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17/04/2024 | FRANCE | N°24/00088

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 17 avril 2024, 24/00088


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 24/00088 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NXKO





ORDONNANCE









Le DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE à 12 H 00



Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur

[P] [T], représentant du Préfet de La Dordogne,



En présence de Monsieur [E] [S], né le 30 Mai 1976 à [Localité 3] (SÉNÉGAL), de nationalité Sénégalaise, et de son conseil Maît...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 24/00088 - N° Portalis DBVJ-V-B7I-NXKO

ORDONNANCE

Le DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE à 12 H 00

Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [P] [T], représentant du Préfet de La Dordogne,

En présence de Monsieur [E] [S], né le 30 Mai 1976 à [Localité 3] (SÉNÉGAL), de nationalité Sénégalaise, et de son conseil Maître Okah Atenga CRESCENCE MARIE FRANCE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [E] [S], né le 30 Mai 1976 à [Localité 3] (SÉNÉGAL), de nationalité Sénégalaise et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 08 avril 2024 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 12 avril 2024 à 15h05 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [E] [S], pour une durée de 28 jours à l'issue dud élai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [E] [S], né le 30 Mai 1976 à [Localité 3] (SÉNÉGAL), de nationalité Sénégalaise, le 15 avril 2024 à 14h59,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Okah Atenga CRESCENCE MARIE FRANCE, conseil de Monsieur [E] [S], ainsi que les observations de Monsieur [P] [T], représentant de la préfecture de La Dordogne et les explications de Monsieur [E] [S] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 16 avril 2024 à 12h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

PROCÉDURE

Il résulte d'une requête en date du 11 avril 2024 émanant du préfet de la Dordogne que Monsieur [E] [S] né le 31 mai 1976 au Sénégal, de nationalité sénégalaise a fait l'objet d'un arrêté portant décision de placement en rétention pris par l'autorité préfectorale le 9 avril 2024 pour mise en exécution d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, assortie d' une interdiction de retour de 10 ans prononcée à son encontre le 8 avril 2024 qui lui a été notifié le 9 avril 2024.

Il est fait état de ce que Monsieur [S] déclare être entré régulièrement sur le territoire français en septembre 1987 par la procédure de regroupement familial. Il s'est vu délivrer à sa majorité une carte de résident le 24 août 1994 , titre renouvelé le 24 août 2004.

Au regard du comportement de Monsieur [S] portant gravement atteinte à l'ordre public en raison de ses multiples condamnations pénales, le préfet de la Charente-Maritime a refusé le renouvellement de sa carte de résident, par décision du 13 décembre 2016, mesure confirmée par jugement du tribunal administratif de Poitiers le 23 mai 2019, puis par la cour administrative d'appel le 17 décembre 2019. L'intéressé se trouve donc en situation irrégulière sur le territoire français depuis le 23 août 2014.

Suite à cette requête, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux par une ordonnance en date du 12 avril 2024 à 15 heures 05 a autorisé la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [S] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention.

Par l'intermédiaire de son conseil, Monsieur [S] a interjeté appel de la décision le 15 avril 2024 à 14h59. L'appel est dûment accompagné d'un mémoire dont il convient de se rapprocher pour plus amples renseignements. Il est sollicité outre l'octroi de la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles, de remettre en liberté Monsieur [S] au motif qu'il y a une erreur de motivation et défaut d'examen de la situation personnelle de Monsieur [S] sur le territoire français. Il précise avoir 2 frères et s'urs en France. La procédure de placement au CRA serait irrégulière au motif que les droits relatifs à l' asile et les droits d'accès aux associations ne lui ont été indiqués qu'à 11h20 alors que le son placement au CRA a débuté à 9h40. Il est évoqué également une possibilité d'hébergement chez sa belle-s'ur Madame [G]. Il est fait état du défaut de diligence de l'administration sur le fondement de l'article L 741-3. Et à titre subsidiaire il est sollicité le placement en assignation à résidence de l'intéressé.

À l'audience de la cour, l'avocat de Monsieur [S] a plaidé oralement ses conclusions écrites.

Le représentant de la préfecture a été entendu en ses observations et sollicite la confirmation de la décision querellée.

Monsieur [S] a eu la parole en dernier. Il a expliqué que l'attestation d'hébergement est celle de sa belle-s'ur , femme de son frère. Il a bien compris qu'en raison de son comportement et son casier judiciaire ,il devait quitter le territoire français. Cependant il voudrait pouvoir dire au revoir à sa famille à ses frères et s'urs, à sa fille dans de bonnes conditions et être assigné à résidence jusqu'à son départ pour le Sénégal.

MOTIVATION

- Sur la recevabilité de l'appel

La déclaration d'appel régulièrement motivée a été formée dans le délai légal, elle est donc recevable.

- Sur l'irrégularité de la procédure de placement rétention

Il est soutenu que Monsieur [S] a été placé en rétention le 10 avril 2024 à 9h40 et ce n'est que seulement à 11h20 que ses droits d'accès aux associations et à la possibilité de demander l'asile politique lui ont été notifiés .

Il y a une erreur dans la lecture du dossier. À sa levée d'écrou à la maison d'arrêt de [Localité 2] en Dordogne le 10 avril 2024 à 9h40 , il a été signifié à Monsieur [S] ( page 19 et 20) qu'il faisait l'objet d'une décision de placement en rétention. Au même endroit à 9h45, il lui a été notifié qu'il avait des droits en rétention administrative avec l'énoncé de l'ensemble des droits. Et c'est à son arrivée au centre de rétention de [Localité 1] qu'il a signé les formulaires à 11h20 relatifs à ses droits d'accès aux associations et à sa possibilité de solliciter l'asile politique. Il a été fait une juste application des textes. Il n'y a pas de griefs pour Monsieur [S] , ce d'autant plus que la remise des documents intervient dans un temps proche de la décision de placement en rétention, le temps nécessaire du délai de route. Par ailleurs, la remise des documents se fait toujours au sein du CRA et pas au moment de la signification de la décision de placement en rétention.

