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27/03/2024 | FRANCE | N°21/02899

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 mars 2024, 21/02899


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 27 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02899 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDYC













Madame [K] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 33063/02/21/11971 du 20/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



S.A.S. LE PIAN DISTRIBUTION









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Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 mars 2021 (R.G. n°F 18/00066) par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Comm...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02899 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDYC

Madame [K] [B]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 33063/02/21/11971 du 20/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.A.S. LE PIAN DISTRIBUTION

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 mars 2021 (R.G. n°F 18/00066) par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 20 mai 2021,

APPELANTE :

Madame [K] [B]

née le 24 juillet 1992 à[Localité 2]) de nationalité française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Julie DYKMAN, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉE :

SAS Le Pian Distribution, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]

N° SIRET : 344 978 747

représentée par Me Nathalie BERNAT de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [K] [B], née en 1992, a été engagée par contrat de travail à durée déterminée à compter du 9 décembre 2015 jusqu'au 30 juin 2016 en qualité d'employée commerciale par la SAS Le Pian Distribution, exerçant son activité sous l'enseigne "Leclerc".

A compter du 1er juillet 2016, la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et la salariée était affectée au rayon des produits frais.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.

Le 3 octobre 2016, Mme [B] a été placée en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 7 octobre 2016.

Le 8 octobre 2016, un incident a opposé le directeur du magasin, M. [G], à Mme [B], à la suite duquel cette dernière a été placée en arrêt de travail jusqu'au 12 octobre 2016 inclus.

Par lettre datée du 13 octobre 2016, Mme [B] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 25 octobre 2016.

Mme [B] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 28 octobre 2016.

A la date du licenciement, la salariée avait une ancienneté de 10 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Par courrier du 1er novembre 2016, Mme [B] a contesté les motifs de son licenciement.

Par lettre du 17 novembre 2016, l'employeur a maintenu sa position et a confirmé le bien-fondé de la rupture prononcée.

Le 29 août 2017, Mme [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux ; l'affaire a été renvoyée devant le conseil de prud'hommes de Libourne en raison de la qualité de conseiller prud'homal du gérant de la société mise en cause par la salariée.

Par jugement rendu le 12 mars 2021, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

- dit que le licenciement de Mme [B] n'est pas abusif et repose sur une faute réelle et sérieuse,

- dit que la procédure de licenciement a été respectée,

- dit que le licenciement ne repose pas sur une faute grave,

- condamné la société Le Pian Distribution à verser à Mme [B] les sommes suivantes :

* 1.266,45 euros au titre de l'indemnité de licenciement à hauteur de 10 mois de présence,

* 1.519,73 euros au titre de l'indemnité de préavis,

* 151,97 euros au titre des congés y afférents,

- a débouté la salariée du surplus de ses demandes,

- condamné la société Le Pian Distribution à transmettre à Mme [B] l'ensemble des documents de fin de contrat,

- débouté la société Le Pian Distribution de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Le Pian Distribution au paiement de la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre à supporter la charge des dépens.

Par déclaration du 20 mai 2021, Mme [B] a relevé appel de cette décision notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 20 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 juillet 2021, Mme [B] demande à la cour de réformer le jugement dont appel conformément à la déclaration d'appel, et en conséquence, de

- dire son licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse,

- dire que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,

- condamner la société Le Pian Distribution à lui régler, les sommes suivantes :

* 1.519,73 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement conformément aux articles L. 1235-2 et L.1 235-5 du code du travail,

*1.519,73 euros à titre de préavis conformément à la convention collective outre 151,97 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 12.157 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à 8 mois de salaire,

* 1.500 euros à titre de dommages et intérêts,

* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- condamner la société Le Pian Distribution à lui remettre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, ses bulletins de salaire rectifiés ainsi que ses documents de fin de contrat.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 septembre 2021, la société Le Pian Distribution demande à la cour de :

A titre principal,

- réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la faute grave et retenu uniquement la faute réelle et sérieuse du licenciement de Mme [B],

- dire que le licenciement de Mme [B] repose sur une faute grave,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité de préavis et de congés payés y afférents,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- débouter Mme [B] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, notamment, en ce qu'il a retenu que le licenciement de Mme [B] reposait sur une faute réelle et sérieuse du licenciement,

- dire que le licenciement de Mme [B] est justifié,

- dire que la procédure de licenciement a été respectée,

- débouter Mme [B] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l'article L.1235-5 du code du travail,

- lui donner acte du paiement :

* de l'indemnité de licenciement pour un montant de 1.266,45 euros,

* de l'indemnité compensatrice de préavis pour un montant de 1.519,73 euros,

* de l'indemnité de congés payés y afférents pour un montant de 151,97 euros,

En toute hypothèse, et y ajoutant :

- condamner Mme [B] à lui régler la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre à supporter les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

La lettre de licenciement du 28 octobre 2016 est ainsi libellée :

« (...)

