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17/04/2024 | FRANCE | N°21/04513

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 avril 2024, 21/04513


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 17 AVRIL 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/04513 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIHQ















Monsieur [V] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 33063/02/21/19170 du 02/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



S.A.S. SOCIETE DU GOLF DU PIAN MEDOC




>











Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 juillet 2021 (R.G. n°F19/01634) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORD...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 AVRIL 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/04513 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MIHQ

Monsieur [V] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 33063/02/21/19170 du 02/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.A.S. SOCIETE DU GOLF DU PIAN MEDOC

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 juillet 2021 (R.G. n°F19/01634) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 02 août 2021,

APPELANT :

Monsieur [V] [B]

né le 30 janvier 1971 à [Localité 5] de nationalité française

Profession :pProfesseur de sport, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]

représenté par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAS Golf du Pian Médoc, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3] - [Localité 1]

N° SIRET : 340 386 051 00023

représentée par Me Christophe BIAIS de la SELARL BIAIS ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [V] [B], né en 1971, a été engagé en qualité de caddy master practiceman par la SAS Golf du Pian Médoc par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mai 2007.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du golf.

Le 11 octobre 2019, une altercation a eu lieu entre M. [B] et un de ses collègues de travail, M. [M], caddy-master comme lui, engagé depuis le 18 février 2019 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée qui prenait fin le 31 octobre 2019.

Par lettre adressée le jour des faits, la société a notifié à M. [B] sa mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 14 octobre 2019, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 18 octobre 2019.

M. [B] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 26 octobre 2019.

A la date du licenciement, M. [B] avait une ancienneté de 12 ans et 5 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

M. [M] a fait l'objet d'une rupture anticipée de son contrat pour faute grave par lettre du 26 octobre 2019.

Le 20 novembre 2019, soutenant que la rupture de son contrat est abusive et vexatoire et réclamant des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de préserver sa santé et sa sécurité, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour procédure vexatoire ainsi que le paiement du salaire retenu durant la période de mise à pied conservatoire, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux.

Par jugement rendu le 23 juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté M. [B] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Golf du Pian Medoc de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- débouté la société Golf du Pian Médoc de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [B] aux dépens.

Par déclaration du 2 août 2021, M. [B] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 novembre 2022, M. [B] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau de :

- condamner la société du Golf du Pian Médoc à lui payer les sommes suivantes :

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de préserver la santé et la sécurité du salarié,

* 30.000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 834,09 euros bruts au titre du salaire indument retenu durant la période de

mise à pied conservatoire,

* 83,41 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente au salaire indument retenu durant la période de mise à pied conservatoire,

* 4.604,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 460,45 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

* 7.738,12 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

* 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* les dépens,

* les intérêts au taux légal,

Pour le surplus, confirmer le jugement dont appel,

- ordonner, la remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la

notification de la décision à intervenir d'un certificat de travail rectifié mentionnant la période de préavis,d'une attestation destinée à Pôle Emploi et d'un bulletin de paie rectifiés en considération des condamnations à intervenir.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 octobre 2022, la société du Golf du Pian Médoc demande à la cour de :

- déclarer M. [B] recevable mais mal fondé en son appel, de l'en débouter et de confirmer la décision entreprise en l'ensemble de ses dispositions,

- condamner M. [B] à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] aux dépens, en ce compris les frais et honoraires éventuels de l'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 27 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement adressée le 26 octobre 2019 est ainsi rédigée

« (')

Faisant suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 18 octobre 2019, au cours duquel nous vous avons entendu dans vos explications qui ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits fautifs qui vous étaient reprochés, nous nous voyons contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour les motifs énoncés ci-après.

1. Vous avez été engagés en qualité de caddy Master Practiceman, catégorie employé, groupe 1, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 mai 2007.

Vous êtes tenu à ce titre de réaliser un travail d'entretien et de gestion de matériel sur

l'ensemble des lieux stratégiques du Golf Du Médoc Resort (practice, caddy-master,

parcours').

Vous êtes ainsi en contact au quotidien avec la clientèle de notre golf.

