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04/04/2024 | FRANCE | N°21/00178

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 04 avril 2024, 21/00178


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 04 AVRIL 2024





N° RG 21/00178 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L4CB







Compagnie d'assurance MILLENIUM INSURANCE COMPANY





c/



Monsieur [W] [E]

Madame [Z] [G]

Monsieur [S] [P]

S.A.S. EUROBATI DECO

S.A.R.L. WORLD ON



S.A. MIC INSURANCE COMPANY




















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Nature de la décision : AU FOND





























Grosse délivrée le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 décembre 2020 (R.G. 19/10340) par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 12 janvier 2021
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COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 04 AVRIL 2024

N° RG 21/00178 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L4CB

Compagnie d'assurance MILLENIUM INSURANCE COMPANY

c/

Monsieur [W] [E]

Madame [Z] [G]

Monsieur [S] [P]

S.A.S. EUROBATI DECO

S.A.R.L. WORLD ON

S.A. MIC INSURANCE COMPANY

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 décembre 2020 (R.G. 19/10340) par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 12 janvier 2021

APPELANTE :

Compagnie d'assurance MILLENIUM INSURANCE COMPANY MIC INSURANCE

représentée par son mandataire SFS FRANCE SAS

demeurant [Adresse 8] - [Localité 6]

Représentée par Me Margaux BOUCHARD, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me Emmanuel PERREAU de la SELASU CABINET PERREAU, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

[W] [E]

né le 30 Juillet 1986 à [Localité 14]

de nationalité Française

Profession : Président (e) de société,

demeurant [Adresse 4] - [Localité 9]

[Z] [G]

née le 12 Mai 1987 à [Localité 12]

de nationalité Française

Profession : Employé(e) administratif(ve),

demeurant [Adresse 4] - [Localité 9]

Représentés par Me Philippe DELFOSCA, avocat au barreau de BORDEAUX

[S] [P]

né le 12 Avril 1954 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2] - [Localité 5]

Ayant pour avocat Me Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.S. EUROBATI DECO

demeurant [Adresse 2] - [Localité 5]

Ayant pour avocat Me Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.R.L. WORLD ON

demeurant [Adresse 1] - [Localité 5]

Ayant pour avocat Me Julien PLOUTON de la SELAS JULIEN PLOUTON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

S.A. MIC INSURANCE COMPANY

SA au capital de 11 000 000 €, dont le siège social est [Adresse 3], [Localité 7], enregistrée au RCS de Paris sous le numéro 885 241 208, représentée en France par son mandataire la société SAS LEADER UNDERWRITING dont le siège social est [Adresse 13] à [Localité 10].

demeurant [Adresse 3] - [Localité 7]

Représentée par Me Margaux BOUCHARD, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me Emmanuel PERREAU de la SELASU CABINET PERREAU, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [W] [E] et Mme [Z][G] sont propriétaires d'une maison située à [Localité 9], en Gironde, [Adresse 4], dans laquelle ils ont entrepris des travaux de terrassement confiés à la SAS Eurobati déco, courant avril 2016.

Les travaux ont été intégralement réglés, mais aucune réception expresse n'est intervenue.

Se plaignant de diverses malfaçons, M. [E] et Mme. [G] ont adressé le 4 octobre 2016 une mise en demeure à la société Eurobati deco, pour qu'elle effectue les reprises nécessaires, suivie d'un second courrier le 19 juin 2017, par lequel ils faisaient part d'une aggravation des désordres.

En l'absence de règlement amiable du litige, les consorts [E] /[G] ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d'organisation d'une expertise judiciaire au visa de l'article 145 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 16 juillet 2018, M. [X] a été désigné en qualité d'expert. Il a déposé son rapport définitif le 5 septembre 2019.