Vous avez été engagée au sein de notre société depuis le 9 décembre 2015, en qualité d'employée commerciale.

Par courrier en date du 8 octobre 2016, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 25 octobre dernier, auquel vous vous êtes présentée accompagnée de Madame [O].

Lors de cet entretien, nous vous avons exposé les faits d'une particulière gravité qui ont justifié votre convocation à un entretien préalable.

* Non-respect des procédures internes

Le 8 octobre 2016, le directeur du magasin, Monsieur [G], attiré par le bruit en provenance du rayon Yaourt sur lequel vous étiez positionnée, a constaté :

- Que vous aviez éparpillé la marchandise sur le sol

- Que vous adoptiez une attitude agressive envers vos collègues de travail venus vous assister pour terminer la mise en place du rayon en hurlant qu'ils étaient " nuls " et " qu'ils faisaient n'importe quoi " !

- Que malgré sa présence, vous avez continué à jeter la marchandise sur le sol.

Cette attitude caractérise une violation grave des procédures internes notamment s'agissant de l'hygiène et de la sécurité.

* Comportements anti professionnels répétés

Face à ce comportement, Monsieur [G] vous a alors demandé de vous calmer et vous a indiqué qu'il vous recevrait en entretien dans la matinée.

Sans même attendre cet entretien, et sans aucune autorisation, vous vous êtes présentée très énervée dans son bureau, obligeant Monsieur [G] à vous rappeler qu'il vous recevrait dans la matinée.

Aussi un entretien informel a ensuite eu lieu en présence de Madame [O], déléguée du personnel.

Vous avez alors refusé toute communication en hurlant, de manière agressive : " vous n'avez rien à me dire ! vous n'êtes pas mon père ! " avant de quitter la société précipitamment.

Vos relevés de badgeage font ainsi apparaître un départ anticipé à 10h50 au lieu de 12h initialement prévu.

En outre, pour quitter le magasin, vous n'avez pas respecté la procédure puisque vous avez, de votre propre chef, activé l'ouverture manuelle lors de votre passage par la sortie sans achat.

Quelques dizaines de minutes plus tard, vous êtes ensuite revenue au sein de la société et vous vous êtes immédiatement rendue en salle de pause.

Vous avez continué à critiquer vivement le Directeur du magasin avant de quitter définitivement la société vers 11h30.

- De même, les 13 octobre et 18 octobre 2016, vous avez de nouveau refusé d'adresser la parole à Monsieur [G], refusant même de lui serrer la main et rendant ainsi toute communication impossible.

Une telle attitude n'est pas acceptable et caractérise une violation grave de vos obligations contractuelles et professionnelles.

* Absences injustifiées.

A plusieurs reprises, vous ne vous êtes pas présentée sur votre poste de travail sans pour autant prévenir le service du personnel et sans nous fournir de justificatif.

Pour exemples :

- Le 3 octobre 2016, alors qu'une opération d'inventaire était organisée,

- Les 14 et 15 octobre 2016, jours de grande affluence.

Ces absences répétées désorganisent le service auquel vous êtes affectée.

* Non-respect des directives.

Le 13 octobre 2016, vous étiez chargée de procéder à l'étiquetage des produits au sein des rayons jus de fruits.

Or, nous avons été contraints de constater que de nombreux étiquetages n'avaient pas été réalisés. Pour exemples :

- Gazpacho Alvalle 1L

- 100% pur jus Ananas innocent

- Orange sans pulpe 1L

- Sunny delight citron/citron vert

* Non-respect des temps de pause. Pour exemples :

- Semaine 33 : 33 minutes de pause en plus

- Semaine 34 : 29 minutes de pause en plus

- Semaine 35 : 23 minutes de pause en plus

- Semaine 36 : 37 minutes de pause en plus

- Semaine 37 : 27 minutes de pause en plus

- Semaine 38 : 23 minutes de pause en plus

- Semaine 39 : 34 minutes de pause en plus

- Semaine 40 : 12 minutes de pause en plus

- Semaine 41 : 3 minutes de pause en plus

* Non-respect de vos horaires de travail (retards + modification unilatérale)

