COUR D'APPEL DE BORDEAUX
3ème CHAMBRE FAMILLE
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ARRÊT DU : 9 AVRIL 2024
N° RG 23/03721 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NMGU
[L] [M]
c/
[C] [D] [M] épouse [F]
S.C.E.A. [M]
Nature de la décision : AU FOND
28A
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendu le 27 juin 2023 par le Juge de la mise en état d'ANGOULEME (RG n° 18/01742) suivant déclaration d'appel du 01 août 2023
APPELANT :
[L] [M]
né le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 12]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 10]
Représenté par Me Laurène D'AMIENS de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Antoine VOLLET de la SCP SIMARD VOLLET OUNGRE CLIN, avocat au barreau d'ORLEANS
INTIMÉES :
[C] [D] [M] épouse [F]
née le [Date naissance 3] 1969 à [Localité 12]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 6]
S.C.E.A. [M]
dont le siège social est [Adresse 17] - [Localité 4]
Représentées par Me Katell LE BORGNE de la SCP LAVALETTE AVOCATS CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Emilie CARRE-GUILLOT de la SELARL AVOCATS DU GRAND LARGE, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller : Danièle PUYDEBAT
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
M. [G] [M] et son épouse Mme [A] [I] ont eu deux enfants, M. [L] [M], né en 1971 et Mme [C] [M], née en 1969, avec lesquels ils ont fondé le 14 décembre 1992 la S.C.E.A. [M] dans laquelle il a été attribué :
- 4.157 parts à M. [G] [M],
- 3.765 parts à Mme [A] [I] épouse [M],
et 1 part à chacun de leurs enfants.
M. [G] [M] en était le gérant.
Le 14 décembre 1992, M. [U] [I], père de [A], a abandonné au profit de sa fille exclusivement l'usufruit qu'il détenait sur des parcelles de vignes et terres, lesquelles ont été alors données à bail à la S.C.E.A. [M].
Le 8 janvier 1993, les époux [I]-[M], dans le cadre d'une donation-partage, ont transmis à chacun de leurs enfants la nue-propriété de 850 parts de la S.C.E.A.
Mme [A] [I] épouse [M] est décédée le [Date décès 7] 1995.
Elle avait consenti donation de ses biens à son conjoint, le 24 novembre 1975.
Son époux et ses enfants ont accepté sa succession.
Le 5 juillet 1996, les enfants ont vendu à leur père, dans le cadre d'une licitation faisant cesser l'indivision, la moitié en nue-propriété de la maison dite de [Adresse 17], sise sur la commune de [Localité 4].
Le 29 juin 1996, Mme [C] [M] épouse [F] a été nommée gérante de la S.C.E.A. aux lieu et place de M. [G] [M], démissionnaire, à compter du 1er août 1996.
Le 31 décembre 1997, M. [G] [M] a renoncé à son usufruit des 850 parts précédemment données en nue-propriété à sa fille.
Il a en outre légué à sa fille par testament de la même date la quotité disponible de sa succession, étant précisé que pour lui fournir le montant de son leg, il serait attribué à cette dernière à son décès la maison qu'il possédait aux Buges et du mobilier la garnissant, en plus de ses parts de la S.C.E.A.
Le 1er avril 1998, il a donné par préciput et hors part, avec dispense de rapport, à sa fille, la pleine propriété de 8 ha 39 a 10 ca, en nature de vignes et de terres, puis, le 2 septembre 2005, une maison d'habitation sur une surface de 01 ha 49 a 01 ca, sise commune de [Localité 21] et diverses parcelles de terres, vignes et taillis, sises même commune, pour une surface de plus de 23 hectares.
M. [G] [M] est décédé le [Date décès 11] 2016.
A défaut de parvenir à un accord amiable avec son frère sur le règlement de la succession de leurs parents, Mme [C] [M] épouse [F] a, par exploit d'huissier en date du 3 septembre 2018, assigné M. [L] [M] devant le tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins de voir notamment ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions de Mme [A] [I] et de M. [G] [M] et, préalablement, de la communauté ayant existé entre ces derniers, avec désignation de Maître [J], notaire à [Localité 19].
Par ordonnance en date du 18 décembre 2018, une mesure de médiation judiciaire a été mise en oeuvre et, à son issue, une mesure de médiation conventionnelle, en vain.
