La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2024 | FRANCE | N°21/02783

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 mars 2024, 21/02783


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 27 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02783 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDOZ















S.A.S. ARC EN CIEL SUD EST



c/



Madame [E] [S]

S.A.S. ATALIAN PROPRETE SUD OUEST

















Nature de la décision : AU FOND










>







Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mai 2021 (R.G. n°F19/01063) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 12 mai 2021,





APPELANTE :

SAS Arc en Ciel Sud Est, agissant en la pe...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02783 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDOZ

S.A.S. ARC EN CIEL SUD EST

c/

Madame [E] [S]

S.A.S. ATALIAN PROPRETE SUD OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 mai 2021 (R.G. n°F19/01063) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 12 mai 2021,

APPELANTE :

SAS Arc en Ciel Sud Est, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 1]

N° SIRET : 828 182 014

représentée par Me Julie CANTE de la SELARL DCJ, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

Madame [E] [S]

née le 31 décembre 1970 de nationalité française Profession : Agent de service, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Bérengère PAGEOT de la SELARL ATHENAIS, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS Atalian Propreté Sud-Ouest, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 3]

N° SIRET : 520 451 907

représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, et Madame Sylvie Tronche, conseillère chargée d'instruire l'affaire

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 10 mars 2014, Mme [E] [S], née en 1970, a été engagée par la société Atalian Propreté Sud-Ouest (ci-après dénommée société Atalian), entreprise de nettoyage, avec une reprise d'ancienneté au 30 novembre 2010.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

Au dernier état de la relation contractuelle, elle était affectée, en qualité de chef d'équipe, sur le site de [Localité 5] faisant partie du 5ème lot du marché de nettoyage de [Localité 4] Métropole.

A compter du 1er avril 2018, la société Atalian a perdu le 5ème lot du marché de nettoyage de [Localité 4] Métropole au profit de la société Arc-en-Ciel Sud-Est (ci-après dénommée la société Arc-en-Ciel).

A la suite de cette opération, plus aucun travail n'a été demandé à Mme [S], la société Atalian considérant que le contrat de travail était rompu tandis que la société Arc-En-Ciel refusait de reprendre le contrat de la salariée.

Le 18 juillet 2019, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts des sociétés Atalian et Arc-En-Ciel ainsi que d'une demande de condamnation solidaire de ces dernières à lui verser outre des indemnités de rupture, des dommages et intérêts au titre du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement rendu le 6 avril 2021, le conseil de prud'hommes a mis hors de cause la société Atalian, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S] aux torts de la société Arc-En-Ciel et condamné cette dernière au paiement, à la salariée, des sommes suivantes :

- 3.852,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 385,23 euros au titre des congés payés afférents,

- 4.175 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 13.409,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 2.000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclarations enregistrées le 12 avril puis le 12 mai 2021, la société Arc-En-Ciel a relevé appel de ce jugement à l'encontre tant de Mme [S] que de la société Atalian.

Les procédures ont fait l'objet d'une jonction.

Par ordonnance rendue le 3 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a débouté Mme [S] de sa demande tendant à voir annuler la déclaration d'appel formée le 12 mai 2021 par la société Arc-En-Ciel, dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [S] aux dépens de l'incident.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 octobre 2021, la société Arc-En-Ciel demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de :

- débouter la société Atalian Propreté Sud-Ouest de sa demande de garantie à son encontre,

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,

- prononcer sa mise hors de cause,

- condamner la société Atalian Propreté Sud-Ouest à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 août 2021 Mme [S] demande à la cour de':

A titre liminaire,

- juger que la société Arc-En-Ciel n'a pas énoncé les chefs de jugement critiqués dans sa déclaration d'appel en date du 12 mai 2021,

- juger que l'effet dévolutif de l'appel n'a pas pu jouer,

- juger en conséquence que la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande,

Au fond,

A titre principal,

Sur la condamnation conjointe des deux sociétés,

- confirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a :

* prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Arc-En-Ciel pour défaut de respect des dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de nettoyage,

* condamné la société Arc-En-Ciel à lui payer les sommes suivantes :

- 3.852,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 385,23 euros à titre de congés payés afférents,

- 4.175 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté la société Arc-En-Ciel de sa demande reconventionnelle,

- infirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a :

* mis hors de cause la société Atalian Propreté Sud-Ouest,

* condamné la société Arc-En-Ciel à lui payer les sommes suivantes :