Sur la base de ce rapport, M. [E] et Mme. [G] ont saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux, par voie d'assignation délivrée le 30/ 10 / 2019 à l'encontre de la SAS Eurobati deco, la SARL World on, président de la première société, et M. [S] [P] directeur général de la société Euro bati déco au visa des articles 1792-4 et 1147 du code civil aux fins d'indemnisation.

Par exploit du 30 juillet 2020, la SAS Euro bati deco a appelé en la cause son assureur : la compagnie millenium insurance company limited et les deux affaires ont été jointes par mention au dossier le 4 août 2020.

Par jugement du 2 décembre 2020 , le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- déclaré la société Eurobati déco responsable de plein droit des désordres d'affaissement de la terrasse aspect bois sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil, et en conséquence, l'a condamnée à verser à M. [E] et Mme. [G] la somme de 11767, 80 euros ttc ( tva à 10 %) au titre du coût de réfection de la zone de dallage aspect bois, avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire et le présent jugement, outre la somme de 800 euros en réparation du préjudice de jouissance,

- rejeté la demande d'indemnisation relative aux désordres esthétiques,

- débouté M. [E] et Mme. [G] de leurs demandes dirigées contre M. [P] et la société World one en leur qualité de gérants de la société Eurobati deco,

- condamné la compagnie millenium insurance à garantir la société Eurobati deco des condamnations prononcées à son encontre,

- déclaré la société Eurobati deco irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement relative à la pose du portail motorisé,

- condamné la société Eurobati deco à verser à M. [E] et Mme. [G] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles, et a rejetté plus amples demandes à ce titre,

- condamné la société eurobati deco aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La compagnie d'assurance Millenium insurance company a relevé appel du jugement le 12 janvier 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2021, la compagnie d'assurance Millenium insurance company et la SA MIC insurance compagny, venant aux droits de la première nommée, demandent à la cour, sur le fondement des articles 325 du code civil, les articles 1232-2 et 1240 du code civil et l'article L. 124-3 du code des assurances :

à titre liminaire,

- de faire droit à la demande d'intervention volontaire de la compagnie Mic insurance company SA (France),

- de prononcer la mise hors de cause de la société Millenium insurance company (Gilbraltar),

à titre principal,

- de réformer le jugement entrepris en ce que le tribunal a :

- condamné la compagnie Mic insurance à garantir la société Eurobati deco des condamnations prononcées à son encontre,

- débouté M. [E] et Mme. [G] de leurs demandes dirigées contre M. [P] et la société World on en leur qualité de gérants de la société Eurobati deco,

statuant à nouveau,

- de rejeter l'appel en garantie formé par la société Eurobati deco à l'encontre de la compagnie Mic insurance,

- de rejeter toute demande dirigée à l'encontre de la compagnie Mic insurance dans le cadre des appels incidents,

à titre subsidiaire,

- de réformer le jugement entrepris en ce que le tribunal a condamné la compagnie Mic insurance à garantir la société Eurobati deco de la condamnation prononcée à son encontre au titre du préjudice de jouissance,

- de déduire de toute condamnation la franchise contractuelle de 1 500 euros opposable aux tiers et applicable aux dommages matériels ainsi qu'immatériels,

en tout état cause,

- de débouter les consorts [E] ' [G] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comme étant non justifiée,

- de condamner les Consorts [E] - [G], ou toute partie succombante, à verser à la compagnie mic insurance la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 avril 2022, M. [E] et Mme. [G] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1231-1 et 1792 du code civil, L.225-251 et L.227-8 du code de commerce, L 241-1 et L 243-3 du code des assurances, 32, 70, 122 et 124 du code de procédure civile :

- de les déclarer recevables et bien fondés en l'ensemble de demandes, fins et prétentions,

à titre principal,

- de confirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions,

y ajoutant,

- de condamner la compagnie Mic insurance à leur verser une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la compagnie Mic insurance aux entiers dépens d'appel que les frais éventuels d'exécution de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré la société Eurobati deco responsable de plein droit des désordres d'affaissement de la terrasse sur le fondement de l'article 1792 du code civil,

