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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01530

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 avril 2024, 22/01530


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 avril 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/01530 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MT4W





















[4]



c/

S.A.S. [3]









Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adress

e actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 2022 (R.G. n°21/...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 avril 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/01530 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MT4W

[4]

c/

S.A.S. [3]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 2022 (R.G. n°21/01199) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 25 mars 2022.

APPELANTE :

[4] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Monsieur [P] dûment mandaté

INTIMÉE :

S.A.S. [3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social t [Adresse 2]

représentée par Me Xavier BONTOUX de la SAS BDO AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON substitué par Me Caroline ARNAUD

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] a été employé par la société [3] en qualité de tractoriste à partir du 6 janvier 1997.

Le 17 mai 2017, la société [3] a établi une déclaration d'accident du travail mentionnant 'déchirures musculaires ou tendineuses'.

La caisse de [4] a pris en charge les conséquences financières de cet accident du travail au titre de la législation des risques professionnels.

L'assuré a été déclaré consolidé le 21 janvier 2019.

Le 20 avril 2021, la société [3] a saisi la commission de recours amiable de la caisse de [4] aux fins de contester cette décision.

La commission de recours amiable de la caisse de [4] ayant implicitement rejeté ce recours, la société [3] a, par requête du 30 septembre 2021, contesté cette décision devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par jugement du 15 mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-déclaré inopposables à la société [3] les soins et arrêts de travail postérieurs au 7 juin 2017 prescrits au titre de l'accident du travail subi par M. [S] le 17 mai 2017,

-condamné la caisse de [4] aux entiers dépens.

Par déclaration du 28 mars 2022, la caisse de [4] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 14 novembre 2023, la caisse de [4] demande à la cour de:

-infirmer le jugement entrepris,

-déclarer opposable à la société [3] les soins et arrêts de travail postérieurs au 7 juin 2017 prescrits au titre de l'accident du travail subi par M. [S] le 17 mai 2017,

A titre subsidiaire,

-ordonner une mesure d'expertise médicale.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 5 janvier 2024, la société [3] demande à la cour de :

'A titre principal,

-juger inopposable à son encontre l'ensemble des arrêts de travail prescrits à M. [S], au titre de son accident du 17 mai 2017, pour défaut de transmission de l'intégralité du rapport médical mentionné à l'article L. 142-6 du code de la sécurité sociale,

A titre subsidiaire,

-juger inopposable à son encontre l'ensemble des arrêts de travail prescrits à M. [S], au titre de son accident du 17 mai 2017,

A titre infiniment subsidiaire,

-juger inopposable à son encontre l'ensemble des arrêts de travail prescrits à M. [S] au-delà du 28 juillet 2017 en l'absence de preuve de la continuité des symptômes et des soins,

A titre très infiniment subsidiaire,

-juger qu'il existe un différent d'ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions et arrêts de travail indemnisés au titre de l'accident du 17 mai 2017,

-ordonner avant-dire droit, une expertise médicale judiciaire sur pièces aux frais avancés de la CPAM ou l'employeur, le litige intéressant les seuls rapports caisse/employeur, afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail pris en charge par la CPAM au titre de l'accident du 17 mai 2017,

-nommer tel expert pour mission de :

-prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [S] établi par la CPAM,

-déterminer exactement les lésions provoquées par l'accident,

-fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe et exclusive avec ces lésions,

-dire si l'accident a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statut quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,

-en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts de travail au titre de la législation professionnelle n'est plus médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident,

-rédiger un pré-rapport à soumettre aux parties,

-intégrer dans le rapport d'expertise final les commentaires de chaque partie concernant le pré-rapport et les réponses apportées à ces commentaires,

-renvoyer l'affaire à une audience ultérieure pour qu'il soit débattu du contenu du rapport d'expertise et juger inopposables à son encontre les prestations prises en charge au-delà de la date réelle de consolidation et celles n'ayant pas de lien direct, certain et exclusif avec l'accident du 17 mai 2017".

L'affaire a été fixée à l'audience du 18 janvier 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites soutenues oralement à l'audience conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'inopposabilité des arrêts et des soins en l'absence de respect du principe du contradictoire par la caisse

La société fait valoir que le service médical de la commission médicale de recours amiable n'a pas transmis au Docteur [N], médecin qu'elle avait mandaté, l'intégralité du rapport mentionné à l'article L. 142-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier n'ayant pas reçu l'intégralité des certificats médicaux.

