La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2024 | FRANCE | N°22/01425

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 avril 2024, 22/01425


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------











ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 22/01425 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTPJ





















CPAM DE [Localité 3]



c/

Monsieur [G] [B]









Nature de la décision : AU FOND









Notifié par LRAR le :



LRAR

non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 0...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 AVRIL 2024

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 22/01425 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MTPJ

CPAM DE [Localité 3]

c/

Monsieur [G] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 01 mars 2022 (R.G. n°18/01413) par le Pole social du TJ de BORDEAUX, suivant déclaration d'appel du 18 mars 2022.

APPELANTE :

CPAM DE [Localité 3], agissant en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [G] [B]

né le 03 Mars 1970

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

rerpésenté par Me Anne DESBOIS de la SARL DESBOIS AVOCAT, avocat au barreau de BAYONNE substitué par Me BECQUE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2024, en audience publique, devant Madame Sophie Lésineau, conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, présiden

Madame Sophie Lésineau, conseillère

Madame Valérie Collet, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [B] était employé par l'association de sauvegarde de l'enfance du Pays Basque en qualité d'éducateur spécialisé lorsqu'il a été victime, le 20 septembre 2014, d'une agression de la part de jeunes filles qui avaient été prises en charge par le foyer dans lequel il était alors affecté.

Le certificat médical initial a été établi le 22 septembre 2014 dans les termes suivants : "Victime de menace de violence avec arme blanche dans le cadre de son travail d'éducateur. Anxiété généralisée".

Par décision en date du 2 octobre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] (la caisse en suivant) a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'état de santé de l'assuré a été déclaré consolidé au 8 janvier 2018 avec un taux d'incapacité permanente partielle de 9%, dont 2% au titre du taux socioprofessionnel.

Par lettre recommandée du 20 avril 2018, M. [B] a contesté ce taux devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux.

Par jugement du 1er mars 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

-dit qu'à la date de la consolidation, le taux médical d'incapacité permanente partielle en réparation des séquelles résultant de l'accident du travail dont M. [B] a été victime le 20 septembre 2014 était de 15% ;

-dit qu'à ce taux, il convenait d'ajouter un taux supplémentaire de 2% au titre du taux socioprofessionnel ;

En conséquence,

-fait droit partiellement au recours de M. [B] à l'encontre de la décision de la caisse en date du 2 mars 2018 ;

-rappelé que le coût de la consultation médicale était à la charge de la caisse ;

-dit que chacune des parties conserverait la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 18 mars 2022, la caisse a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 26 janvier 2024, la caisse demande à la cour de :

-réformer le jugement du 1er mars 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il attribue un taux médical de 15% à M. [B] ;

Statuant à nouveau,

-débouter M. [B] de son recours et de l'ensemble de ses demandes ;

-confirmer le taux d'incapacité permanente partielle de 9% dont 2% du taux professionnel déterminé suite à l'accident du travail dont a été victime M. [B] le 20 septembre 2014 ;

-débouter M. [B] de sa demande de la voir condamner à lui payer le somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;

-condamner M. [B] à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La caisse considère que son médecin-conseil a fait une juste application des barèmes indicatifs des invalidité annexés au code de la sécurité sociale en attribuant un taux médical de 7% pour un syndrome névrotique anxieux persistant sans signes de gravité ou de phénomènes obsessionnels persistants. Elle précise que cette décision s'est fondée sur l'analyse de plusieurs avis médicaux et de l'état global de l'assuré. La caisse ajoute que le taux d'incapacité permanente partielle de M. [B] a été porté à 32%, comprenant 30% de taux médical et 2% de taux socioprofessionnel suite à sa demande d'aggravation en date du 27 avril 2022. Elle fait ainsi valoir que le taux global initialement retenu de 9% correspondait bien à son état de santé en 2018, date de consolidation de son accident du travail du 20 septembre 2014 et estime que le docteur [E] a tenu compte, pour son évaluation, d'éléments postérieurs à la date de consolidation.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 janvier 2024, M. [B] demande à la cour de :

A titre principal,

-réformer le jugement du 1er mars 2022 en ce qu'il a fixé le taux d'incapacité permanente partielle à 17% seulement dont 2% au titre du taux professionnel et statuant à nouveau :