- de condamner la société Eurobati deco à leur verser la somme de 11.767,80 euros TTC (TVA à 10%) au titre du coût de réfection de la zone de dallage aspect bois, avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date de dépôt du rapport d'expertise et la décision à intervenir, outre la somme de 800 euros en réparation du préjudice de jouissance,

- de déclarer la société Eurobati deco irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement du portail motorisé,

- de l'infirmer pour le surplus,

statuant de nouveau,

- de déclarer la société Eurobati deco responsable de plein droit des désordres d'affaissement de la terrasse aspect bois sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil,

en conséquence,

- de condamner la société Eurobati deco à leur verser la somme de 11 767,80 euros ttc (tva à 10%) au titre du coût de réfection de la zone de dallage aspect bois, avec indexation sur l'indice bt01 du coût de la construction entre la date de dépôt du rapport d'expertise et la décision à intervenir, outre la somme de 800 euros en réparation du préjudice de jouissance,

en outre,

- de rejeter l'appel en garantie formé par la société Eurobati deco à l'encontre de la compagnie d'assurances Mic insurance,

en conséquence,

- de condamner in solidum la société World on, et M. [P] à leur verser la somme de 12 567,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,

- de déclarer la société Eurobati deco irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement du portail motorisé,

en tout état de cause,

- de condamner in solidum la société Eurobati deco, la société World on et M. [P], à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner in solidum la société Eurobati deco, la société World on et M. [P], aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de référé, les honoraires taxés de l'expert ainsi que les frais éventuels d'exécution de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile,

à titre infiniment subsidiaire,

- de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré la société Eurobati deco irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement du portail motorisé,

- de l'infirmer pour le surplus,

statuant de nouveau,

- de déclarer la société Eurobati deco responsable des désordres d'affaissement de la terrasse sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,

en conséquence,

- de condamner la société Eurobati deco à leur verser la somme de de 11 767,80 euros TTC (TVA à 10%) au titre du coût de réfection de la zone de dallage aspect bois, avec indexation sur l'indice BT01 du coût de la construction entre la date de dépôt du rapport d'expertise et la décision à intervenir outre la somme de 800 euros en réparation du préjudice de jouissance,

- de déclarer la société Eurobati deco irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement du portail motorisé,

en tout état de cause,

- de condamner la société Eurobati deco à leur verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la société Eurobati deco aux entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais de référé, les honoraires taxés de l'expert ainsi que les frais éventuels d'exécution de la décision à intervenir en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 mai 2021, M. [P], la SAS Eurobati deco et la SARL World on demandent à la cour, sur le fondement des articles 1147 et suivants et 1792-4 du code civil :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] et Mme [G] de leurs demandes formulées contre M. [P] et la société World on,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] et Mme [G] de leurs demandes relatives au dommage esthétique,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la compagnie Millenium insurance company à garantir la société Eurobati deco des condamnations prononcées à son encontre,

- de débouter en conséquence Millenium insurance company de ses demandes,

en tout état de cause,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré la société eurobati deco responsable de plein droit des désordres

d'affaissement de la terrasse aspect bois sur le fondement des dispositions de l'article

1792 du code civil,

- condamné la sas Eurobati deco à verser à M. [E] et Mme. [G]

la somme de 11 767,80 euros ttc (tva à 10%) au titre du coût de réfection de la zone de

dallage aspect bois, avec indexation sur l'indice ct01 du coût de la construction entre

la date du dépôt du rapport d'expertise judiciaire et le présent jugement, outre la

somme de 800 euros en réparation du préjudice de jouissance,

- déclaré la société Eurobati deco irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement relative à la pose du portail motorisé,

- condamné la société Eurobati deco à verser à M. [E] et Mme.[G] la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles, et rejeté plus amples demandes à ce titre,