Par ordonnance en date du 29 septembre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Angoulême, saisi par conclusions d'incident de M. [L] [M], a notamment :
- ordonné une expertise foncière des actifs mobiliers et immobiliers de la succesion,
- ordonné une expertise comptable des comptes de la S.C.E.A. [M],
- désigné Mme [C] [M] épouse [F] comme mandataire unique chargée de représenter les copropriétaires des 5.830 parts indivises de la S.C.E.A. [M],
- désigné l'ANAM en qualité de mandataire judiciaire successoral de la succession de Mme [A] [I] et M. [G] [M].
Par ordonnance de référé en date du 25 novembre 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Angoulême, saisi par exploit d'huissier de M. [L] [M] du 9 juillet 2020, a notamment :
- dit n'y avoir lieu à référé,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [L] [M] aux dépens.
Sur appel de M. [L] [M], la cour d'appel de Bordeaux, par arrêt en date du 9 septembre 2021, a confirmé l'ordonnance de référé du 25 novembre 2020.
M. [R] [X], expert-comptable, a déposé son rapport définitif le 21 juillet 2022.
M. [O] a déposé son rapport d'expertise foncière le 5 juillet 2023.
Par conclusions d'incident en date du 27 octobre 2022, Mme [C] [M] épouse [F] a saisi le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins de voir notamment ordonner un complément d'expertise confié à M. [R] [X] pour soumettre au contradictoire les points évoqués uniquement dans le rapport d'expertise définitif du 21 juillet 2022 ayant trait au mécanisme des conventions réglementées.
Par ordonnance en date du 27 juin 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Angoulême a, pour l'essentiel :
- prorogé pour une durée de 24 mois à compter du 22 septembre 2022 la mission de Maître [T] [Z], délégué par l'A.N.A.M.J (Association nationale des avocats exerçant un mandat judiciaire), dont le siège social est situé [Adresse 1], désignée en qualité de mandataire successoral de la succession de Mme [A] [I] et de M. [G] [M] par l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Angoulême en date du 22 septembre 2020, pour administrer provisoirement, tant activement que passivement, cette succession,
- ordonné un complément d'expertise comptable des comptes de la S.C.E.A. [M] et commis pour y procéder :
* M. [R] [X], [Adresse 20],
* avec pour mission de :
** convoquer les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise,
** permettre aux parties de donner leur avis concernant le mécanisme des conventions réglementées en suite du rapport définitif du 21 juillet 2022,
** donner son avis sur l'éventuelle application des conventions réglementées concernant la S.C.E.A. [M],
- dit que Maître [T] [Z], mandataire successoral délégué par l'A.N.A.M.J en exécution de l'ordonnance de mise en état du 29 septembre 2020 et de la présente ordonnance, devra consigner auprès du régisseur de ce tribunal la somme de 1.500 euros à titre de provision complémentaire à valoir sur les honoraires de l'expert, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente ordonnance, à peine de caducité du complément d'expertise,
- débouté M. [L] [M] de sa demande d'extension de la mission de l'expert-comptable à l'analyse des documents comptables et sociaux de la S.C.E.A. [M] des années 2019 à 2022,
- débouté M. [L] [M] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire avec mission de gérer et d'administrer la S.C.E.A [M] avec tous les pouvoirs du gérant et de prendre toutes les mesures qu'imposent l'urgence et la nécessité, hors actes de disposition,
- débouté M. [L] [M] de sa demande tendant à voir ordonner sous astreinte à Mme [C] [M] épouse [F] de lui communiquer le calcul du CERFRANCE du montant de la somme de 171.200 euros, les mouvements des comptes courants de chaque associé depuis la création de la S.C.E.A., soit tous les comptes 455, les relevés du compte sur livret [15] depuis son ouverture, les relevés des comptes ouverts sur les livrés de la banque [22], ainsi que la comptabilité de la S.C.E.A. [M] de 1995 à 2011 et notamment les grands livres,
- débouté M. [L] [M] de ses demandes tendant à être désigné en qualité de mandataire unique chargé de représenter les copropriétaires des parts indivises de la S.C.E.A. [M] aux assemblées générales de ladite société ou, subsidiairement, étendre les pouvoirs du mandataire successoral désigné par l'ordonnance du 29 septembre 2020 à ceux de représentation des copropriétaires des parts indivises de la S.C.E.A. [M] aux assemblées générales de ladite société,
- débouté M. [L] [M] de sa demande tendant à voir dire que l'expertise foncière confiée à M. [H] [O] comprendra l'évaluation des parts sociales de la S.A.R.L. [16] [F], de l'E.A.R.L. [13] [F] et de la S.C.E.A. [14], ainsi que l'évaluation des stocks de restitution,
- condamné M. [L] [M] à payer à Mme [C] [M] épouse [F] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Procédure d'appel :
Par déclaration d'appel en date du 1 août 2023, M. [L] [M] a formé appel de l'ordonnance du juge de la mise en état en toutes ses dispositions.