A plusieurs reprises, vous avez modifié unilatéralement vos horaires de travail, sans obtenir au préalable la moindre autorisation, ni même informer votre responsable. Pour exemples :

- 21 septembre 2016 : 6h43/12h effectué au lieu de 6h/11h prévu

- 22 septembre 2016 : 6h04/12h effectué au lieu de 6h/11h prévu

- 28 septembre 2016 : 6h40/12h effectué au lieu de 6h/11h prévu

De même vous vous êtes présentée en retard sur votre poste de travail à de nombreuses reprises. Pour exemples :

- 17 août 2016 : 6h04 au lieu de 6h prévu

- 24 août 2016 : 6h07 au lieu de 6h prévu

- 7 septembre 2016 : 6h20 au lieu de 6h prévu

Vous avez également pris une pause le 23 octobre 2016 sans utiliser la badgeuse et alors même que vous aviez pris une pause réglementaire dans la matinée.

Ces comportements réitérés caractérisent des manquements graves à vos obligations contractuelles et aux stipulations du Règlement intérieur. Au cours de l'entretien, vous avez reconnu l'intégralité des faits.

Votre maintien dans l'entreprise n'est plus possible même durant la période de préavis. En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave qui prend effet dès l'envoi de ce courrier.

(...) ».

Au soutien de l'infirmation de la décision entreprise, l'employeur appelant reproche à Mme [B] la répétition d'un comportement inadmissible à l'égard de la direction, des retards et des absences injustifiées, le non-respect des horaires de travail, des directives et des procédures internes. Il soutient que la preuve de ces agissements est rapportée par les attestations de plusieurs collaborateurs. Il considère en conséquence que la salariée a adopté un comportement constitutif d'une faute grave rendant impossible la poursuite de la collaboration pendant la durée d'un préavis et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail.

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

Les motifs retenus par l'employeur au soutien de la faute doivent contenir des griefs précis, objectifs et matériellement vérifiables.

- Sur le non-respect des plannings de travail

L'employeur, qui précise que les salariés bénéficient d'une pause habituelle de 20 minutes, reproche à Mme [B] le non-respect des temps de pause et produit au soutien de ce grief un récapitulatif hebdomadaire de ses heures pour la période du 22 août 2016 au 28 octobre 2016 sur lequel figurent les temps de pause supplémentaires suivants :

- 33 minutes de pause en plus pour la semaine du 15 au 20 août 2016,

- 29 minutes de pause en plus pour la semaine du 22 au 27 août 2016,

- 23 minutes de pause en plus pour la semaine du 29 août au 3 septembre 2016,

- 37 minutes de pause en plus pour la semaine du 5 au 10 septembre 2016,

- 27 minutes de pause en plus pour la semaine du 12 au 17 septembre 2016,

- 23 minutes de pause en plus pour la semaine du 19 au 24 septembre 2016,

- 34 minutes de pause en plus pour la semaine du 26 septembre au 1er octobre 2016,

- 12 minutes de pause en plus pour deux jours travaillés sur la semaine du 3 au 8 octobre 2016,

- 3 minutes de pause en plus pour la seule journée travaillée du 13 octobre 2016.

Il considère que Mme [B] s'est ainsi accordée plus de temps de pause que ses collègues.

En réplique, la salariée, qui ne conteste pas ces dépassements, estime ce grief ridicule car, selon elle, 37 minutes supplémentaires sur une semaine représentent seulement 6 minutes supplémentaires par jour et considère qu'il n'a pas de caractère fautif dans la mesure où elle n'a jamais sollicité le paiement d'heures supplémentaires quand elle débauchait à 12 heures au lieu de 11 heures, sans toutefois en justifier.

La société fait également grief à Mme [B] de ne pas avoir respecté ses horaires de travail en les modifiant unilatéralement à trois reprises les 21, 22 et 28 septembre 2016 : au lieu de travailler de 6 heures à 11 heures, elle était arrivée en retard et avait décalé de sa propre initiative son heure de débauche.

Elle verse aux débats un récapitulatif hebdomadaire des heures pour la période du 22 août 2016 au 28 octobre 2016 sur lequel figurent les trois modifications invoquées.

Sans contester la réalité de ce grief, la salariée veut en justifier en produisant l'attestation de M. [H], son chef de secteur, qui confirme lui avoir donné son autorisation à cet effet.