2. Le vendredi 11 octobre dernier dans l'après-midi, une violente altercation est survenue entre vous et Monsieur [Z] [M], caddy-Master embauché dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée depuis le 18 février 2019.

Alors que vous vous trouviez tous deux dans le pro-shop, vous avez interpellé de manière véhémente Monsieur [M], tout en l'agrippant par le col de son vêtement

et en le poussant.

Vous êtes alors rentrés ensemble dans la boutique. Vous avez continué à agresser

Monsieur [M], en présence de deux de vos collègues, Mesdames [O] [G] et [U] [P], hôtesses d'accueil, ainsi que devant plusieurs clients. Vous avez également tous deux tenu des propos insultants l'un envers l'autre.

Monsieur [A] [W], Directeur Opérationnel du Golf, qui était également présent dans la boutique est alors intervenu en vous demandant de quitter les lieux et de vous diriger vers l'extérieur afin de pouvoir discuter avec vous.

Il vous a ainsi conduits tous deux dans une zone située à l'écart de la clientèle, afin de discuter avec vous et de tenter d'apaiser la situation.

En dépit de ses efforts, vous avez tous deux continué à vous énerver et avez continué

à tenir des propos insultants (« fils de pute » et autres termes du même acabit).

Vous avez alors eu de nouveaux gestes agressifs à l'égard de Monsieur [M] en le poussant violemment contre un mur. Ce dernier est tombé au sol et a percuté des sacs de golf.

Monsieur [W] vous a alors séparés. Il vous a demandé d'aller effectuer un

ramassage de balles sur le practice et a invité Monsieur [M] à prendre sa pause

déjeuner.

3. Un peu plus tard, une nouvelle altercation est survenue entre vous et Monsieur [M] sur le practice, à l'arrière d'une des cabanes et à proximité du ramasse de balles.

Monsieur [L] [K], enseignant de golf, qui se trouvait à proximité directe, a ainsi été contraint d'interrompre sa leçon sur le practice, compte tenu des importants éclats de voix survenus entre Monsieur [M] et vous-même.

Il s'est rapproché afin de vous demander de cesser de crier.

A son arrivée, il a constaté qu'une rixe était en cours et que des coups avaient été

portés de part et d'autre.

Face à cette situation inacceptable intervenue à la vue de tous, Monsieur [K] s'est alors interposé entre vous afin que vous cessiez vos agissements.

Il est alors retourné vers son client afin de poursuivre sa leçon. Ce dernier a été choqué par la scène qui s'est déroulée à quelques mètres de lui.

Il nous a également été rapporté qu'en dernier lieu, vous êtes rentré dans le pro-shop

à la suite de Monsieur [M] où, une nouvelle fois, vous avez menacé ce dernier en l'invectivant violemment, en présence de l'hôtesse d'accueil précitée ainsi que de

plusieurs clients. Vos différents emportements physiques et verbaux survenus dans l'enceinte du Golf nous ont ainsi été relatés et confirmés par plusieurs collaborateurs.

Tous ont exprimé leur stupéfaction face aux comportements violents dont ils ont été

été les témoins directs.

Compte tenu de la gravité des faits survenus, vous avez fait l'objet d'une mise à pied

à titre conservatoire le jour même.

4. Ces agissements violents que vous avez eus dans l'enceinte du Golf, durant votre temps de travail, à proximité directe de vos collègues, ainsi que de différents clients, est inadmissible.

Une telle attitude est en effet incompatible avec le bon fonctionnement de notre société et porte atteinte à l'image de marque du Golf du Médoc Resort, ce qui n'est pas acceptable.

Ces agissements sont également contraires à vos obligations contractuelles les plus

essentielles à l'égard de la société, ainsi qu'aux dispositions de notre règlement intérieur relatives aux règles générales de comportement des salariés, selon lesquelles notamment « chaque salarié doit respecter les règles élémentaires de savoir-vivre et de savoir-être en collectivité. Toute rixe, injure, insulte, comportement agressif, incivilité est interdit dans l'entreprise. »

Lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 18 octobre dernier, nous avons évoqué

les agissements graves qui vous sont imputés.

