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11/04/2024 | FRANCE | N°22/01427

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 avril 2024, 22/01427


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/01427 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTPT





















Monsieur [Y] [S]



c/

CPAM DES LANDES













Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :

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LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/01427 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTPT

Monsieur [Y] [S]

c/

CPAM DES LANDES

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 février 2022 (R.G. n°18/00554) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 18 mars 2022.

APPELANT :

Monsieur [Y] [S]

né le 11 Mars 1961 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Madame [N] [V] de l'ADDAH 40 dûment mandatée

INTIMÉE :

CPAM DES LANDES prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]/FRANCE

dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [S] a été employé par la société [4] en qualité d'ouvrier d'usine.

Le 23 mai 2016, l'assuré a complété une déclaration de maladie professionnelle dans les termes suivants "lombosciatalgie bilatérale / canal lombaire étroit + hernie".

Le certificat médical initial établi le même jour constate une "lombosciatalgie bilatérale avec à l'IRM sténose serrée L4-L5 avec spondylolisthésis".

Par décision du 26 mai 2017, la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse en suivant) a pris en charge cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'état de santé de M. [S] a été considéré consolidé au 31 décembre 2017 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 25%.

Par lettre recommandée du 13 mars 2018, M. [S] a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux.

Par jugement du 24 février 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-dit qu'à la date du 31 décembre 2017, le taux d'incapacité permanente partielle de M. [S] à la suite de la maladie professionnelle dont il a été reconnu atteint était de 25% ;

-débouté M. [S] de ses demandes ;

-rappelé que le coût de la consultation médicale était à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie ;

-dit que les dépens seraient laissés à la charge de M. [S] ;

-dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 18 mars 2022, M. [S] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 22 septembre 2022, M. [S] sollicite de la cour qu'elle :

-le déclare recevable et bien fondé en son recours ;

-dise qu'il existe des séquelles indemnisables en rapport avec sa maladie professionnelle du 29 septembre 2015 ;

-infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

-rejette le rapport d'expertise médicale du professeur [O] du 13 janvier 2022 ;

-ordonne, en conséquence, une expertise médicale confié à un médecin spécialiste conformément à l'article R142-16 du code de la sécurité sociale ;

-fixe son taux d'incapacité permanente partielle compte tenu des conséquences de sa maladie professionnelle d'un point de vue médical et professionnel ;

-dise qu'il existe une nette réduction de l'aptitude de la victime à exercer une activité professionnelle justifiant l'attribution d'un coefficient professionnel ;

-alloue au taux d'incapacité permanente partielle déterminé par le tribunal un coefficient socioprofessionnel au moins égal à 5% ;

-juge que les frais d'expertise resteront à la charge de la caisse ;

-le renvoie devant l'organisme compétent pour la liquidation de ses droits.

M. [S] conteste l'avis rendu par le professeur [O], l'estimant partial. Il explique que le praticien n'a pas pris la peine de réellement l'examiner, se contentant de reprendre, dans ce dossier, l'avis qu'il a rédigé dans le cadre du recours employeur formé par la société [4]. En effet, le taux d'incapacité permanente partielle opposable à son ancien employeur a été porté à 9% sans que M. [S] en ait été avisé. Le requérant considère ainsi que le professeur [O] a choisi de ne pas augmenter son taux d'incapacité permanente partielle car il n'aurait pu le faire sans se dédire. M. [S] soutient que le praticien s'est donc borné à faire une application stricte des barèmes des invalidités sans tenir compte des particularités liées à son cas et ce, alors même que les séquelles qu'il conserve sont très importantes, ce qui correspond à un taux d'incapacité permanente partielle compris entre 25 et 40%. M. [S] se prévaut ainsi du rapport d'arbitrage établi par le docteur [Z], qui préconise un taux d'incapacité fonctionnelle de 30%, et il sollicite également l'attribution d'un taux socioprofessionnel d'au moins 5% compte tenu des répercussions des séquelles engendrées par sa maladie sur sa vie professionnelle. Il indique avoir été licencié pour inaptitude le 22 janvier 2018, son état de santé ne lui permettant plus de porter des charges supérieures à 2kg, de rester debout de manière prolongée ou d'effectuer des mouvements des bras au-dessus des épaules.

Aux termes de ses dernières conclusions du 17 mars 2023, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux du 24 février 2022 et de débouter M. [S] de sa demande.

