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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01903

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 avril 2024, 22/01903


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 avril 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/01903 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MU7Q





















CPAM DE LA GIRONDE



c/

S.A.S. [3]













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :


r>LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 ma...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 avril 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/01903 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MU7Q

CPAM DE LA GIRONDE

c/

S.A.S. [3]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2022 (R.G. n°21/00328) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 14 avril 2022.

APPELANTE :

CPAM DE LA GIRONDE, agissant en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX substituée par Me BOUYX

INTIMÉE :

S.A.S. [3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Caroline ARNAUD

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [R] [T] a été employé par la société [3] en qualité de conducteur routier à partir du 13 septembre 2004.

Le 26 mars 2020, M. [T] a établi une déclaration de maladie professionnelle faisant mention d'une « tendinite épicondylienne droite ».

Le certificat médical initial a été établi le 12 mars 2020 dans les termes suivants : « tendinite fissuraire épicondylienne droite, liée à une activité professionnelle très sollicitante (port et manipulations répétées de charges lourdes) a bénéficié d'un PRP le 8 mars 2020 ».

Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles a été saisi par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (en suivant : la CPAM de la Gironde).

Le 26 octobre 2020 ce comité a considéré que les éléments de preuve d'un lien de causalité direct entre la pathologie déclarée et l'exposition professionnelle incriminée étaient réunis dans ce dossier.

Par décision du 27 octobre 2020, la CPAM de la Gironde a prise en charge la maladie au titre de la législation des risques professionnels.

Le 31 décembre 2020, La société [3] a saisi la commission de recours amiable de la CPAM de la Gironde aux fins de contester cette décision.

Par décision du 02 février 2021, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté ce recours.

Par courrier recommandé du 16 mars 2021, la société [3] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par jugement du 29 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-déclaré inopposable à la société [3] la décision de la CPAM de la Gironde de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [T] le 26 mars 2020,

-condamné la CPAM de la Gironde aux entiers dépens.

Par déclaration du 15 avril 2022, la CPAM de la Gironde a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées le 01 décembre 2022, la CPAM de la Gironde demande à la cour de:

-la recevoir en ses demandes, fins et conclusions et l'en déclarer bien fondée,

-infirmer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

-débouter la société [3] de ses demandes comme non fondées ni justifiées,

-juger que la décision de prise en charge de la maladie de M. [T] au titre de la législation professionnelle est opposable à la société [3],

-condamner la société [3] au paiement d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens,

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 23 novembre 2023, la société [3] demande à la cour de:

-déclarer son recours recevable,

A titre principal,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a déclaré inopposable la décision de la CPAM de la Gironde de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, la maladie déclarée par M. [T] en l'absence de respect du principe du contradictoire par la CPAM,

A titre subsidiaire,

-juger inopposable à la société [3] la décision de prise en charge en raison de l'absence d'exposition au risque.

En tout état de cause,

-condamner la CPAM de la Gironde à payer à la société [3] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

L'affaire a été fixée à l'audience du 18 janvier 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

L'employeur expose qu'il a reçu le courrier d'information de la caisse le 24 juillet 2020 et n'avait que jusqu'au 21 août 2020 pour consulter le dossier et le compléter par des pièces de sorte que le délai de 40 jours francs prévu par l'article R. 461-10 du code de la sécurité sociale a été méconnu par la caisse qui n'a pas respecté le principe du contradictoire ; il s'ensuit que la prise en charge de la maladie déclarée par M.[T] au titre de la législation professionnelle doit lui être déclarée inopposable.

La caisse fait valoir qu'elle dispose d'un délai de 120 jours pour saisir un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) mentionnées à l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et qu'elle dispose d'un nouveau délai de 120 jours francs lorsqu'elle saisit le CRRMP à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle expose qu'aucune inopposabilité ne peut être encourue au motif que la phase de complétude du dossier fixée à 30 jours francs par le texte sus-visé n'a pas duré 30 jours francs à compter de la réception du courrier informant l'employeur de la saisine du CRRMP puisqu'en droit, l'inopposabilité ne peut en réalité sanctionner qu'un non respect de la phase de consultation contradictoire du dossier complet de 10 jours francs et qu'en fait, la phase de 40 jours débute nécessairement à compter de la saisine du CRRMP matérialisée par le courrier d'information aux parties, et non par la réception de cette information.

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l'accident :

1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;

2° Lorsqu'elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l'article L. 461-5 ;

3° Pour l'application des règles de prescription de l'article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.'

Aux termes de l'article R. 461-10 du même code, 'lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d'un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l'article R. 441-14, complété d'éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu'à celle de l'employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu'ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l'employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l'employeur des dates d'échéance de ces différentes phases lorsqu'elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

A l'issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.

La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis.'

Selon l'article R.461-10 ci-dessus rappelé, la caisse, qui dispose d'un nouveau délai de cent vingt jours francs à compter de la saisine du CRRMP, est tenue d'informer de cette saisine la victime et l'employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, ainsi que de toutes les dates d'échéances et notamment, de celles afférentes à la consultation du dossier.

