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17/04/2024 | FRANCE | N°21/01840

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 avril 2024, 21/01840


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 17 AVRIL 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/01840 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAY3













S.A.S. BRODERIE DE LOMAGNE



c/



Madame [P] [A]



S.E.L.A.R.L. FIRMA es qualité de mandataire judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne

S.C.P. C.B.F Associés es qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Broderie de Lomag

ne



UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE [Localité 4] mandataire de l'AGS du Sud Ouest















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement ren...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 AVRIL 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/01840 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAY3

S.A.S. BRODERIE DE LOMAGNE

c/

Madame [P] [A]

S.E.L.A.R.L. FIRMA es qualité de mandataire judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne

S.C.P. C.B.F Associés es qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE [Localité 4] mandataire de l'AGS du Sud Ouest

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 mars 2021 (R.G. n°F 18/01832) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 29 mars 2021,

APPELANTE :

SAS Broderie de Lomagne, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 8]

N° SIRET : 407 718 527

représentée par Me Max BARDET de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [P] [A]

née le 20 Septembre 1971 à [Localité 6] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Magali BISIAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTES :

S.E.L.A.R.L. FIRMA prise en la personne de son représentant légal

es qualité de mandataire judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

S.C.P. C.B.F Associés, prise en la personne de son représentant légal es qualité d'adminsitrateur judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE [Localité 4] prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité [Adresse 5]

non représentées

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseillère et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [P] [A], née en 1971, a été engagée en qualité d'employée de production par la SAS Broderie de Lomagne, par contrat de travail à durée déterminée pour la période du 9 mai au 8 novembre 2016.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 9 février 2017, avec reprise d'ancienneté au 9 mai 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective des entreprises de textile dans le cadre du contrat à durée déterminée, et celle de la vente à distance pour le contrat de travail à durée indéterminée.

Mme [A] a été placée en arrêt maladie du 12 juin au 22 juillet 2018.

Par lettre datée du 20 août 2018, Mme [A] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 30 août suivant, avec mise à pied à titre conservatoire.

La salariée a été placée en arrêt de travail du 21 août au 2 septembre 2018, avant d'être licenciée le 5 septembre 2018 pour faute grave pour diffamation à l'encontre de collègues, insubordination, absence non autorisée et injustifiée, termes déloyaux et malveillants à l'égard de la hiérarchie.

A la date du licenciement, Mme [A] avait une ancienneté de deux ans et trois mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 3 décembre 2018, Mme [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire la légitimité de son licenciement et réclamant la communication des feuilles de pointage sous astreinte, à défaut des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, outre diverses indemnités, dont une pour travail dissimulé, défaut de préservation de la santé et de la sécurité de la salariée, défaut de transmission de l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières, défaut d'organisation d'élection de délégués du personnel, outre un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire.

Par jugement rendu le 1er mars 2021, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société Broderie de Lomagne à remettre à Mme [A] les bulletins de paie de juillet, août, septembre et novembre 2016,

- condamné la société Broderie de Lomagne à verser à Mme [A] les sommes suivantes :

* à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 6.200 euros,

* 4.947.22 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 494,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payé afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.218 euros bruts au titre du salaire retenu durant la période de mise à pied conservatoire,

* 121,80 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente au salaire retenu durant la période de mise à pied conservatoire,

* 1.442,94 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

* 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise du bulletin de paie, d'un certificat de travail incluant la période de préavis et d'une attestation destinée à Pôle emploi,

- débouté Mme [A] des demandes suivantes :

* d'indemnité pour travail dissimulé,

* de dommages et intérêts pour non préservation de la santé et de la sécurité de la salariée,

* de dommages et intérêts pour la transmission de l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières,

* pour défaut d'organisation d'élection de délégués du personnel,

* de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- débouté Mme [A] du reste de ses demandes,

- débouté la société Broderie de Lomagne de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Broderie de Lomagne aux dépens et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 29 mars 2021, la société Broderie de Lomagne a relevé appel de cette décision.

Par jugement rendu le 26 juillet 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Broderie de Lomagne et désigné la SCP CBF en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL Firma en qualité de mandataire judiciaire.

Les 15 et 20 septembre 2023, Mme [A] a assigné les organes de la procédure collective ainsi que le CGEA de [Localité 4] en intervention forcée, qui ne se sont pas constitués.

Par courrier en date du 26 septembre 2023, le CGEA de [Localité 4] a informé la cour de sa non représentation, ne disposant aucun élément susceptible d'éclairer le dossier.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 septembre 2023, la société Broderie de Lomagne demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par elle,

Sur la rupture du contrat

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes du 1er mars 2021 en ce qu'il

* l'a condamnée à verser à Mme [A] la somme de 6.200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* l'a condamnée à verser à Mme [A] les indemnités afférentes à hauteur de :. 4.947.22 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 494,72 euros bruts au titre de congés payés afférents,

. 1.218 euros bruts au titre du salaire retenu durant la période de mise à pied conservatoire, outre 121,80 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 1.442,94 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

. 1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure vexatoire,

* a ordonné la remise des documents de rupture afférents,

Et statuant à nouveau,

- débouter Mme [A] des demandes salariales et indemnitaires afférentes à la rupture de son contrat de travail,

- confirmer le jugement en ce qu'il a écarté la nullité du licenciement et ainsi débouter Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts afférente,

A titre subsidiaire,

- si par extraordinaire, la cour jugeait dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [A], confirmer le jugement sur le quantum des dommages et intérêts, en ce que le conseil de prud'hommes lui a alloué une indemnisation limitée à la somme de 6.200 euros,

- en revanche, si elle confirmait le principe des condamnations au titre des indemnités de droit, réformer les quantum alloués, et limiter les indemnités aux sommes ci-après exposées : 3.518,74 euros bruts (1.759,37 x 2) à titre d'indemnité de préavis outre 351,87 euros bruts au titre des congés payés,

- à titre infiniment subsidiaire, limiter l'indemnité de préavis à la somme de 4.429,92 euros bruts (2.214,96 x 2), outre 442,99 euros bruts au titre des congés payés,

- s'agissant de l'indemnité de licenciement, au regard de l'ancienneté de Mme [A] et de la moyenne de rémunération (la moyenne des 12 derniers mois étant plus favorable que la moyenne des 3 derniers et s'élevant pour rappel à la somme de 2.214,96 euros), lui allouer la somme de 1.379,36 euros,

- fixer ces sommes au passif du redressement judiciaire de la société,

Sur l'exécution du contrat

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à remettre à Mme [A] les bulletins de paie de juillet, août, septembre et novembre 2016,

