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27/03/2024 | FRANCE | N°21/03264

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 mars 2024, 21/03264


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 27 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03264 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEWD











Monsieur [S] [Y]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 33063/02/21/12417 du 03/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



SARL TPSL, placée en liquidation judiciaire

Maître [U] [W] es quali

té de mandataire liquidateur de la SARL TPSL



UNEDIC Délégation AGS- C.G.E.A. DE [Localité 3]













Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Co...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03264 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MEWD

Monsieur [S] [Y]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 33063/02/21/12417 du 03/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

SARL TPSL, placée en liquidation judiciaire

Maître [U] [W] es qualité de mandataire liquidateur de la SARL TPSL

UNEDIC Délégation AGS- C.G.E.A. DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 mai 2021 (R.G. n°F 20/01827) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 04 juin 2021,

APPELANT :

Monsieur [S] [Y]

né le 11 décembre 1966 à [Localité 4] (ALGÉRIE) de nationalité algérienne Profession : plaquiste/plafiste, demeurant [Adresse 1]

assisté de Me Pierre LANDETE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

SARL TPSL, placée en liquidation judiciaire, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

Maître [U] [W], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL TPSL, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 885 349 845

représentés par Me Sonia JOCK, avocat au barreau de BORDEAUX

UNEDIC Délégation AGS- C.G.E.A. DE [Localité 3] prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 5]

représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, chargée d'instruire l'affaire, et Madame Sylvie Tronche, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [S] [Y], né en 1966, a été engagé en qualité de plaquiste/plafiste par la SARL TPSL par contrat à durée indéterminée à compter du 15 février 2018 avec une reprise d'ancienneté au 29 octobre 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [Y] s'élevait à la somme de 1.751,30 euros.

Par lettre datée du 16 octobre 2020, M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

Il a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 28 octobre 2020.

A la date du licenciement, le salarié avait une ancienneté de 3 ans et 11 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Le 18 décembre 2020, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, dont des dommages et intérêts au titre du caractère vexatoire du licenciement.

Par jugement rendu le 5 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [Y] a une cause réelle et sérieuse mais n'a pas retenu l'existence d'une faute grave,

- condamné la société TPSL à lui payer les sommes suivantes :

* 1.675,87 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3.502,60 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 350,26 euros au titre des congés payés afférents,

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail,

- ordonné à la société TPSL la remise à M. [Y] d'un solde de tout compte et d'un bulletin de paie tenant compte des condamnations,

- rappelé qu'en application des articles R. 1454-28 et R. 1454-14 du code du travail, sont exécutoires de droit par provision les condamnations au paiement des salaires, des indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement, dans la limite de 9 mois de salaire, somme calculée sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire s'élevant à 4.837,45 euros,

- condamné la société TPSL à payer à M. [Y] la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société TPSL aux dépens,

- rejeté les autres demandes.

Par déclaration du 4 juin 2021, M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Par jugement en date du 11 août 2021, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société TPSL, avant de prononcer la liquidation judiciaire de celle-ci par jugement du 28 septembre 2021, désignant Maître [U] [W] en qualité de mandataire liquidateur.

Le 27 septembre 2021, la société TPSL a fait assigner l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] en intervention forcée.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 mars 2023, M. [Y] demande à la cour de le déclarer recevable et bien fondé dans son action et ses demandes et de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société TPSL à lui verser les sommes suivantes :

* 1.675,87 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,

* 3.502,60 euros nets au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 350,26 euros au titre des congés payés afférents,

- dire que ces sommes seront fixées au passif de la liquidation de la société TPSL en raison de la liquidation judiciaire de cette société,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la cause réelle et sérieuse de son licenciement,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

- fixer au passif de la liquidation de la société TPSL les sommes suivantes :

* 1.751,30 euros pour irrégularité du licenciement,

* 8.379,35 euros nets de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

* 10.000 euros au titre du caractère vexatoire de ce licenciement,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat conforme sous astreinte de 70 euros par jour,

- prononcer l'exécution provisoire de la décision à venir,

- fixer au passif de la liquidation de la société TPSL la somme de 4.000 euros à lui verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 octobre 2021, Maître [U] [W], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société TPSL, demande à la cour de recevoir M. [Y] en son appel mais l'y déclarer mal fondé, de le débouter de toutes ses demandes et d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à l'indemnité due au titre des congés payés, de recevoir la société TPSL prise en la personne de son liquidateur judiciaire en son appel incident, l'y déclarer bien fondée et y faisant droit, :

