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17/04/2024 | FRANCE | N°21/02936

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 avril 2024, 21/02936


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 17 AVRIL 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02936 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD3A















Madame [M] [N]



c/



Société Fondation DUBOIS

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse

délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 avril 2021 (R.G. n°F 18/00187) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 mai 2021,





APPELANTE :

Madame [M] [N]

née le 02 Février 1981 à [Localité 4] de nationalité Fra...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 AVRIL 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02936 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD3A

Madame [M] [N]

c/

Société Fondation DUBOIS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 avril 2021 (R.G. n°F 18/00187) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 20 mai 2021,

APPELANTE :

Madame [M] [N]

née le 02 Février 1981 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Florence BACHELET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Société Fondation Dubois, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 781 857 909 00019

représentée par Me Claire ANDRIEUX de la SELARL ACT'IN PART, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [M] [N], née en 1981, a été engagée en qualité d'infirmière coordinatrice par la Fondation Dubois par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 20 août 2012.

Par avenant signé le 30 avril 2013, rétroactif à la date de prise d'effet du contrat de travail, le temps de travail de Mme [N] a été porté à 38 heures par semaine et cette dernière s'est vue attribuer en contrepartie 18 jours de récupération de temps de travail par an.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 (FEHAP).

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [N] s'élevait à la somme de 3.304,63 euros.

Par courrier du 21 décembre 2016, Mme [N] a été convoquée à un entretien, fixé au 3 janvier 2017, en vue d'une sanction disciplinaire.

Le 4 janvier 2017, Mme [N] a été placée en arrêt de travail, prorlongé jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

Le 22 avril 2017, Mme [N] a contesté l'avertissement qui lui a été notifié.

La caisse primaire d'assurance maladie a notifié à la Fondation Dubois le 16 mai 2017 le refus de prise en charge d'une maladie de Mme [N] au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 29 septembre 2017, Mme [N] a déposé une requête devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale en reconnaissance d'une maladie profressionnelle.

Lors de la visite de reprise du 21 novembre 2017, Mme [N] a été déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail qui a précisé que 'l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Par lettre datée du 30 novembre 2017, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 décembre 2017.

Mme [N] a ensuite été licenciée pour inaptitude par lettre datée du 15 décembre 2017.

A la date du licenciement, Mme [N] avait une ancienneté de cinq ans et trois mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 3 décembre 2018, Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Libourne, demandant la nullité des avertissements des 21 décembre 2016 et 26 janvier 2017, la requalification du licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour la nullité des avertissements et à titre subsidiaire des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et sécurité au travail.

Par jugement rendu le 9 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que l'avertissement du 21 décembre 2016 est justifié et proportionné,

- dit que le licenciement pour inaptitude est fondé et valide,

- condamné Mme [N] à payer la somme de 250 euros à la Fondation Dubois à titre d'indemnité, en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens.

Par déclaration du 20 mai 2021, Mme [N] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 23 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 décembre 2023, Mme [N] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel, la déclarer bien fondée,

- réformer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- prononcer la nullité des avertissements des 21 décembre 2016 et 26 janvier 2017,

En conséquence,

- condamner la Fondation Dubois à lui verser la somme de 6.609, 26 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

Sur le licenciement, à titre principal,

- prononcer la nullité du licenciement,

En conséquence,

- condamner la Fondation Dubois à lui verser les sommes suivantes :

* 13.218,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.321,85 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 23.132,43 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

Sur le licenciement, à titre subsidiaire :

- prononcer le caractère abusif et sans cause réelle et sérieuse du licenciement,

En conséquence,

- condamner la Fondation Dubois à lui verser les sommes suivantes :

* 13.218,53 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.321,85 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 23.132,43 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner la Fondation Dubois à lui verser la somme de 39.653,56 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et sécurité au travail,

- condamner la Fondation Dubois à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommage et intérêts pour manquements aux obligations contractuelles en matière de formation,

- débouter la Fondation Dubois de toutes ses demandes,

- ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés selon les termes de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision,

- condamner la Fondation Dubois à lui verser la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Fondation Dubois aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 janvier 2024, la Fondation Dubois demande à la cour de':

- juger irrecevable la demande nouvelle en appel de sa condamnation pour manquements aux obligations contractuelles en matière de formation,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, débouter Mme [N] de ses demandes nouvelles tendant aux mêmes fins :

* de voir prononcer la nullité d'avertissement,

* de voir prononcer la nullité du licenciement,

* de voir prononcer le caractère abusif des avertissements,

* de voir prononcer la condamnation de la Fondation Dubois à des dommages

et intérêts pour manquement à l'obligation de santé et sécurité au travail,

* de voir prononcer la condamnation de la Fondation Dubois à des dommages

et intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

En conséquence,

- la débouter de toutes ses demandes annexes indemnitaires et de dommages et intérêts,

A titre infiniment subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts,

- débouter Mme [N] de toutes autres demandes,

- condamner Mme [N] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 6 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles

La Fondation Dubois soutient que la demande de condamnation formulée par Mme [N] au titre du non respect de l'obligation de formation n'a pas été formulée par cette dernière devant les premiers juges et constitue donc une nouvelle demande.