- condamné la société Eurobati deco aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise,

en conséquence,

- de constater que la responsabilité décennale de la société Eurobati deco n'est

pas engagée,

- de débouter M. [E] et Mme.[G] de leur demande au titre du préjudice matériel,

- de débouter M.[E] et Mme.[G] de leur demande au titre du préjudice de jouissance,

- de condamner solidairement M. [E] et Mme. [G] à verser à la société eurobati deco la somme de 2102,40 euros portant intérêt au taux légal à la date du 12 octobre 2016,

- de condamner solidairement M. [E] et Mme. [G] à verser à chacun des défendeurs la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner solidairement M. [E] et Mme. [G] aux entiers dépens de l'instance, comprenant ceux de l'ordonnance de référé du 16 juillet 2018, les honoraires taxés de l'expert ainsi que les frais éventuels d'exécution de la décision à intervenir.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2024.

MOTIFS

Sur la nature de la terrasse, objet des désordres et sur la nature de ces derniers

Le tribunal a jugé que les travaux de terrassement litigieux étaient constitués par un dallage en béton matricé ayant nécessité l'apport de matériaux et des techniques de construction qui étaient bien constitutifs d'un ouvrage au sens des dispositions de l'article 1792 du Code civil. Cette question n'est pas discutée devant la cour d'appel. Le tribunal a ajouté qu'une réception tacite de l'ouvrage devait être fixée à la date du paiement sans réserve par les maîtres de l'ouvrage de la dernière facture de la société Eurobati deco, soit au 14 mai 2016.

La société Eurobati Deco conteste sa responsabilité décennale en l'absence de réception de l'ouvrage faisant valoir que les maîtres de l'ouvrage se seraient opposés à la signature d'un procès-verbal de réception, malgré les demandes réitérées du constructeur et alors que des réserves ont été formulées par les consorts [E]/ [G].

***

Le 14 mai 2016, les maîtres de l'ouvrage ont réglé sans aucune réserve la dernière facture de la société Eurobati deco, et les réserves qu'ils ont fait connaître sur les travaux sont intervenues prés de cinq mois plus tard seulement, en octobre 2016, si bien que le jugement doit être confirmé en ce qu'après avoir constaté ce dernier règlement et une prise de possession de l'ouvrage sans observation, il a fixé une réception tacite des travaux à cette date du 14 mai 2016, étant ajouté que la société Eurobati deco ne démontre nullement avoir proposé à ses clients la signature d'un procès- verbal de réception.

Sur les responsabilités dans les désordres

Le tribunal a jugé que les désordres étaient à la fois esthétiques, ceux-ci étant purgés, et mécaniques du fait de l' affaissement de la terrasse, ce désordre étant de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage engageait la responsabilité de plein droit de la société Eurobati deco.

Les sociétés Eurobati deco et World on et M. [P] soutiennent que les dommages esthétiques n'ont pas été réservés et ont ainsi été purgés. Elle ne peut être déclarée responsable de la survenance des non-conformités qui ne sont pas des désordres. En outre, elles ajoutent que leurs responsabilités ne sauraient être engagées en ce qui concerne l'affaissement du béton qui proviendrait du creusement de leur piscine.

Les maîtres de l'ouvrage sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité décennale de la société Eurobat deco.

***

Aux termes de l'article 1792 du code civil': «' Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'»

Il résulte de l'expertise judiciaire que le désordre mécanique, qui est seul en débat devant la cour d'appel, affecte la terrasse aspect bois mis en 'uvre par la société Eurobati deco . En effet, l'expert judiciaire a constaté un affaissement de la terrasse variant de 1 à 3,5 centimètres au voisinage du mur de la maison, affaissement qu'il a rapporté dans ses croquis en page 16 de son rapport.

L'expert judiciaire, M. [X] a déduit de ses constatations, notamment à la suite des carottages auxquels il a procédé que l'affaissement du dallage provenait de l'absence de couche de forme calcaire, pourtant facturée par le constructeur, conjuguée à un compactage insuffisant du sol support et de la couche de forme sable. ( cf': rapport page 19).