Vous avez confirmé le déroulement des faits survenus le 11 octobre dernier.

5. Nous ne pouvons tolérer un tel comportement et de tels actes au sein du Golf du Médoc Resort.

Ces faits d'une particulière gravité rendent impossible la poursuite de votre contrat de

travail.

(...) ».

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige.

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

En premier lieu, il sera relevé que le déroulement des faits tel que décrit par la lettre de licenciement comporte quelques inexactitudes ou, à tout le moins un caractère incertain, au regard des pièces versées aux débats par chacune des parties à savoir :

- pour le salarié :

* sa lettre du 14 octobre 2015 dans laquelle il manifeste son incompréhension de la mesure de mise à pied à titre conservatoire qui lui a été notifiée le 11 octobre, exposant qu'alors qu'il ramassait des balles sur le practice, il a été agressé par M. [M] qui l'a injurié en le traitant de 'fils de pute', il a lui-même proféré cette injure en réponse mais ne pouvait imaginer que M. [M] allait alors ramasser une barre métallique munie de crochets pour le frapper à plusieurs reprises avec cet instrument ; dans ce courrier, il ajoute que c'est le professeur de golf, M. [L] [K] qui est accouru et a arrêté son collègue ;

* un certificat médical du 12 octobre 2015 qui atteste de blessures et hématome à la main gauche ;

* un certificat du 14 octobre confortant ces lésions et relevant aussi des hématomes sur le pied et la cuisse gauches ;

* l'audition de M. [L] [K] par les services de gendarmerie, suite à la plainte déposée par M. [B] - qui a été classée sans suite -, qui a déclaré qu'entendant une dispute assez violente, il s'est approché et a vu M. [M] 'assez menaçant', avec 'dans la main une barre en fer avec des petits crochets au bout' face à M. [B] qui 'était en train d'enlever ses appareils auditifs' [celui ci est malentendant et reconnu à ce titre comme travailleur handicapé] et qui 'avait du sang sur lui'; M. [K] a précisé qu'il s'était interposé entre les deux protagonistes pour qu'ils se calment, ce qu'ils ont fait, que M. [M] avait tourné les talons et qu'il avait conseillé à M. [B] d'aller voir le directeur pour lui relater l'incident ; il a ajouté avoir senti qu'il y avait depuis plusieurs semaines une tension entre eux deux mais qu'il n'avait assisté à aucune autre altercation ;

* la lettre du 18 octobre 2015, adressée par M. [B] à la suite de l'entretien préalable au licenciement, dans laquelle il a reconnu qu'il n'aurait pas dû prendre M. [M] par le pull, mais que ce mauvais geste avait été provoqué par le désir de savoir la vérité sur 'une dénonciation comme quoi j'avais utilisé mon téléphone', précisant ne l'utiliser que pour le travail ; or, lorsqu'il a demandé à M. [M] si c'était lui qui l'avait dénoncé, celui-ci a répondu oui, M. [B] expliquant ainsi son geste de le saisir par le pull et ajoutant que M. [M] avait alors levé le poing et l'avait plaqué au mur ; M. [B] indique ensuite dans ce courrier que c'est M. [M] qui est venu le retrouver sur le practice, lui a demandé de le suivre dans le bois et qui l'a ensuite frappé à plusieurs reprises avec la barre métallique ;

* la lettre qu'il a adressée le 4 novembre où il explique que, s'étant vu reprocher par le directeur, M. [W], le jeudi 10 [soit la veille de l'altercation], de passer son temps au téléphone, il a cherché à comprendre le lendemain et constatant que c'était M. [M] qui était à l'origine de ce reproche, l'a pris par le pull, cet incident ayant lieu à l'extérieur, devant la station de lavage ; c'est ensuite quils seraient entrés dans la boutique - M. [B] démentant y avoir tenu des propos injurieux -, où M. [W] [appelé par les salariées de la boutique] leur a demandé de sortir puis a prié M. [B] de venir avec lui, dans le couloir à l'arrière de la boutique, indiquant à M. [M] qu'il le verrait ensuite ; M. [M] les a néanmoins rejoints ; M. [B] reconnaît l'avoir poussé contre des sacs sans qu'il tombe au sol et M. [M] l'aurait alors plaqué contre le mur en levant le poing, mouvement que M. [W] a arrêté en lui demandant de sortir ; c'est après le déjeuner que M. [M] l'a retrouvé sur le practice et l'a frappé.