- de prononcer le licenciement de M. [Y] pour faute grave,

- d'ordonner la fixation au passif de la société TPSL prise en la personne de son liquidateur judiciaire, de la somme de 350,26 euros au titre des congés payés,

- d'ordonner que l'arrêt à intervenir soit opposable à l'AGS,

- de condamner M. [Y] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 décembre 2021, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de déclarer irrecevable l'action de M. [Y] tendant à la condamnation de la société TPSL désormais en liquidation judiciaire et de :

A titre principal,

- réformer le jugement du 5 mai 2021 en ce qu'il a jugé le licenciement fondé seulement sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société TPSL à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

* 3.502,60 euros à titre de préavis,

* 350,26 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 1.675,87 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

Statuant à nouveau,

- dire que le licenciement de M. [Y] repose sur une faute grave privative des indemnités de préavis et de licenciement,

- le débouter de l'ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire, en l'absence de faute grave,

- fixer la créance de M. [Y] au passif de la société TPSL aux sommes suivantes :

* 877,56 euros à titre de rappel brut de salaire sur la mise à pied conservatoire,

* 87,75 euros à titre de congés payés sur le rappel de salaire,

* 3.502,60 euros à titre d'indemnité compensatrice brute de préavis,

* 350,26 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 1.675,87 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- le débouter du surplus de ses demandes,

- subsidiairement en cas de préjudice admis, fixer le montant de l'indemnité pour irrégularité de procédure à la somme maximale de 300 euros,

A titre encore plus subsidiaire, en cas d'absence de cause réelle et sérieuse,

- fixer la créance de M. [Y] au passif de la société TPSL aux sommes suivantes :

* 877,56 euros à titre de rappel brut de salaire sur la mise à pied conservatoire,

* 87,75 euros à titre de congés payés sur le rappel de salaire,

* 3.502,60 euros à titre d'indemnité compensatrice brute de préavis,

* 350,26 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 1.675,87 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 5.254,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois arrondis), sans que ceux-ci puissent excéder le plafond équivalent à 4 mois (7.005,20 euros) pour les 3 années entières d'ancienneté, conformément à l'article L. 1235-3 du code du travail,

- le débouter du surplus de ses demandes ainsi que de l'indemnité pour irrégularité de procédure,

Sur la garantie de l'AGS,

- déclarer opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS-CGEA de [Localité 3] dans la limite légale de sa garantie, laquelle exclut l'astreinte et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le licenciement pour faute grave

La lettre de licenciement adressée le 28 octobre 2020 à M. [Y] est ainsi rédigée :

« [...]

Le 15 octobre 2020 votre conducteur de travaux, M. [Z] [R], est venu à plusieurs reprises sur le chantier de l'école primaire de [Localité 6] sur lequel

vous interveniez :

- A 8h30 du matin

- A 13h30

- A 15h00

Lors des 2 dernières visites, il était accompagné du Directeur Administratif et Financier de l'Entreprise, M. [P] [T] afin de lui présenter l'avancement des travaux.

A chacun de ces passages il vous a fait remarquer que vous ne portiez pas le masque de protection qui est obligatoire sur les chantiers dans le cadre de la lutte contre la Covid-19.

Le matin, vous êtes allé chercher votre masque dans votre sac à dos et l'avez mis.

A 13h30, vous ne l'aviez plus et malgré cette directive, mais vous ne l'avez pas mis pour autant.

Devant l'insistance de votre conducteur de travaux vous lui avez répondu que vous

alliez le remettre.

Vous faisant confiance, il a continué à faire le tour du chantier.

Lorsqu'il est revenu à 15h30 pour remettre un document à l'un de vos collègues, il a

constaté que vous ne le portiez toujours pas, un nouvel ordre vous a été donné et vous êtes contenté de hausser les épaules en soufflant.

Ce n'est pas la première fois que nous vous intimions l'ordre de porter au cours de ces

dernières semaines.

Nous vous rappelons que l'entreprise a mis à votre disposition 2 masques lavables afin de vous protéger. Vous en avez accusé réception le 7 septembre 2020. Une note de service avait été établie à cet effet le 15 septembre 2020 et affichée dans les locaux de l'entreprise.

