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27/03/2024 | FRANCE | N°23/04526

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 mars 2024, 23/04526


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 27 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 23/04526 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NOM6









S.A.R.L. AIDE@VENIR [Localité 9]



c/



Monsieur [B] [ZX] [V]

Monsieur [O] [ZM] [ZN]

Madame [AD] [ZN] épouse [K]

Madame [D] [U] [P] [N] épouse [L]

Madame [S] [G] [C] [N] épouse [H]

Monsieur [T] [ZY] [I] [N]

Madame [R]

[E] [N]

Monsieur [ZZ] [T] [ZD] [N]

Madame [X] [Y] [A] [N]









Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 mars 2018 (R.G. n°17/00065) par...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 23/04526 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NOM6

S.A.R.L. AIDE@VENIR [Localité 9]

c/

Monsieur [B] [ZX] [V]

Monsieur [O] [ZM] [ZN]

Madame [AD] [ZN] épouse [K]

Madame [D] [U] [P] [N] épouse [L]

Madame [S] [G] [C] [N] épouse [H]

Monsieur [T] [ZY] [I] [N]

Madame [R] [E] [N]

Monsieur [ZZ] [T] [ZD] [N]

Madame [X] [Y] [A] [N]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 mars 2018 (R.G. n°17/00065) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 03 octobre 2023,

APPELANTE :

S.A.R.L. AIDE@VENIR [Localité 9] agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Me Camille DELAMARE substituant Me Michel DUFRANC de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [B] [ZX] [V] né le 31 décembre 1968 à [Localité 13] de nationalité ivoirienne

demeurant [Adresse 8]

Monsieur [O] [ZM] [ZN] né le 06 décembre 1975 à [Localité 11] de nationalité ivoirienne demeurant [Adresse 4]

Madame [AD] [ZN] épouse [K] née le 03 septembre 1978 à [Localité 11] de nationalité ivoirienne demeurant [Adresse 3]

Madame [D] [U] [P] [N] épouse [L] née le 18 Octobre 1989 à [Localité 10]de nationalité Ivoirienne demeurant [Adresse 6]

Madame [S] [G] [C] [N] épouse [H] née le 20 juillet 1991 à [Localité 10] de nationalité ivoirienne demeurant [Adresse 5]

Monsieur [T] [ZY] [I] [N] né le 26 septembre 1993 à [Localité 10] de nationalité ivoirienne demeurant [Adresse 3]

Madame [R] [E] [N] née le 02 juillet 1995 à [Localité 10] de nationalité ivoirienne demeurant [Adresse 2]

Monsieur [ZZ] [T] [ZD] [N] né le 12 Novembre 1997 à [Localité 10] de nationalité Ivoirienne demeurant [Adresse 3]

Madame [X] [Y] [A] [N] née le 19 juillet 2002 à [Localité 10] de nationalité ivoirienne demeurant [Adresse 7]

en leur qualité d'ayants droit de Madame [ZC] [ZO] [Z] épouse [V]

représentés et assistés de Me Laure COOPER, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

[ZC] [ZO] [V] épouse [Z], née en 1961, avait été engagée en qualité d'employée à domicile par la société Aide@venir [Localité 12] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 26 juin 2014 à temps partiel puis à temps complet à partir du 1er août 2014.

Le contrat de travail de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] avait ensuite été transféré auprès de la SARL Aide@venir [Localité 9], les parties ayant conclu le 1er juin 2015, un nouveau contrat prévoyant la reprise de son ancienneté et son embauche en qualité d'assistante de vie.

Par avenant du 2 janvier 2016, [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] avait été promue au poste d'assistante de vie niveau III.

Dans ce cadre, elle avait été affectée chez Mme [W] qui nécessitait une surveillance vigilante constante.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012.

Par lettre datée du 6 juillet 2016, [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 juillet 2016 puis elle a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 28 juillet 2016, l'employeur lui reprochant de dormir régulièrement sur son lieu de travail et plus particulièrement la nuit du 20 juin 2016 au cours de laquelle la bénéficiaire Mme [W], lourdement handicapée, se serait étouffée.

A la date du licenciement, [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] avait une ancienneté de 2 ans et 1 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par courrier du 9 août 2016, [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] a mis en cause le bien-fondé des accusations de l'employeur.

Contestant la légitimité de son licenciement, elle a saisi le 13 janvier 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux afin de réclamer, outre des rappels de salaire du 1er juin 2015 au 31 janvier 2016, des dommages et intérêts au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, le remboursement de la somme correspondant aux dépenses de santé non prises en charge par la mutuelle de groupe et un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire du 21 juin 2016 au 29 juillet 2016.