Selon dernières conclusions en date du 10 janvier 2024, M. [L] [M] demande à la cour d'infirmer l'ordonnance rendue le 27 juin 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire d'Angoulême.
Statuant à nouveau,
- désigner un administrateur provisoire, en la personne de M. [L] [M], subsidiairement, de tel administrateur judiciaire qu'il plaira à la cour, avec pour mission de gérer et d'administrer la société [M] avec tous les pouvoirs du gérant et de prendre toutes les mesures qu'imposent l'urgence et la nécessité, hors actes de disposition,
- ordonner que durant la période de l'administration provisoire, les pouvoirs conférés par la loi aux dirigeants sont suspendus,
- ordonner à Mme [C] [M] épouse [F] de communiquer à M. [L] [M], sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, les documents suivants :
* 1° le calcul du CERFRANCE du montant de la somme de 171.200 euros,
* 2° les mouvements des comptes courants de chaque associé depuis la création de la S.C.E.A., soit tous les comptes 455 (45511 [G] [M], 45512 [A] [M] puis indivision, 45513 [C] [M] [F], 45515 Placements S.C.E.A.),
* 3° les relevés du compte sur livret du [15] depuis son ouverture,
* 4° les relevés des comptes ouverts sur les livres de la banque [22],
* 5° La comptabilité de la S.C.E.A. [M] de 1995 à 2011 et notamment les grands livres,
- désigner M. [L] [M] en qualité de mandataire unique chargé de représenter les copropriétaires des parts indivises de la S.C.E.A. [M] aux assemblées générales de ladite société ou, subsidiairement, étendre les pouvoirs du mandataire successoral, désigné par les ordonnances du 29 septembre 2020 et du 27 juin 2023, à ceux de représentation des copropriétaires des parts indivises de la S.C.E.A. [M] aux assemblées générales de ladite société,
- débouter Mme [C] [M] épouse [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment de sa demande de complément d'expertise au titre des conventions réglementées,
- ordonner un complément d'expertise et désigner M. [R] [X] avec pour mission notamment de :
* convoquer les parties,
* se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
* donner son avis sur les irrégularités découvertes à l'occasion de l'expertise des exercices 2012 à 2018 et non analysées dans son premier rapport,
* analyser les documents comptables et sociaux de la S.C.E.A. [M], des années 2019 à 2023,
* dire si ceux-ci ont été tenus de manière régulière, signaler toute erreur ou anomalie éventuelle après avoir sollicité des explications de la gérante de la S.C.E.A. [M] à l'occasion de chaque irrégularité constatée,
* dire si le 24 novembre 2011 et le 29 décembre 2009, le compte courant d'associé de Mme [F] était créditeur,
* de rétablir une comptabilité conforme aux dispositions de l'article L. 123-14 du code de commerce pour les exercices des années 2012 à 2023, en retenant deux hypothèses s'agissant des conventions réglementées :
** la première excluant une partie des charges concernant les sociétés dans lesquelles les époux [F] ont des liens directs ou indirects,
** la seconde intégrant l'intégralité des charges concernant les sociétés dans lesquelles les époux [F] ont des liens directs ou indirects,
- ordonner un complément d'expertise foncière et désigner M. [H] [O], avec pour mission de procéder à :
* l'évaluation des parts sociales de la S.C.E.A. [M] en tenant compte des deux hypothèses ci-dessus,
* l'évaluation des parts sociales de la S.A.R.L. [16] [F], de l'E.A.R.L., [13] [F] et de la S.C.E.A. chez [18],
* l'évaluation des stocks de restitution,
* l'évaluation de la parcelle cadastrée commune de [Localité 21] section AD n° [Cadastre 8],
* et donner son avis sur la valeur des biens à la date du décès de M. [G] [M] et à la date des opérations d'expertise,
- ordonner que tout complément de provision sera versé par Maître [T] [Z], mandataire successoral, délégué par l'A.N.A.M.J, en suite de l'ordonnance de mise en état du 29 septembre 2020,
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a prorogé la mission du mandataire successoral de vingt-quatre mois, à compter du 29 septembre 2022,
- condamner Mme [C] [M] épouse [F] à payer à M. [L] [M] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Selon dernières conclusions en date du 23 janvier 2024, Mme [C] [M] épouse [F] et la S.C.E.A. [M] demandent à la cour de :