*fixer le taux d'incapacité permanente partielle à 30% dont 10% au titre du taux professionnel et ce, du 8 janvier 2018 au 26 avril 2022 ;

*condamner la caisse à lui verser les sommes dues sur cette période, au titre des rentes ;

*condamner la caisse au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la caisse aux entiers dépens ;

-débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,

-ordonner avant-dire droit et aux frais avancés de la caisse, une expertise laquelle sera confiée à un médecin psychiatre ou neuropsychiatre qui aura pour missions de l'entendre, d'examiner l'intégralité des documents relatifs à ses examens, soins, interventions et traitements, et de se prononcer, dans le respect des dispositions de l'article L.434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, sur le taux d'incapacité permanente partielle, à la date du 8 janvier 2018 ;

A titre infiniment subsidiaire,

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le taux d'incapacité permanente partielle à 17% dont 2% au titre du taux professionnel, sans préjudice de la révision intervenue à effet du 287 avril 2022 ayant fixé le taux d'incapacité permanente partielle à 32% ;

-confirmer la caisse au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la caisse aux entiers dépens,

-débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

M. [B] considère que son état de santé au 8 janvier 2018 a été largement sous-évalué au regard des séquelles conservées. Il conteste la qualification de lésions sans signe de gravité opérée par la caisse et décrit une anxiété généralisée avec angoisses massives liées à un traumatisme psychique profond s'étant accompagné de troubles addictologiques sévères. L'assuré fait ainsi valoir plusieurs pièces médicales évoquant un trouble de l'usage de tabac et d'alcool et des dommages cognitifs, psychologiques et sociaux en lien avec l'addiction alcoolique. M. [B] ajoute avoir été déclaré inapte à son poste d'éducateur le 22 janvier 2018 et bénéficier du statut de travailleur handicapé depuis le 6 avril 2017.

Il explique avoir tenté une reconversion professionnelle sans succès et argue une nette aggravation de son état de santé ayant justifié la révision de son taux d'incapacité permanente partielle à 32% dès 2022. Compte tenu de tous ces éléments, M. [B] sollicite également l'attribution d'un taux socioprofessionnel de 10%.

L'affaire a été fixée à l'audience du 22 février 2019, pour être plaidée.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions des articles L434-2 et R434-32 du code de la sécurité sociale, le taux d'incapacité permanente partielle d'une victime d'un accident du travail est déterminé d'après la nature de son infirmité, son état général, son âge, ses facultés physiques et mentales mais aussi d'après ses aptitudes et qualifications professionnelles compte tenu de barèmes d'invalidité annexés au code précité.

La notion de qualification professionnelle s'entend au regard des possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir la victime à se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Les barèmes évoqués sont purement indicatifs et ont pour but de fournir des bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail ou maladies professionnelles. Le médecin chargé de l'évaluation du taux d'incapacité permanente partielle dispose ainsi de l'entière liberté de s'en écarter en fonction des particularités propres à chaque assuré et précédemment cités, à condition d'en exposer clairement les raisons.

Sur le taux médical

En l'espèce, le recours formé par M. [B] devant le tribunal du contentieux de l'incapacité de Bordeaux, à l'encontre du taux d'incapacité permanente partielle de 9% fixé par la caisse suite à son accident du travail du 20 septembre 2014, a donné lieu à la mise en 'uvre d'une consultation médicale confiée au docteur [E].

En tenant compte des pièces médicales du dossier, de l'examen de l'assuré et de ses doléances, le praticien a retenu un taux médical de 15%.

La caisse conteste cet avis, estimant qu'il tient compte de l'état de M. [B] au jour de l'examen, soit le 26 janvier 2022, et non de son état de santé au 8 janvier 2018, date de consolidation de son état de santé.