L'intimé demande à la cour que cette prétention soit dite irrecevable en application des articles 564 et 566 du code de procédure civile dans la mesure où le droit à la formation est indépendant de la mise en oeuvre d'une sanction disciplinaire et d'un licenciement pour inaptitude.

Par ailleurs, la Fondation Dubois précise que la demande de Mme [N] de voir son licenciement jugé nul ne constitue pas une demande nouvelle, la salariée ayant d'ores et déjà contesté son licenciement en première instance en demandant qu'il soit dit dénué de cause réelle et sérieuse.

Mme [N] considère, quant à elle, que la demande au titre du droit à la formation est recevable puisqu'elle est fondée sur le manquement de l'employeur à ses obligations au titre de l'exécution du contrat de travail et que des demandes étaient formulées devant les premiers juges au titre de l'obligation de santé et sécurité au travail.

*

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 566 du même code dispose que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge des demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément.

Si la demande de Mme [N] de voir jugé nul son licenciement ne constitue pas une demande nouvelle devant la cour dans la mesure où la contestation du licenciement était déjà soumise aux premiers juges, la demande de condamnation de son employeur à la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquements aux obligations contractuelles en matière formation est une demande nouvelle de l'appelante au sens des articles précités.

Mme [N] sollicitait devant le conseil de prud'hommes des demandes au titre de la contestation des avertissements et de son licenciement ainsi qu'une demande subsidiaire pour manquement à l'obligation de santé et sécurité au travail.

L'obligation de formation n'est pas comprise dans les prétentions soumises au premier juge, elle ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes précitées formulées devant le premier juge.

Dès lors, cette demande est irrecevable.

Sur l'avertissement

L'appelante soutient que la sanction prononcée le 26 janvier 2017 est nulle en raison de la violation de la règle non bis in idem et que celle prononcée le 21 décembre 2016 est nulle en raison du non-respect de la procédure disciplinaire, l'employeur ayant choisi de respecter les termes de la procédure fixée à l'article L.1332-2 du code du travail.

En tout état de cause, elle indique que ces sanctions sont nulles en raison de l'absence de comportement fautif de la salariée.

La Fondation Dubois fait valoir l'existence d'un seul avertissement, valide, fondé et proportionné au regard des trois griefs reprochés à Mme [N] et dont la matérialité est établie.

*

Le courrier du 21 décembre 2016 est intitulé 'convocation à un entretien préalable avant sanction disciplinaire'. Il détaille les faits reprochés à Mme [N], convoque cette dernière à un entretien fixé au 3 janvier 2017 en donnant la possibilité à la salariée de se faire assister et mentionne également 'les manquements que vous avez récemment commis nous contraignent aujourd'hui à vous notifier un avertissement. Nous vous invitons à vous reprendre de manière à ce que, à l'avenir, de tels faits ne se reproduisent plus'.

Ce courrier constitue donc un avertissement notifié à Mme [N].

Le courrier du 26 janvier 2017, dont l'objet est 'confirmation de sanction disciplinaire', a été établi postérieurement à l'entretien précité du 3 janvier 2017. Il fait uniquement référence à cet entretien puis indique : 'l'entretien que nous avons eu ne nous a pas permis de modifier notre avis sur les faits qui vous sont reprochés. De ce fait, nous confirmons l'avertissement annoncé dans notre courrier du 21 décembre 2016".

Ce courrier ne constitue pas une sanction disciplinaire, il confirme la sanction déjà notifiée, en la visant.

Dans le courrier du 21 décembre 2016, la Fondation Dubois fait le choix de convoquer la salariée à un entretien préalable avant sanction disciplinaire.

Toutefois, dans ce même courrier, il fixe la date de l'entretien et notifie la sanction avant même que l'entretien ne se déroule.

Dès lors qu'il a choisi de convoquer la salariée selon les modalités de l'article L.1332-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'en respecter tous les termes, quelle que soit la sanction finalement infligée.