- confirmer en ses entières dispositions l'ordonnance dont appel en date du 27 juin 2023 rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire d'Angoulême,
- ordonner un complément d'expertise afin que les points évoqués uniquement dans le rapport d'expertise définitif ayant trait au mécanisme des conventions réglementées puissent être soumis à la contradiction,
- désigner M. [X] avec pour mission notamment de :
* convoquer les parties,
* permettre aux parties de donner leur avis concernant le mécanisme des conventions réglementées en suite du rapport définitif du 21 juillet 2022 concernant les exercices comptables de la S.C.E.A. [M] de 2012 à 2018,
- donner son avis,
- dire que le complément de provision sera versé par Maître [T] [Z], mandataire successoral, délégué par l'A.N.A.M.,
- débouter M. [L] [M] de ses entières demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires et notamment,
- le débouter de sa demande de désignation d'un administrateur judiciaire dans l'intérêt de la S.C.E.A. [M],
- le débouter de sa demande d'analyse par M. [X] des documents comptables des années 2019 à 2022,
- le débouter de sa demande d'extension de la mission de M. [O], expert foncier,
- le débouter de sa demande de communication de pièces sous astreinte,
- condamner M. [L] [M] à régler à Mme [C] [M] épouse [F] la somme de 6.000 euros au titre 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 13 février 2024. Le délibéré, fixé au 26 mars 2024, a été prorogé au 9 avril 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de complément d'expertise comptable :
1- Sur la demande de Mme [C] [M] :
L'article L 612-5 du code du commerce énonce que :
"Le représentant légal ou, s'il en existe un, le commisaire aux comptes d'une personne morale de droit privé non commaerçante ayant une activité économique ou d'une association visées à l'article L 612-4 présente à l'organe délibérant ou, en l'absence d'organe délibérant, joint aux documents communiqués aux adhérants un rapport sur les conventions passées directement ou par personne interposée entre la personne morale et l'un de ses administrateurs ou l'une des personnes assurant un rôle de mandataire social.
Il est de même des conventions passées entre cette personne morale et une autre personne morale dont un associé indéfinissement responsable, un gérant, un administrateur, le directeur général, un directeur général délégué, un membre du directoire ou du conseil de surveillance, un actionnaire disposant d'une fraction des droits de vote supérieure à 10 % est simultanément administrateur ou assure un rôle de mandataire social de ladite personne morale.
.../...
Une convention non approuvée produit néanmoins ses effets. Les conséquences préjudiciables à la personne morale résultant d'une telle convention peuvent être mises à la charge, individuellement ou solidairement selon le cas, de l'administrateur ou de la personne assurant le rôle de mandataire social.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux conventions courantes conclues à des conditions normales qui, en raison de leur objet ou de leurs implications financières, ne sont pas significatives pour aucune des parties".
Les intimés sollicitent la confirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'un complément d'expertise comptable a été ordonné, faisant valoir que l'expert n'a pas recueilli les observations de Mme [C] [M] épouse [F] en violation du principe du contradictoire et retenu à tort que les conventions réglementées doivent s'appliquer à la S.C.E.A. [M]. Ils expliquent notamment en ce sens que la détermination de la rémunération du dirigeant ne relève pas des procédures prévues par les conventions réglementées mais de l'assemblée générale dès lors que la rémunération a été soumise à son vote.
L'appelant sollicite le rejet de la demande de complément d'expertise formulée par l'intimée dès lors que, contrairement à ses dires, le rapport d'expertise évoque bien les conventions réglementées, ce dont l'intimée reconnaît d'ailleurs dans ses dernières écritures et qu'en conséquent le principe du contradictoire a été respecté.