Votre conducteur de travaux a largement communiqué que le port du masque était obligatoire sur ce chantier et de surcroît un panneau d'affichage général situé à l'entrée du site, posé par le client depuis le mois de juin 2020, rappelle les obligations à suivre dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. En ne vous conformant pas aux directives de votre supérieur hiérarchique, vous avez fait preuve d'insubordination et de désinvolture, faute que nous vous avions reprochée à plusieurs reprises par des avertissements.

En l'état actuel de la crise sanitaire que nous traversons, vous ne pouviez donc pas ignorer cette règle et votre comportement constitue un manquement aux règles d'hygiène et sécurité en vigueur dans l'entreprise et sur ses chantiers.

Vous mettez en danger votre santé ainsi que celles des autres collaborateurs de l'entreprise et des différents corps d états présents.

Compte tenu de la gravité des faits, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.

Le licenciement pour faute grave prend donc effet immédiatement à la date d'envoi de la présente lettre, sans indemnités de préavis ni de licenciement.

[']. ».

Pour voir dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [Y] fait valoir que le jour des faits, il devait, pour l'accomplissement de ses tâches, monter et descendre fréquemment d'un escabeau et éprouvait des difficultés à respirer.

Il ajoute au visa de l'article 1 du décret 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et de son annexe 1, que le port du masque n'était obligatoire que dans les lieux collectifs clos et partagés des entreprises, ce qui n'était pas le cas du chantier sur lequel il travaillait car aucune des menuiseries extérieures n'était encore posée, ainsi qu'en atteste la photographie qu'il produit et qu'il y avait peu d'ouvriers sur le chantier, son collègue le plus proche se trouvant à plusieurs dizaines de mètres de lui.

Il estime dès lors que, dans ce contexte, la sanction dont il a fait l'objet était disproportionnée au regard en outre de son âge et de son ancienneté et qu'en réalité, la société qui connaissait déjà des difficultés financières ayant conduit à sa liquidation a trouvé le moyen de se débarrasser à moindre frais d'un salarié.

Le liquidateur sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'une faute grave soulignant que le compte rendu de chantier du 8 septembre 2020 mentionnait l'obligation du port du masque, en réunion, dans les vestiaires et dans le bâtiment, en se référant au guide de préconisations de sécurité sanitaire pour la continuité des activités de la construction et que le 25 septembre 2020, les entreprises intervenantes s'étaient faites rappeler à l'ordre à ce sujet par la représentante du maître d'oeuvre.

Est versée aux débats l'attestation de M. [T], directeur administratif et financier de la société, qui affirme que le couloir dans lequel travaillait M. [Y] était emprunté le jour des faits par de nombreuses personnes, qu'il a pu constater à 13h30

que plusieurs salariés ne portaient pas de masque, M. [R] leur demandant de les mettre, puis, 1h30 plus tard, que seul M. [Y] n'en portait pas.

L'UNEDIC s'associe à titre principal aux demandes du liquidateur, estimant que la faute grave est caractérisée par le comportement réfractaire de M. [Y] qui a refusé de suivre les instructions de son supérieur hiérarchique et relevant qu'un panneau était affiché sur le chantier pour rappeler les mesures applicables (photographie pièce 3).

***

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La matérialité des faits n'est pas contestée par M. [Y] mais, d'une part, ainsi qu'il le relève, la preuve du caractère clos du lieu sur lequel il travaillait n'est pas rapportée, le salarié produisant une photographie faisant apparaître que le bâtiment n'était pas encore équipé des menuiseries extérieures, cette photographie (pièce 12) n'étant pas démentie par les intimés.

D'autre part, la photographie, à laquelle se réfère l'UNEDIC pour soutenir que l'obligation du port du masque était affichée sur le chantier, concerne des bâtiments de logement et non le chantier de l'école où travaillait M. [Y].

La cour relève en outre que la note de service à laquelle il est fait référence dans la lettre de licenciement n'est pas versée aux débats et qu'il n'est pas établi que les ouvriers, tels M. [Y], aient été destinataires des comptes rendus de chantier, invoqués par le liquidateur de la société.

Enfin, l'existence d'avertissements adressés verbalement au salarié par M. [R] avant le jour des faits n'est pas établie.