La caisse soutient que son médecin-conseil a fait une juste application des barèmes des invalidités annexés au code de la sécurité sociale en fixant un taux d'incapacité permanente partielle de 25% pour une persistance importante des douleurs et de la gêne fonctionnelle. Elle rappelle que cet avis a été corroboré par celui du médecin-consultant désigné par le tribunal et que la contestation du taux opposable à l'employeur ne concerne que les stricts rapports entre l'organisme de sécurité sociale et la société [4], de sorte que les conclusions du professeur [O] établies dans ce cadre sont sans rapport avec l'espèce. La caisse fait également valoir que le médecin désigné par les premiers juges a juré d'apporter son concours à la justice en accomplissant sa mission avec honneur et conscience et que M. [S] se borne à contester son expertise sans en critiquer le fond. Elle précise par ailleurs que l'assuré bénéficie également d'un taux d'incapacité permanente partielle de 7% pour un accident du travail du 3 mars 2004. S'agissant du taux socioprofessionnel, la caisse se prévaut de la motivation des premiers juges lui en refusant le bénéfice.

L'affaire a été fixée à l'audience du 22 février 2024, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions des articles L434-2 et R434-32 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime d'un accident du travail est déterminé d'après la nature de son infirmité, son état général, son âge, ses facultés physiques et mentales mais aussi d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles compte tenu de barèmes d'invalidité annexés au code précité.

La notion de qualification professionnelle s'entend au regard des possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir la victime à se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Les barèmes évoqués sont purement indicatifs et ont pour but de fournir des bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail ou maladies professionnelles. Le médecin chargé de l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle dispose ainsi de l'entière liberté de s'en écarter en fonction des particularités propres à chaque assuré et précédemment citées, à condition d'en exposer clairement les raisons.

Sur le taux médical

En l'espèce, le recours formé par M. [S] à l'encontre du taux d'incapacité permanente partielle de 25% qui lui a été attribué en réparation des séquelles causées par la maladie professionnelle dont il a été reconnu atteint au 23 mai 2016, a donné lieu à la mise en 'uvre d'une consultation médicale confiée au professeur [O]. Après examen de M. [S] et des pièces composant son dossier médical, le praticien a maintenu le taux initialement fixé pour une lombosciatique bilatérale sur canal étroit et spondylolisthésis avec séquelles fonctionnelles importantes.

M. [S] conteste cet avis, considérant qu'il ne tient pas compte des séquelles conservées et des répercussions sur sa vie quotidienne et professionnelle.

Or la cour relève que :

-le rapport de consultation rédigé par le professeur [O] est clair, sans contradictions et détaille l'historique de la pathologie, les doléances de l'assuré et les constatations résultant de son examen physique ;

-la fixation du taux opposable à l'employeur est sans incidence sur l'attribution du taux d'incapacité permanente partielle de M. [S], le recours employeur intéressant les seuls rapports caisse / employeur ;

-le rapport d'examen d'arbitrage du 22 juin 2018 dont M. [S] se prévaut fait référence au barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires de droit commun, inapplicable en l'espèce, s'agissant ici de l'indemnisation par la sécurité sociale d'une atteinte d'origine professionnelle ;

-l'annexe I au code de la sécurité sociale prévoit, en son paragraphe 3.2 relatif au rachis dorso-lombaire, un taux d'incapacité permanente partielle compris entre 15 et 25% pour une persistance importante des douleurs et de la gêne fonctionnelle, de sorte que le taux médical initialement fixé par la caisse, et maintenu par le professeur [O], est cohérent au regard des séquelles rapportées ;

-M. [S] ne produit aux débats aucun élément de nature à contredire les constatations faites par le professeur [O] : il ne met pas en exergue d'anomalie durant la consultation, ni d'omission relative à ses doléances, traitements ou lésions, dans la rédaction du rapport de consultation ;

-M. [S] a été examiné par le médecin-conseil de la caisse et le médecin désigné par le tribunal, qui sont tous deux arrivés aux mêmes conclusions concernant l'évaluation des séquelles indemnisables au titre de sa pathologie dorso-lombaire.