En notifiant à Mme [N] un avertissement dans ce courrier sans attendre l'entretien annoncé et sans respecter les délais imposés par le code du travail, l'intimé n'a pas respecté la procédure, l'avertissement est donc irrégulier.

Le défaut d'entretien préalable et le non respect du délai de cinq jours ouvrables constituent une irrégularité mais ne peuvent permettre d'annuler la sanction disciplinaire litigieuse, étant précisé qu'aucune demande n'est formulée au titre de l'irrégularité de la procédure.

*

Il convient dès lors d'examiner les griefs reprochés à Mme [N] dans l'avertissement du 21 décembre 2016.

L'employeur mentionne dans cette lettre :

' Nous constatons que vous avez gravement failli, ces dernières semaines, à vos missions en tant qu'infirmière coordinatrice au sein de l'EHPAD Fondation Dubois.

Votre comportement a mis à mal la cohésion des équipes que vous devez corrdonner et encadrer. Il remet en cause votre crédibilité vis-à-vis des autres professionnels intervenants, altère l'image de notre établissement à l'égard de partenaire et familles de résidents ; il pose également la question de votre absence de loyauté vis-à-vis de la direction'.

L'avertissement, après une référence à des évènements passés, fait état de trois situations, à l'origine de la sanction disciplinaire.

- Sur le premier grief, soit la décision inadaptée de Mme [N] concernant une résidente, avec répercussions préjudiciables pour cette dernière, sa famille et l'unité mobile de soins palliatifs (UMSP)

Sur ce point l'avertissement est ainsi rédigé :

'Après une période d'hospitalisation, cette résidente, Mme [J], réintègre notre établissement; en lien avec une prise de soins complexe et son anxiété grandissante, il est convenu de faire appel à l'UMSP pour décider, en concertation, des modalités d'accompagnement les plus adaptées sur ce double registre.

Alors que vous validez la date de l'intervention de l'UMSP pour le 6 Décembre 2016, que lors de la réunion du 5 il est convenu que vous représenterez l'équipe soignante, vous ne menez pas votre intervention jusqu'au bout en vous éclipsant lors de la phase essentielle de la rencontre avec la résidente. Il est pourtant primordial que l'établissement soit représenté dans ce moment de concertation et qui se veut rassurant pour la résidente et sa famille.

Non seulement vous n'avez pas mené votre intervention à son terme, mais vous avez aussi reproché à l'UMSP de ne pas vous avoir tenu informée de ce qui s'était dit, tentant ainsi de reporter sur notre partenaire les conséquences préjudiciables de votre départ. En partant inopinément vous vous êtes en effet mise dans l'impossibilité de relayer auprès des équipes d'interventions (soignante, logistique) les décisions prises.

La famille qui attendait légitimement qu'elles soient appliquées a pris à parti l'infirmier (IDE) intervenant le 8 décembre matin, ce qui naturellement pose aussi difficultés'.

La Fondation Dubois fait valoir que la situation de fin de vie est encadrée par un nouveau protocole de soins et de suivi qui génère différentes obligations pour l'infirmière coordinatrice mais ne verse aucune pièce correspondante.

L'employeur affirme sans le démontrer qu'il avait été convenu le 5 décembre 2016 que Mme [N] soit présente pour représenter l'équipe soignante.

Aucune pièce n'est produite pour en justifier.

Il est aussi reproché à Mme [N] de ne pas avoir effectué un suivi immédiat et nécessaire de la résidente au départ de l'équipe UMSP pour relayer aux équipes de l'EHPAD les décisions prises ce qui a généré une altercation entre la famille et une infirmière deux jours plus tard.

Toutefois, aucune pièce ne permet d'en rapporter la preuve.

Au contraire, le Docteur [C] de l'équipe mobile de soins palliatifs atteste le 12 janvier 2017 de son entière satisfaction dans ses collaborations avec la Fondation Dubois, au titre, notamment, de l'accompagnement des résidents avec l'appui soutenu et la collaboration irréprochable de l'infirmière coordinatrice Mme [N].

La matérialité de ce grief n'est donc pas établi.

- Sur le deuxième grief, soit une défaillance de communication, avec répercussions préjudiciables pour l'équipe de soins et renvoi d'une image négative à la famille

Sur ce point, la lettre est ainsi rédigée :

'Le 7 décembre 2016 la fille de Madame [S] n'honore pas le rendez-vous qu'elle a pris avec vous ; sur mon interrogation vous m'indiquez n'être pas informée du motif de ce rendez-vous ; j'apprendrai ultérieurement que la demande faisait suite à un incident ayant eu lieu la semaine précédente avec une aide-soignante à propos duquel vous n'avez pas communiqué.