Il ressort des dispositions de l'article R. 142-8 du code de sécurité sociale, que 'pour les contestations formées dans les matières mentionnées au 1°, en ce qui concerne les contestations d'ordre médical, et aux 4°, 5° et 6° de l'article L. 142-1, et sous réserve des dispositions de l'article R. 711-21, le recours préalable mentionné à l'article L. 142-4 est soumis à une commission médicale de recours amiable.'

Selon les dispositions de l'article R. 142-8-3 du code de sécurité sociale, 'lorsque le recours préalable est formé par l'employeur, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours, par tout moyen conférant date certaine, le rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis au médecin mandaté par l'employeur à cet effet. Le secrétariat informe l'assuré ou le bénéficiaire de cette notification.'

L'article R. 142-1-A du code de sécurité sociale précise dans son V 'le rapport médical mentionné aux articles L. 142-6 et L. 142-10 comprend :

1° L'exposé des constatations faites, sur pièces ou suite à l'examen clinique de l'assuré, par le praticien-conseil à l'origine de la décision contestée et ses éléments d'appréciation;

2° Ses conclusions motivées ;

3° Les certificats médicaux, détenus par le praticien-conseil du service du contrôle médical et, le cas échéant, par la caisse, lorsque la contestation porte sur l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle.'

ll résulte des articles L. 142-6, R. 142-8-2 , R. 142-8-3, alinéa 1er, R. 142-1- A, V, du code de la sécurité sociale, destinés à garantir un juste équilibre entre le principe du contradictoire à l'égard de l'employeur et le droit de la victime au respect du secret médical, que la transmission du rapport médical du praticien-conseil du contrôle médical ne peut se faire que par l'autorité médicale chargée d'examiner le recours préalable.

Au stade du recours devant la commission médicale de recours amiable, l'absence de transmission du rapport médical et de l'avis au médecin mandaté par l'employeur n'entraîne pas l'inopposabilité, à l'égard de ce dernier, de la décision de prise en charge par la caisse des soins et arrêts de travail prescrits jusqu'à la date de consolidation ou guérison, dès lors que l'employeur dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l'expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévu à l'article

R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale et d'obtenir, à l'occasion de ce recours, la communication du rapport médical dans les conditions prévues par les articles L. 142-10 et R. 142-16-3 du même code.

En l'espèce, il ressort du rapport médical du Docteur [N] en date du 21 août 2021 que ce dernier a eu accès lors du recours devant la commission médicale de recours amiable tant au certificat médical initial de M. [S] en ce qu'il en rapporte son contenu, à savoir 'douleur et diminution force musculaire épaule droite avec suspiçion pathologie coiffe, soins sans arrêt de travail jusqu'au 7 juin 2017" qu'au certificat final du 21 janvier 2019 qui indique 'épaule droite, acromioplastie décompressive octobre 2017". Il y est relevé que ne sont pas présentés les certificats de prolongation de soins ou d'arrêt de travail.

Néanmoins, dans le cadre de la procédure judiciaire actuelle, la caisse a communiqué des pièces complémentaires singulièrement les arrêts de travail et les certificats médicaux de prolongation, permettant ainsi au Docteur [N] d'apporter à la cour un avis médical éclairé et précis en date du 15 décembre 2023.

Ainsi, la société ne peut se prévaloir d'un non respect du principe du contradictoire et sa demande d'inopposabilité des arrêts et des soins de M. [S] à son encontre sera rejetée sur ce fondement.

Sur la demande d'inopposabilité des arrêts et des soins

La société expose, par l'analyse de son médecin mandaté, que la présomption d'imputabilité doit être renversée en ce qu'il est clairement mis en avant dans les documents médicaux une cause étrangère au travail, à savoir l'existence d'un conflit sous acromial ancien sans rapport avec le fait accidentel.

La caisse fait valoir qu'elle produit devant la cour l'ensemble des certificats médicaux de prolongation subséquents jusqu'à la date du 21 janvier 2019 et que l'ensemble de ces arrêts de travail, devant être rattachés à l'accident du travail initial du 17 mai 2017, ont été prescrits par le médecin traitant de M. [S].

