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18/04/2024 | FRANCE | N°24/00089

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 18 avril 2024, 24/00089


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00089 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NXML





ORDONNANCE









Le DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE à 18 H 30



Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur

[M] [G], représentant du Préfet de La Gironde,



En présence de Madame [W] [J], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, ins...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00089 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NXML

ORDONNANCE

Le DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE à 18 H 30

Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [M] [G], représentant du Préfet de La Gironde,

En présence de Madame [W] [J], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur [C] [Z], né le 04 Novembre 2005 à [Localité 2] (MAROC), de nationalité Marocaine, et de son conseil Maître Delphine MEAUDE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [C] [Z], né le 04 Novembre 2005 à [Localité 2] (MAROC), de nationalité Marocaine et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 04 janvier 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 16 avril 2024 à 14h18 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [C] [Z], pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [C] [Z], né le 04 Novembre 2005 à [Localité 2] (MAROC), de nationalité Marocaine, le 17 avril 1024 à 11h15,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Delphine MEAUDE, conseil de Monsieur [C] [Z], ainsi que les observations de Monsieur [M] [G], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [C] [Z] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le19 avril 2024 à 18h30,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

PROCÉDURE

Il résulte d'une requête du préfet de la Gironde en date du 15 avril 2024 que Monsieur [C] [Z], né le 4 novembre 2005, à [Localité 2], au Maroc, de nationalité marocaine, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 4 janvier 2024 par le préfet de la Gironde et, pour l'exécution de cette mesure d'éloignement d'une décision initiale de placement en rétention administrative prise le 12 avril 2024 par la même autorité et notifiée le 13 avril 2024.

L'intéressé a été libéré du centre pénitentiaire de [1] le 13 avril 2024 à l'issue d'une peine d'emprisonnement de 5 mois prononcée en comparution immédiate le 11 janvier 2024 par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour des faits de vols aggravés. La peine a par ailleurs été assortie d'une interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans.

L'examen de sa situation a fait apparaître qu'il se trouve en France en situation irrégulière. Il est démuni de documents de voyage en cours de validité. Il déclare avoir laissé ses documents d'identité au Maroc. Il est sans domicile fixe et sans ressources légales sur le territoire national.

Lors de son interpellation, le 9 janvier 2024, il a donné une autre identité démontrant par là-même qu'il cherche à faire échec à toute tentative d'identification.

Suite à cette requête, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux par une ordonnance en date du 16 avril 2024 à 14h18, a autorisé la prolongation de la rétention de Monsieur [Z] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [Z] a interjeté appel de la décision le 17 avril 1024 à 11h15. L'appel est dûment accompagné d'un mémoire dont il convient de se rapprocher pour plus amples renseignements. En substance, il est sollicité, outre la somme de 800 € pour frais irrépétibles, d'ordonner la remise en liberté de l'intéressé au motif qu' il n'existe pas de perspectives d'éloignement et un défaut de diligence de la part de l'autorité préfectorale, Monsieur [Z] ayant sollicité l'asile politique en Autriche sans qu'aucune vérification n'ait été effectuée par la préfecture de la Gironde.

Monsieur [Z] a accepté de s'exprimer et a indiqué : " J'ai bien effectué une demande d'asile en Autriche. C'était ma première garde à vue, j'ai bien dit aux policiers que j'avais fait une demande en Autriche. Je suis partie du Maroc en 2017, j'avais 15 /16 ans. J'ai fait la traversée par la mer. Je suis arrivée en Italie et je suis resté jusqu'en 2023 avant d'aller en Autriche où j'ai dû faire ma demande en mars ou avril 2023. Je suis venu voir de la famille en France, en novembre décembre 2023. J'ai fait la demande d'asile car je n'ai aucune famille au Maroc. Je suis prêt à quitter la France. Je n'ai pas commis de délits. J'ai été condamné alors que je n'ai rien fait. Je cherchais juste un endroit où dormir et j'ai suivi une personne qui pouvait me loger ».

Maître MEAUDE a développé oralement ses conclusions écrites. Elle a plaidé qu'il ne peut être renvoyé au Maroc puisqu'il a fait sa demande en Autriche. Elle a déposé un référé liberté car il y a une demande d'asile en cours. Même si on pouvait le renvoyer au Maroc, la préfecture doit faire les diligences. La demande a été faite le 15 mars bien en amont de son placement en rétention. Il y a un défaut de diligences.