- 13.409,25 euros à titre de licenciement abusif,

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Et statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts des sociétés Atalian Propreté Sud-Ouest et Arc-En-Ciel pour défaut de respect des dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté,

- condamner solidairement et conjointement les deux sociétés à lui verser les sommes suivantes :

* 3.852,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 385,23 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 4.175 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 15.409,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonner sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la remise des documents de fin de contrat rectifiés,

- juger que les sommes allouées seront assorties du taux d'intérêt légal capitalisé conformément à l'article 1154 du code civil,

- condamner conjointement les sociétés à verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

A titre subsidiaire, si la société Atalian était mise hors de cause,

- confirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a :

* prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Arc-En-Ciel pour défaut de respect des dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de nettoyage,

* condamné la société Arc-En-Ciel à lui payer les sommes suivantes :

- 3.852,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 385,23 euros à titre de congés payés afférents,

- 4.175 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* débouté la société Arc-En-Ciel de sa demande reconventionnelle,

- infirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a condamné la société Arc-En-Ciel à lui payer à les sommes suivantes :

* 13.409,25 euros à titre de licenciement abusif,

* 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Et statuant ,à nouveau,

- condamner la société Arc-En-Ciel à lui verser les sommes suivantes :

* 3.852,38 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 385,23 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 4.175 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 15.409,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonner sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la remise des documents de fin de contrat rectifiés,

- juger que les sommes allouées seront assorties du taux d'intérêt légal capitalisé conformément à l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Arc-En-Ciel à verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 novembre 2021, la société Atalian Propreté Sud-Ouest demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 6 avril 2021 en ce qu'il':

* l'a mise hors de cause,

* a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S] aux torts exclusifs de la société Arc-En-Ciel pour défaut de respect des dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de nettoyage,

* a débouté Mme [S] de l'intégralité des demandes dirigées contre elle,

Subsidiairement, et si des condamnations devaient être mises à sa charge,

- dire recevable et bien fondé son appel en garantie,

- condamner la société Arc-En-Ciel à garantir l'intégralité des sommes mises à sa charge,

- débouter Mme [S] de son appel incident,

Et en tout état de cause,

- condamner la société Arc-En-Ciel à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La médiation proposée aux parties le 12 juillet 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 20 février 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel de la société Arc-En-Ciel

Se fondant sur l'article 562 du code de procédure civile ainsi que sur trois arrêts rendus par la Cour de cassation, Mme [S] soutient que dans sa déclaration du 12 mai 2021, la société Arc-En-Ciel n'a pas énoncé les chefs de jugement critiqués et en conclut que la cour n'est saisie d'aucune demande, l'effet dévolutif de l'appel n'ayant pas opéré.

Les sociétés Arc-En-Ciel et Atalian n'ont pas conclu sur ce point.

* * *

Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En l'espèce, il résulte de l'examen des actes de procédure que la déclaration d'appel du 12 avril, sur laquelle ne figuraient pas les chefs de jugement critiqués, a été régularisée par celle du 12 mai qui comporte en son annexe les chefs de jugement critiqués et qui est intervenue dans le délai imparti à l'appelante pour conclure.

Il convient dès lors de considérer que l'effet dévolutif de l'appel a opéré et la demande de Mme [S] à ce titre sera rejetée.

Sur le transfert du contrat de travail de Mme [S]

Pour infirmation de la décision entreprise et après avoir rappelé les dispositions de l'article 7 de la convention collective applicable, la société Arc-En-Ciel soutient d'une part, que la société Atalian a renoncé au transfert à son profit du contrat de travail de Mme [S] et, d'autre part, que cette dernière a quitté son poste de travail le 3 avril 2018 après avoir été interpellée par les service de police pour des faits de vols commis au préjudice de la société Atalian, celle-ci ayant pris l'initiative de la rupture. Elle conteste en outre avoir été destinataire de la pièce d'identité de Mme [S].

En réplique, Mme [S] affirme que la société Atalian lui a demandé le 30 mars 2018 de regagner son domicile sans aucune explication alors qu'elle était affectée sur le site de [Localité 5], repris le 31 mars par la société Arc-En-Ciel. Elle déplore n'avoir reçu ni de proposition d'avenant à son contrat de la part de la société Arc-En-Ciel ni de proposition de poste par la société Atalian et considère en conséquence que ces deux sociétés ont violé les dispositions de l'article 7 de la convention collective nationale applicable.