- pour la société :

* l'attestation de M. [W] qui déclare avoir été alerté par Mme [G], hôtesse d'accueil du golf, en fin de matinée et avoir trouvé M. [B] et M. [M], au pied des escaliers en train de s'injurier ; il indique avoir demandé à M. [M] de quitter le couloir où il avait convié les deux protagonistes afin de discuter calmement de la situation avec M. [B] mais que M. [M] 's'est invité à la conversation en ouvrant la porte pour dire à Monsieur [B] « c'est la dernière fois que tu me prends par le col et me pousse ». A ce moment-là, Monsieur [B] s'est emporté violemment en agrippant Monsieur [M] par le col et le plaquant contre le mur et les sacs de golf. Ce dernier, en se relevant a agrippé à son tour Monsieur [B] et a levé le point. Je me suis interposé et j'ai demandé à Monsieur [M] de nous laisser terminer notre tête à tête et que je le verrai après ma discussion avec Monsieur [B].

Après une vingtaine de minutes de discussion avec Monsieur [B] dans une ambiance calme et sereine, j'ai demandé à Monsieur [B] d'aller ramasser les balles au practice et de finir sa journée dans le calme.

Par la suite j'ai fait mon point avec Monsieur [M] en présence de Madame [Y] [I] [H], déléguée du personnel afin de calmer également le jeu.

Quelques heures plus tard, en sortant des vestiaires, je me suis retrouvé avec Monsieur [B] la main en sang, suite à quoi j'en ai informé ma direction.'

* l'attestation de Mme [G] qui déclare : 'Ce matin-là en fin de matinée, j'ai assisté en premier lieu à une altercation verbale et physique entre Monsieur [M] et [B]. Monsieur [M] est venu vers moi pour me demander de faire venir le directeur en la personne de Monsieur [W].

Quand Monsieur [W] s'est rendu au proshop, les deux personnes étaient en pleine altercation verbale et de violentes insultes comme 'connard' de Monsieur [B]. Monsieur [W] leur a donc demandé de se rendre dans la réserve et loin des clients présents et a tenté de calmer les deux personnes.

Je m'occupais d'un client au desk lorsque les violences verbales sont devenues de plus en plus forte, j'ai donc voulu leur dire de parler moins fort car l'altercation s'entendait depuis la boutique. En ouvrant la porte, j'ai vu Monsieur [B] empoigner par le col Monsieur [M] pour le projeter contre le mur et les sacs de Golf, Monsieur [M] s'est donc relevé l'a attrapé par le col et a levé la main sans le frapper, choquée par la scène j'ai donc refermé la porte. Le client a vu la scène lorsque j'ai ouvert la porte et a aussi été choqué.

Monsieur [W] a donc séparé les deux personnes.'

* l'attestation de Mme [P], également hôtesse d'accueil du golf, qui déclare : 'J'ai été présente lorsque Monsieur [W] s'est rendu au proshop, pour tenter de calmer la situation dans la réserve à l'abri du regard des clients.

Depuis notre poste d'accueil avec ma collègue nous entendions le ton monter, des violences verbales, ma collègue [O] a voulu les prévenir du fait que depuis la boutique nous entendions tout. Un client a assisté à la scène, choqué

Le calme semblé revenir, Monsieur [M] été au proshop avec moi pour essayer de se calmer, lorsque Monsieur [B] est venu lui aussi à la boutique pour chercher de quoi soigner sa main mais aussitôt voyant Monsieur [M] il l'a agressé violemment.