Par jugement rendu le 13 mars 2018, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Aide@venir à verser à celle-ci les sommes suivantes :

* 591,07 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 1.477,69 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 147,76 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 1.871,74 euros au titre du paiement de la mise à pied,

* 8.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 188,95 euros à titre de remboursement de frais de santé,

* 800 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail,

- donné acte à la société Aide@venir du versement de la somme de 658,33 euros à titre de rappel de salaire et de la remise du bulletin de salaire correspondant,

- condamné en outre la société Aide@venir à remettre à la salariée les bulletins de paie afférents aux condamnations prononcées et une attestation Pôle Emploi rectifiée,

- condamné la société Aide@venir à verser à [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire sur la totalité des condamnations,

- débouté [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] du surplus de ses réclamations,

- condamné la société Aide@venir aux dépens et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 12 avril 2018, la société Aide@venir [Localité 9] a relevé appel de cette décision.

Le 20 octobre 2021, l'affaire a été radiée en l'absence d'intervention volontaire des ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z], décédée le 10 mai 2019.

Par conclusions d'intervention volontaire en reprise d'instance du 3 octobre 2023, les ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] ont sollicité la réinscription de l'affaire.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 décembre 2023, la société Aide@venir [Localité 9] demande à la cour de :

- réformer la décision entreprise en ce que :

* le licenciement pour faute de Mme [V] a été jugé sans cause réelle et sérieuse,

* elle a été condamnée à verser les somems suivantes ::

- 8591,07 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-1.477,69 euros à titre d'indemnité de préavis,

-147,76 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 1.871,74 euros au titre du paiement de la mise à pied,

- 8.800 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

-188,95 euros à titre de remboursement de frais de santé,

- 800 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale du travail,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* elle a été condamnée à remettre à Mme [V] les bulletins de paie rectifiés ainsi qu'une attestation pôle emploi rectifiée,

Statuant à nouveau :

- dire que le licenciement pour faute de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] est justifié,

- débouter [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] de toutes ses demandes,

- condamner [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- réduire les éventuelles condamnations prononcées à son encontre.

Dans leurs dernières conclusions d'intervention volontaire aux fins de reprise d'instance adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 novembre 2023, les ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z], à savoir M. [B] [ZX] [V], M. [O] [ZM] [ZN], Mme [AD] [ZN] épouse [K], Mme [D] [U] [P] [N] épouse [L], Mme [S] [G] [C] [N] épouse [H], M. [T] [ZY] [I] [N], Mme [R] [E] [N], M. [ZZ] [T] [ZD] [N], Mme [X] [Y] [A] [N] demandent à la cour, outre de les juger recevables et bien fondés à intervenir volontairement à l'instance en leur qualité d'ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] et d'ordonner la remise au rôle de l'instance dans l'état où elle se trouvait lors de sa radiation, de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 13 mars 2018 dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a alloué la somme de 800 euros à [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] en réparation du préjudice du fait du non-respect par l'employeur de la durée maximale quotidienne de travail, et leur allouer de ce chef la somme de 1.500 euros,

- condamner en outre la société Aide@venir [Localité 9] à leur verser une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin la société Aide@venir [Localité 9] aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande au titre du non-respect de la durée maximale du travail

La'durée'quotidienne du'travail'effectif ne peut en principe excéder dix heures, sauf dérogations.

En l'espèce, la convention collective applicable prévoit que la durée quotidienne de travail effectif, en principe de 10 heures, pourra être portée à un maximum de 12 heures dans la limite de 70 jours par an.

La preuve du'respect'des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de'travail'fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

Au soutien de leur demande tendant à l'augmentation du quantum des dommages et intérêts qui ont été alloués à leur auteur par les premiers juges au titre du non-respect de la durée maximale du travail, les ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] font valoir que la durée maximale du travail fixée à 12 heures a été dépassée à plusieurs reprises pendant la relation contractuelle.

Ils produisent à cet effet, les fiches d'interventions de la salariée de juillet 2015 à septembre 2015, puis du mois de novembre 2015 et enfin, pour la période comprise entre le mois d'avril 2016 et jusqu'à fin juin 2016, dont il résulte que la durée maximale conventionnelle du temps de travail a été dépassée les 2, 4 et 7 juillet 2015 (de 2h30 à chaque fois) puis le 10 septembre 2015 (d'une heure).

En réplique, la société, sans contester les dépassements invoqués, demande que l'indemnité accordée soit ramenée à de plus justes proportions.

* * *

L'employeur n'apporte aucun élément quant aux dépassements horaires invoqués qui doivent donc être considérés comme fondés au regard des pièces produites.