S'agissant des demandes respectives des deux sociétés tendant à leur mise hors de cause, Mme [S] affirme être légitime à engager une action indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à leur encontre, la société Arc-En-Ciel se prévalant à tort de l'absence de communication de sa carte d'identité et de son absence sur son lieu de travail à partir du 3 avril 2018 et soulignant que la société Atalian n'a pas sollicité son accord exprès pour le transfert de son contrat de travail et l'a considérée comme démissionnaire.

La société Atalian, sollicitant la confirmation de la décision déférée, réplique que la situation de Mme [S] répondait aux 5 conditions posées par l'article 7 de la convention collective nécessaires à son transfert dans les effectifs de la société Arc-En-Ciel.

Elle conteste avoir considéré Mme [S] comme démissionnaire et veut en justifier par l'attestation Pôle Emploi établie par ses soins sur laquelle figure le motif de rupture du contrat de travail ainsi libellé': «'annexe 7'» ainsi que par les documents de fin de contrat remis à la salariée faisant état de son transfert. Elle affirme qu'en conséquence de ces éléments, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S] dirigée à son encontre est mal fondée, la résiliation ne pouvant pas être prononcée à ses torts.

* * *

Plusieurs conventions collectives de branche ont été conclues et étendues pour organiser le transfert des contrats de travail d'un employeur à un autre dans des situations où les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail ne sont pas applicables, notamment pour le secteur des entreprises de propreté.

Ainsi, aux termes de l'article 7.2 I de la convention collective nationale des entreprises de propreté': « Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes :

A - Appartenir expressément :

- Soit à l'un des 4 premiers niveaux de la filière d'emplois « exploitation » de la classification'nationale'des emplois (AS, AQS, ATQS et CE) et passer sur le marché concerné 30% de son temps de travail total effectué pour le compte de l'entreprise sortante';

- Soit à l'un des 2 premiers échelons du niveau agent de maîtrise exploitation de la classification'nationale'des emplois (MP1 et MP2) et être affecté exclusivement sur le marché concerné.

B - Être titulaire :

a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et,

- justifier d'une affectation sur le marché d'au moins 6 mois à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public ;

- ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat.

Cette condition ne s'applique pas aux salariés en congé maternité qui seront reprises sans limitation de leur temps d'absence. A cette date, seules les salariées en congé maternité seront reprises sans limitation de leur temps d'absence.

La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de 4 mois ou plus, dans l'hypothèse où la salariée ne serait pas en congé de maternité à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public.

b) Soit d'un contrat à durée déterminée conclu pour le remplacement d'un salarié absent qui satisfait aux conditions visées ci-dessus en a).

C - Être en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers ».

En outre, l'article'7.2 II de la même convention prévoit que :

« Le transfert des contrats de travail s'effectue de plein droit par l'effet du présent dispositif et s'impose donc au salarié dans les conditions prévues ci-dessous. Le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l'un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté. Le maintien de l'emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l'entreprise entrante ; le contrat à durée indéterminée se poursuivant sans limitation de durée ; le contrat à durée déterminée se poursuivant jusqu'au terme prévu par celui-ci ».

A l'examen des pièces produites, de leur chronologie et des moyens débattus, la cour retient que les conditions d'application de ce texte sont remplies au profit de Mme [S] au motif que':

- Mme [S] était chef d'équipe (CE) appartenant ainsi à l'un des 4 premiers niveaux de la filière d'emplois « exploitation » de la classification'nationale'des emplois (AS, AQS, ATQS et CE)';

- Mme [S] a été engagée à compter du 10 mars 2014 par la société Atalian avec une reprise d'ancienneté au 30 novembre 2010 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et était affectée sur le site de [Localité 5],

- elle n'était pas absente depuis 4 mois ou plus à la date du transfert du contrat,

- elle est de nationalité française.

Toutefois, en cas de transfert conventionnel, comme c'est le cas en l'espèce, le transfert du salarié d'une entreprise à une autre constitue une modification de son contrat de travail qui ne peut intervenir sans son accord exprès.

Or, la société Atalian ne peut se prévaloir d'un'transfert'conventionnel dès lors que, comme le soutient la salariée, elle ne lui a jamais demandé son accord.