- et statuant à nouveau, débouter Mme [A] de cette demande devenue sans objet,

- le confirmer pour le surplus, en ce qu'il a débouté Mme [A] des demandes suivantes :

* d'indemnité pour travail dissimulé,

* de dommages et intérêts pour non préservation de la santé et de la sécurité de la salariée,

* de dommages et intérêts pour la transmission de l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières,

* pour défaut d'organisation d'élection de délégués du personnel,

- la débouter de l'intégralité des demandes afférentes à l'exécution du contrat,

Sur les autres demandes

- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [A] 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau, la débouter de toute demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- la débouter de l'intégralité de ses demandes, liées tant à l'exécution que la rupture de son contrat,

- la débouter des demandes liées à la capitalisation des intérêts,

- la condamner au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2023, Mme [A] demande à la cour de':

- la recevoir en son appel incident,

- la déclarer bien fondée en toutes ses demandes,

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il :

* l'a déboutée de ses demandes :

. d'indemnité pour travail dissimulé,

. de dommages et intérêts pour non préservation de la santé et de la sécurité de la salariée,

. de dommages et intérêts pour la transmission de l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières,

. pour défaut d'organisation d'élection de délégués du personnel,

. de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* a limité la condamnation de la société Broderie de Lomagne à lui verser les sommes suivantes :

. à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 6.200 euros,

. 4.947,22 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 494,72 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payé afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

. 1.442,94 euros bruts au titre de l'indemnité de licenciement,

* ordonné la remise, sans astreinte, des documents suivants :

. du bulletin de paie,

. un certificat de travail incluant la période de préavis,

. une attestation destinée à Pôle emploi,

* l'a déboutée du reste de ses demandes,

Par conséquent,

Statuant à nouveau,

- fixer sa créance au passif du redressement judiciaire de la société Broderie de Lomagne aux sommes suivantes :

* à titre principal, 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale,

à titre subsidiaire, 19.109,76 euros bruts au titre des heures supplémentaires, outre 1.910,98 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures supplémentaires,

* 15.654,42 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 5.000 euros à titre de dommages intérêts pour non préservation de la santé la sécurité de la salariée,

* 500 euros à titre de dommages intérêts pour défaut de remise de l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières,

* 2.500 euros pour défaut d'organisation d'élection de délégués du personnel durant l'exécution de son contrat de travail,

* à titre principal, 32.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

à titre subsidiaire, 32.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre infiniment subsidiaire, 9.131,75 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.218,14 euros bruts à titre principal ou 4.947,22 euros bruts à titre subsidiaire au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 521,81 euros bruts à titre principal ou 494,72 euros bruts à titre subsidiaire au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente à l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.630,67 euros a titre principal ou 1.442,94 euros bruts à titre subsidiaire au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamner la SCP CBF associés, ès qualité d'administrateur judiciaire de la société Broderie de Lomagne et la SELARL Firma, ès qualité de mandataire judiciaire de la société Broderie de Lomagne à lui payer la somme de 2.500 euros supplémentaires par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens d'instance et frais éventuels d'exécution,

- ordonner la remise des documents suivants, reprenant les dispositions de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir :

* bulletin de paie détaillant chaque créance et notamment pour les heures supplémentaires les années concernées,

* un certificat de travail incluant la période de préavis,

* une attestation destinée à Pôle emploi,

- juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil à compter de :

* la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales,

* du prononcé du jugement pour les créances indemnitaires prononcées par le conseil de prud'hommes produisent intérêts au taux légal,

la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil et ce jusqu'à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- débouter la société Broderie de Lomagne, la SCP CBF, la SELARL Firma et le CGEA de [Localité 4] de l'ensemble de leurs demandes,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable au CGEA de [Localité 4].

La médiation proposée aux parties le 11 juillet 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 26 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le salaire moyen de la salariée

Soutenant qu'elle a été placée en congés pour maladie à compter du 12 juin 2018 au 22 juillet 2018 avant d'être mise à pied à titre conservatoire le 20 août 2018, Mme [A] se base sur la moyenne des salaires prenant en compte les six mois complets travaillés avant juin 2018, comme étant plus favorables que les douze derniers mois, soit 2.609,07 euros.

La société soutient que la rémunération moyenne des six derniers mois s'élevait à 2.013,28 euros.

Aux termes des articles L.1234-9 et R. 1234-4 ainsi que L. 1132-1 du code du travail, lorsque le salarié a été suspendu pour maladie au cours des derniers mois précédant la rupture du contrat, le salaire de référence à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, celui des douze ou six derniers mois précédant l'arrêt de travail pour maladie.

La rémunération mensuelle de référence prend en compte les primes et avantages en nature dont le salarié est bénéficiaire en sus de son salaire de base.

Au vu des bulletins de paie de la salariée sur les six mois entièrement travaillés précédents son licenciement, le salaire de référence retenu sera fixé à la somme de 2.609,07 euros.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

Soutenant que l'employeur refuse de produire le relevé des heures de pointage qui lui aurait permis de présenter des éléments suffisamment précis comme premier terme de la charge de la preuve des heures supplémentaires, Mme [A] sollicite la condamnation de la société à lui verser 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et perte de chance de calculer les heures de travail restant dues en raison du refus de communiquer ces relevés.

Subsidiairement elle sollicite la condamnation de la société au paiement de la somme de 19.109,76 euros au titre des heures supplémentaires, outre 1.910,98 euros au titre des congés payés y afférents. Mme [A] soutient avoir travaillé 10 heures par jour du lundi au vendredi soit 50 heures par semaine et 57 heures par semaines les six derniers mois avant son arrêt de travail, effectuant sept heures supplémentaires tous les samedis.

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, L. 3173-3 et L. 3171-4 lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Si le

décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [A] soutient avoir effectué un nombre important d'heures supplémentaires, dont attestent trois de ses collègues, Mmes [D], [W] et [F], travaillant plus de 10 h par jour, sans respecter le temps de repos légal et plusieurs samedis de 13 h à 23h ou minuit lorsqu'il y avait de fortes commandes. Si Mme [W] confirme que les planning étaient souvent modifiés, elle pouvait 'passer de journée comme de nuit sans repos', elle constatait qu'elle faisait des journées qui pouvaient atteindre 12 h d'affilé. Elles précisent également que Mme [A] effectuait du travail de nuit, seule, trois semaines au mois de décembre 2017 et 2018 ainsi que 'quelques autres en janvier et en mai'.