Monsieur [B] a recommencé à insulter Monsieur [M] puis a collé son front en le menaçant de le frapper, je leur ai alors demandé de sortir de la boutique, Monsieur [M] c'est donc rendu dans le bureau de la direction.'

De la confrontation de ses différentes pièces, il ressort les éléments suivants :

- l'origine des incidents survenus réside dans le fait qu'il a été reproché à M. [B] d'utiliser le téléphone à des fins personnelles pendant son temps de travail, sur la foi d'une 'dénonciation' de son collègue M. [M] ;

- l'altercation s'est déroulée en 'trois temps' :

* premier temps : en fin de matinée du 11 octobre 2019, M. [B] demande des 'comptes' à M. [M], qui lui confirme être à l'origine de la dénonciation au sujet de l'utilisation de son téléphone à des fins personnelles, fait qui n'est pas établi par le complément apporté à son attestation initiale par M. [W] qui indique seulement 'avoir réprimandé oralement M. [B] sur l'usage abusif de son téléphone portable pendant les heures de travail pour des affaires personnelles non urgentes' sans plus de précision, tout en indiquant avoir 'en mai 2020 [sans doute plutôt 2019] mis en place un téléphone portable sur l'ensemble des caddy-masters afin de réduire l'usage téléphonique personnel de M. [B].

De l'aveu même du salarié, M. [B] a alors agrippé M. [M] par le pull, premier incident qui se déroule à l'extérieur mais se poursuit dans la boutique où les protagonistes échangent des noms d'oiseaux qui conduisent l'une des hôtesses d'accueil à alerter le directeur, M. [W] ;

* deuxième temps : M. [W] éloigne les deux protagonistes de la boutique et souhaite s'entretenir avec seulement M. [B], instruction que M. [M] ne respecte pas en revenant et se montrant verbalement menaçant envers M. [B] ; celui-ci pousse alors M. [M] sur des sacs de golf contre le mur, sans qu'il soit établi que celui-ci est tombé au sol, M. [M] agrippant à son tour M. [B] et levant le poing ;

* troisième temps : alors que les deux salariés ont été invités par leur directeur à retourner calmement à leurs missions respectives, M. [M] est revenu à la charge en allant retrouver M. [B] sur le lieu de ses occupations et a provoqué un nouvel incident au cours duquel il a frappé à plusieurs reprises M. [B] avec une barre métallique, occasionnant plusieurs lésions à celui-ci.

L'existence d'un quatrième temps, à savoir la reprise d'une nouvelle altercation au sein de la boutique ne repose que sur les déclarations de Mme [P] et est contredite tant par les déclarations de M. [B] que par celles de M. [W].

De l'ensemble de ces éléments, il ressort que M. [B] est incontestablement à l'origine des incidents survenus le 11 octobre 2019 en ayant au départ reproché à M. [M] de l'avoir dénoncé à tort et en ayant 'agrippé par le pull' ce collègue en raison de cette dénonciation qu'il estimait injustifiée car il n'abusait pas de son téléphone, abus qui n'est pas établi du moins à la date des faits.

La suite des événements est principalement imputable à M. [M] :

- qui l'a injurié, provoquant en retour des insultes de M. [B] qui se sont poursuivies au sein du 'proshop' ;

- qui, malgré la demande de M. [W], s'est ensuite imposé pour 'relancer' la querelle dans l'entretien que celui-ci avait avec M. [B], le directeur ayant séparé les deux protagonistes dans le but au contraire d'apaiser la situation ;

- qui a poursuivi dans le même esprit la discorde en rejoignant dans l'après-midi M. [B] et l'a frappé à plusieurs reprises avec une barre métallique en lui occasionnant plusieurs lésions.

Si la première réaction de M. [B] présentait ainsi un caractère fautif notamment au regard du règlement intérieur de l'entreprise, elle ne saurait caractériser ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement d'un salarié ayant plus de 12 ans d'ancienneté à la date de la rupture et dont il n'est invoqué aucun passé disciplinaire antérieur, M. [B] produisant plusieurs attestations de clients membres du golf, se déclarant satisfaits de leurs échanges avec celui-ci.

