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27/03/2024 | FRANCE | N°21/02698

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 27 mars 2024, 21/02698


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 27 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02698 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDHK













Monsieur [Y] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001707 du 21/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



c/



S.A.S. CAPIMHO [Localité 5]










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Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 avril 2021 (R.G. n°F 20/00034) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Commer...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 27 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02698 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDHK

Monsieur [Y] [T]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/001707 du 21/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.A.S. CAPIMHO [Localité 5]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 avril 2021 (R.G. n°F 20/00034) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 10 mai 2021,

APPELANT :

Monsieur [Y] [T]

né le 16 Octobre 1990 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Caroline VERGNE, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

SAS Capimho [Localité 5], prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice,domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 1]

N° SIRET : 428 225 049

représentée par Me Quentin ROUSSEL, avocat au barreau d'ORLEANS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 janvier 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Y] [T], né en 1990 a été engagé en qualité de d'employé d'exploitation polyvalent par la SAS Capimho [Localité 5], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des cafés, hôtels, restaurants.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [T] s'élevait à la somme de 1.767,68 euros bruts.

Par lettre datée du 14 juin 2019, M. [T] a adressé sa démission en sollicitant d'écourter son préavis pour une rupture de son contrat de travail au 24 juin 2019.

La société a refusé la réduction du préavis et des bulletins de paye et document de rupture ont été établis à la date du 14 juillet 2019.

A la date de la rupture du contrat, M. [T] avait une ancienneté de 2 ans et 6 mois.

Le 12 mars 2020, M. [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Périgueux, soutenant que la démission doit être requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de travail devant produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, outre le paiement des pauses repas travaillées, des notes de frais professionnelles et le paiement d'heures supplémentaires. Le salarié a également sollicité du conseil des dommages et intérêts pour préjudice subis, pour atteinte à la vie privée, outre la remise sous astreinte de ses documents de fin de contrat, et que soit écartée la pièce 50 ainsi que tous les paragraphes se référant à ce document privé.

Par jugement rendu le 20 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M. [T] s'analyse comme une démission,

En conséquence, débouté M. [T] de toutes les demandes qui en découlent,

- dit et jugé qu'il n'y a pas lieu d'écarter la pièce n°50 présentée par la société Capimho,

- débouté M. [T] de ses demandes au titre des pauses repas travaillées,

- débouté M. [T] de ses demandes au titre des notes de frais professionnels,

- débouté M. [T] de ses demandes au titre des heures supplémentaires,

- condamné M. [T] à verser à Capimho la somme 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Capimho de sa demande de remboursements au titre du rappel de salaire et des congés payés,

- condamné M. [T] aux entiers dépens.

Par déclaration du 10 mai 2021, M. [T] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 20 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 novembre 2023, M. [T] demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Périgueux le 20 avril 2021.

Y ajoutant :

- dire et juger que la rupture du lien salarial du 14 juin 2019 s'analyse en un licenciement,

- condamner la société Capimho [Localité 5] à verser les sommes suivantes à M. [T] :

- 2.693,45 euros bruts au titre des pauses repas travaillées,

- 102,45 euros au titre des notes de frais professionnels avec intérêts de retard au taux légal,

- 1.162,10 euros bruts d'heures supplémentaires,

- 1.104,80 euros d'indemnité de licenciement,

- 1.500 euros de dommages et intérêts pour atteinte au respect de la vie privée,

- condamner la société Capimho [Localité 5] à verser à M. [T] la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis,

- ainsi qu'à lui remettre les bulletins de paie corrigés, le certificat de travail, l'attestation Pôle Emploi, le solde de tout compte, si besoin avec condamnation sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,

- débouter la société Capimho [Localité 5] de toutes autres demandes,

- ordonner le retrait de la pièce adverse 50 du dossier de plaidoiries ainsi que la suppression de tous les paragraphes des conclusions de la société Capimho [Localité 5] se référant à ce document d'ordre strictement privé (pages 8 et 16),

- dire et juger n'y avoir lieu à condamnation à l'article 700 à l'encontre de M. [T] que ce soit en première instance ou en appel,

- débouter la société Capimho de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- condamner la société Capimho aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 août 2021, la société Capimho [Localité 5] demande à la cour de':

- déclarer M. [T] mal fondé en son appel.

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

A titre subsidiaire sur la démission,

- constater que le salarié ne justifie d'aucun grief suffisamment grave,

- dire et juger que la prise acte de la rupture doit produire les effets d'une démission,

- condamner M. [T] à rembourser à la société Capimho [Localité 5] 746,20 euros bruts de rappel de salaires outre 74,62 euros d'indemnité de congés payés y afférents au titre de la période du 1er au 14 juillet 2019.

