est recevable.

2/ Sur la décision de placement en rétention et son renouvellement :

Il résulte de l'article L743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après CESEDA) qu' « En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats ».

Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, "un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".

L'article L.741-4 du même code ajoute que « La décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et tout handicap de l'étranger.
Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.».

Enfin, l'article L.743-13 du CESEDA ajoute que Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.

La cour constate en premier lieu que s'il est argué d'une décision implicite d'abrogation du précédent arrêté d'expulsion, la seule convocation aux fins de notification d'une nouvelle décision en ce sens ne saurait être suffisante, notamment en cas d'erreur. En effet, outre que cette convocation ne saurait avoir substantiellement porté atteinte aux droits de l'appelant, ce seul élément ne saurait être suffisant pour établir l'existence d'une nouvelle décision de la part de l'autorité préfectorale, laquelle n'a pas été régularisée depuis le 7 mai 2023, soit près d'un an à présent.

Il s'ensuit que cet argument sera rejeté, tout comme l'erreur de date de naissance sur l'ordonnance attaquée, en ce qu'il s'agit d'une erreur matérielle, ne saurait porter grief à son égard.

En outre, s'agissant de l'état de santé de l'appelant, il n'est pas davantage établi que son état de santé n'ait pas été pris en compte lors de l'arrêté 27 novembre 2023, ce document n'ayant pas à détailler sa situation, mais uniquement à viser les éléments sur lesquels l'autorité l'ayant pris s'est fondée afin de procéder à l'examen de celle-ci. Or, outre l'état de santé de l'appelant n'est pas remis en cause, il sera souligné que les médecins de l'OFI, saisis au titre de la seule expulsion, n'avaient pas à statuer sur la question de la rétention.

Surtout il n'est pas justifié par des éléments médicaux que l'intéressé nécessite une hospitalisation ou que le suivi médical existant en rétention ne soit pas suffisant à son égard, notamment en ce qu'il ne peut être adapté à l'injection et au suivi de ce traitement dans le cadre de l'évaluation de la pathologie psychiatrique de M. [V]. Surtout, il ne ressort pas des éléments portés à la connaissance de la cour que cette situation induise une vulnérabilité, ni que l'état de santé de l'appelant n'ait pas été pris en compte par la partie intimée.

Ce moyen sera donc également rejeté.

Aussi, la décision de placement en rétention sera-t-elle déclarée régulière et la décision attaquée confirmée de ce chef.

S'agissant des conditions liées à l'article L.743-13 du CESEDA, il doit être insisté sur le fait que si l'atteinte à l'ordre public n'est pas caractérisée par l'existence des deux condamnations ressortant des éléments versés aux débats, il existe néanmoins un risque de fuite certain.

En effet, s'il existe un étayage familiale certain et une adresse stable au bénéfice de M. [V], celui-ci ne justifie, en revanche, ni de revenu stable, ni de perspective d'emploi en l'état, alors même qu'il ne conteste pas s'être déjà soustrait à deux reprises à deux tentatives d'embarquement du fait de son seul désir de ne pas quitter le sol français.

Il ne ressort pas de ces dernières circonstances qu'il puisse être réunies les conditions de l'article L.743-13 dernier alinéa du CESEDA pour permettre une dérogation à cet article, faute que le comportement de M. [V] permette d'affirmer qu'il exécutera de lui-même son obligation de quitter le territoire français en cas d'assignation à résidence.

Aussi, les garanties de représentation de l'intéressé ne sauraient être réunies.

Dès lors, ce moyen sera également rejeté et la décision attaquée confirmée de ce chef.

L'équité ne commande pas d'allouer la moindre somme au titre des frais irrépétibles à l'appelant, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant après débats en audience publique par ordonnance contradictoire mise à la disposition au greffe après avis aux parties

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 26 avril 2024,

y ajoutant,

Déboutons M. [V], de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, Le Conseiller délégué,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00097
Date de la décision : 30/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-30;24.00097 ?
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