En conséquence, le licenciement de M. [B] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires de M. [B]

Son licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [B] est fondé dans sa demande en paiement au titre du salaire retenu durant la mise à pied à titre conservatoire et des congés payés afférents, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi qu'au titre de l'indemnité de licenciement.

Au vu des bulletins de paie du salarié, d'un salaire de référence fixé à la somme revendiquée de 2.302,25 euros au regard de l'attestation Pôle emploi qui lui a été délivrée et de l'ancienneté de M. [B], la société sera condamnée à lui payer les sommes suivantes :

- 834,09 euros bruts au titre du salaire retenu durant la mise à pied à titre conservatoire outre 83,41 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 4.604,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 460,45 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 7.738,12 euros au titre de l'indemnité de licenciement calculée en application des dispositions légales auxquelles renvoie la convention collective.

***

M. [B], justifiant être resté sans emploi stable jusqu'en avril 2022 et avoir subi une perte de revenus de près de 40.000 euros, sollicite la somme de 30.000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son licenciement.

Eu égard à son ancienneté et à l'effectif de l'entreprise, l'indemnité résultant des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail est comprise entre 3 et 11 mois de salaire brut.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 14.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de

chômage versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités.

***

M. [B] sollicite par ailleurs le paiement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, soutenant avoir été atteint dans sa dignité par sa mise à pied immédiate devant ses collègues le jour même des faits et sans que sa parole soit prise en considération.

Les circonstances qu'il invoque ne sont pas établies, la mise à pied ayant été envoyée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par l'employeur.

M. [B] a donc été à juste titre débouté de sa demande de ce chef par les premiers juges.

***

M. [B] sollicite enfin le paiement d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur.

Au soutien de cette demande, il prétend que M. [M] avait des 'problèmes comportementaux' avec des membres du club, dénoncés dans ses courriers et non contestés par l'employeur, et invoque les blessures qu'il a subies, soulignant qu'eu égard à son handicap, il n'avait lui aucun caractère belliqueux, voulant éviter le risque d'abimer son appareillage coûteux.

*

D'une part, les prétendus problèmes comportementaux de M. [M] ne sont étayés par aucune pièce.

D'autre part, les courriers invoqués par M. [B] sont ceux qu'il a adressés postérieurement à sa mise à pied et à l'entretien préalable les 14 et 18 octobre 2019.

Enfin, il a été reconnu ci-avant que c'était M. [B] qui était à l'origine des incidents survenus même si M. [M] a aussi contribué largement aux altercations qui ont suivi, faisant preuve d'un comportement qui n'était pas prévisible pour l'employeur, auquel aucun manquement à son obligation de sécurité ne peut être reproché, M. [W] étant intervenu dès qu'il a été alerté.

Le jugement déféré qui a débouté Monsieur [B] de sa demande à ce titre sera en conséquence confirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive présentée par la société

En cause d'appel, la société sollicite la condamnation de M. [B] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil, estimant abusive la procédure engagée par celui-ci à son encontre.

Ainsi que le fait valoir M. [B], en application des dispositions des articles 910 et 910-4 du code de procédure civile, cette demande est irrecevable comme n'ayant pas été présentée dans les premières écritures adressées le 20 janvier 2022 par la société, soit dans le délai de trois mois suivant les premières conclusions de l'appelant.

Sur les autres demandes

La société devra délivrer à M. [B] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

La société qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens.

M. [B], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie pas de frais irrépétibles qu'il aurait engagés en sorte que sa demande en paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare irrecevable la demande de la société Golf du Pian Médoc à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire et pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de M. [B] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Golf du Pian Médoc à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 834,09 euros bruts au titre du salaire retenu durant la mise à pied à titre conservatoire outre 83,41 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 4.604,50 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 460,45 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 7.738,12 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 14.000 euros. à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par la société Golf du Pian Médoc aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [B] depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Dit que la société Golf du Pian Médoc devra délivrer à M. [B] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute M. [B] de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société Golf du Pian Médoc aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/04513
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;21.04513 ?
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