Il y a rejeter le moyen soulevé

- Sur la vie privée et familiale de Monsieur [S]

S'il n'est pas contesté que Monsieur [S] ait de la famille en France, il en demeure pas moins qu'il ne peut justifier de liens forts avec sa fratrie, ce d'autant plus que ce dernier a été incarcéré à de multiples reprises et que ces liens ne peuvent être que très distendus. Il a également une fille majeure qui si elle le souhaite pourra voir son père dans son pays d'origine. Le Sénégal est un pays qui est a priori sans risque, un pays touristique où ce sont même installés des Français notamment retraités.

En tout état de cause Monsieur [S] ne justifie pas par des documents, écrits, courriers, photographies les attaches qui le lient à sa famille laquelle en raison de son comportement délinquantiel a certainement légitimement de guerre lasse baisser les bras.

Le moyen soulevé ne peut prospérer.

- Sur le placement en rétention ministre administrative et les garanties de représentation

Il résulte de l'article L 741'1 du CESEDA que peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentations effectives propres c'est-à-dire notamment lorsqu'il existe un risque que l' étranger se soustrait à cette obligation, risque qui, selon les mêmes dispositions peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution de précédente mesure d'éloignement ou lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentations suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité.

Monsieur [S] ne dispose pas d'un passeport en cours de validité. L'attestation rédigée par Madame [Y] [G] qui serait sa belle-s'ur, femme de son frère est extrêmement laconique, elle indique pouvoir héberger Monsieur [S] sans plus d'indications sur la durée de l'hébergement et sur la prise en charge financière de Monsieur [S] lequel n'est pas en mesure de travailler en raison sa situation d'étranger en situation irrégulière, s' il avait des velléités de recherches d'emploi, ce que la lecture de son casier judiciaire ne laisse pas présager.

Il est à craindre un risque de fuite car Monsieur [S] ne souhaite pas rentrer dans son pays d'origine même s'il indique à l'audience qu'il a conscience qu'il doit rentrer dans son pays d'origine en raison de ses actes de délinquance.

Ce dernier depuis de très nombreuses années n'a eu que de cesse d'avoir un comportement déviant compromettant très gravement l'ordre public. Il a été condamné à 25 reprises pour des faits délictuels d'atteintes aux biens, d'outrages sur une personne chargée de mission de service public, rébellion, des délit routiers, des violences par concubin etc. Il a été condamné par la cour d'assises pour des faits de viol sur sa compagne.

Il est important que Monsieur [S] reste sous main de justice jusqu'à son départ dans son pays d'origine. Par son attitude, il a montré son refus de s'intégrer sur le sol français notamment par le travail et son irrespect de la loi et des principes fondamentaux de la République.

L'assignation à résidence est impossible juridiquement et est également insuffisante à garantir le départ de Monsieur [S] pour le Sénégal qui a passé la majeure partie son existence en France.

'Sur le défaut de diligences

Il résulte des dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA qu'un étranger ne ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ.

Il résulte de ce texte que le placement ou le maintien en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l'objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l'autorité administrative lorsque les perspectives d'éloignement effectives du territoire à brève échéance sont inexistantes.

Le conseil constitutionnel a par ailleurs dans une décision en date du 20 novembre 2003 indiqué que : « l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment, la prolongation du maintien en rétention lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ».

La seule exigence du CESEDA, au visa de l'article L 742-1 porte sur la saisine rapide des autorités consulaires. Il a été jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, pourvoi du 9 juin 2010, que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse et qu'il n'y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat.

Afin de permettre un départ le plus rapide de Monsieur [S] vers le Sénégal, l'autorité préfectorale a sollicité par courriel le 9 avril 2024 les autorités consulaires sénégalaises afin d'obtenir un laissez-passer consulaire pour l'intéressé avant même son arrivée au centre de rétention administratif. Enfin, afin de faciliter les recherches, figurent parmi les pièces, la copie du passeport au Sénégalais de l'intéressé qui expiré depuis le 7 juillet 2008.

Il appartiendra à l'autorité préfectorale au cours de cette première prolongation de veiller au bon déroulement des diligences auprès des autorités consulaires sénégalaises en effectuant des relances même si ces dernières ne sont pas obligatoires.

Il y a lieu en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de première instance.

- Sur les frais irrépétibles et l'aide juridictionnelle provisoire

Il a lieu d'indiquer que chaque partie conservera à ses frais les dépenses engagées par elle. En revanche, il y a lieu d'accorder à Monsieur [E] [S] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction au profit de Me Okah Atenga CRESCENCE MARIE FRANCE .

Par ces motifs :

La cour, statuant après débats en audience publique et en dernier ressort ;

Déclare l'appel recevable en la forme mais mal fondé ;

Accorde à Monsieur [E] [S] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction au profit de Me Okah Atenga CRESCENCE MARIE FRANCE

Confirme l'ordonnance du juge des libertés la détention du 12 avril 2024 à 15 heures 05 en toutes ses dispositions ;

Rejette toute autre demande ;

Dit que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile, 

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 24/00088
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;24.00088 ?
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