Ainsi, la mise à disposition du dossier pendant 40 jours francs se décompose en un premier délai de 30 jours ouvrant droit à l'employeur, la victime, la caisse et le service du contrôle médical de compléter le dossier et en un second délai de 10 jours au cours duquel seules la consultation et la formulation d'observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et à l'employeur.

Le CRRMP se prononce ensuite à l'issue de la procédure de consultation par un avis motivé, émis dans un délai de 110 jours francs à compter de sa saisine.

Il est exact que seuls les points de départ du délai dans lequel le CRRMP doit se prononcer (110 jours francs à compter de sa saisine) et dans lequel la caisse doit statuer sur le caractère professionnel de la maladie (120 jours francs à compter de cette saisine) sont mentionnés dans ce texte et que ce dernier ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours imparti pour consulter et enrichir le dossier puis présenter des observations.

Contrairement à ce que soutient la caisse, le nouvel article R. 461-10 du code de la sécurité sociale n'a pas fait qu'entériner la construction jurisprudentielle garantissant aux parties un délai de consultation du dossier de 10 jours francs avant la transmission effective du dossier au CRRMP.

Le texte n'a pas davantage prévu que la caisse notifie aux parties, par tout moyen permettant de s'assurer de la réception de cette information, la date jusqu'à laquelle elles pourraient consulter le dossier et l'enrichir, qui serait suivi d'un délai fixé à 10 jours francs pour présenter leurs observations avant la transmission au CRRMP, ce qui conduirait à vérifier si l'employeur a, dans le principe du respect du principe du contradictoire, bénéficié d'un délai suffisant pour consulter et enrichir le dossier.

Il ressort des dispositions susvisées que le pouvoir réglementaire a fixé à 30 jours calendaires le délai ouvert aux parties pour ajouter au dossier tous les éléments qu'elles jugent utile de porter à la connaissance du CRRMP, en plus de ceux déjà présents au dossier, délai auquel s'ajoutent 10 jours francs pour formuler des observations.

Or, ce délai ne présente d'utilité que si celui auquel il est imparti en a connaissance de sorte qu'il ne court nécessairement qu'à compter de la réception par les destinataires de l'information communiquée par la caisse, comme le laisse d'ailleurs entendre l'usage dans l'article R. 461-10 de la formule 'par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information'.

A cet égard, le point de départ 'glissant' du délai induit par le recours à la lettre recommandée et aux aléas de son acheminement par la voie postale, duquel résulte la possibilité d'une date de clôture de la procédure différente d'une partie à l'autre ne saurait constituer un argument pertinent pour écarter l'objectif poursuivi par le texte applicable tenant au renforcement du respect d'une procédure d'instruction contradictoire.

En l'espèce, la caisse a informé la société de la saisine du CRRMP par lettre recommandée avec avis de réception le 21 juillet 2020, qui a été réceptionné par l'employeur le 24 juillet 2020 selon l'accusé de réception dudit courrier versé aux débats.

Ce courrier informe l'employeur qu'il dispose jusqu'au 21 août 2020 pour consulter et compléter le dossier puis d'un délai expirant le 1er septembre 2020 pour formuler des observations sans joindre de nouvelles pièces.

Il s'ensuit que, conformément aux règles de computation des délais prescrites aux articles 641 et 642 du code de procédure civile, la société a bénéficié d'un délai de 27 jours utiles à compter de la réception de la lettre recommandée pour consulter et compléter le dossier.

Ainsi, la notification ne répond pas aux exigences de l'article R.461-10 précité, dès lors que la caisse n'a pas mis l'employeur en mesure de bénéficier du délai de 30 jours imparti pour consulter et compléter le dossier.

Si la caisse fait observer à juste titre que l'employeur disposait du pouvoir de compléter son dossier avant même la saisine du CRRMP, cet argument est inopérant dans la mesure où il doit disposer dans son entièreté du délai impératif complémentaire imparti par ce texte, dont la finalité est de permettre à l'employeur de verser au dossier, pour qu'elles soient prises en compte par le CRRMP et soumises à son examen, les pièces qu'il estime de nature à remettre en cause le lien entre la maladie et l'activité professionnelle du salarié, dans le strict respect du caractère contradictoire de la procédure d'instruction.

Dans ces conditions, la sanction, certes non expressément prévue par le texte applicable, ne peut néanmoins qu'être celle de l'inopposabilité, à l'égard de l'employeur, de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle de M. [T] pour non-respect du caractère contradictoire de la procédure.

Il convient dans ces conditions de confirmer le jugement entrepris.

La caisse qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel. Elle sera également condamnée à verser à la caisse la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code précité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME en totues ses dispositions le jugement déféré

Y ajoutant,

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde à verser à la société [3] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde aux dépens d'appel

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/01903
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01903 ?
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