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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01916

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 avril 2024, 22/01916


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/01916 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVAW





















CPAM DE [Localité 1]



c/

S.A.S. [2]













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :

>
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/01916 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVAW

CPAM DE [Localité 1]

c/

S.A.S. [2]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 mars 2022 (R.G. n°21/00271) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 15 avril 2022.

APPELANTE :

CPAM DE [Localité 1], agissant en la personne de son directeur légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S. [2] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]

représentée par Me Valéry ABDOU de la SELARL ABDOU ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Me BECQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] [W] était employé par la société [2] en qualité d'opérateur en réhabilitation quand il a été victime, le 18 juin 2019, d'un accident du travail.

Le 25 juin 2019, son employeur a établi une déclaration d'accident du travail mentionnant qu'"après avoir ressenti des douleurs dans le dos dans la journée, M. [B] s'est bloqué le dos en dételant un treuil de tirage".

Le certificat médical initial a été établi le 19 juin 2019 dans les termes suivants : "lombalgie aiguë droite".

Par décision du 4 octobre 2019, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 1] (la caisse en suivant) a refusé de prendre en charge cet accident au titre de la législation professionnelle, estimant qu'il n'existait pas de preuve que les faits se soient produits au temps et au lieu du travail.

L'assuré a contesté ce rejet devant la commission de recours amiable de la caisse qui a fait droit à sa demande à l'issue de sa réunion du 17 décembre 2019.

Par notification du 6 janvier 2020, la caisse a donc informé le salarié et l'employeur que l'accident du 18 juin 2019 serait pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Par décision du 28 octobre 2020, la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente partielle de M. [B] [W] à 14%, dont 2% de taux socioprofessionnel.

La société [2] a exercé un recours auprès de la commission médicale de recours amiable, qui a baissé ce taux à 12%, dont 2% de taux socioprofessionnel.

Par courrier du 10 mars 2021, la société [2] a porté sa contestation devant le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par jugement du 24 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-dit qu'à la date du 7 juin 2020 le taux d'incapacité permanente partielle opposable à la société [2] suite à l'accident dont a été victime M. [B] [W] de l'assuré était de 7% dont 2% de taux socioprofessionnel ;

-laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 15 avril 2022, la CPAM de [Localité 1] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 18 janvier 2024, la caisse demande à la cour de :

-réformer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

-débouter la société [2] de son recours et de l'ensemble de ses demandes;

-confirmer le taux d'incapacité permanente partielle de 12% dont 2% de taux professionnel déterminé suite à l'accident du travail dont a été victime M. [B] [W] ;

-déclarer opposable à la requérante ledit taux.

La caisse soutient que son médecin-conseil avait fait une juste application des barèmes d'invalidité annexés au code de la sécurité sociale en fixant un taux d'incapacité permanente partielle de 12%, dont 2% de taux socioprofessionnel pour le type de séquelles conservées et en tenant compte de l'existence d'un état antérieur. Elle argue qu'il fallait en effet en tenir compte sans pour autant minorer les atteintes de la victime. Dans la mesure où le salarié n'a pas été placé en arrêt de travail au cours des années suivantes les interventions médicales subies par l'assuré, son état pathologique préexistant serait donc minime. La caisse rappelle la persistance d'une atteinte majeure à la principale épreuve fonctionnelle démontrant une raideur importante avec perte de 50% des différents mouvements demandés par le médecin-conseil.

Aux termes de ses dernières conclusions du 6 mars 2023, la société [2] demande à la cour de :

A titre principal,

-ramener à 0% le taux d'incapacité permanente partielle attribué à M. [B] [W] ;

A titre subsidiaire,

-confirmer le jugement entrepris et en conséquence, débouter la caisse de son recours.

La société [2] se prévaut de la note de son médecin-conseil, le docteur [O], proposant un taux d'incapacité permanente partielle de 0%, l'imputabilité des lésions au travail étant discutable. L'employeur fait valoir que le jour de l'accident allégué, M. [B] [W] n'a pas effectué d'effort de soulèvement d'une charge ou subi une chute sur le dos. Il considère qu'il s'agit d'un élan douloureux dont l'évolution défavorable ne peut qu'avoir une cause extérieure au travail.

L'affaire a été fixée à l'audience du 22 février 2019, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions des articles L434-2 et R434-32 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime d'un accident du travail est déterminé d'après la nature de son infirmité, son état général, son âge, ses facultés physiques et mentales mais aussi d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles compte tenu de barèmes d'invalidité annexés au code précité.

La notion de qualification professionnelle s'entend au regard des possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir la victime à se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Les barèmes évoqués sont purement indicatifs et ont pour but de fournir des bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail ou maladies professionnelles. Le médecin chargé de l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle dispose ainsi de l'entière liberté de s'en écarter en fonction des particularités propres à chaque assuré et précédemment cités, à condition d'en exposer clairement les raisons.

Sur le taux médical

En l'espèce, le recours formé par la société [2] devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux à l'encontre du taux d'incapacité permanente partielle de 12% qui lui est opposable suite à l'accident du travail dont a été reconnu victime M. [B] [W] le 18 juin 2019, a donné lieu à la mise en 'uvre d'une expertise sur pièces confiée au professeur [T]. Le praticien a retenu un taux global de 7%, comprenant 2% de taux socioprofessionnel.

La caisse conteste cet avis, estimant qu'il ne tient pas compte de l'importance des lésions conservées par l'assuré et arguant que l'état antérieur avait déjà justifié une minoration du taux de sa part. La société [2] sollicite quant à elle, un abaissement à 0% du taux qui lui est opposable, soutenant que les séquelles de son salarié ne sont pas imputables audit accident.