Nous convenons que vous rappellerez la fille de notre résidente ; sans retour je dois vous interroger pour savoir ce qu'il en a été ; votre réponse : "une bricole'.

Le 9 décembre cependant, un nouvel incident a lieu au cours duquel la fille de Madame [S] réprimande publiquement et violemment une aide-soignante, notamment sur l'alimentation donnée à sa mère : distribution de blédine alors que selon elle, celle-ci est capable de manger une alimentation mixée.

À l'évidence la difficulté était largement plus importante que ce que vous m'en aviez dit.

Le lendemain 10 décembre vous remontez seulement que l'aide-soignante est en souffrance ; vous ne communiquez pas sur ce qui a pu être fait, que ce soit à l'adresse de la soignante mais aussi de la famille. Il me faut en conséquence intervenir : je vous invite à prendre à cette occasion en considération la souffrance de chacun et à veiller à donner les informations nécessaires à la famille pour une bonne compréhension de ce qui se pratique ; vous vous abstenez.

Le 11 décembre c'est donc à la psychologue qu'un membre de l'équipe soignante choisit de s'adresser pour lui demander d'intervenir en urgence auprès de la fille de cette résidente et expliquer que la Blédine constitue un apport alimentaire indispensable.

Une communication adéquate, au moment opportun, aurait permis d'éviter à chacun ces tensions et souffrances ; vous n'avez pas été en capacité de l'appréhender puis d'agir à bon escient alors méme que cela vous a été demandé.

Selon la Fondation Dubois, Mme [N] ne conteste pas les faits reprochés.

Aucun élément n'est versé à l'appui de ce grief. L'employeur estime en effet ne pouvoir communiquer un document de transmission que Mme [N] n'a pas établi.

Mme [N] indique avoir téléphoné à la direction pour expliquer la situation, qu'une réunion équipe-famille et une médiation famiale avec la direction ont été organisés, qu'elle a proposé à l'aide-soignante de compléter une fiche d'évènement indésirable.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que des versions contradictoires sont données par les parties, que, par ailleurs, aucune pièce n'est produite, de sorte que le doute profite au salarié.

Aussi, ce grief ne peut fonder l'avertissement notifié le 21 décembre 2016.

- Sur le troisième grief, soit l'inadéquation entre les informations communiquées à la direction et les évaluations du personnel infirmer en période d'essai, source de difficultés et de potentiels litiges

Sur ce point, la lettre est ainsi rédigée :

* 'Cas de [K] [X], IDE

Celle-ci a été engagée en CDI le 1er juillet 2016 avec période d'essai de deux mois et délai de prévenance de 15 jours.

Suite à vos réserves et celles du médecin coordonnateur, j'ai décidé de ne pas poursuivre le contrat de travail au-delà de la période d'essai.

Or, la salariée a été dans l'incompréhension totale et manifeste de ma décision lorsque je lui en fais la préannonce ; elle m'a expliqué que vous ne lui aviez rien dit qui puisse lui laisser penser que son travail ou son attitude ne donnait pas satisfaction.

Je vous ai personnellement alerté sur le fait qu'un tel décalage était anormal ; il ne permet pas l'exploitation efficace de la période d'essai, tant pour la salariée que pour l'employeur. À ma demande vous avez alors reçu cette personne en entretien, pour l'informer de ce qu'il aurait fallu corriger dans sa pratique, au regard des attentes de l'établissement, mais trop tard pour permettre une adaptation.

J'ai dû attirer votre attention sur la nécessité de procéder à des évaluations transparentes et en temps utile.

* Cas de Madame [P] [H], IDE

Suite au cas précédent, je vous ai demandé de réfléchir, en coopération avec le médecin coordonnateur, sur l'élaboration d'un outil PLUS PERFORMANT d'évaluation et de traçabilité de l'accompagnement des nouveaux salariés notamment au cours de leur période d'essai. Je vous ai remis une trame de travail.

À j+10 votre évaluation de la salariée a fait apparaître un très bon niveau de satisfaction ; vous l'avez confirmé lors d'une réunion de coordination du 4 novembre 2016.

Or il sera ultérieurement relaté (le 14 novembre) que les 29 et 30 octobre, cette salariée a injecté de l'insuline à une résidente en fin de vie alors que sa glycémie le contre-indiquait, ce qui incontestablement pose problème.

À la suite de cette information j'ai donc reçu la salariée laquelle ne présentait pas d'inquiétude particulière sur son avenir dans l'établissement.