Toutefois, Mme [A] indique ne pouvoir justifier ces heures supplémentaires par un décompte précis des relevés de temps de travail, qui seraient en possession de son employeur.

Elle produit également ses feuilles de paie sur lesquelles apparaissent le paiement de certaines heures supplémentaires, soutenant que l'employeur n'a pu les régler que sur la base de relevés individuels de contrôle du temps de travail.

Elle conteste la véracité et la valeur probante des documents transmis au cours de la procédure et pour certains, pour la première fois en appel, comme n'étant pas signés par elle, ne couvrant pas toute la période d'exécution du contrat de travail et présentant en outre des incohérences avec les heures supplémentaires payées.

Subsidiairement, Mme [A] communique un tableau de décompte des heures supplémentaires à partir des attestations de ses collègues et des tableaux communiqués par la société pour soutenir la véracité des constatations de ses collègues soutenant avoir travaillé 50 heures par semaine depuis août 2016 et 57 heures, en samedi en plus, sur les six derniers mois avant son arrêt de travail.

La société conteste détenir des relevés individuels de décompte du temps de travail. En revanche, elle indique que les salariés notaient leurs heures supplémentaires sur un document qui lui était remis chaque fin de mois et que ce n'est qu'à partir de juin 2018 qu'un relevé plus précis des heures d'arrivée et de départ a été mis en place.

Elle produit l'attestation de trois salariés Mme [X], Mme [G] et M. [O] qui confirment ces relevés d'heures supplémentaires.

Elle produit :

- les tableaux mensuels décomptant uniquement les heures supplémentaires pour l'ensemble des salariés, dont Mme [A] pour les périodes d'octobre 2016 à septembre 2018, une partie de ces tableaux ayant été produit en première instance, accompagnés des relevés manuscrits de décompte des heures supplémentaires ayant permis l'établissement du tableau sur les mois de décembre 2017et avril 2018,

- le planning de Mme [A] sur la période de février 2017 à juin 2017 et de janvier à juin 2018,

- la feuille précise de relevé des horaires de Mme [A] non renseignée par elle pour la semaine du 13 août 2018.

Sur les incohérences relevées par Mme [A] sur les relevés d'heures supplémentaires, la société précise que les décalages entre les décomptes mensuels et les feuilles de paie s'expliquent en raison de la date d'arrêt des décompte pour l'établissement des fiches de paie, les heures supplémentaires non prises en compte sur le mois étant reportées sur le mois suivant et assure que sur l'année civile, toutes les heures supplémentaires ont été payées.

Subsidiairement, sur le montant des heures supplémentaires sollicité, l'employeur soutient que Mme [A] ne communique aucun décompte précis, ni n'indique le nombre d'heures supplémentaires prétendument effectuées pas plus que la correspondance des périodes précises sur lesquelles ces heures auraient été accomplies.

Il soutient également que les trois attestations ne seraient pas probantes dès lors que sur deux ans et trois mois de travail au sein de la société, Mme [A] n'a côtoyé Mme [F] que trente et un jours, n'ayant jamais travaillé avec les deux autres salariées qu'elle n'a pu croiser que lors de son embauche sans que ces dernières puissent attester de ses horaires de travail.

La société soutient en outre que Mme [A] a été rémunérée de l'ensemble de ses heures supplémentaires effectuées.

***

Si les attestations produites par Mme [A] ne respectent pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile en ce qu'elles ne mentionnent pas les dates et lieux de naissance ni l'absence de lien de parenté ou d'alliance avec la salariée, elles présentent des garanties suffisantes quant à l'identité du rédacteur pourront être prises en compte.

Dès lors rien ne s'oppose à ce que soit examinée une attestation établie par une personne représentant l'employeur ou travaillant à son service, la valeur et la portée de cet élément devant en conséquence être examinée.

Il ne peut être reproché à l'employeur de produire un tableau qui reprend l'ensemble des décomptes des salariés dès lors que la situation individuelle de Mme [A] y figure de manière claire. En revanche, ces relevés ne comportent pas d'horaires précis et ne concernent pas l'ensemble de la période contractuelle. Par ailleurs, les plannings des salariés ne mentionnent que les demi-journées ou journées travaillées et le service d'affectation, ni n'informent sur les horaires de travail, les collègues précisant par ailleurs que Mme [A] pouvait voir son planning modifié du jour au lendemain. Il ne peut donc être tenu compte de ces plannings établis à l'avance pour établir que les trois salariées attestant en faveur de Mme [A] ne la croisaient jamais sur leur temps de travail, comme ayant des plannings distincts.

Il ressort des pièces versées que les relevés mensuels produits par la société sont établis parfois sur le mois entier, débutant parfois le 24 du mois précédent et se terminant le 24 du mois en cours et que les bulletins de paie ne correspondent donc pas toujours aux heures supplémentaires relevées dans les tableaux de synthèse.

Ainsi, les tableaux mensuels font état de 409 heures supplémentaires entre octobre 2016 et juillet 2018, prises mois par mois alors que les bulletins de paie attestent du paiement à Mme [A] de 445,5 heures supplémentaires sur la même période, aucune pièce n'étant produite de mai à septembre 2016. Le relevé mentionne ainsi 8 heures supplémentaires effectuées en octobre 2016, 19 en novembre 2016, mais les bulletins de paie correspondant ne sont pas produits.

La société explique ces différences par un report des heures supplémentaires non prises en compte sur le mois en cours sur le suivant , mais ne justifie pas toujours de l'écart : pour 19 heures supplémentaires relevées en juillet 2017,16 en août 2017 et 19 en septembre 2017, les bulletins de paie correspondant mentionnent 29 heures supplémentaires payées en juillet 2017, 24 heures supplémentaires payées en août 2017 et 29 en septembre 2017.

Par ailleurs, sur les mois d'octobre 2017 et janvier 2018, les bulletins de paie de Mme [A] font état respectivement quatre et six heures supplémentaires non majorées sans qu'elles soient expliquées par l'employeur.

La cour relève l'incohérence des tableaux d'heures supplémentaires produits par la société avec les bulletins de paie. Toutefois, cette difficulté ne constitue ni une perte de chance impliquant un préjudice certain et direct ni une exécution déloyale du contrat de travail. Mme [A] sera déboutée de sa demande de fixation de créance pour perte de chance et exécution déloyale

Mme [A] ne démontre pas la mauvaise foi de l'employeur qui produit des tableaux de relevés d'heures qui devaient être renseignés par les salariés eux-mêmes, ne permettant pas de déduire de l'existence d'autres relevés plus précis. De même, la salariée ne rapporte pas la preuve de ce que les tableaux produits auraient été des éléments de preuve que la société se serait constituée à elle-même postérieurement, comme ne reflétant pas la totalité des heures supplémentaires rémunérées.