Cependant ainsi que le fait valoir l'employeur, l'objectivité de cette attestation est mise à mal par les éléments du compte-rendu de la délégation unique du personnel du 23 septembre 2016 réunie à la suite de différentes plaintes des salariées du secteur Frais concernant « l'ambiance déplorable, l'agressivité de Mme [B], le manque d'équité sur la répartition des horaires et du travail, le traitement de faveur de Mme [B] au motif de relations extra-professionnelles avec son responsable ».

Il y est indiqué que les membres de la DUP alertent la société sur la situation après avoir constaté les scènes suivantes : « [K] à côté de M. [H] sans travailler alors qu'elle criait après de jeunes employés, un dépassement de pauses car [K] reste en pause avec M. [H] alors que tout le monde repart au rayon et elle arrive en retard avec M. [H] ».

En outre, Mme [O], déléguée du personnel, atteste que M. [H] a fait pression sur elle en la harcelant au téléphone afin qu'elle établisse « une attestation en faveur de [K], déformant la réalité », ce qu'elle avait refusé de faire le 24 octobre 2016.

Par voie de conséquence, cette attestation sera écartée, ainsi que le demande l'employeur, de sorte que les griefs retenus à l'encontre de Mme [B] sont en l'état établis.

- Sur les absences injustifiées

Au soutien de ce grief, la société affirme que la salariée était absente de son poste de travail le 3 octobre 2016 ainsi que les 14 et 15 octobre 2016 sans en justifier, désorganisant ainsi son service.

Pour s'y opposer, la salariée argue d'un certificat médical d'arrêt de travail en date du 3 octobre 2016 produit certes a posteriori, mais suffisant à justifier de son absence.

S'agissant de ses absences des 14 et 15 octobre 2016, il résulte de la procédure que la salariée a avisé son employeur par un SMS du 14 octobre à 5H 46 de la panne de son véhicule.

En conséquence de ces justificatifs, le grief n'est pas établi.

- Sur le non-respect des directives

Pour en justifier, la société affirme que le 13 octobre 2016, de nombreux étiquetages de produits n'ont pas été réalisés par la salariée, chargée de cette tâche au sein des rayons jus de fruits. Elle produit une liste des produits en cause sans qu'il soit possible d'attribuer ce manquement à Mme [B] dans la mesure où il n'est pas indiqué ni justifié qu'elle était seule à intervenir sur ce rayon ce jour-là.

Ce grief n'est pas en l'état établi.

- Sur le non-respect des procédures internes et le comportement anti-professionnel répété

L'employeur affirme que le 8 octobre 2016, le directeur de magasin, M. [G] a été alerté par des bruits en provenance du rayon Yaourts où il a constaté que la salariée avait éparpillé la marchandise au sol et dénigrait violemment le travail de ses collègues. Il ajoute que convoquée par M. [G] à la suite de cet incident, la salariée avait demandé de façon agressive à être reçue immédiatement par lui alors qu'il était en rendez-vous, puis s'était montrée particulièrement virulente et véhémente au cours de l'entretien avant de sortir brutalement de son bureau et de quitter la société en abandonnant son poste de travail.

La relation de ces faits ainsi que leur chronologie sont confirmées non seulement par M. [G] mais également par les attestations de plusieurs salariées, dont Mme [L] qui indique avoir assisté à cette scène et avoir été choquée de l'attitude de Mme [B] à l'égard du directeur de magasin.

Mme [O] explique que le 8 octobre 2016, elle a entendu : « [K] [B] hurler dans le rayon yaourts, dénigrer ses collègues'en présence des clients. Je me suis déplacée et j'ai vu [K] balancer la marchandise et les cartons par terre. M. [G] est arrivé et lui a demandé de se calmer, de respecter ses collègues et la marchandise et lui a dit qu'il la verrait dans la matinée. Plus tard' [K] me demanda d'aller avec elle car M. [G] souhaitait la recevoir. Alors même que M. [G] tentait de s'exprimer, elle se leva et se mit à hurler " vous n'avez rien à me dire " " vous n'êtes pas mon père " puis elle claqua la porte et partit, j'étais sidérée' ».

Mme [A], adjointe du responsable administratif de l'entreprise, atteste avoir constaté l'attitude agressive de Mme [B] qui, hurlant, a exigé expressément de rencontrer M. [G] qui était en rendez-vous. Elle ajoute que lors de l'entretien, elle a entendu la salariée répondre qu'elle ne voyait pas pourquoi elle devait écouter le directeur en lui disant « vous n'êtes pas mon père ». Elle conclut ainsi : « ce fut une scène d'hystérie et un manque total de respect envers sa hiérarchie' elle repartit en claquant la porte et en disant que personne ne la virait et qu'elle démissionnait " je me barre »".