Par ailleurs, au regard de l'ancienneté du salarié, de son âge et de l'absence de passé disciplinaire allégué, la mesure de licenciement est disproportionnée à la faute commise, M. [Y] faisant en outre remarquer à juste titre qu'à la date de cette sanction, la société rencontrait des difficultés financières avérées, le jugement ordonnant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ayant relevé au 30 juin 2020 un passif s'élevant à 2.922.898 euros pour un actif de 1.031.118 euros et des pertes à hauteur de 969.710 euros.

Il sera en conséquence considéré que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

Sur les demandes pécuniaires de M. [Y]

M. [Y] percevait un salaire brut de 1.751,30 euros.

Aucune demande n'a été présentée ni en première instance ni en cause d'appel au titre du salaire retenu au titre de la mise à pied à titre conservatoire.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [Y], la somme allouée par le conseil de prud'hommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et pour les congés payés afférents sera confirmée sauf à préciser que les sommes de 3.502,60 euros et 350,26 euros sont exprimées en salaire brut et non net.

Il en sera de même de la somme allouée au titre de l'indemnité de licenciement.

***

M. [Y] sollicite la somme de 8.379,35 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en invoquant ses charges de famille, ayant deux enfants et une épouse qui ne travaille pas.

L'UNEDIC, invoquant la suspension du contrat de travail durant le confinement et la période d'inactivité entre le 17 mars 2020 et le 5 juin 2020, fait valoir d'une part, que M. [Y] ne peut revendiquer que l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail correspondant à une ancienneté de trois ans et non 4 et, d'autre part, que M. [Y] ne produit aucun justificatif de sa situation suite à la rupture du contrat.

*

Aux termes des dispositions de l'article L. 5122-1 du code du travail, le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.

Les diverses dispositions mises en oeuvre durant la crise sanitaire de 2020 n'ont pas prévu de dérogation à cette disposition en sorte que l'ancienneté de M. [Y] à la date de son licenciement était inférieure à 4 ans, étant observé que cette ancienneté résulte également de la comparaison de la date d'embauche avec reprise d'ancienneté au 29 octobre 2016 selon son contrat de travail à durée indéterminée et de la date de la lettre de licenciement soit le 28 octobre 2020.

En application des dispositions de l'article L. 1235-3, compte tenu de cette ancienneté et de l'effectif de l'entreprise, l'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse à laquelle M. [Y] peut prétendre est comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut.

Si l'appelant ne justifie pas de sa situation suite à la rupture de son contrat de travail, il établit néanmoins la réalité de ses charges familiales.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Y], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 7.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

***

M. [Y], soutenant avoir vécu son licenciement comme ayant un caractère vexatoire, d'autres salariés n'ayant fait l'objet que d'un simple avertissement, ce qui résulterait d'une coupure de presse qu'il verse aux débats, sollicite le paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant.

*

La preuve des circonstances vexatoires du licenciement de M. [Y] ne saurait résulter d'un article de presse dans lequel en outre, la société expliquait que les autres salariés n'avaient reçu qu'un avertissement car suite au premier passage, le matin du conducteur de travaux, ils avaient obtempéré aux instructions de celui-ci quant au port du masque.

M. [Y] sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

Maître [U] [W], ès qualités, devra délivrer à M. [Y] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

Les dépens seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société et il sera alloué à M. [Y] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

La présente décision sera déclarée opposable à l'UNEDIC dans les limites de sa garantie et du plafond applicable, à l'exception des dépens et des frais irrépétibles.

La présente décision n'étant susceptible que d'un pourvoi en cassation, recours dépourvu d'effet suspensif, il n'y a pas lieu de l'assortir de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a alloué à M. [Y] la somme de 1.675,87 euros au titre de l'indemnité de licenciement ainsi que les sommes de 3.502,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 350,26 euros pour les congés payés afférents sauf à préciser pour ces dernières - indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents - que les sommes allouées sont exprimées en brut,

Infirme le jugement pour le surplus,

Dit que le licenciement de M. [Y] ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

Fixe les créances de M. [Y] au passif de la société TPSL, représentée par son liquidateur Maître [U] [W], aux sommes suivantes :

- 7.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés,

Ordonne à Maître [U] [W], en sa qualité de liquidateur de la société TPSL de délivrer à M. [Y] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail (anciennement Pôle Emploi) rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Dit que le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] dans les limites de sa garantie et du plafond applicable, à l'exception des dépens et des frais irrépétibles,

Déboute M. [Y] du surplus de ses prétentions,

Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de la société TPSL.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03264
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.03264 ?
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