Dès lors, en considération des éléments d'appréciation du préjudice dont dispose la cour, la décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a alloué à la salariée une somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement datée du 28 juillet 2016 est ainsi rédigée :

«' (')

Le 21 juin 2016, nous avons été contactés par l'époux d'une bénéficiaire, auprès de qui vous interveniez régulièrement, pour être informé des faits suivants.

Il se trouve que vous intervenez chez cette personne lourdement handicapée, chez qui une surveillance vigilante s'impose 24h/24. Vous dormez sur votre lieu de travail depuis 3 mois et lors de la nuit du 20 juin, vous vous êtes à nouveau endormie alors que notre bénéficiaire s'est étouffée dans son sommeil.

Son époux a dû intervenir pour assurer les gestes adaptés. Il n'est plus en confiance et ne [peut ou veut] plus compter sur vos interventions (...) »

* * *

Pour voir infirmer la décision entreprise, la société soutient que c'est en raison de sa lettre de motivation, de sa disponibilité immédiate, de sa flexibilité sur tous types d'horaires, de jour comme de nuit pour avoir travaillé avec des horaires décalés lors de gardes de nuit et de ses compétences, que [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] avait été engagée pour assurer des gardes de nuit auprès de Mme [F], particulièrement dépendante. Il ajoute que l'incident survenu chez cette bénéficiaire dans la nuit du 20 au 21 juin 2016 caractérise un comportement constitutif d'une faute grave rendant impossible la poursuite de la collaboration pendant la durée d'un préavis et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail.

En réplique, les ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] contestent le fait que cette dernière se soit endormie sur son lieu de travail tant de façon régulière que dans la nuit du 20 au 21 juin 2016, ce que confirmeraient les mentions portées par la salariée sur le cahier de liaison qui avait noté son intervention ensuite de la quinte de toux dont la bénéficiaire avait été victime cette nuit-là. Ils déplorent que ce document ne soit pas produit par l'employeur et ajoutent que l'intervention de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] auprès de Mme [W] a permis d'éviter de faire appel aux services de secours.

Ils font valoir qu'au soutien du licenciement pour faute grave de Mme [V], l'employeur produit un seul document, l'attestation de M. [W], établie postérieurement au licenciement critiqué.

* * *

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

En l'espèce, au soutien des griefs formulés à l'encontre de la salariée, la société produit :

- la lettre de motivation de la salariée ainsi que son curriculum vitae desquels il résulte qu'elle disposait d'une sérieuse expérience de 10 ans en qualité d'auxiliaire de vie auprès de personnes en perte d'autonomie ;

- l'attestation de M. [W] établie le 14 février 2017 qui précise': « Mme [V] s'est occupée de ma femme (') pendant plusieurs mois de façon très satisfaisante ('). Début 2016 elle semblait de plus en plus fatiguée et avait tendance à s'assoupir pendant sa garde. Je lui ai proposé de tenir jusqu'à ses congés qui étaient programmés et qu'on verrait à son retour si elle pouvait de nouveau assumer les nuits. (Elle s'était endormie à plusieurs reprises et n'était pas réveillée par les appels de ma femme). La première nuit à son retour de vacances (du 20 au 21 juin 2016) elle s'est endormie et j'ai été réveillé par les bruits émis par ma femme (je dors dans une chambre fermée). Ma femme était en train de s'étouffer et j'ai dû l'aider à respirer en utilisant le dispositif d'aspiration qui fait énormément de bruit. Une fois l'alerte passée, Mme [V] s'est réveillée et ne s'est rendue compte de rien. Ma femme souffre d'une chorée de Huntington et fait des fausses routes systématiquement. Elle nécessite une surveillance constante 24h/24. J'ai expliqué à Mme [V] qu'on ne pouvait pas poursuivre sa prestation à mon domicile dans ces conditions et que j'en aviserai la direction de l'agence » ;

- le livret de l'intervenant remis à la salariée par la société lors de la conclusion du contrat de travail spécifiant que l'intervenant ne doit jamais mettre en danger la santé du particulier : « ne jamais laisser un enfant ou une personne dépendante sans surveillance » ;

- l'attestation de Mme [ZS], autre cliente, établie le 10 février 2017 expliquant que le 28 juin 2016, elle avait prévenu la société que [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] s'était endormie sur une chaise et ronflait au lieu de surveiller «'Prisca'» son enfant, ce qui avait interpellé son autre enfant, présent.

Ces éléments qui apparaissent précis, circonstanciés et concordants, et dont aucune pièce versée aux débats en réplique ne permet de remettre en cause la valeur probante, établissent le grief retenu à l'encontre de la salariée.