Y ajoutant,

- condamner M. [T] à verser à la société Capimho [Localité 5] 2.000,00 euros d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel,

- condamner M. [T] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 30 janvier 2024 à 14 heures.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail :

la fixation du salaire mensuel brut de M. [T] :

M. [T] soutient que la moyenne mensuelle de la rémunération des trois derniers mois précédant la rupture du contrat de travail doit inclure les heures supplémentaires, majorations et indemnités repas. Ainsi, au total la rémunération brute des trois derniers mois travaillés s'élève à 5.303,04 euros, soit une moyenne de 1.767,68 euros bruts.

La société ne conclut pas sur ce point.

Les bulletins de paye des mois de mai, juin et juillet 2019 mentionnent un salaire de base, des heures supplémentaires et une indemnité de nourriture mensuelle qui constituent des éléments de la rémunération et dont le montant total est de 5 303,04 euros. Le salaire mensuel de référence est donc de 1 767,68 euros.

les pauses repas :

M. [T] fait valoir que le contrat de travail prévoit que les temps de pause repas pris dans l' entreprise s'ajoutent au temps de travail et doivent être récupérés ou rémunérés, qu ' il n'a pu bénéficier d'un réel temps de pause en ce qu'il était seul à son poste de réceptionniste, ce qui impliquait une disponibilité permanente l'obligeant, lorsqu'il devait s'absenter de ce poste, à porter un biper ainsi qu'un téléphone sans fil afin d'être joignable, enfin que les salariés déjeunaient au restaurant et ne disposaient donc pas d'un local dédié à la prise de repas.

M. [T] demande paiement des temps de pause sur toute la durée de la relation de travail.

La société répond que M. [T] doit établir les jours au cours desquels il était présent dans l' entreprise au moment des repas, qu'il n'étaye pas sa demande de paiement d' heures supplémentaires, qu'en tout état de cause, il a récupéré celles-ci à la fin de son contrat de travail pour pouvoir rejoindre son nouvel emploi dès le 24 juin 2019.

Aux termes de l' article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l' employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l' employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l' employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [T] précise le nombre de pauses repas mois par mois, soit 515 sur la période de janvier 2017 à juin 2019.

M. [T] verse l'attestation de M. [S], ancien directeur de l'établissement dont la société produit la lettre de licenciement pour affaiblir la force probante. M. [T] n'a pas qualité pour demander le retrait de cette pièce cotée 50 qui ne le concerne pas. À ce titre le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande de voir écarter cette pièce et les mentions des conclusions s'y référant.

M. [S] écrit que M. [T] ne pouvait pas prendre très régulièrement sa pause repas sans rester à la disposition de l'employeur en raison des effectifs restreints et devait être équipé d'un bipeur ou d'un téléphone portable pour prendre les appels téléphoniques. Le rédacteur ajoute que la direction lui avait donné pour ordre de déduire le temps de ces pauses. Il confirme que les salariés devaient déjeuner dans le restaurant de l' entreprise.

M. [J] atteste aussi que le temps de pause repas n'était pas respecté.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de fournir les horaires de travail effectif en établissant que les conditions de la prise des pauses repas n'obligeaient pas le salarié à rester à la disposition de l' employeur.

La société ne peut s'exonérer par la seule affirmation que les heures supplémentaires ont été récupérées dès lors qu'il n'est pas établi que ces heures supplémentaires comptabilisaient les temps de pause.

Sur la période du mois de janvier 2017 au mois d' août 2018 et pour les mois d' octobre 2018 à janvier 2019 , le nombre de pauses repas déclaré par le salarié correspond à celui qui est indiqué sur les bulletins de paye.

Le nombre de repas mentionné sur les autres bulletins de paye est soit supérieur ( avril 2019) à celui indiqué par M. [T], soit inférieur ( février, mars, mai et juin 2019).

La société ne verse pas d'élément confortant le nombre de pauses repas figurant sur ces bulletins de paye et les circonstances dans lesquelles les pauses repas n'obligeaient pas M. [T] à rester à sa disposition.

La cour retiendra donc que la société doit verser à M. [T] la somme de 2 693,45 euros au titre des temps de pause repas.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

les notes de frais professionnels :

M. [T] soutient que les dépenses exposées courant avril 2019 dans le cadre de son travail ne lui ont jamais été payées malgré la remise de notes de frais à son directeur en mai 2019 accompagnées des justificatifs requis.

La société Capimho [Localité 5] argue de l'absence justificatif au soutien de la demande de remboursement des notes de frais du salarié. Elle ajoute que l'attestation de M. [S] ne saurait constituer une preuve de l'existence et du montant desdites dépenses. Par ailleurs, la société soutient qu'au travers de ses propos M. [S] admet ne pas avoir transmis les notes de frais sans en expliquer la raison.