Il est constant que l'expert désigné, M. [X], a, par mail du 9 octobre 2022, répondu à une interrogation du conseil de Mme [M] lui opposant le non respect du contradictoire relativement à la question de l'application éventuelle des conventions réglementées concernant la SCEA [M], sur laquelle les parties n'avaient pas eu l'occasion de s'expliquer, en mentionnant qu'il était dessaisi de sa mission et qu'il revenait aux parties de solliciter un complément d'expertise sur ce point particulier. Cette réponse ne présume pas de la nécessité d'un complément d'expertise sur laquelle l'expert n'a pas à se positionner.
Toutefois, tant l'absence de rapport de contrôle des conventions réglementées que les conséquences financières importantes résultant de l'application ou non, à la SCEA [M], des dispositions de l'article L 612-5 du code de commerce, ainsi qu'en attestent les développements des parties, quant à l'application de cette réglementation à la rémunération de la gérante, et quant au rejet de certaines charges notamment de personnel, susceptible d'entraîner des conséquences préjudiciables importantes pour la SCEA, justifient qu'il soit fait droit à la demande de complément d'expertise comptable, afin que les parties puissent s'en expliquer et solliciter, contradictoirement, l'avis de l'expert sur la base du rapport précité.
Il convient dès lors de confirmer l'ordonnance déférée de ce chef, ainsi que s'agissant de la consignation à verser à cette fin auprès du régisseur du tribunal judiciaire d'Angoulême, par Maître [T] [Z], mandataire successoral, dans le délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt.
2- Sur les demandes de M. [L] [M] :
L'appelant sollicite que l'expertise comptable soit étendue aux exercices postérieurs à la mission initiale, soit pour les exercices 2019 à 2023.
Dès lors que l'expertise comptable de la SCEA [M], ordonnée le 29 septembre 2020 par le juge de la mise en état, avait été sollicitée exclusivement par M. [L] [M], avec seule mission "d'analyser les documents comptables et sociaux de la SCEA [M] des années 2012 à 2018 et relever et décrire les irrégularités alléguées expressément dans les conclusions d'incident de M. [M], rétablir une comptabilité conforme aux dispositions de l'article L 123-14 du code de commerce pour les exercices des années 2012 à 2018", et que l'appelant n'en conteste pas les conclusions, il en tirera toutes conséquences utiles à ses prétentions au fond, sans qu'il apparaisse à la cour nécessaire, en l'état du litige successoral, d'étendre la mission de l'expert aux exercices ultérieurs.
Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce sens.
Sur les autres demandes incidentes de M. [L] [M] :
1- Sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire de la SCEA [M] :
Sur le fondement des dispositions de l'article 789 4° du code de procédure civile, qui permettent au juge de la mise en état d'ordonner toute mesure provisoire, M. [M] demande la désignation d'un administrateur provisoire de la SCEA [M].
Il demande à être désigné aux lieu et place de sa soeur en qualité d'administrateur provisoire, estimant que les conditions posées par le jurisprudence commerciale sont réunies, à savoir l'atteinte au fonctionnement normal des organes sociaux et le fait que l'intérêt social soit exposé à un péril imminent.
L'appelant demeure toutefois dans l'incapacité de démontrer que, depuis la désignation de Mme [F] en qualité d'administrateur provisoire de la SCEA et au vu du rapport d'expertise comptable déposé par M. [X], il existerait une atteinte au fonctionnement normal de la SCEA par sa gérante, laquelle rend compte de sa gestion, justifie de l'encaissement des loyers, présente des comptes approuvés.
M. [M] n'établit pas que la gérance de la société serait défaillante, ni que Mme [F] mettrait en péril l'intérêt social.
A ce titre, le dernier compte rendu de l'exercice clos au 31 décembre 2022 (pièce n° 137 de l'intimée) atteste de l'absence de tout élément économique et financier exposant la société à un péril imminent, ou susceptible de remettre en cause la pérennité de la SCEA [M], au regard des très bons ratios qu'elle affiche.
Le juge de la mise en état relève en outre qu'aucune menace financière ne pèse sur la société, au vu de ses résultats. Il rappelle que la disparition de l'affectio societatis, alléguée par l'appelant, justifierait, si elle était démontrée, la dissolution de la société et non la désignation d'un administrateur judiciaire tiers à la copropriété indivise.
En tout état de cause, il n'est pas davantage démontré que les dissensions existant entre Mme [F] et M. [M] affectent le fonctionnement normal de la société.
