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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01534

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 avril 2024, 22/01534


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 avril 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/01534 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MT46





















MSA DE LA GIRONDE



c/

S.A.S. [3]









Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parven

ue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 20...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 avril 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/01534 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MT46

MSA DE LA GIRONDE

c/

S.A.S. [3]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 2022 (R.G. n°21/01180) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 25 mars 2022.

APPELANTE :

MSA DE LA GIRONDE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Monsieur [C] dûment mandaté

INTIMÉE :

S.A.S. [3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Caroline ARNAUD

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] a été employée par la société [3] en qualité d'ouvrière agricole à partir du 04 janvier 2016.

Le 27 janvier 2017, la société [3] a établi une déclaration d'accident du travail mentionnant « vive douleur dans le dos et l'épaule qui l'a immobilisé ».

Le certificat médical initial a été établi le 25 janvier 2017 dans les termes suivants : « dorso lombalgies aigues, blocage après effort au travail ».

Par une décision notifiée le 16 février 2017, la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde a pris en charge l'accident du travail au titre de la législation des risques professionnels.

Le 09 avril 2021, la société [3] a saisi la commission de recours amiable de la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde aux fins de contester cette décision.

Par décision du 07 juillet 2021, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté ce recours.

Par requête du 17 août 2021, la société [3] a contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux.

L'état de Mme [X] était considéré consolidé au 31 janvier 2022.

Par jugement du 15 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-déclaré inopposables à la société [3] les soins et arrêts de travail postérieurs au 03 mars 2017 prescrits au titre de l'accident du travail subi par Mme [X] le 25 janvier 2017,

-condamné la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde aux entiers dépens.

Par déclaration du 28 mars 2022, la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 13 novembre 2023, la caisse de mutualité sociale agricole de la Gironde demande à la cour de:

-infirmer le jugement entrepris,

-déclarer opposables à la société [3] les soins et arrêts de travail postérieurs au 03 mars 2017 prescrits au titre de l'accident du travail subi par Mme [B] [X] le 25 janvier 2017,

-à titre subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise médicale.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 08 janvier 2024, la société [3] demande à la cour de:

A titre principal,

-confirmer le jugement entrepris,

A titre subsidiaire,

-juger qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions et arrêts de travail indemnisés au titre de l'accident du 25 janvier 2017,

-ordonner avant dire droit une expertise médicale judiciaire et nommer tel expert pour qu'il effectue sa mission habituelle,

-renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du contenu du rapport d'expertise et juger inopposables à la société [3] les prestations prises en charge au-delà de la date réelle de consolidation et celles n'ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec l'accident du 25 janvier 2017.

L'affaire a été fixée à l'audience du 18 janvier 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

La caisse fait valoir qu'elle produit devant la cour le certificat médical initial et les certificats médicaux de prolongation subséquents jusqu'à la date du 31 janvier 2022, date de la consolidation, et que l'ensemble de ces arrêts de travail, devant être rattachés à l'accident du travail initial du 25 janvier 2017, ont été prescrits par le médecin traitant de Mme [X].

La société expose, par l'analyse de son médecin mandaté, que la présomption d'imputabilité doit être renversée en ce qu'il est clairement mis en avant dans les documents médicaux une cause étrangère au travail compte tenu de la rhizolyse et de l'arthrodèse qui ont été effectués alors que ces interventions sont pratiquées pour traiter des pathologies dégénératives et non traumatiques. En outre, elle relève que le rapport de la commission médicale de recours amiable ne motive pas sa décision de rejet, ne présentant ainsi pas d'argumentaire médical pertinent permettant de remettre en cause l'argumentation de leur médecin conseil.

Il résulte des articles 1353 du code civil et de l'article L 411-1 du code de la sécurité sociale que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travial précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et qu'il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire.

Il s'agit d'une présomption simple, que l'employeur, même s'il n'a pas contesté le caractère professionnel de l'événement, peut renverser en démontrant que les lésions, soins et arrêts de travail litigieux ne sont pas/plus, en totalité ou pour partie, imputables à l'accident du travail, et qu'il existe soit état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident, soit une cause postérieure totalement étrangère, auxquels les soins et arrêts de travail contestés se rattacheraient.

Pour ce faire, l'employeur peut solliciter une mesure d'expertise judiciaire, étant précisé que les juges sont libres d'ordonner ou de ne pas ordonner cette expertise.