Pour ma part, je me suis interrogé sur la pertinence de vos évaluations.

Le retour d'autres professionnels salariés m'a conduit à proposer de ne pas poursuivre son contrat de travail à l'issue de l'essai ; je vous en ai fait part en même temps qu'au médecin coordonnateur ; vous vous êtes déclarée d'accord.

Le 29 novembre, date retenue pour l'entretien et l'annonce de cette décision, je vous ai proposé d'y assister ; vous avez décliné, pour finalement changer d'avis, votre présence ayant été sollicitée par la salariée. J'ai accepté tout en vous faisant part de mon incompréhension sur ce changement de position.

Lors de l'entretien j'ai donc explicité la décision et mis en avant son caractère concerté.

Vous n'êtes pas intervenue, mais lorsque la salariée est sortie vous avez pris l'initiative de la recevoir dans votre bureau !

J'ignore totalement quels ont pu être vos échanges à cette occasion.

II reste que l'attitude que vous avez adoptée traduit une fuite de responsabilité et de la déloyauté dans votre positionnement, ce qui est inacceptable a fortiori venant d'un cadre.

Pour cet ensemble de motifs, nous vous demandons instamment de vous reprendre sans délai et d'exécuter loyalement et pleinement les missions qui sont les vôtres.

La cohésion de l'équipe soignante que vous encadrez en dépend, de même que la nécessaire coordination avec les autres professionnels et la qualité des relations avec les résidents et leurs familles'.

Mme [N] ne conteste pas n'avoir pas informé le directeur de l'injection d'insuline à une résidente dont l'état de santé le contre-indiquait, en dépit de l'obligation figurant à sa fiche de poste qu'elle doit agir en étroite coordination avec la direction en participant au contrôle du travail des professionnels.

L'avertissement est fondé et Mme [N] sera déboutée de sa demande de paiement de dommages et intérêts à ce titre.

Sur l'obligation de santé et sécurité au travail

Mme [N] sollicite le paiement de la somme de 39.653,56 euros de dommages et intérêts en raison des manquements de son employeur à son obligation de santé et de sécurité.

Elle fait valoir que malgré sa volonté affichée de reprendre ses fonctions dans un cadre serein, la Fondation Dubois n'a mis en place aucune mesure pour permettre un retour à des conditions normales de travail alors même que l'employeur avait, selon l'appelante, conscience du danger auquel elle était exposée.

L'intimé soutient quant à lui que le courrier du 22 avril 2017 de Mme [N] lui a été adressé plusieurs mois après le début de son arrêt de travail, qu'il n'a eu aucune information sur une potentielle souffrance au travail lorsque la salariée était en situation de travail.

Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration de situations existantes.

En l'espèce, Mme [N] a adressé un courrier à la Fondation Dubois le 22 avril 2017 dont l'objet est 'contestation de sanction disciplinaire'.

Un exemplaire a été adressé au directeur, M. [I], un l'a été au président du conseil d'administration et une copie a été envoyée à l'inspection du travail.

Avant d'y détailler ses explications sur les faits qui lui sont reprochés, Mme [N] indique :

. 'De par votre convocation, pendant la période de fêtes de fin d'année, et de l'entretien que j'ai eu le 3 janvier dernier, j'ai ressenti une atteinte à ma dignité.' ;

. 'Je perçois une atteinte à mes conditions de travail puisque vous me mettez en difficulté, en modifiant la réalité des faits, afin que je me retrouve incompétente.' ;

. 'Vous me ciblez en m'adressant ou en ayant une posture de reproches ou de critiques négatives incessantes sur mon comportement, ceci depuis deux ans et demi.' ;

. 'Depuis que j'ai reçu votre décision de sanction, fin janvier, je n'ai pu ni physiquement ni psychologiquement vous apportez ma contestation.' ;

. 'Je ressasse sans arrêt les circonstances qui vous ont amenés à prendre cette décision, et de faire le parallèle avec mon exclusion des groupes de travail, de partage de café, etc...' ;

. 'Je suis devenue la cible de la direction. Cette pression s'est installée de manière insidieuse.' ;

. 'Rappelez-vous, il y a quelques temps, je vous verbalisais ma pendaison dans mon bureau, lorsque vous me donnier de plus en plus de travail ' Je vous ai même demandé si la corde était fournie... Je vous revoie encore en train de sourire.' ;

. 'Mais le 3 et le 4 janvier 2017, je pense que si je n'avais pas trouver la force nécessaire, en pensant à mes enfants de 5 ans, en ayant un conjoint présent, le soutien de mon médecin traitant et d'une psychologue libérale, j'aurai pu passer à l'acte.' ;

. 'Je souhaite que vous mettiez en place tout le nécessaire pour améliorer mes conditions de travail afin que cette situation ne se reproduise plus. La situation actuelle de mon arrêt maladie du fait de la souffrance ressentie sur mon lieu de travail, et affectant ma vie familiale et personnelle (surmenage, harcèlement, bouc émissaire) n'est plus souhaitable.'.