Le seul fait que cette dernière ait contesté les faits en cause aux termes de son courrier du 9 août 2016 en expliquant que la nuit du 20 au 21 juin 2016 avait été particulièrement difficile et agitée, que la bénéficiaire avait eu une quinte de toux importante mais ne s'était pas étouffée, que ces quintes étaient régulières en raison de cette pathologie, qu'elle connaissait les gestes à accomplir en de telles circonstances pour les avoir pratiqués régulièrement et qu'elle restait dans la même pièce que Mme [W] pendant toute la durée de la nuit, n'est pas de nature en lui-même à remettre en cause la matérialité des faits précités et à leur retirer leur caractère fautif.

L'attestation de Mme [J], auxiliaire de vie, considérant que la salariée enchaînait beaucoup de nuit de travail sans se reposer et vantant ses qualités professionnelles ainsi que l'attestation de Mme [M], directrice de la société jusqu'en mars 2016, qui indique que M. [W] ne s'est jamais plaint de la salariée, sont également insuffisantes à combattre les éléments probants présentés par l'employeur, la première n'ayant pas assisté à l'incident en cause et la seconde ayant quitté la structure avant l'incident, étant observé par ailleurs que M. [W] affirme n'avoir jamais eu à se plaindre de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] avant cet incident.

L'argument selon lequel [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] n'aurait pas dû intervenir au domicile de Mme [W], en l'absence de certification de niveau V indispensable pour accéder au poste d'assistante de vie de niveau III auquel elle avait été pourtant promue en janvier 2016, ne saurait prospérer dans la mesure où quel que soit le niveau de compétence requis pour intervenir auprès d'une personne en perte d'autonomie, il n'en demeure pas moins que le reproche fait à la salariée concerne une mission générale de surveillance inscrite dans son contrat de travail et dans le livret de l'intervenant lui imposant de « ne jamais laisser une personne dépendante sans surveillance ».'

La cour observe par ailleurs que la fiche d'intervention produite par les intimés pour le mois de juin 2016 ne fait apparaître aucun dépassement de la durée maximale du travail, contrairement à ce qu'ils soutiennent en prétendant que [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] avait travaillé régulièrement plus de 12 heures d'affilée.

En conséquence, le licenciement était parfaitement justifié et proportionné à la gravité de la faute commise, la salariée ayant failli dans la surveillance constante nécessitée par la pathologie de Mme [W] et dont les conséquences auraient pu être fatales.

Par voie de conséquence, la décision de première instance sera infirmée sur ce point et les demandes indemnitaires des ayants droit à ce titre ainsi que leur demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire seront rejetées.

Sur les demandes au titre de la portabilité des garanties santé

Pour solliciter la confirmation de la décision qui a alloué à [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] la somme de 188,95 euros à titre de remboursement des frais de santé, les intimés affirment que celle-ci avait dû supporter des frais de santé en décembre 2016 et janvier 2017 à hauteur de la somme de 188,95 euros alors qu'elle avait demandé à bénéficier du dispositif de portabilité de la mutuelle de groupe pendant un an après son licenciement. Ils produisent la déclaration d'adhésion au dispositif de portabilité des garanties santé remise à la salariée ainsi que les factures de santé acquittées par ses soins en décembre 2016 et janvier 2017.

En réponse, la société indique que par erreur, la mutuelle de l'entreprise a injustement radié [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] lors de son licenciement et que les droits de cette dernière ont été rétablis à la suite de l'audience de conciliation, sans toutefois en justifier.

Par voie de conséquence, la décision de première instance sera confirmée en ce qu'il est justifié que [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] n'a pas bénéficié de la portabilité des garanties de santé.

Sur les autres demandes

La société succombant partiellement en son recours et à l'instance sera condamnée à supporter les dépens ainsi qu'à verser aux ayants droits [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit que les consorts [V]-[ZN] et [N] sont recevables à intervenir volontairement à l'instance en leur qualité d'ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z],

Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société Aide@venir [Localité 9], outre à supporter les dépens, à payer à [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] les sommes suivantes':

- 800 euros au titre du non-respect de la durée maximale du travail,

-188,95 euros au titre du remboursement des frais de santé,

-1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Précise que ces sommes devront être versées aux ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z],

L'infirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] pour faute grave était fondé,

Déboute en conséquence ses ayants droit de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires à ce titre ainsi qu'au titre du rappel de salaire retenu durant la mise à pied à titre conservatoire,

Condamne la société Aide@venir [Localité 9] à verser aux ayants droit de [ZC] [ZO] [V] épouse [Z] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne la société Aide@venir [Localité 9] aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 23/04526
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;23.04526 ?
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