En l'espèce, la matérialité de l'accident survenu le 25 janvier 2017 à Mme [X] ne fait l'objet d'aucune contestation. La cour observe par ailleurs qu'un arrêt de travail a été prescrit à l'assurée lors de l'établissement du certificat médical initial de sorte que la présomption d'imputabilité doit trouver à s'appliquer à l'ensemble des soins et arrêts de travail de Mme [X] jusqu'à la date de sa consolidation soit jusqu'au 31 janvier 2022.

Pour contester cette présomption, la société produit l'avis médical du docteur [U] daté du 2 janvier 2024 qui conclut : 'Selon les préconisations de l'HAS, la durée d'arrêt de travail pour une lombalgie aigue ou une sciatique selon le type d'emploi et sans indication opératoire peut varier de 3 jours pour un travail léger à 35 jours pour un travail physique lourd (charge $gt; 25 kg). Lombalgies avec sciatique droite rebelle aux différents traitements (infiltrations, kinésithérapie, stage intensif de rééducation puis rhizolyse) pour laquelle une arthrodèse lombaire L5 S1 est réalisée. L'absence de chirurgie dans les suites immédiates est en faveur d'une hernie discale sans signe de déficit neurologique, sensitif ou neurologique. Il s'agit bien d'un état antérieur dégénératif intriqué qui évolue pour son propre compte. Les suites de l'AT du 25/01/2017 peuvent être considérées épuisées au 03/03/2017 pour une discopathie protrusive modérée en L5S1 sans signe d'hernie discale constituée dans les suites immédiates et en l'absence d'indication opératoire. Les arrêts de travail suivants auraient dû être pris au titre de l'assurance maladie ordinaire compte tenu de l'état antérieur dégénératif manifeste pour lequel notamment une rhizolyse puis une arthrodèse ont été réalisées.'

Cependant, force est de constater que le médecin traitant de Mme [X] a, sur chacun de ses certificats médicaux, mentionné des constatations médicales détaillées, singulièrement lombalgies avec sciatique droite, hernie discale sans amélioration, l'amenant à prescrire des arrêts de travail à l'égard de la salariée toujours en lien avec l'accident du travail du 25 janvier 2017, constatations médicales corroborées par un examen tomodensitométrique du rachis lombosacre du 3 mars 2017 et trois IRM.

La commission médicale de recours amiable, dans le cadre de son rapport, conforte l'analyse du médecin traitant. Elle retient en effet que les arrêts et soins prescrits à l'assurée sont imputables à son accident du travail survenu le 25 janvier 2017 et justifient le versement des prestations AT/MP et rajoute que la prise en charge des arrêts et soins prescrits doit être maintenue, sans qu'il ne puisse être relevé un manque de motivation du rapport ou la non prise en compte des arguments de l'employeur par la commission.

La cour relève que l'avis médical établi par le Docteur [U] à la demande de la société ne repose que sur des hypothèses non documentées concernant un éventuel état antérieur ou une affection interférente, sans avoir examiné ni l'assuré, ni son entier dossier médical, étant rappelé que les pièces le composant sont couvertes par le secret médical.

Il y a lieu par ailleurs de rappeler que la seule durée même apparemment longue des arrêts de travail ne permet pas à l'employeur de présumer que ceux-ci ne sont pas la conséquence de l'accident du travail de sorte que la société ne peut s'en prévaloir pour renverser la présomption d'imputabilité dont bénéficie la caisse.

Enfin, les seuls doutes émis par l'employeur ne peuvent être considérés comme étant suffisamment sérieux, à défaut d'être probants, pour justifier la mise en oeuvre d'une expertise médicale judiciaire qui n'a pas vocation à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve

Il résulte de l'ensemble de ses éléments que la société ne rapporte pas, contrairement à ce qu'elle affirme, de preuve permettant de renverser la présomption d'imputabilité dès lors que des doutes ne peuvent constituer un commencement de preuve lorsqu'ils sont basés sur des considérations hypothétiques et qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail et évoluant pour son propre compte.

Il y a lieu, dans ces conditions, d'infirmer le jugement déféré et de déclarer la totalité des soins et des arrêts de travail prescrits au titre de l'accident du travail dont a été victime Mme [X] le 25 janvier 2017 opposables à la société.

La société [3], qui succombe devant la Cour, sera tenue aux dépens de première instance, la décision étant infirmée de ce chef et des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE opposable à la société [3] la totalité des soins et arrêts de travail prescrits suite à l'accident du travail du 25 janvier 2017 dont a été victime Mme [X],

CONDAMNE la société [3] aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/01534
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01534 ?
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