Enfin, Mme [A], qui formule une demande de rappel de salaire pour 1639 heures supplémentaires de mai 2016 à juillet 2018, dont une partie lui a été réglée ne justifie d'aucun manque à gagner d'avoir pu connaître la réalité de ses heures travaillées.

Il ressort de l'ensemble des pièces versées que Mme [A] produit un décompte des heures de travail effectuées depuis mai 2016 ainsi que trois attestations de salariées qui constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

Les pièces produites par la société ne constituent pas des documents de décompte du temps de travail de la salariée avec mention des horaires et des pauses, l'employeur n'ayant commencé à y procéder qu'en juin 2018 alors que Mme [A] était en arrêt de travail pour maladie et qu'elle n'a pas été informée de ce nouveau système avant l'entretien préalable à son licenciement, comme en atteste le compte rendu.

Ils ne témoignent que d'un décompte parfois inexact des heures supplémentaires, la société ne rapportant pas la preuve de ce qu'elle ne faisait que reprendre les déclarations de salariés, ne produisant que deux fiches signées par Mme [A].

Contrairement à ce que soutient la société, le paiement des heures supplémentaires s'impose même en l'absence de preuves d'un travail commandé : les heures supplémentaires sont dues en cas d 'accord implicite de l'employeur si ces heures ont été rendues nécessaires par les tâches confiées au salarié.

Il ne peut être par ailleurs soutenu que Mme [A] n'aurait pas droit au rappel des jours de travail effectués en l'absence de réclamation antérieure à la rupture du contrat de travail, son droit à le demander n'étant pas atteint.

Au vu de ces éléments et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction que la société est redevable envers Mme [A] de la somme de 18.869,36 euros au titre des heures supplémentaires non payées, déduction faites des jours de congés payés tels qu'indiqués sur les feuilles de paie, outre la somme de 1.886,93 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de la violation de l'obligation de sécurité

Mme [A] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 5.000 euros en ce qu'il aurait manqué à son obligation de sécurité et de préservation de sa santé. Elle se fonde sur les attestations de ses trois collègues aux termes desquelles elle a travaillé seule durant trois semaines la nuit en mai 2017, en décembre 2017 et en mars 2018, qu'elle travaillait régulièrement de 6h à 16 h sans pause, sans respect des repos hebdomadaires et sans pouvoir prendre ses congés payés.

L'employeur est tenu d'une obligation légale de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise et doit en assurer l'effectivité en vertu des dispositions de l'article L 4121-1 du code du travail.

Il appartient à l'employeur d'assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité à laquelle il est tenu, en assurant la prévention des risques professionnels.

A ce titre, l'employeur doit veiller à l'organisation des examens médicaux initiaux et périodiques, destinés à connaître l'état de santé du salarié pour s'assurer qu'il est compatible avec les contraintes du poste de travail de celui-ci.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

1 - Sur le respect des temps de repos hebdomadaires de travail

La société soutient, à la lecture des tableaux récapitulatifs du nombre d'heures supplémentaires de travail effectuées par Mme [A], que les temps de repos minimal de 35 heures ont été respectés.

L'employeur qui soutient que la salariée n'aurait jamais travaillé au-delà de ces durées de repos ne peut en rapporter la preuve, les tableaux produits étant insuffisamment renseignés et ne couvrant pas toute la période.

2 - Sur le respect de la durée maximale hebdomadaire de travail

La société soutient que les durées maximales n'ont jamais été supérieures à 48 heures. S'il arrivait à Mme [A] de travailler le samedi, elle ne travaillait pas le lundi suivant.

Vu les articles L. 3121-20 et suivants du code du travail, interprétés à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.

L'article 21 de la convention collective applicable en l'espèce précise que les horaires du personnel (...) à temps complet est réparti sur cinq jours (avec deux jours de repos consécutifs).

L'employeur qui soutient que la salariée n'aurait jamais travaillé au-delà de ces durées maximales ne peut en rapporter la preuve, les tableaux produits étant insuffisamment renseignés et ne couvrant pas toute la période, les salariés ayant attesté de ce que les plannings prévisionnels étaient régulièrement modifiés par la direction.

Compte tenu du temps de travail hebdomadaire de travail fixé à 48 heures par la convention collective applicable et 46 heures sur 12 semaines consécutives, la durée maximale hebdomadaire a été dépassée à plusieurs reprises et Mme [A] n'a pas bénéficié du repos hebdomadaire notamment dans les termes rappelés par l'accord collectif soit deux jours consécutifs.

3 - Sur le respect du décompte des repos compensateurs obligatoires,

La société soutient que Mme [A] a bénéficié de repos compensateurs obligatoires qui figurent sur les relevés versés aux débats.

Aux termes de l'article L3121-30 du code du travail, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au-delà de la durée légale.

S'agissant du contingent, la convention collective prévoir un contingent annuel de 75 heures sans que la durée quotidienne de travail effectif puisse excéder 9 heures.

En vertu de l'article D. 3121-23 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.

L'indemnité a un caractère de salaire.

En l'espèce, l'employeur n'a renseigné aucun contingent annuel d'heures supplémentaires au-delà des neuf heures quotidiennes ni de repos compensateur alors que les bulletins de paie font état de 156h5 rémunérées sur l'année 2018, de 241 heures supplémentaires rémunérées sur l'année 2017 et de 246 heures sur l'année 2018. Les bulletins de paie ne mentionnent pas de décompte à ce titre, la salariée ayant été privé de la possibilité d'en solliciter l'indemnisation.

4 - Sur la possibilité laissée à la salariée de prendre ses congés dans le respect des deux mois de prévenance

La société soutient que Mme [A] remplissait ses demandes de congés payés qui étaient validées, la détermination des dates de congé étant une prérogative de l'employeur. La société note par ailleurs que la salariée n'a jamais demandé à bénéficier de congés sur d'autres dates.

Aux termes des articles D. 3141-5 et 3141-6 du code du travail, l'employeur doit informer les salariés de la période de prise des congés au moins deux mois avant l'ouverture de celle-ci. Il ne peut pas imposer la prise des congés sans respecter ce délai de prévenance.

Il est de la responsabilité de l'employeur de garantir que le salarié puisse effectivement exercer son droit au congé annuel payé. L'employeur est défaillant à démontrer qu'il a bien informé Mme [A], laquelle a pu remplir des demandes de congés payés en conséquence, dans le respect du calendrier proposé. Toutefois, la salariée ne démontre pas avoir été empêchée de poser des jours de congés ni qu'un refus lui a été opposé sur une période de congés sollicitée.