M. [X] a précisé que l'affaissement de la terrasse remettait en cause la bonne évacuation des eaux de pluie de la terrasse qui à l'origine devait s'effectuer pour partie vers les caniveaux présents à proximité de la maison devant les baies et pour partie à l'opposé vers le terrain alors que désormais la pente était orientée vers la maison ce qui provoquait des infiltrations d'eau à la jonction du dallage et du mur de la maison avec le risque à terme de fragiliser les structures de la fondation de la maison. ( cf': rapport d'expertise page 18).

La cour ne peut retenir les allégations de la société Eurobati déco sur l'éventualité d'un lien de causalité entre le creusement de la piscine des maîtres de l'ouvrage et l'affaissement de la terrasse, moyen qu'elle n'avait pas cru devoir évoquer à l'occasion des opérations d'expertise et qui n'est corroboré par aucun élément objectif.

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que le désordre structurel relatif à l'affaissement de la terrasse était de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage et engageait de plein droit la responsabilité décennale de la société Eurobati deco qui doit réparer le préjudice des maîtres de l'ouvrage.

Sur la garantie de l'assureur de la société Eurobati deco

Le tribunal a jugé que la société Millenium insurance devait garantir la société Euroibati deco cette dernière produisant une attestation d'assurance décennale de son assureur valable pour des activités de revêtements de surfaces en matériaux durs ( carrelages, chapes, sols coulés et peinture).

Devant la cour d'appel les appelantes, qui n'avaient pas conclu devant le premier juge font valoir que leurs garanties ne sont pas mobilisables dès lors que la société Eurobati deco n'était pas assurée pour l'activité en cause. En effet, l'entreprise était garantie pour des travaux de peinture et de revêtement de surfaces en matériaux durs ( carrelages) -chapes et sols coulés mais non pour une activité de second 'uvre.

***

La société Eurobati deco a remis aux consorts [E]/ [G] une attestation d'assurance qui précisait que le constructeur était notamment garanti pour des activités de revêtement de surfaces en matériaux durs ( carrelages ) - chape et sols coulés.

Si la société MIC Insurance soutient que les travaux litigieux, soit la construction d'une terrasse à part entière composée de pavés, relèveraient de travaux de gros 'uvre non garantis, la définition de l'ouvrage litigieux tel que décrit par l'expert judiciaire s'apparente à un sol coulé, soit une dalle de béton qui est coulée pour créer un sol massif qui peut être réalisé à l'intérieur d'une habitation, soir à l'extérieur. Le choix d'un tel sol en béton coulé est recommandé pour fabriquer une terrasse extérieure.

Le fait que le constructeur ait armé son ouvrage par un treillis pour le renforcer ne modifie pas la nature de celui-ci.

En conséquence, la cour d'appel juge que la construction de la terrasse litigieuse était garantie par la société MIC insurance.

Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'assureur à garantir la société Eurobati deco des condamnations prononcées à son encontre au titre de sa responsabilité décennale.

L'assureur est par ailleurs en droit d'opposer à son assurée seule la franchise contractuelle d'un montant de 1500 euros.

Aussi, les demandes des maîtres de l'ouvrage sur la faute des dirigeants de la société Eurobati deco quant à l'absence de souscription d'une assurance adaptée n'a plus d'objet, étant toutefois observé que les consorts [E]/ [G] qui affirment dans leurs conclusions qu'ils n'entendent plus la discuter, demandent néanmoins à titre subsidiaire la condamnation des dits dirigeants du constructeur.

Sur les préjudices des maîtres de l'ouvrage

Le tribunal a fixé le préjudice matériel des maitres de l'ouvrage, sur la base du rapport d'expertise à la somme de 11 767, 80 euros TTC indéxée et leur préjudice de jouissance à la somme de 800 euros. Il a par ailleurs rejeté leur demande d'indemnisation relative aux désordres esthétiques, ceux ci ayant été purgés.