Monsieur [Z] a indiqué, en pleurant, qu'il a commencé à travailler à 11 ans parce qu'il n'a plus de famille au Maroc. En garde à vue, il avait un interprète syrien qui avait des difficultés à le comprendre et inversement.

Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de la décision querellée au motif que Monsieur [Z] n'a jamais indiqué dans son audition avoir fait une demande d'asile politique en Autriche. Par ailleurs les diligences ont été effectuées pour le Maroc dans le respect des textes. Il est inutile de faire des relances au risque de crispation.

MOTIVATION

- Sur la recevabilité de l'appel

La déclaration d'appel régulièrement motivée a été formée dans le délai légal, elle est donc recevable.

- Sur le placement en rétention ministre administrative et les garanties de représentation

Il résulte de l'article L 741'1 du CESEDA que peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentations effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l' étranger se soustrait à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution de précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentations suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

- Sur le défaut de diligences

Il résulte des dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA qu'un étranger ne ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ.

Il résulte de ce texte que le placement ou le maintien en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l'objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l'autorité administrative lorsque les perspectives d'éloignement effectives du territoire à brève échéance sont inexistantes.

Le conseil constitutionnel a par ailleurs dans une décision en date du 20 novembre 2003 indiqué que : « l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment, la prolongation du maintien en rétention lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ».

La seule exigence du CESEDA, au visa de l'article L 742-1, porte sur la saisine rapide des autorités consulaires. Il a été jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, pourvoi du 9 juin 2010, que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse et qu'il n'y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat.

Il est exigé par les textes et la législation de la Cour de Cassation que la demande auprès des autorités consulaires d'un pays étranger s'effectue concomitamment au placement au centre de rétention administratif de l'étranger ou dans un temps très proche sauf à justifier de circonstances imprévisibles, insurmontables et extérieurs ayant empêché l'administration d'agir au moment du placement en rétention de l'étranger.

S'il ne peut être fait grief à l'autorité préfectorale d'avoir saisi les autorités consulaires marocaines dès le 15 mars 2024 alors que Monsieur [Z] était toujours incarcéré, afin de réduire le délai de rétention de l'intéressé au sein du centre, il n'en demeure pas moins que ce dernier a fait l'objet d'un placement en rétention le 13 avril 2024, soit 30 jours (délai très long) se sont écoulés depuis la diligence de l'autorité préfectorale.

Il appartenait à l'administration à nouveau de se rapprocher des autorités consulaires marocaines a minima quelques jours avant le placement en rétention comme elle a pu le faire le 11 avril 2024 en saisissant les autorités consulaires algériennes et tunisiennes ou le jour du placement en rétention de Monsieur [Z]. Il y a manifestement un défaut de diligences.

À toutes fins, il y a lieu de rappeler que la préfecture de la Gironde peut faire application de la Convention franco-marocaine du 11 juin 2018 et se manifester auprès des autorités consulaires passé un délai de 15 jours.

Par ailleurs, Monsieur [Z] a justifié à l'audience qu'il a effectuée une demande d'asile en Autriche. L'intéressé ne peut être reconduit au Maroc.

Il y a lieu en conséquence d'infirmer la décision querellée et d'ordonner la remise en liberté de Monsieur [Z].

- Sur les frais irrépétibles et l'aide juridictionnelle provisoire

Il a lieu d'indiquer que les parties garderont à leur frais les dépenses engagées par elle, en revanche il y a lieu d'accorder à Monsieur [Z] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction profit de son conseil.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, après avis aux parties ;

Déclarons l'appel régulier, recevable et bien-fondé ;

Infirmons l'ordonnance rendue par le juge des libertés et la détention du 16 avril 2024 à 14h18 ;

Statuant à nouveau ;

Ordonnons la remise en liberté immédiate de Monsieur [C] [Z] ;

Indiquons que Monsieur [C] [Z] doit quitter le territoire national dans les meilleurs délais ;

Accordons à Monsieur [C][Z] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction au profit de Me Delphine MEAUDE ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00089
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;24.00089 ?
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