En conséquence, le contrat de travail de Mme [S] n'a pas été transféré et la société Atalian est restée son employeur.

Il convient dès lors d'infirmer le jugement entrepris et de mettre hors de cause la société Arc-En-Ciel.

Sur la demande au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S]

Mme [S] soutient que la société Atalian a considéré, à tort, que le contrat de travail était rompu et ajoute que la remise de documents de fin de contrat est sans effet. Elle affirme que le non-respect de l'article 7 de la convention collective applicable constitue un manquement grave aux obligations contractuelles entraînant la résiliation judiciaire de son contrat de travail qui doit s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour s'y opposer, la société Atalian considère que l'envoi des documents de fin de contrat met fin à la relation de travail de sorte que les conséquences de la résiliation judiciaire sollicitée ne peuvent lui être imputables, le préjudice en résultant trouvant son origine dans la défaillance de la société entrante.

* * *

Il est établi par les pièces produites que la société Arc-En-Ciel a informé la société sortante dès le 3 avril 2018 qu'elle émettait des réserves quant à la reprise du contrat des salariés, dont Mme [S], pour lesquels aucun document d'identité ne lui avait été communiqué. Les 4 et 11 avril 2018, elle lui a de nouveau écrit afin de lui confirmer son refus de voir transférer le contrat de cette salariée en raison de son absence et de la non-communication de sa pièce d'identité, en concluant que Mme [S] restait dans les effectifs de la société Atalian et sous sa responsabilité.

La société Atalian a répondu à la société entrante le 16 avril 2018, soutenant qu'en vertu de l'article'7 de la'convention'collective'des'entreprises'de propreté, la société Arc-En-Ciel avait l'obligation de reprendre Mme [S] affectée au marché qui avait été attribué à celle-ci.

Interrogée par Mme [S] le 27 novembre 2018, la société Arc-En-Ciel lui a répondu le 26 décembre suivant qu'elle demeurait salariée de la société Atalian et lui a demandé de se rapprocher de cette dernière afin de régulariser sa situation.

En octobre 2018, Mme [S] a écrit à la société Atalian pour contester avoir démissionné, solliciter sa réintégration et, faisant valoir que son employeur aurait dû lui proposer un poste suite à la fin du marché en l'absence de reprise de la société entrante, la mettait en demeure de régulariser sa situation.

Il est également établi qu'à compter du 1er avril 2018, la société Atalian a cessé de fournir du travail à Mme [S] et a cessé de lui payer son salaire alors qu'elle savait qu'elle n'était pas reprise par la société Arc-En-Ciel.

La'résiliation'judiciaire'produit effet au jour où le juge la prononce, à la double condition que le contrat de travail n'ait pas été rompu entre temps et que le salarié soit toujours au service de l'employeur.

En l'occurrence, pour soutenir que la demande de résiliation judiciaire est mal fondée à son endroit, la société Atalian affirme avoir rompu le contrat de travail la liant à Mme [S] et produit au titre des documents de fin de contrat, une unique attestation Pôle Emploi établie par ses soins dont il résulte que le contrat n'a été rompu ni par la salariée ni par la société, le contrat ayant été 'transféré' au regard de la mention suivante y figurant': «'annexe 7'».

Ce seul document ne peut être considéré comme valant rupture du contrat.

Compte tenu de l'absence de fourniture d'un travail à Mme [S] et de versement d'un salaire, ce qui constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations, la résiliation judiciaire du contrat de travail doit être prononcée aux torts de la société Atalian, à la date du 6 avril 2021, cette résiliation emportant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a prononcé la résiliation du contrat mais infirmée en ce qu'elle en attribué les torts à la société Arc-En-Ciel.

Sur les conséquences indemnitaires

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Mme [S] sollicite, par confirmation du jugement, le paiement de la somme de 3.852,38 euros au titre de l'indemnité'compensatrice'de'préavis.

La société Atalian sollicite la limitation du montant à allouer à la somme de 3.511,14 euros.

* * *

La convention collective applicable prévoit que le salarié a droit à un délai-congé dont la durée varie en fonction de l'ancienneté ; ainsi, avec une ancienneté supérieure à 2 ans, la durée du'préavis'est de 2 mois.