5 - Sur le respect des temps de pause

La société soutient que Mme [A] a bénéficié des temps de pause, le décompte mis en place à partir de juin 2018 faisant mieux apparaître ces temps.

Elle verse les attestations de Mme [X] et de M. [O] le confirmant.

Selon les articles L 3121-16 et L. 312-17 du code du travail, pris pour l'application de l'article 4 de la Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, recodifiée par la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarie bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de vingt minutes.

S'agissant du respect des temps de pause, les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à Ia répartition de Ia charge de Ia preuve des heures de travail effectuées, entre I'employeur et Ie salarié, ne sont pas applicables à Ia preuve du respect des seuils et plafonds, prévus tant par Ie droit de l'Union européenne que par Ie droit interne, preuve qui incombe à I'employeur.

L'employeur qui avait la charge du contrôle du temps de travail et du respect des pauses ne démontre pas avoir respecté les temps de pause prévus par ces articles ni de ce que les temps de pauses n'étaient pas fractionnés, les attestations produites ne pouvant suffire à faire la démonstration du respect de ces temps et la société reconnaissant par ailleurs n'avoir mis en place un tel relevé qu'à compter de juin 2018.

6 - Sur le respect du travail de nuit

Mme [A] soutient que la société l'aurait fait travailler seule la nuit sur les semaines 9 et 11 de mars 2017, et semaine 2 de janvier 2018. Les bulletins de paie de Mme [A] font apparaître une rémunération au titre d'un travail de nuit en janvier 2018 et en juin 2017.

La société conteste avoir laissé Mme [A] seule sur ces nuits travaillées, et produit les tableaux et planning faisant apparaître d'autres salariés travaillant en même temps qu'elle.

Le tableau Excell produit par la société mentionne un travail de nuit pour Mme [A] des 17 au 20 décembre 2017, en même temps que Mme [Y], et rémunéré sur la feuille de paie de janvier 2018. Toutefois, la société ne produit pas le planning des salariés ni leur affectation aux ateliers sur ces nuits. Aucun autre tableau communiqué ne mentionne le travail de nuit de Mme [A] qui lui a pourtant été rémunéré en juin 2017.

La cour relève que le contrat de travail de Mme [A] ne prévoyait pas de travail de nuit. L'employeur ne justifie ni de l'information ni de la consultation des organisations syndicales à ce sujet.

7 - Sur l'organisation d'une visite d'embauche et d'une visite de reprise auprès de la médecine du travail

En vertu des dispositions de l'article R. 4624-10 dans sa version en vigueur du 1er juillet 2012 au 1er janvier 2017, le salarié bénéficie d'un examen médical avant l'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai par le médecin du travail.

Par ailleurs, l'employeur se doit de veiller à l'organisation d'un suivi médical particulier avant l'affectation du salarié sur un poste de nuit et à intervalles réguliers ensuite.

L'article R.4624-31 du même code rend obligatoire la visite médicale à la reprise du travail après une maladie qui a nécessité un arrêt de travail d'au moins 30 jours.

Dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective du travail par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Par ailleurs, quand l'arrêt de travail est suivi d'une période de congés payés, le salarié doit bénéficier d'une visite de reprise dans les huit jours suivant la fin de la période de congés payés.

L'employeur qui a saisi par courriel la médecine du travail le 13 août 2018, ne s'est pas assuré de l'effectivité de l'organisation de la visite de reprise le jour de la reprise de la salariée , Mme [A] ayant été placée en arrêt de travail pour maladie le 9ème jour après sa reprise sans que soit établi qu'elle avait bien été convoquée par le médecin du travail durant cette période.

Au vu des manquements de l'employeur relevés par la cour au titre de ses obligations de sécurité et de préservation de la santé des travailleurs, il y a lieu de condamner la société à verser à Mme [A] la somme de 4.000 euros en réparation des préjudices subis.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la demande relative au manquement à l'obligation de procéder aux formalités auprès de la CPAM

Mme [A] soutient que l'employeur n'a pas adressé l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières à de la CPAM concernant son arrêt de travail du 21 août au 2 septembre 2018, comme en atteste la CPAM qui a accusé réception de l'arrêt de travail par la transmission qu'en a faite Mme [A] le 11 janvier 2019.

De son côté, l'employeur fait valoir que c'est la première cause de suspension du contrat de travail qui définit le régime applicable au salarié pendant cette suspension. Il ajoute que la salariée mise à pied à titre conservatoire dès le 20 août 2018 puis placée en arrêt maladie du 21 août au 2 septembre 2018, ne pouvait prétendre au versement des indemnités journalières ni à un maintien de salaire.

Toutefois, contrairement à ce que soutient l'employeur, en l'absence d'examen médical dans les huit jours calendaires de la reprise du travail par la salariée, après la période de congés payés le 13 août 2018, le contrat de travail était toujours suspendu en raison de l'arrêt de travail pour maladie dont la durée avait été supérieure à 30 jours.

A partir du moment où la mise à pied à titre conservatoire a été notifiée à la salariée pendant cette période de suspension du contrat de travail, l'arrêt maladie doit être considéré comme cause première et déterminante de l'absence. Il en résulte, contrairement à qu'ont retenu les premiers juges, que l'employeur était tenu de délivrer une attestation des salaires pour cette période.

Mme [A] justifie d'un retard d'indemnisation de six mois, qui lui a causé un préjudice financier, qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 500 euros.

Mme [A] soutient également que l'employeur n'a pas résilié la mutuelle entreprise, de sorte que son compte a continué d'être prélevé du montant de la cotisation mutuelle et qu'elle a dû relancer l'employeur par courrier du 11 février 2019 pour qu'il régularise la situation.

Toutefois, Mme [A] ne produit aucun relevé de compte permettant de justifier des prélèvements au titre de la mutuelle entreprise.

Sa demande sera rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Sur l'absence de justification de l'organisation des élections des délégués du personnel

Mme [A] invoque l'absence de justification de l'organisation des élections de délégués du personnel alors que la société employait plus de dix salariés.

Elle soutient que les salariés n'ont pas été informés par la société qui ne justifie pas d'une diffusion et d'un affichage de la note, que la société a manipulé les pièces en ajoutant son tampon sur le PV de carence et qui n'a mis en place les élections de 2018 qu'en septembre alors que Mme [F] en avait fait la demande par courrier du 31 mai 2018, sans que soit justifiée la négociation du protocole préélectoral.