Il convient dès lors de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle déboute M. [M] de sa demande aux fins d'être désigné, en qualité d'administrateur provisoire, avec mission de gérer et administrer la SCEA [M] et de prendre toutes les mesures qu'imposent l'urgence et la nécessité, hors actes de disposition.
Il sera débouté de sa demande subsidiaire de désignation d'un administrateur judiciaire à ce titre.
2- Sur la demande de désignation d'un mandataire unique :
Le juge de la mise en état, par ordonnance du 29 septembre 2020, et sur le fondement des dispositions de l'article 1844 du code civil, a désigné Mme [F] en qualité de mandataire provisoire, chargé d'exercer le droit de vote des copropriétaires indivis des parts sociales de la SCEA [M], relevant que l'existence d'un différent entre les coïndivisaires ne constitue pas un obstacle à la désignation de l'un d'entre eux comme mandataire de l'indivision, si celui-ci est particulièrement impliqué dans la sauvegarde de l'entreprise et que Mme [F] est la gérante de la SCEA [M] depuis 1996, laquelle ne rencontre pas de difficultés particulières.
Cette ordonnance n'a pas, à la connaissance de la cour, fait l'objet d'un recours de la part de M. [M].
Le rapport d'expertise comptable, ainsi qu'il a été rappelé, n'apporte pas d'éléments nouveaux caractérisant, pour Mme [F], l'absence de compte rendu de sa gestion, celle-ci justifiant des procès-verbaux des assemblées générales, auxquelles M. [M] est toujours convoqué, mais jamais présent.
Il convient dès lors de confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle déboute M. [M] de sa demande de désignation d'un mandataire unique, en sa personne, ou, à titre subsidiaire, d'étendre la mission du mandataire successoral.
3- Sur la demande de communication de pièces sous astreinte :
M. [L] [M] sollicite la communication sous astreinte, par Mme [F], des documents relatifs à :
- le calcul du CERFRANCE du montant de la somme de 171.200 euros,
- les mouvements des comptes courants de chaque associé depuis la création de la S.C.E.A., soit tous les comptes 455,
- les relevés du compte sur livret [15] depuis son ouverture,
- les relevés des comptes ouverts sur les livrés de la banque [22],
- la comptabilité de la S.C.E.A. [M] de 1995 à 2011 et notamment les grands livres.
Pour les motifs développés par le juge de la mise en état, que la cour fait siens, il convient de confirmer l'ordonnance déférée, en ce qu'elle a justement estimé que les documents sollicités étaient pour partie antérieurs à la période concernée par la mission d'expertise, pour partie antérieurs au décès de M. [G] [M], ne garantissant pas leur détention par Mme [F], et que le rapport d'expertise définitif avait tranché la question du calcul de la somme de 171 200 euros effectué par CERFRANCE.
4- Sur la demande de complément de l'expertise foncière :
M. [M] demande que l'expertise foncière soit complétée par :
- l'évaluation des parts sociales de la SCEA [M] en tenant compte du rétablissement des comptabilités, pour les exercices 2012 à 2023, en fonction des éléments retenus par l'expert au titre des conventions réglementées ; il convient toutefois d'une part d'exclure les exercices 2019 à 2023, pour lesquels il n'a pas été fait droit au complément d'expertise comptable, d'autre part de considérer comme prématuré que le complément d'expertise ordonné aura des conséquences sur l'évaluation des parts sociales de la SCEA [M] ; il n'y a pas lieu, dès lors, de faire droit à cette 1ère demande ;
- l'évaluation des parts sociales de la SARL [16] [F], de l'EARL [13] [F] et de la SCEA chez [18] et des stocks de restitution : M. [M] renouvelle cette demande, estimant que M. [G] [M] aurait fait deux dons manuels à sa fille Mme [F], l'un de 100 000 euros 2009, l'autre de 100 000 euros en décembre 2011, et que ces sommes auraient été investies dans l'EARL [13] [F], par apports de 200 000 euros en numéraires, en échange de parts sociales ; qu'en raison de la cocommitance de ces opérations, l'appelant demande, sur le fondement des dispositions de l'article 922 du code civil, qu'il y a eu subrogation et qu'il convient, en vue de leur réduction éventuelle, d'estimer la valeur des parts des sociétés subrogées, au moment de la succession.