La Fondation Dubois n'a pas répondu à Mme [N] qui pourtant fait état d'un vécu éprouvant, évoque une situation de harcèlement et sollicite de son employeur la mise en oeuvre de mesures permettant une amélioration de ses conditions de travail.

L'absence de réponse et l'absence de mesures mises en oeuvre caractérisent un manquement de l'employeur à son obligation de santé et de sécurité, édictée par L.4121-1 du code du travail.

En conséquence la Fondation Dubois sera condamnée à verser à Mme [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des manquements à son obligation de santé et de sécurité

Sur la rupture du contrat de travail

Mme [N] sollicite que la cour prononce, à titre principal, la nullité de son licenciement en raison des agissements de harcèlement moral qu'elle dit avoir subi.

A titre subsidiaire, elle sollicite que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse.

- Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L.1154-1 du même code dans sa rédaction ici applicable, lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral, le salarié établit des faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [N] prétend avoir été victime d'agissements répétés de harcèlement, que les méthodes de gestion mises en oeuvre par sa direction correspondent à un management brutal qui ont eu pour conséquence une dégradation de ses conditions de travail ainsi qu'une altération de sa santé mentale et physique et, in fine, son inaptitude professionnelle.

Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment :

- des échanges de messages textes téléphoniques, échangés entre Mme [N] et sa collègue Mme [F].

. Mme [N] répond à un message de sa collègue, le 14 mars 2016 :

- 'Quelle joie ! Planning aujourd'hui... Je prends les classeurs des congés ''

- 'Mdrr Le classeur est avec Mr [I]'

- 'OK je ferai la réunion avec lui... Excellent !'

- 'C'était mon cadeau d'absence !!'

- 'Mais théoriquement tu peux filer tes fiches à [Y] (...)'

- ' Oui mais je dois rendre le planning demain...'

- 'Alors réunion avec le chef ou avec la sous chef... Mdrrr t'as le choix !'

- 'Je te dirai' ;

. un autre échange est produit en date du 17 mars 2015 dans lequel Mme [N] entame la discussion :

- 'J'ai demandé pour avoir le tampon cet après-midi pour le dossier de l'étudiant... Il a refusé en m'informant que je peux me déplacer...'

- 'Enjoy ! Il te cherche...'

- 'Du coup je ne lui ai pas dit que je déjeunais à l'extérieur... Surprise'

- 'Tain ça devient de plus en plus tendu entre vous quand même'

- ' Et non je n'ai pas été vache, il le sait et me dit d'accord. Chouette il a dit oui !!'

- 'Il est revenu sur sa position et tu as le tampon ''''

- 'Non pas de tampon. Phrase du jour : prenez l'initative'.

Il peut être déduit de ces messages un contexte de mésentente.

- le procès-verbal de conciliation signé entre Mme [H], salariée qu'elle dit avoir accompagnée lors de l'audience de conciliation, et la Fondation Dubois.

Ce document ne fait aucune référence à Mme [N].

- l'avertissment notifié le 21 décembre 2016 comportant trois griefs dont un a été retenu par la cour,

- la lettre de contestation de l'avertissement que Mme [N] a adressé à son employeur le 22 avril 2017. La salariée y exprime des ressentis mais ne fait état d'aucun fait précis ou propos de la direction.

- l'attestation de Mme [R], aide-soignante, dans laquelle est indiqué : 'personnellement je n'ai pas spécialement ressentis la pression exercée par la direction sur Mme [N] car c'est une personne très réservée et discrète qui a, je pense, plus à coeur le bien être de son équipe que le sien.

J'ai malgré tout remarqué qu'au fil du temps les responsabilités de Mme [N] étaient confiées à d'autres personnes sans raisons apparentes (ex : la gestion des plannings et des congés...) de même que la coordination et le travail d'équipe AS-ASH se faisaient de moins en moins depuis la fin de la collaboration entre Mme [N] et Mme [Z] du fait du départ de cette dernière'.

Cette attestation n'est pas suffisamment précise.