'ensemble de ces faits est confirmé par Mme [T], salariée du service comptable qui atteste que Mme [B] a fait un scandale dans le bureau de M. [G] le 8 octobre 2016.

La société ajoute que le même jour pour quitter le magasin, Mme[B] n'a pas respecté la procédure en activant l'ouverture manuelle lors de son passage par la sortie sans achat et qu'elle est ensuite revenue dans le magasin en salle de pause et a continué à critiquer le directeur avant de partir.

Ces faits sont confirmés par les attestations de Mme [F], hôtesse de caisse, et de Mme [M], responsable de caisse.

L'employeur reproche enfin à Mme [B] d'avoir refusé les 13 et 18 octobre 2016, d'adresser la parole à Monsieur [G] et de lui serrer la main, ce que confirme Mme [C] qui explique que Mme [B] avait mis ses mains dans ses poches puis avait refusé de le saluer 5 jours plus tard en lui disant : « je refuse de vous dire bonjour et je refuse de vous parler ». Elle ajoute : « je n'en revenais pas. J'étais stupéfaite'En tant que DP, je savais que [K] (pour avoir été saisie par plusieurs salariées du rayon frais) était agressive, autoritaire envers ses collègues mais là, envers M. [G] !! Je pris alors la mesure de ce que pouvait vivre ses collègues ».

La salariée tente de contester ces faits en produisant les témoignages de :

- Mme [S], responsable directe de Mme [B] jusqu'en mars 2016, qui indique ne pas avoir eu connaissance de problèmes relationnels grave avec le reste de l'équipe ou la direction ;

- Mme [N], ancienne employée du magasin, qui vante les qualités professionnelles de Mme [B] lorsqu'elle l'a cotoyée sans en préciser la période ;

- Mme [R], ayant travaillé pendant 9 mois aux côtés de la salariée, qui déclare n'avoir jamais constaté des agissements irrespectueux de sa part ;

- M. [H], chef de secteur, qui affirme que la salariée a toujours eu un comportement courtois vis-à-vis de ses collègues de travail et de sa hiérarchie.

Toutefois, ces attestations sont insuffisantes à réfuter les griefs retenus contre la salariée dans la mesure où elles sont taisantes quant aux faits reprochés en ne les contestant pas. Elles sont par ailleurs largement contredites tant par le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel organisée le 26 septembre 2016 faisant état de l'agressivité de la salariée à l'égard de ses collègues que par les attestations circonstanciées et concordantes produites par la société.

Les griefs retenus à son encontre sont ainsi établis.

Il résulte de ce qui vient d'être exposé que les deux griefs établis sont suffisants pour justifier la procédure de licenciement pour faute grave, en dépit de l'absence d'antécédents disciplinaires de la salariée qui, par son comportement agressif et irrespectueux tant à l'égard de la direction que de ses collègues et du fait du non-respect des plannings et des temps de pause, a rendu impossible son maintien dans l'effectif de l'entreprise.

Ce comportement de Mme [B] justifie le licenciement pour faute grave décidé à son encontre qui est proportionné aux fautes commises.

La décision des premiers juges sera donc infirmée de ce chef et la salariée sera déboutée de ses demandes indemnitaires à ce titre.

Sur la demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement

Se fondant sur les dispositions des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail, la salariée prétend avoir été privée de son droit d'être défendue correctement devant l'employeur lors de son entretien préalable en affirmant que Mme [O], la déléguée du personnel qui l'assistait, avait manqué à son devoir de neutralité et d'objectivité en établissant une attestation au profit de l'employeur. Elle sollicite en conséquence l'allocation d'une somme de 1.600,53 euros correspondant à un mois de salaire.

Ainsi que le soutient l'employeur, la salariée a choisi librement Mme [O] pour l'assister et les événements que cette dernière rapporte aux termes de son attestation, qui ne souffre d'aucune irrégularité, ne sont contredits par aucun élément probant contraire.

Par voie de conséquence la décision des premiers juges sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de la salariée à ce titre.

Sur les autres demandes

Mme [B], partie perdante en son recours et à l'instance, supportera la charge des dépens et sera condamnée à verser à la société la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

L'infirme pour le surplus,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [B] pour faute grave est fondé,

Déboute Mme [B] de ses demandes indemnitaires à ce titre,

Condamne Mme [B] aux dépens ainsi qu'à verser à la société Le Pian Distribution la somme de 500 euros au titre des frais irrépéibles exposés par celle-ci en première instance et en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02899
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.02899 ?
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