Il ressort toutefois des pièces du dossier, parfaitement analysées par le juge de la mise en état, que l'apport en numéraires de 200 000 euros, réalisé le 29 décembre 2009 par Mme [F] à l'EARL [13] [F] provenait pour 100 000 euros d'une donation de M. [S] [F] à son épouse (pièces n° 122 et 123 de l'intimée), et pour 100 000 euros d'un prélèvement du compte courant associé de Mme [F], dans la SCEA [M] le 29 décembre 2009, alors que les fonds issus de la donation de M. [G] [M] en date du 27 décembre 2009 ont été encaissés, avec décalage, sur le compte privé de Mme [F] à la banque [22] le 17 décembre 2010, à haueur de 80 000 euros pacés sur un compte à terme à échéance 2012, le solde ayant financé ses besoins privés ; il en résulte que les fonds issus de la donation de M. [G] [M], avant le terme de leur compte de palcement au 21 décembre 2012, n'ont pu financer l'apport en numéraires fait à l'EARL [13] [F].
De même, s'agissant de l'apport en numéraire de 150 000 euros fait par Mme [F] à l'EARL [13] [F] par chèque émis le 1er décembre 2011 depuis son compte privé, après prélèvement de cette somme, le 24 novembre 2011, de son compte courant associé au sein de la SCEA [M], soit antérieurement à la donation à elle faite par son père de 100 000 euros le 1er décembre 2011, somme créditée le 1er décembre 2011 sur le compte courant associé de Mme [F] au sein de la SCEA qu'elle est venue abonder.
Ainsi, il n'est nullement démontré par les pièces financières produites par l'intimée que les fonds provenant des donations effectuées à son profit par son père aient été investis dans d'autres structures sociales gérées par Mme [F] et son époux, telles que l'EARL [13] [F], ou celles de la SARL [16] [F], ou de la SCEA chez [18], pour lesquelles M. [M] a été justement débouté de sa demande d'évaluation des parts sociales.
En conséquence, il n'y a pas davantage lieu à l'évaluation des stocks de restitution entre ces sociétés.
- l'évaluation de la parcelle cadastrée commune de [Localité 21] section AD n° [Cadastre 8], provenant, selon l'appelant, de la scission de la parcelle AD [Cadastre 2] en AD [Cadastre 8] et AD [Cadastre 9], parcelle dont M. [G] [M] a fait donation à sa fille le 2 septembre 2005, et qui aurait été donnée en nature à la SARL [16] [F] ; si la donation en nature de la parcelle AD [Cadastre 2] à Mme [F] en 2005 n'est pas discutée par celle-ci (donation dont a été informé M. [M], ainsi qu'il résulte de l'assemblée générale extraordinaire de la SCEA du 18 juin 2012), le fait qu'elle a ensuite été scindée en deux autres parcelles dont l'une, la AD [Cadastre 8] aurait été omise par l'expert foncier, ne ressort pas explicitement du rapport d'expertise (liste et références cadastrales illisibles des parcelles expéertisées) ; il n'y a pas lieu, dans ces conditions, d'ordonner un complément d'expertise.
En tout état de cause, et conformément aux dispositions de l'article 922 du code civil, l'évaluation du bien immobilier donné doit se faire à la datedu décès du donateur, en vue de leur réduction éventuelle, sauf subrogation du bien, ce qui n'est nullement démontré pour ce bien immobilier.
L'ordonnance sera confirmée de ces chefs également.
Sur la prorogation de la mission du mandataire successoral de 24 mois, à compter du 29 septembre 2022 :
Les parties s'accordant sur cette prorogation, cette disposition n'est pas soumise à la cour.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
M. [L] [M] succombant en son appel, sera condamné aux entiers dépens de l'instance.
L'équité commande en outre de le condamner à verseraux intimées la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME l'ordonnance du juge de la mise en état d'Angoulême du 27 juin 2023 en toutes ses dispositions, sauf à préciser qu'en exécution du présent arrêt, Maître [T] [Z], mandataire successoral désigné par l'ANAMJ, devra consigner auprès du régisseur du tribunal judiciaire d'Angoulême, la somme de 1 500 euros à titre de provision complémentaire à valoir sur les honoraires de M. [X], expert comptable, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à peine de caducité du complément d'expertise ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [L] [M] aux dépens de l'appel ;
Le CONDAMNE à payer à Mme [C] [M], épouse [F], et à la société [M], prise en la personne de son représentant légal, à chacune la somme de 1 500 euros, soit au total la somme de 3 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire.
Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,