- l'attestation du conjoint de Mme [N], M. [T], qui décrit la fragilité de sa compagne qu'il estime liée à sa situation professionnelle. Toutefois il ne retranscrit aucune situation ou propos précis.

- l'attestation de collègues de Mme [N] travaillant ou ayant travaillé à la Fondation Dubois et qui décrivent leurs conditions de travail, leurs vécus, les raisons de leur départ et les qualités de Mme [N].

- des arrêts de travail ayant débuté le 4 janvier 2017 et ayant été prolongés de manière ininterrompue jusqu'à la fin de la relation contractuelle, présentant la mention 'burnt out professionnel sur harcèlement au travail', 'dépression sévère en lien avec les conditions de travail, hospitalisation'.

- le dossier médical de la médecine du travail qui retranscrit deux visites médicales :

* la visite du 21 septembre 2016, à la demande du salarié : 'estime avoir du stress au travail, se plait à son poste mais dit subir des pressions +++'

* la visite du 16 février 2017, à la demande du salarié : 'la salariée s'estime être en arrêt pour burn out'.

Cette pièce ne fait référence qu'aux propos et ressentis de Mme [N].

- des courriers ou éléments médicaux de différents psychiatres et psychologues ayant suivi ou reçu en consultation Mme [N].

Il est fait mention dans ces différentes pièces des symptômes de Mme [N], de son traitement médicamenteux, du ressenti décrit par la salariée sur ses conditions de travail.

Il doit être souligné qu'aucun fait précis n'est mis en avant par Mme [N] à l'appui de ses prétentions sur l'ensemble de la période ayant précédé son arrêt de travail.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [N] n'établit pas l'existence matérielle de faits précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

En conséquence, l'appelante sera déboutée de sa demande visant à prononcer la nullité de son licenciement en raison du harcèlement allégué.

- Sur le licenciement

Mme [N] soutient que son inaptitude et par conséquent son licenciement sont en lien avec le manquement de la Fondation Dubois à son obligation de santé et sécurité au travail. Dès lors, elle demande à titre subsidiaire que son licenciement soit dit dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'employeur prétend quant à lui qu'en l'absence de constatation et de caractérisation de torts de l'employeur et d'un manquement de la Fondation Dubois à l'obligation de sécurité, le licenciement pour inaptitude de Mme [N] est valide et fondé.

*

Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

En l'espèce, Mme [N] a été placée en arrêt de travail à compter du 4 janvier 2017, de façon ininterrompue jusqu'à la fin de la relation contractuelle.

A la suite de la visite médicale du 21 novembre 2017, d'examens médicaux précédents, d'un entretien avec l'employeur et de l'étude de poste en date du 23 octobre 2017, le médecin du travail a déclaré Mme [N] 'inapte à son poste, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

L'appelante a ensuite été licenciée pour inaptitude par lettre du 15 décembre 2017.

La cour a précédemment relevé des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, prévue par l'article L.4121-1 du code du travail.

Il convient dès lors d'examiner si l'inaptitude médicalement constatée de Mme [N] est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée.

La cour relève les éléments suivants produits au dossier des parties :

- l'attestation du conjoint de Mme [N], M. [T] fait état du fait que : 'la situation, pour moi, s'est dégradée en fin d'année 2014 et s'est accentuée en 2015. Je la trouvais moins souriante, moins heureuse dans son travail. Elle commençait à ramener du travail à la maison car le directeur lui en demandait de plus en plus et elle voulait le rendre en temps et en heure. Elle souhaitait toujours bien faire son travail. Mais je constatais qu'elle ne passait pas de bonnes nuits, par des réveils fréquents, des insomnies'.

- les arrêts maladie effectués pour maladie professionnelle par le médecin traitant avec la mention : 'burn out professionnel sur harcèlement au travail', 'burn out professionnel sévère' ;

- l'arrêt maladie établi par le Dr [L] de la clinique [3] de [Localité 5] indiquant 'dépression sévère en lien avec les conditions de travail. Hospitalisation' ;

- l'attestation de Mme [D], psychologue, fait état 'd'aucun élément pathologique de son histoire personnelle (soit familial soit anamestique) ne pouvant être relevé au titre de perturbations psychiques éventuelles' ;

- Mme [A], psychologue au Centre Hospitalier Universitaire, service de médecine du travail et de pathologies professionnelles écrit : 'Ce jour, Mme [N] ne me parait pas en capacité, en termes de ressources psychologiques, à faire face au contexte professionnel rapporté et vécu de manière éprouvante'.