Selon le résumé des séquelles rédigé par le médecin-conseil, la caisse a retenu une "arthrodèse lombaire ' demande taux professionnel". Il résulte du rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle que l'assuré présentait, à la date de consolidation de son état de santé, soit le 7 juin 2020, des mouvements d'extension, de rotation et d'inclinaison inclinés de moitié. La marche était limitée, les activités sportives réputées impossibles et des douleurs persistaient. Cet état global correspond à une gêne fonctionnelle et des douleurs importantes pour lesquelles les barèmes des invalidités prévoient, en leur paragraphe 3.2 relatif au rachis dorso-lombaire, un taux d'incapacité permanente partielle compris entre 15 et 25%.

Il est ainsi patent qu'en fixant le taux médical de M. [B] [W] à 10%, la caisse avait d'ores-et-déjà tenu compte de l'état antérieur.

De plus, il est constant que la présomption d'origine accidentelle ne cède que devant la preuve du caractère inéluctable du développement de l'affection, en raison de l'état antérieur de la victime. Il n'y a pas accident du travail s'il est démontré que l'affection est due uniquement à des prédispositions constitutionnelles ou à l'évolution spontanée d'un état pathologique antérieur (Cass. soc., 17 janv. 1973, no 72-10.344 ; Cass. soc., 17 oct. 1991, no 89-20.858; Cass. 2e civ., 6 avr. 2004, no 02-31.182). Le doute subsistant sur l'origine de l'affection bénéficie à la victime (Cass. soc., 12 mai 1966, no 65-11.850 ; Cass. soc., 8 oct. 1986, no 85-11.752). Au surplus, une causalité partielle ou occasionnelle demeure suffisante pour que la présomption ait plein effet: la loi n'exige pas que l'accident ait été la cause unique de la lésion.

Or il est rappelé que la matérialité de l'accident allégué par l'assuré a été débattue et a donné lieu à un refus de prise en charge dans un premier temps. La caisse a finalement considéré qu'il y avait bien eu un accident du travail et l'existence d'un état antérieur ne peut justifier à lui seul la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle très inférieur aux préconisations des barèmes.

Le rapport rédigé par l'expert ne permet pas plus de comprendre une telle disparité puisqu'il reprend l'avis médico-légal établi par le médecin-conseil de l'employeur avant de conclure que : "cependant selon la jurisprudence "ni un état antérieur précaire mais surmonté ni une prédisposition latente ou la décompensation d'un état pathologique pré-existant ne doivent être pris en compte pour réduire le droit à l'indemnisation. Seuls les effets néfastes de l'état antérieur déjà constatés avant le traumatisme doivent venir en déduction" Dans le cas de ce patient la fragilisation du rachis lombaire par les antécédents doivent être pris en compte pour venir en déduction. On peut donc proposer pour cet état de lombalgies sur un rachis fragilisés un taux d'IPP de 5% + 2%'.

Or, l'aggravation entièrement due à un accident du travail, d'un état pathologique antérieur n'occasionnant auparavant aucune incapacité, doit être indemnisée dans sa totalité (Cass. soc., 30 nov. 1967, no 66-14.143, Bull. civ. IV, p. 642). Le salarié souffrant d'une pathologie prise en charge en tant que maladie professionnelle, mais n'occasionnant aucune incapacité, ensuite victime d'un accident du travail aggravant sa pathologie, et lui occasionnant une incapacité permanente de 20 %, doit être totalement indemnisé de ses séquelles au titre de l'accident (Cass. 2e civ., 8 avr. 2021, no 20-10.621).

En outre, la fragilisation du rachis n'est pas démontrée ici puisque le précédent accident du travail dont a été victime l'assuré a été déclaré guéri, ce qui sous-entend un retour à l'état antérieur sans séquelles. En produisant une note médicale de son médecin-conseil, qui a eu accès à l'entier dossier, la caisse apporte des réponses sur les points imprécis du rapport d'évaluation initial du taux d'incapacité permanente partielle. Elle explique que la victime n'avait en fait subi qu'une seule intervention chirurgicale avant son arthrodèse et que M. [B] [W] n'a pas bénéficié d'arrêts de travail pour une atteinte lombaire avant cet accident du 18 juin 2019.

Compte tenu de tous ces éléments, il y a donc lieu de confirmer le taux médical de 10% fixé par la caisse. Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le taux socioprofessionnel

M. [B] [W] a été licencié pour inaptitude le 19 juin 2020 après avoir été reconnu inapte au soulèvement de charges lourdes et aux objets difficiles à manutentionner, et à toute tâche générant des vibrations transmises aux membres supérieurs et aux activités entrainant des postures contraignantes. Ces contraintes sont nombreuses et limitent considérablement ses chances de retrouver un emploi. Cependant il faut tenir compte de son âge (33 ans au moment de la consolidation) et de ses facultés à suivre une formation facilitant sa réorientation. Le taux socioprofessionnel de 2% est donc justifié. Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur les dépens

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la société [2], qui succombe, sera condamnée aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 24 mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a fixé le taux médical opposable à la société [2] en réparation de l'accident du travail du 18 juin 2019 à 5% et laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit qu'au 7 juin 2020, date de consolidation de son accident du 18 juin 2019, le taux médical opposable à la société [2] était de 10% ;

Condamne la société [2] aux dépens des procédure de première instance et d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/01916
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01916 ?
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