Les lésions prises en charge pour la caisse dans le cadre des dispositions des articles

L. 411-1 et L. 461-1 du code de la sécurité sociale bénéficient de la présomption d'imputabilité au travail et cette présomption s'étend pendant toute la durée d'incapacité du travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.

En l'absence d'arrêt de travail prescrit à la suite immédiate de l'accident du travail, le bénéfice de la présomption d'imputabilité est conditionné à la preuve par l'organisme de sécurité sociale de la continuité des symptômes et des soins.

Il s'agit d'une présomption simple que l'employeur peut renverser en démontrant que les lésions, soins et arrêts de travail litigieux ne sont pas/plus, en totalité ou pour partie, imputables à l'accident du travail, soit que la date de consolidation fixée par le médecin conseil soit erronée, soit qu'il existe une cause totalement étrangère à laquelle, à partir d'une certaine date, les lésions, soins et arrêts sont imputables.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que le certificat médical initial de M. [S] en date du 18 mai 2017 mentionne des soins sans arrêt de travail pour douleur et diminution force musculaire épaule droite avec suspiçion pathologie coiffe et que ce n'est que le 29 mai 2017 qu'un arrêt de travail est prescrit à M. [S].

La caisse justifie néanmoins, par la communication de tous les certificats médicaux de prolongation, de la continuité des symptômes et des soins dont a bénéficié M. [S] depuis la date de son accident de travail jusqu'à sa consolidation. La présomption d'imputabilité s'applique donc bien en l'espèce.

Le Docteur [N] relève, afin de renverser cette présomption, que 'dans les certificats médicaux transmis, il est fait essentiellement état de conflit sous acromial chronique, d'une bursite sous acromio deltoïdienne. La tendinopathie du sus épineux n'est que le résultat secondaire de ce conflit sous acromial sans aucun rapport avec le fait accidentel [...] En l'absence d'arrêt de travail initial, d'un premier arrêt de travail 2 semaines après le fait accidentel, d'un conflit sous acromial ancien sans rapport avec le fait accidentel, il ne semble pas possible de pouvoir imputer une période d'arrêt de travail suite au fait accidentel du 17 mai 2017'.

Cependant, force est de constater que tous les certificats médicaux font état et ce dès le certificat médical du 29 mai 2017 de tendinopathie sus épineux post traumatique avec bursite SAD, puis d'un conflit sous acromial et sous acromio-claviculaire à l'épaule droite et ensuite d'une acromiosplastie décompressive. L'imagerie médicale va mettre en évidence une enthésopathie du sus épineux et une bursite.

Il convient de rappeler que s'il existait éventuellement un état antérieur comme le soutient le Docteur [N], ce qui n'est en l'état nullement démontré par de plus amples éléments médicaux mais seulement affirmé par ce dernier en indiquant que le conflit sous acromial serait sans rapport avec le fait accidentel, il est établi en l'absence de tout antécédent connu du salarié que l'accident du travail l'a dolorisé et que la tendinopathie du sus épineux est apparue dès les premiers certificats de façon post traumatique et bien avant que M. [S] n'ait été consolidé.

Il résulte de ces éléments que la société ne rapporte pas, contrairement à ce qu'elle affirme, de preuves permettant de renverser la présomption d'imputabilité dès lors qu'il ne s'agit que de considérations hypothétiques qui ne sont pas de nature à motiver l'organisation d'une expertise médicale, étant précisé qu'une expertise ne peut avoir pour objet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve et qu'il n'est pas rapporté la preuve d'une cause totalement étrangère au travail et évoluant pour son propre compte.

Il y a lieu, dans ces conditions, d'infirmer le jugement et de déclarer la totalité des soins et des arrêts de travail prescrits au titre de l'accident du travail dont a été victime M. [S] le 17 mai 2017 opposables à la société sans qu'il ne soit nécessaire d'ordonner une expertise médicale.

La société [3], qui succombe devant la Cour, sera tenue aux dépens de première instance, la décision étant infirmée de ce chef et des dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE opposable à la société [3] la totalité des soins et arrêts de travail prescrits suite à l'accident du travail du 17 mai 2017 dont a été victime M. [S],

CONDAMNE la société [3] aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/01530
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01530 ?
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