'Je crains, à la lecture des propos rapportés sur ses conditions de travail, qu'une reprise de son activité dans cet établissement, ne soit pas sans risque pour son état de santé mentale' ;

- le Docteur [O], psychiatre expert près la cour d'appel de Bordeaux atteste de ce qu'il 's'agit d'un état dépressif léger purement réactionnel puisqu'elle n'avait pas d'antécédents psychiatriques, qu'elle n'a pas par ailleurs de problèmes existentiels autres, notamment d'ordre affectif familial ou conjugal, ni de problèmes matériels ou financiers' ;

- l'expertise du Docteur [E] conclut le 13 février 2019, à 'un état dépressif réactionnel au vécu des conditions de travail, sans problèmes personnels ou antécédents de nature à expliquer la survenue des troubles'.

Le médecin ajoute que 'les troubles devaient évoluer de manière prévisible avec la cessation de l'activité professionnelle, vers une guérison'.

- Mme [N] a repris une activité professionnelle à compter du mois d'août 2019.

L'arrêt de travail qui a débuté le 4 janvier 2017 a abouti à un avis d'inaptitude définitif, sans envisager de reclassement eu égard à l'état de santé de Mme [N] après plusieurs visites auprès du médecin du travail et un avis

spécialisé sollicité par celui-ci.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'inaptitude médicalement constatée procède du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ce qui a conduit à la dégradation de la santé de la salariée qui a été victime d'une dépression comme en atteste les éléments médicaux produits.

Les manquements de l'employeur à son obligation de préserver la santé de sa salariée engage sa responsabilité envers Mme [N], même si la Caisse Primaire d'Assurance maladie n'a pas pris en charge la maladie de la salariée au titre d'une maladie professionnelle.

En conséquence, après avoir constaté que l'inaptitude de Mme [N] est le résultat de la violation de l'obligation de sécurité, la cour dit que le licenciement de la salariée, intervenu le 15 décembre 2017, est sans cause réelle et sérieuse et infirme par conséquent le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 9 avril 2021.

- Sur les conséquences du licenciement

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Le salarié licencié pour inaptitude ne perçoit pas d'indemnité compensatrice de

préavis.

En revanche, en cas de remise en cause du licenciement pour inaptitude, le licenciement étant déclaré sans cause réelle et sérieuse, le salarié retrouve son droit au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis.

En conséquence, Mme [N] a droit à son indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

L'employeur ne conteste pas les montants eux-mêmes tels que sollicités par l'appelante et l'article 15.02.2.1 de la convention collective du 31 octobre 1951 prévoit que la durée de préavis en cas de licenciement d'un cadre est de quatre mois.

Au vu des bulletins de salaire versé, il sera en conséquence alloué à Mme [N] la somme de 13.218,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1.321,85 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents.

Sur les dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Compte tenu de l'effectif de la Fondation Dubois, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [N], de son âge, de son ancienneté, de ses charges de famille, de sa capacité à trouver un nouvel emploi, tels qu'il résulte des pièces et des explications fournies, il y a lieu d'allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 17 000 euros titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement d'office à France Travail

Il convient, faisant d'office application des dispositions d'ordre public de l'article L.1235-4 du code du travail, d'ordonner le remboursement par la Fondation Dubois à France Travail des indemnités chômage susceptibles d'avoir été

perçues par l'intéressée du jour de son licenciement jusqu'à la présente décision, à concurrence de quatre mois.

Sur les autres demandes

La Fondation Dubois devra remettre à Mme [N] les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt, sans que la cour n'estime nécessaire d'assortir son injonction, d'une astreinte.

La Fondation Dubois, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à Mme [N] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit irrecevable la demande de Madame [M] [N] au titre des dommages et intérêts pour manquements aux obligations contractuelles en matière de formation,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 9 avril 2021 sauf en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes au titre de l'avertissement

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que la Fondation Dubois a manqué à son obligation de santé et de sécurité,

Déboute Madame [M] [N] de sa demande en nullité du licenciement, le harcèlement moral n'ayant pas été retenu,

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la Fondation Dubois à verser à Madame [M] [N] les sommes suivantes :

- 5 000 euros à titre de de dommages et intérêts en raison des manquements à l' obligation de santé et de sécurité,

- 13.218,53 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.321,85 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférents,

- 17 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne, par application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par la Fondation Dubois à France Travail des indemnités chômage perçues par l'intéressée à concurrence de quatre mois,

Condamne la Fondation Dubois à remettre à Madame [M] [N] des documents de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions du présent arrêt, sans que la cour n'estime nécessaire d'assortir son injonction, d'une astreinte ;

Condamne la Fondation Dubois aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02936
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;21.02936 ?
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