La société soutient avoir organisé les élections des délégués du personnel au mois d'octobre 2017 puis au mois de juillet 2018, pendant la durée d'exécution du contrat de travail de Mme [A].

Elle verse aux débats la note informant les salariés de l'organisation des élections du 25 septembre 2017, les courriers invitant les organisations syndicales représentatives et les preuves de dépôt de ces courriers avec accusé de réception, la note d'information du personnel pour l'organisation du second tour le 21 octobre 2017, le PV de carence de candidature en date du 30 novembre 2017, signé et tamponné dans une première version, puis non signé et non tamponné dans une seconde version ainsi que le courrier de transmission du procès-verbal à l'inspection du travail en date du 31 janvier 2018.

Elle fait enfin valoir que les nouvelles élections ont été organisées au mois de juillet 2018 ayant permis la désignation des membres du CSE suite à la demande de Mme [F].

Conformément à l'article L. 2311-2 du code du travail, la mise en place d'un comité social et économique est obligatoire dès lors que l'effectif a atteint au moins onze salariés pendant douze mois consécutifs.

Aux termes de l'article L. 2314-4 du code du travail, lorsque le seuil de onze salariés a été franchi dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 2311-2, l'employeur doit informer le personnel de l'organisation des élections par tout moyen permettant de conférer date certaine à cette information. Le document diffusé précise la date envisagée pour le premier tour des élections qui doit se placer au plus tard le quatre-vingt-dixième jour suivant la diffusion.

Il appartient à l'employeur d'inviter les organisations syndicales à négocier le protocole préélectoral dans le calendrier qu'il fixe conformément à l'article L. 2314-4 du même code.

Lorsqu'aucune institution représentative du personnel n'existe au préalable dans l'entreprise, l'employeur doit déclencher l'organisation des élections professionnelles dès que les conditions de mise en place sont réunies sans attendre qu'une demande soit formulée à cet effet.

En l'espèce, la société ne justifie pas avoir informé les salariés de l'organisation des élections 'par tous moyens', ne produisant que des notes sans mention de leur affichage ou de leur diffusion par courrier ou courriel aux salariés.

De même, face à la carence des candidats constatée par le procès verbal du 30 novembre 2017, et passé le délai de 6 mois, l'employeur avait l'obligation de procéder à l'organisation dans les 30 jours suivant la réception de la demande de Mme [F] en date du 31 mai 2018. La société ne produit aucun document permettant sur l'organisation du protocole pré-électoral qui aurait nécessité le report des élections.

Il résulte de l'application combinée de l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles L2311-2 et L. 2314-4 du code du travail, 1382 du code civil et de l'article 8§1 de la directive 2002/1/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la communauté européenne que l'employeur, qui bien qu'il y soit légalement tenu, n'accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, a manqué à ses obligations.

En réparation du préjudice subi par Mme [A] qui n'a pu bénéficier d'interlocuteur tout au long de la période d'exécution du contrat de travail et au moment de sa mise à pied, il lui sera alloué la somme de 1.500 euros.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

Sur la remise des bulletins de salaire de juillet à novembre 2016

L'employeur ayant remis ces bulletins de paie, Mme [A] se désiste de cette demande.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la demande en nullité du licenciement

Mme [A] soutient avoir fait l'objet d'un licenciement en raison de son état de santé.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, (...) de son état de santé ou de son handicap et l'article L. 1132-4 sanctionne par la nullité toute disposition ou tout acte discriminatoire.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi n° 2008-496 du 27'mai'2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de sa demande, Mme [A] fait état :

- de son arrêt de travail pour maladie du 12 juin au 22 juillet 2018, à la suite duquel elle a pris ses congés payés jusqu'au 13 août 2018, et de l'absence d'organisation de la visite médicale de reprise par l'employeur.

La cour a retenu que l'envoi par l'employeur d'une demande à la médecine du travail le jour de reprise d'un arrêt de travail pour maladie supérieur à trente jours prolongé par quatorze jours de congés payés n'était pas suffisant pour justifier le respect de ses obligations quand il ne s'est pas assuré que la visite avait bien eu lieu dans les huit jours de la reprise.

- de son licenciement prononcé alors qu'elle était à nouveau en arrêt pour maladie.

- de la prescription des premiers motifs de la lettre de licenciement.

Mme [A], reprenant les attestations communiquées par l'employeur, relève que les faits d'injure et de diffamation qui lui sont reprochés datent de septembre 2017 ou d'août 2018, avant ses congés, ainsi que le compte rendu de l'entretien à son licenciement au cours duquel Mme [T], DRH, a reconnu être informée depuis plus de deux mois des propos insultants.

- de l'absence de mesure disciplinaire préalable.

Ce fait n'est pas contesté par l'employeur.

Mme [A] présente ainsi des faits précis et concordants laissant supposer une situation de discrimination en raison de son état de santé, imputables à la société.

Il appartient donc à la société de justifier, pour les faits considérés ci-avant comme établis, que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

1 - l'employeur justifie avoir adressé un courrier à la médecine du travail le 13 août 2018, mais sans s'assurer de la convocation de la salariée à cette visite, de sorte qu'en l'absence d'examen médical dans les 8 jours de sa reprise, le contrat de travail de Mme [A] était toujours suspendu. La mise à pied à titre conservatoire qui lui a été notifiée le 8ème jour n'exemptait pas l'employeur de son obligation de se conformer à ses obligations en termes de santé et sécurité.

2 - L'employeur soutient avoir encouragé la salariée à rester en arrêt de travail tant qu'elle n'était pas rétablie. Il produit des échanges de courrier du 28 juin 2017 dans lesquels la présidente, Mme [T], s'oppose à sa reprise anticipée afin de ne pas prendre de risque, Mme [A] ayant signalé qu'en raison du versement des indemnités journalières avec retard, elle ne pouvait pas se permettre de rester absente trop longtemps. Elle produit également des échanges de SMS avec '[R]' le 26 juin qui lui écrit de prendre le temps qu'il faut pour revenir reposée. Il n'est toutefois pas précisé l'identité ni la fonction de la personne qui s'est ainsi adressée à la salariée, Mme [A] ayant indiqué lors son entretien préalable que '[R]' était la personne avec laquelle elle s'entendait le mieux. Le courriel de Mme [T], présidente, ne fait référence qu'à ses obligations en termes de sécurité au travail.

3 - L'employeur n'a eu connaissance des faits d'insulte et d'injure qu'en août 2018, soit quelques jours avant la notification de la mise à pied de la salariée.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

La lettre de licenciement en date du 5 septembre 2018 reproche à Mme [A] des faits d'insubordination, de diffamation à l'encontre de ses collègues, et l'utilisation de termes déloyaux et malveillants à l'égard de sa hiérarchie.