Il s'en déduit que le taux médical de 25% attribué à M. [S] en réparation des séquelles de sa maladie professionnelle du 23 mai 2016 est confirmé sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'expertise médicale, laquelle ne peut avoir pour but de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Sur le taux socioprofessionnel

Il résulte de la législation précitée que le taux d'incapacité permanente partielle d'un assuré, suite à un accident de travail ou une maladie professionnelle, est déterminé en tenant compte de la nature de l'infirmité, de l'état général de l'assuré, de son âge, de ses facultés physiques et mentales, de ses aptitudes et de sa qualification professionnelle, suivant les barèmes indicatifs d'invalidité annexés au code de la sécurité sociale.

Cette évaluation peut toutefois faire l'objet d'un correctif tenant compte de la perte de rémunération consécutive à l'accident du travail (Soc., 5 avr. 1990, n° 87-16.817 ; Soc., 15 juin 1983, n° 83-12.268 : Bull. soc., n° 315) ou de la répercussion des séquelles sur la carrière ou la vie professionnelle de la victime (2e Civ., 13 févr. 2014, n° 13-12.373 ; 9 mai 2018, n° 17-11.350 ; 31 mai 2018, n° 17-19.801). Ainsi, est-il fondé d'appliquer un taux socioprofessionnel en raison du risque de perte d'emploi ou des difficultés de reclassement (Cass. soc., 26 mars 1984, no 82-16.503, Bull. civ. V, p. 93).

En l'espèce, il est établi que M. [S] exerçait la profession d'ouvrier d'usine pour le compte de la société [4], lorsqu'il a déclaré, le 23 mai 2016, une maladie professionnelle consistant en une lombosciatique bilatérale sur canal lombaire étroit. L'état de santé de M. [S] n'a été déclaré consolidé qu'au 31 janvier 2017, soit plus d'un an et demi après l'apparition de la pathologie. L'assuré, qui a bénéficié d'arrêts de travail, a été reçu

le 15 novembre 2017 par la médecine du travail dans le cadre de sa visite de pré-reprise. À l'issue de cette entrevue, M. [S] a été déclaré dans l'impossibilité de reprendre son poste de travail, son état de santé ne permettant pas la tenue d'un emploi nécessitant des mouvements de flexions / extensions répétés du rachis lombaire, le port de charges supérieur à 2kg, une station debout prolongée ou des mouvements des bras au-dessus du plan des épaules. L'avis d'inaptitude a été prononcé le 3 janvier 2018 et le salarié a été licencié

le 22 janvier 2018, faute de reclassement possible au sein de la société.

Dans le cadre de son appel, M. [S] produit plusieurs bulletins de salaire dont il ressort un salaire moyen de 1.250,82 euros. Il verse également aux débats les attestations de versement de l'allocation de retour à l'emploi mentionnant expressément la date de son licenciement pour inaptitude comme date de rupture du contrat de travail. Selon ce document, M. [S] a perçu cette prestation du 29 novembre 2018 au 31 mars 2021 sur une base journalière d'environ 60 euros, soit une perte salariale mensuelle moyenne

de 200 euros.

Compte tenu de son âge, au moment de la consolidation de son état de santé et de son licenciement pour inaptitude (57 ans), et de ses qualifications et aptitudes professionnelles au regard de l'importance des séquelles et limitations physiques en résultant (station debout pénible, port de charges lourdes impossible et limitations des mouvements du

rachis dorso-lombaire et des membres supérieurs pour une personne exerçant une profession physique), il est patent que M. [S] a subi une incidence professionnelle consistant en une perte salariale à laquelle s'ajoute une importante diminution de ses chances de retrouver un emploi à quelques années de la retraite.

Dès lors, la fixation d'un taux socioprofessionnel de 3% est justifié.

Le jugement entrepris est donc infirmé sur ce point.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la caisse et M. [S], succombant tous deux, sont condamnés, pour moitié chacun aux dépens des procédure de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 24 février 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a fixé à 25% le taux médical de M. [S] suite à la maladie professionnelle dont il a été reconnu atteint au 23 mai 2016 et laissé à la caisse nationale d'assurance maladie le coût de la consultation médicale confiée au professeur [O] ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Adjoint au taux médical de 25% attribué à M. [S] suite à sa maladie professionnelle du 23 mai 2016, un taux socioprofessionnel de 3%, portant ainsi le taux d'incapacité permanente partielle global de l'assuré à 28% ;

Condamne M. [S] et la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, pour moitié chacun, aux dépens des procédure de première instance et d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/01427
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01427 ?
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