Les consorts [E]/ [G] sollicitent la confirmation du jugement.

La SAS Eurobati demande que les maîtres de l'ouvrage soient déboutés de leur demande au titre de leur péjudice matériel et de leur préjudice de jouissance.

La société MIC insurance soutient que les dommages immatériels consécutifs garantis ne concernent que les préjudices économiques ce que ne serait pas un préjudice de jouissance.

***

La SAS Eurobati qui demande que les maîtres de l'ouvrage soient déboutés de leur demande au titre de leur préjudice matériel et de leur préjudice de jouissance n'apporte aucun élément sérieux de contestation de l'évaluation des travaux de reprise tels qu'appréciés par l'expert judiciaire.

Par ailleurs, le préjudice de jouissance a certes vocation à réparer la perte économique découlant de l'impossibilité totale ou partielle de jouir de son bien, comme une perte de loyers et ainsi de revenus. Il peut aussi se traduire par la simple impossibilité d'utiliser pleinement et normalement son logement, ainsi que cela était le cas en l'espèce. Toutefois en l'espèce, les travaux de reprise pourront être exécutés en deux semaine et n'affecteront que les terrasses extérieures si bien que l'existence d'un préjudice de jouissance n'est pas démontré.

En conséquence, M. [E] et Mme [G] seront déboutés de leur demande au titre d'un préjudice de jouissance.

Sur l'appel incident de la société Eurobati deco

Le tribunal a débouté la société Eurobati deco de sa demande au titre du règlement d'une facture d'un montant de 2102, 40 euros et relative à la pose d''un portail au motif que celle-ci ne se rattachait pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La société Eurobati deco fait valoir que sa demande s'inscrit dans le cadre de la même relation contractuelle et que ses clients n'ont jamais contesté leur obligation au paiement du solde de la facture relative à cette prestation.

Les consorts [E]/ [G] exposent que cette demande n'est pas recevable, car elle ne se rattache pas à leurs propres prétentions par un lien suffisant. En outre, cette demande est prescrite.

***

L'article 70 du code de procédure civile dispose': «' Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. »

Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.

La demande de la société Eurobati s'inscrit dans le même cadre contractuel que la construction de la terrasse litigieuse, et entre les mêmes parties.

Elle est donc recevable alors qu'en outre du fait de cette même relation il y aurait lieu d'ordonner une compensation si cette demande était reconnue fondée.

Par ailleurs, l'article L. 218-2 du code de la consommation prévoit que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans.

S'agissant du paiement de travaux, il convient de retenir comme point de départ du délai, le jour de l'établissement de la facture qui doit correspondre faute d'éléments contraires en l'espèce à la date d'achèvement des travaux.

Or, entre l'établissement de cette facture, le 12 septembre 2016 et la demande en paiement du constructeur dans ses écritures devant le tribunal le 15 septembre 2020, il s'est écoulé plus de deux ans si bien que la demande en paiement de la société Eurobati deco est prescrite.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Eurobati deco de sa demande en paiement.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La SA MIC Insurance company succombant en son appel sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à M. [E] et Mme [G], ensemble, la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Donne acte à la SA MIC Insurance company de ce qu'elle vient aux droits de La société Millenium Insurance company,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SAS Eurobati Deco à verser à M. [E] et Mme [G] la somme de 800 euros en réparation de leur préjudice de jouissance et les en déboute, et en ce qu'il a condamné la compagnie Millenium Insurance à garantir la société Eurobati Deco de cette condamnation,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SA MIC Insurance company à payer à M. [W] [E] et à Mme [Z] [G], ensemble, la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SA MIC Insurance company aux dépens d'appel.

La présente décision a été signée par Monsieur Jacques BOUDY, président, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00178
Date de la décision : 04/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-04;21.00178 ?
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