L'indemnité conventionnelle de'préavis'doit donc être fixée à la somme de 3.852,38 euros au regard du salaire de référence fixé à la somme de 1.926,19 euros bruts. Il sera également alloué à Mme [S] la somme de 385,23 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement déféré sera donc confirmé sur le quantum mais infirmé en ce qu'il condamne la société Arc-En-Ciel au paiement de ces sommes.

- Sur l'indemnité légale de licenciement

Mme [S] sollicite l'octroi d'une somme de 4.175 euros à ce titre.

La société Atalian soutient que cette indemnité ne peut excéder la somme de 1.755,57 euros pour tenir compte de l'ancienneté de 4 années de la salariée et de son salaire de référence d'un montant de 1.755,57 euros.

* * *

La salariée ayant arrêté sa demande au jour de l'introduction de sa requête retenant une ancienneté de 8 ans et 8 mois, l'indemnité légale de licenciement'est égale à une somme calculée sur la base d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté en application des dispositions des articles R.1234-1 et suivants du code du travail, soit la somme de 4.175 euros.

La décision de première instance sera confirmée sur le quantum mais infirmée en ce qu'elle condamne la société Arc-En-Ciel au paiement de cette somme.

- Sur les dommages et intérêts au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une'indemnité'à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, en l'espèce entre 3 et 8 mois de salaire compte tenu de l'ancienneté retenue par la salariée.

Pour s'opposer à la demande de Mme [S], la société Atalian affirme que cette dernière ne justifie ni du principe ni de l'étendue de son préjudice.

* * *

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération précédemment retenue, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tel que cela résulte des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner la société Atalian à payer à Mme [S] la somme de 15.409,52 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur à France Travail le montant des indemnités de chômage éventuellement servies à la salariée dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Au soutien de sa demande d'allocation d'une somme de 4.000 euros, Mme [S] soutient avoir rencontré de grandes difficultés financières, découvrant fortuitement qu'il avait été mis fin à son contrat de travail.

En réplique, la société Atalian expose avoir respecté les obligations mises à sa charge par la convention collective en sa qualité d'entreprise sortante et tout mis en 'uvre pour que le transfert s'opère dans de bonnes conditions.

* * *

Il a été ci-avant retenu que la société Atalian n'avait pas respecté les obligations lui incombant.

Les troubles et tracas occasionnés à la salariée, placée du jour au lendemain dans l'impossibilité de subvenir aux besoins de sa famille, constituent un préjudice distinct qu'il convient d'indemniser à hauteur de 2.000 euros.

La décision de première instance sera confirmée sur le quantum mais infirmé en ce qu'elle condamne la société Arc-En-Ciel au paiement de ce montant.

Sur l'appel en garantie de la société Arc-En-Ciel

Fondant sa demande sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, la société Atalian soutient que les fautes commises par la société Arc-En-Ciel sont en lien direct avec le préjudice qui résulte des condamnations mise à sa charge. Elle affirme que la société entrante a sciemment violé son obligation conventionnelle découlant de l'article 7 de la convention collective.

* * *

Cependant, il a été retenu plus avant que le contrat de travail de Mme [S] n'a pas été transféré à la société sortante du fait de la société Atalian qui a omis de solliciter l'accord exprès de la salariée pour y procéder.

Par voie de conséquence, la société Atalian sera déboutée de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

- Sur la délivrance de documents

La société Atalian devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Atalian, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [S] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, la société Arc-En-Ciel sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Dit que la cour est régulièrement saisie de l'entier litige par l'appel interjeté par la société Arc-En-Ciel Sud-Est,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Met hors de cause la société Arc-En-Ciel Sud-Est,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [S] aux torts exclusifs de la société Atalian Propreté Sud-Ouest à la date du 6 avril 2021,

Condamne la société Atalian Propreté Sud-Ouest à verser à Mme [S] les sommes suivantes':

- 3.852,38 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 385,23 euros au titre des congés payés afférents,

- 4.175 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 15.409,52 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

- 3.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés,

Dit que la société Atalian Propreté Sud-Ouest devra délivrer à Mme [S] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Ordonne à la société Atalian Propreté Sud-Ouest de rembourser à France Travail le montant des indemnités de chômage éventuellement servies à Mme [S] dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Déboute la société Atalian Propreté Sud-Ouest de sa demande d'appel en garantie de la société Arc-En-Ciel Sud-Est,

Déboute la société Arc-En-Ciel Sud-Est de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société Atalian Propreté Sud-Ouest aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02783
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.02783 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award