* La société produit l'attestation de trois salariés dont deux représentants du personnel, qui ont été témoins de propos injurieux, dégradants et dénigrants de Mme [A]. Ces trois salariés confirment n'avoir évoqué ces faits avec l'employeur qu'au cours de l'été 2018.

M. [C] et M [O] attestent avoir été témoins de 'diffamations de la part de Mme [A] à l'encontre de [J] [B] et de [H] [N] en ce que la salariée 'a affirmé en septembre 2017 à plusieurs reprises que [J] [B] pratiquait des actes sexuels pendant les heures de travail avec M. [H] [N]. De façon répétée et diffamatoire, elle affirmait que [J] [B] était incompétente.' Elle a 'également lancé une rumeur sur une hypothétique homosexualité de [I] [Z]'.

M. [O] et Mme [B] attestent également des propos diffamatoires de Mme [A] au sujet de Mmes [T] et [E] qui auraient été alcooliques et allaient boire tous les midis.

M. [C] et M. [O] confirment des propos tenus par Mme [A] sur sa volonté de discréditer le chef de production M. [V], en indiquant qu'elle 'allait lui faire fermer sa gueule'.

* La société soutient que Mme [A] exerçait des pressions sur certains salariés en les montant les uns contre les autres :

M. [C] atteste que Mme [A] a tenté de garder un ascendant psychologique sur lui en lui faisant croire qu'il devait se méfier de ses collègues

de travail comme M. [O] et Mme [L] qui 'faisaient tout pour me faire virer' alors que c'était faux.

J'ai subi une pression permanente et quotidienne de la part de Mme [A], je venais tous les jours avec la boule au ventre.

Mme [B] atteste avoir voulu démissionner à cause des rumeurs colportées par Mme [A] :'elle a exercé une pression au quotidien sur moi afin de me déstabiliser' sans précision de date.

Mme [A] a été absente du 12 juin au 13 août 2018. Elle a repris son poste de travail le 13 août pour quatre jours, ayant été absente le 17 août avant d'être convoquée pour un entretien préalable à son licenciement le lundi 20 août. L'employeur, qui ne conteste pas la date des faits qu'il reproche à la salariée ne justifie pas qu'ils ont été portés à sa connaissance en août 2018, ne produisant aucun courriel des salariés, ni mesure d'enquête suite aux propos dénoncés.

Lors de l'entretien préalable, Mme [T] a reconnu être au courant de certains faits depuis plus de deux mois et a refusé de communiquer à la salariée les courriers qui dénonçaient les griefs reprochés. La société ne les produit pas non plus en procédure, les attestations des trois salariés datant de mai et d'août 2019.

L'employeur ne démontre donc pas que les faits dataient de moins de deux mois.

4 - les motifs de la lettre de licenciement ne font pas état de la situation de maladie de Mme [A].

Il convient dans ces conditions d'examiner les motifs du licenciement pour faute grave ayant justifié la mise à pied à titre conservatoire.

La lettre de licenciement en date du 5 septembre 2018 est ainsi libellée :

« Nous sommes au regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

La rupture de votre contrat de travail prend effet dès l'envoi de cette lettre, soit le 5 septembre 2018.

Les motifs du licenciement sont ceux évoqués lors de l'entretien précité du 30 août 2018.

- diffamation à l'encontre de vos collègues

- insubordination

- absence non autorisée et injustifiée

- termes déloyaux et malveillants à l'égard de votre hiérarchie

Par conséquent, au regard de tous ces motifs nous vous confirmons que nous ne pouvons pas poursuivre notre collaboration puisque les faits que nous avons constatés constituent une faute grave justifiant ainsi votre licenciement sans indemnité ni préavis.

Une mise à pied conservatoire vous a été signifiée le 20 août, elle vous a été confirmée par écrit le 20 août, les manquements constatés rendant impossible votre maintien dans l'entreprise. Cette mise à pied conservatoire est confirmée sans solde.»

1- l'employeur reproche des faits d'insubordination, de diffamation de Mme [A] à l'encontre de ses collègues, et l'utilisation de termes déloyaux et malveillants à l'égard de sa hiérarchie

Au-delà de la prescription des faits reprochés, la société n'en justifie pas la matérialité, aucune vérification n'ayant été opérée par Mme [T] et les trois attestations rapportant des mêmes propos tenus de manière générale. Mme [B] ne justifie pas avoir voulu démissionner ni de ce qu'elle aurait été 'perturbée' par les propos diffamatoires qui auraient été portés par Mme [A].

Mme [F] et Mme [D] soutiennent au contraire que Mme [B] était à l'origine de rumeurs suite à la promotion de Mme [A] au poste d'employée de production en septembre 2017.

Mme [A] produit de son côté cinq attestations aux termes desquelles elle n'a jamais manqué de respect ni à sa hiérarchie ni à ses collègues, qu'il convient de retenir comme moyen de preuve, comme la production d'échanges via SMS.

Ces griefs ne sont pas établis.

2 - sur son absence non autorisée et injustifiée

L'employeur reproche à Mme [A] de s'être absentée le 17 août 2018 sans informer qu'elle accompagnait son enfant à l'hôpital, ayant seulement indiqué 'bonjour [R], je suis embêtée, j'ai rendez-vous le 17 août à 10 heures 15 à [7]', sans avoir anticipé son remplacement avec ses collègues.

Mme [A] justifie avoir informé son employeur le 6 août par l'envoi du SMS, lequel lui a demandé de s'organiser avec ses collègues pour gérer son remplacement.

L'employeur ne démontre pas la désorganisation causée par l'absence de Mme [A].

Le grief n'est pas établi.

L'employeur ne démontre pas la réalité des fautes reprochées à la salariée, dont certaines sont en tout état de cause prescrites. Par ailleurs, la cour relève la concomitance entre la notification de la mise à pied le 8ème jour de sa reprise après une période d'arrêt de travail pour maladie de plus de trente jours, sans visite médicale organisée. La société échoue à démontrer que les faits invoqués par Mme [A] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de son état de santé.

En l'absence de demande de réintégration, il convient de dire nul le licenciement de Mme [A].

Sur les demandes financières

Mme [A] avait une ancienneté de deux ans et quatre mois, était âgée de 47 ans au moment de son licenciement.

Elle justifie n'avoir retrouvé un emploi que le 1er décembre 2020 et avoir perçu l'aide au retour pour l'emploi jusqu'à cette date.