Il revient à M. [T] d'établir qu'il a supporté des frais de déplacement et d'achat de marchandises pour le compte de l'entreprise qui lui en doit le remboursement. Il ne verse aucune pièce en établissant la réalité et le montant, un seul décompte, même précis, n'y suffisant pas. L'attestation de M. [S] qui affirme avoir transmis les originaux des justificatifs qui seraient restés dans les archives lors de son départ est imprécise et inopérante.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef.

la demande de paiement de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée

M. [T] affirme que son contrat de travail contenait une clause abusive attentatoire à sa vie privée en ce qu'elle imposait au salarié 'd'informer l'entreprise sans délai de tous changements portant sur sa situation de famille, son adresse, un autre employeur, sa situation militaire ...'.

La société oppose que les informations sollicitées sont nécessaires au traitement social du contrat de travail, notamment aux obligations déclaratives légales de l'employeur. Par ailleurs, la transmission des données au conseil de la société ne nécessiterait pas le consentement de l'intéressé lorsqu'il est nécessaire à la préservation des intérêts de la société. Enfin, elle fait valoir que M. [T] ne démontre pas l'existence d'un préjudice lié à ce prétendu manquement.

Aux termes de l' article 15 du contrat de travail, M. [T] doit informer l' entreprise sans délai de tous changements portant sur son adresse, sa situation de famille, un (autre') employeur et sa situation militaire signalés lors de son engagement.

Le changement de l' adresse du salarié doit être connu de l' employeur pour l'établissement de ses bulletins de paye et des documents de rupture. L' employeur ne précise pas la raison pour laquelle la situation de famille et la situation militaire devraient lui être connues. La référence à une autre employeur n'est pas explicitée.

Pour autant, M. [T] ne verse aucun élément au soutien du préjudice qu'il aurait subi et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

la rupture aux torts de l'employeur :

M. [T] fait valoir que :

- les salariés devaient signer des horaires erronés pour dissimuler des pauses repas non prises et des heures supplémentaires,

- l' employeur antidatait des contrats pour prolonger des périodes d'essai,

- les salariés étaient surmenés à cause du sous - effectif résultant notamment des congés ou arrêts de maladie d'autres salariés non remplacés; cette surcharge de travail l'a découragé;

- l' employeur a refusé de payer les heures supplémentaires et l'a contraint à les récupérer ;

- l'ambiance était exécrable ;

- sa démission est équivoque en ce qu'il existait alors un litige entre les parties;

et il a refusé de signer son solde de tout compte.

- sa démission doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société répond que M. [T] a démissionné de manière non équivoque pour rejoindre un autre emploi le 24 juin 2019, qu'à cette fin, il a bénéficié d'heures de récupération dès la fin du mois de juin 2019 et qu'en tout état de cause, cette circonstance est postérieure à sa démission; qu'elle n'a commis aucun manquement.

La lettre de démission de M. [T], datée du 14 juin 2019 est ainsi rédigée :

' je viens par la présente vous remettre ma démission de mes fonctions d'employé polyvalent rattaché à l'exploitation exercée depuis janvier 2017 au sein de l' entreprise assortie d'une promesse d'embauche de mon futur employeur .

J'ai bien noté que les termes de mon contrat prévoit un préavis d'une durée d'1 mois. Cependant, et par dérogation, je sollicite de ne pas effectuer ce préavis complètement et, par conséquent, de quitter l' entreprise avant le 24 juin 2019, date de prise de mes nouvelles fonctions stipulée sur la promesse d'embauche.

Je vous remercie de bien vouloir me confirmer votre accord à ce sujet...'.

La démission procède d'une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin à son contrat de travail.

Une démission émise sans réserve est équivoque dès lors que le salarié démontre qu'elle trouve sa cause dans des manquements antérieurs ou concomitants de l' employeur. Dans ce cas, elle peut être requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l' employeur sont avérés.

La lettre de démission de M. [T] ne comportant aucune réserve, il revient à ce dernier d'établir que sa décision résulte de manquements de l'employeur antérieurs ou contemporains à celle- ci. Un lien doit donc être établi entre ces manquements et l'acte de démission et le salarié doit justifier d'un différend antérieur ou contemporain de la démission qui l'avait opposé à son employeur

La cour a débouté M. [T] de sa demande de remboursement de frais.

La récupération d' heures supplémentaires après le 14 juin 2019 ne peut être considérée comme étant une circonstance antérieure ou contemporaine de la démission. Cette décision a été prise par la société en réponse à la demande de M. [T] de ne pas effectuer son préavis après le 24 juin 2019.

Aucun élément n'établit que M. [T] aurait été contraint de signer la prolongation de sa période d'essai, l'attestation de M. [J] ne l'indiquant pas.