Pourtant, force est de constater que :

-le docteur [E] a rendu un avis clair et détaillé ;

-l'état de santé de M. [B] n'a été déclaré consolidé qu'en janvier 2018, soit environ trois ans et demi après l'accident ;

-le barème des invalidités prévoit en son paragraphe 4.2.1.11 relatif aux séquelles psychonévrotiques un taux d'incapacité permanente partielle compris entre 20 et 100% pour un syndrome névrotique anxieux post-traumatique s'accompagnant d'un retentissement plus ou moins important sur l'activité professionnelle de l'intéressé, or il est rappelé que M. [B] a été déclaré inapte à son poste d'éducateur et ne travaille plus depuis ;

-l'assuré présente une addiction tabagique et alcoolique "avec perte de contrôle depuis 2014 et craving secondaire au traumatisme psychique liée aux menaces de mort sur son lieu de travail" selon le certificat médical du 18 novembre 2019 dans lequel le docteur [R], addictologue, indique suivre l'assuré depuis mars 2017 ; il ne peut donc être valablement soutenu que M. [B] était atteint, à la date de consolidation, d'un syndrome névrotique anxieux persistant "sans signes de gravité ou de phénomènes obsessionnels persistants" dans un contexte d'alcoolisme ;

- M. [B] a été placé sous traitement médicamenteux important en raison de son état psychologique et des addictions en résultant.

Au regard de tous ces éléments, le taux médical de 9% initialement fixé ne peut se justifier.

La cour constate que M. [B] a déclaré une rechute en date du 27 avril 2022 ayant justifié un taux d'incapacité permanente partielle de 32%, dont 2 % de taux socioprofessionnel. Compte tenu de cette aggravation considérable de son état de santé et du caractère lointain de la date à laquelle s'intéresse le présent litige, il serait inopportun d'ordonner une mesure d'expertise, laquelle n'apporterait pas plus de réponse au différend médical opposant M.[B] à la caisse.

Il ne peut pas non plus être fait droit à la demande principale de l'assuré de fixer son taux médical à 30% puisque l'aggravation du 27 avril 2022 prise en charge par la caise et maintes fois évoquée par M. [B], sous-entend nécessairement une différence entre son état de santé au 8 janvier 2018 et celui présenté à compter de la fin du mois d'avril 2022.

Dans ces conditions, il y a donc lieu de faire une application stricte des barèmes précités et de fixer le taux médical de M. [B] à 20% au 8 janvier 2018. Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur le taux socioprofessionnel

Suite à son accident du travail du 20 septembre 2014, M. [B] s'est vu attribuer un taux professionnel de 2%. Ce coefficient socioprofessionnel maintenu par le tribunal, n'est pas contesté par la caisse. M. [B], sollicite quant à lui, que ce taux soit porté à 10%. Il fait valoir qu'il était âgé de 48 ans au moment de la consolidation de son état de santé et rappelle avoir été licencié pour inaptitude à son poste, l'obligeant ainsi à opérer un changement de profession. Compte tenu de ses qualifications professionnelles, il a dû effectuer une formation pour laquelle il n'a pas obtenu le diplôme final. Cependant, M. [B] n'a pas été déclaré inapte à tous postes et il bénéficie depuis 2017 de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, lui ouvrant droit à des aménagements de postes tenant compte de son état de santé et de formations adaptées. Eu égard à tous ces éléments, le taux socioprofessionnel de 2% est justifié. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la caisse et M. [B], succombant tous deux, sont condamnés, pour moitié chacun, aux dépens des procédures de première instance et d'appel. Il n'y a pas non plus lieu de faire droit à leurs demandes mutuelles de condamnation au titre de l'article 700 du code précité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 1er mars 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux en ce qu'il a fixé le taux socioprofessionnel de M. [B] à 2% et rappelé que le coût de la consultation diligentée par la juridiction était à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie ;

Infirme le jugement rendu le 1er mars 2022 par le tribunal judiciaire de Bordeaux pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Dit que le taux médical de M. [B] au 8 janvier 2018, date de consolidation de son accident du travail du 20 septembre 2014, était de 20%, portant ainsi son taux d'incapacité permanente partielle global à 22% ;

Y ajoutant,

Déboute M. [B] de ses demandes d'expertise médicale et de condamnation de la caisse au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 3] et M. [B], pour moitié chacun, aux dépens des procédure de première instance et d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 22/01425
Date de la décision : 11/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 17/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-11;22.01425 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award