Ayant eu un accident de travail dans le cadre de son nouvel emploi, les indemnités journalières ont été calculées sur la base de son salaire minoré.

Elle justifie d'une situation financière difficile avec de nombreux impayés et dette locative.

Sur les indemnités de rupture

Au regard du salaire retenu et de ce que Mme [A] bénéficiait du statut ouvrier, il lui sera alloué une indemnité compensatrice de préavis de 5.218,14 euros, outre la somme de 521,81 euros au titre des congés payés y afférents.

Conformément aux dispositions légales auxquelles renvoie la convention collective applicable, il lui sera alloué une somme de 1.630,67 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Le jugement déféré sera infirmé sur les montants arrêtés. En revanche, il sera confirmé en ce qu'il a retenu le paiement de la somme de 1.218 euros au titre de la période de mise à pied conservatoire outre la somme de 121,8 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité pour licenciement nul

En application des article L.1132-4 et L.1235-11 du code du travail, et considération prise des éléments sus visés, il sera alloué à Mme [A] une indemnité de 16.000 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure vexatoire

Mme [A] soutient que la mise à pied lui a été notifiée dans une ambiance tendue toute la journée, un papier sans entête de la société lui ayant été jeté à la figure. Elle aurait été poussée violemment dehors, M. [N] lui ayant hurlé dessus qu'il ne voulait plus qu'elle mette les pieds dans l'entreprise.

Elle soutient avoir été choquée et avoir dû être arrêtée pour maladie dès le lendemain.

Mme [A] n'établit pas la réalité de ces faits et ne démontre pas le caractère vexatoire de la notification de sa mise à pied avec convocation à un entretien ni de la notification de son licenciement.

Sa demande sera rejetée et le jugement déféré infirmé de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Mme [A] sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 15.654,42 euros au titre du travail dissimulé en ce que l'employeur a refusé de communiquer les feuilles de pointage de temps, qu'il a ainsi fait preuve de mauvaise foi l'empêchant de décompter son temps de travail et en ce qu'il n'a pas pris en compte la prime exceptionnelle de 126 euros.

Elle soutient que le paiement régulier de cette prime exceptionnelle révèle le caractère intentionnel de la dissimulation masquant le paiement d'heures supplémentaires effectuées.

Elle fait valoir également que l'employeur ne justifie pas de la déclaration de tous les salariés auprès des organismes sociaux. Mme [A] verse son relevé de carrière pour faire valoir ses droits à retraite établissant que l'employeur a déclaré de janvier au 5 septembre 2018, la somme de 31.452 euros de salaire alors que le bulletin de paie de septembre 2018 fait état d'un cumul de 17.888,89 euros, faisant apparaître une différence de 13.564 euros bruts.

L'employeur soutient que le versement des 126 euros de manière régulière correspondait à des avances, et qu'en tout état de cause le versement de telles primes ne sauraient valoir paiement d'heures supplémentaires ainsi dissimulées.

Mme [A] a bénéficié du versement d'une prime exceptionnelle de 126 euros en octobre et novembre 2017, et de janvier à juillet 2018. Dans les échanges de courriels avec Mme [T] durant son arrêt de travail pour maladie, l'employeur indiquait qu'il ne pouvait pas maintenir la prime de 126 euros en cas d'absence.

Contrairement à ce que soutient l'employeur, ces primes ne peuvent être confondues avec les avances consenties à Mme [A] certains mois et qui apparaissent de manière distincte sur les bulletins de paie.

Il n'est toutefois pas démontré que le versement de cette prime permettait de manière intentionnelle à l'employeur de compenser le versement d'heures supplémentaires, alors qu'il peut décider librement de verser une prime exceptionnelle pour récompenser et motiver ses salariés.

Par ailleurs, si le montant des versements déclarés par l'employeur à l'Agircc et à l'Arcco pour Mme [A] est supérieur au montant cumulé brut figurant sur sa fiche de paie remise en septembre 2018, ce différentiel que l'employeur n'explique pas ne peut démontrer l'intention de dissimuler un travail que la société a déclaré à l'Urssaf et sur lesquelles il a donc payé des charges sociales.

Si les heures supplémentaires doivent être payées en tant que telles et que le versement de primes ne peut en tenir lieu de règlement, il n'est pas établi que le versement régulier de 126 euros par mois correspondait à la contre partie d'heures supplémentaires majorées non rémunérées, la salariée ne démontrant pas non plus que l'employeur détenait des relevés précis d'horaires de travail avant juin 2018.

La demande de Mme [A] sera rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La présente décision sera déclarée opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4], dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable, à l'exception des dépens.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts.

La société devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

Vu l'équité, la créance de Mme [A] sera fixée à la somme de 2 500 euros au titre des procédures de première instance et d'appel;

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné la SAS Broderie de Lomagne à verser à Mme [A] la somme de 1.218 euros bruts au titre du salaire retenu durant la période de mise à pied conservatoire outre la somme de 121,80 euros au titre des congés payés y afférents sauf à dire que sa créance sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne représentée par son administrateur judiciaire la SCP CBF Associés et son mandataire judiciaire la SELARL FIRMA,

- a débouté Mme [A] de ses demandes au titre de la perte de chance et de l'exécution déloyale du contrat de travail, de dommages et intérêts pour retard pris dans l'arrêt des prélèvements de la mutuelle d'entreprise et de travail dissimulé ;

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés,

Fixe les créances de Mme [A] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne représentée par son administrateur judiciaire la SCP CBF Associés et son mandataire judiciaire la SELARL FIRMA, aux sommes de

- 18.869,36 euros bruts au titre des heures supplémentaires entre mai 2016 et juillet 2018,

- 1.886,93 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 1.500 euros au titre du préjudice subi du fait de l'absence d'élections des représentants du personnel,

- 500 euros à titre de dommages et intérêts pour l'absence de transmission de l'attestation de salaire destinée au paiement des indemnités journalières,

Dit le licenciement nul,

Fixe les créances de Mme [A] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne représentée par son administrateur judiciaire la SCP CBF Associés et son mandataire judiciaire la SELARL FIRMA, aux sommes de

- 5.218,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 521,81 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1.630,67 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 16.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

- 2500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel ;

Déboute Mme [A] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts;

Dit que la SAS Broderie de Lomagne représentée par son administrateur judiciaire la SCP CBF Associés et son mandataire judiciaire la SELARL FIRMA devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4], dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable et à l'exception des dépens,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de la SAS Broderie de Lomagne représentée par son administrateur judiciaire la SCP CBF Associés et son mandataire judiciaire la SELARL FIRMA.

Signé par Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/01840
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;21.01840 ?
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