La cour ne voit pas de pièce établissant le caractère délétère de l'ambiance de travail.

M. [T] avait comptabilisé cent heures supplémentaires à la fin de son contrat de travail et M. [S], alors directeur de l'établissement, avait demandé à ses supérieurs de trouver en urgence 'une solution pour M. [T]. En effet,il palie aux absences sans rechigner comme je le fais. Nous travaillons 7/7 j lui du matin et moi du soir ...il est littéralement épuisé'.

Cependant, la cour ne voit aucune réclamation du salarié antérieure à sa démission du 14 juin 2019 et l'existence d'un litige antérieur ou contemporain de la démission n'est pas avérée, M. [T] n'ayant saisi le conseil des prud'hommes en référé que le 25 septembre 2019.

Dans ces conditions, la démission de M. [T] n'emporte pas les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de cette demande et de celle en paiement de l' indemnité de licenciement.

M. [T] sollicite le paiement de dommages et intérêts pour préjudices subis. La démission étant confirmée, aucune somme ne lui sera allouée au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cependant, le défaut de prise en compte des temps de pause pendant toute la relation de travail et les heures supplémentaires réalisées lui ont causé un préjudice au regard de sa vie privée qui sera réparé à hauteur de 2 000 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

La remise des documents de fin de contrat

M. [T] demande que les bulletins de paye et documents de rupture comportent une date de fin de contrat au 24 juin 2019 et son adresse à [Localité 2] connue de l' employeur.

La société répond qu'elle n'a pas à délivrer le solde de tout compte, que l'adresse de M. [T] à [Localité 2] a été portée sur l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail. Elle estime que le contrat de travail a pris fin le 14 juillet 2019, M. [T] ayant été payé jusqu'à cette date et demande subsidiairement que lui soit remboursé le salaire payé entre le 28 juin et le 14 juillet 2019.

La société ne prouve pas avoir mis à la disposition de M. [T] l'attestation Pôle Emploi et le certificat de travail mentionnant l'adresse de [Localité 2].

M. [T] a démissionné le 14 juin 2019 et aurait dû effectuer son préavis jusqu'au 14 juillet 2019. Bien que placé en récupération d'heures supplémentaires, il a perçu son salaire jusqu'à cette date et il sera débouté de sa demande tendant à la délivrance de documents de rupture à la date du 14 juin 2019.

La société sera déboutée de sa demande de remboursement de salaire pour la période du 28 juin au 14 juillet 2019.

La société a été informée de la nouvelle adresse de M. [T] à [Localité 2] par mail de ce dernier en date du mois de juillet 2017. Elle devra donc délivrer des bulletins de paye mentionnant cette adresse depuis cette date

ainsi qu' un solde de tout compte, une attestation France Travail et un certificat de travail mentionnant cette adresse.

M. [T] demande le paiement d' heures supplémentaires non récupérées (101,30 heures entre le 24 juin et le 14 juillet 2019).

La société répond que M. [T] a bénéficié d' heures de récupération à compter de la fin du mois de juin 2019 pour lui permettre de rejoindre son nouveau poste le 24 juin.

Au vu des bulletins de paye des mois de juin et juillet 2019, M. [T] a récupéré 87,30 heures soit un solde d' heures non récupérées de 12,5 heures et la société devra lui verser la somme de 130,75 euros. Cette somme comprendra le paiement des heures supplémentaires.

les préjudices subis

M. [T] demande le paiement de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros en réparation des préjudices résultant d'une part, du mépris, des conditions de travail très éprouvantes, des propos diffamatoires, de l'atteinte à sa réputation et d'autre part, de la situation financière consécutive à la rupture du contrat de travail.

La démission n'emportant pas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la situation financière postérieure ne peut être indemnisée.

La rudesse des conditions de travail a été indemnisée supra par l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 2 000 euros au titre de la non prise en compte des temps de pause repas et des heures supplémentaires et ne peut donner lieu à une seconde indemnisation, un préjudice ne pouvant être réparé deux fois.

Les propos tenus par M. [L] à l'encontre de M. [T], sans précision dans l'attestation de M. [S], ne sont pas corroborés par le directeur de l'hôtel Ibis Styles de Deauville.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [T] de ce chef.

M. [T], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, ne demande pas le paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles et la société sera déboutée de sa demande.

Partie perdante, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

-débouté M. [T] de ses demandes relatives aux pauses repas, aux préjudices subis de fait des pauses repas, aux heures supplémentaires non récupérées et à la délivrance de bulletins de paye et documents de fin de contrat rectifiés;

- condamné M. [T] au paiement d'une indemnité de 200 euros au titre des frais irrépétibles ;

statuant à nouveau de ces chefs ;

Condamne la société Capimho [Localité 5] à payer à M. [T] les sommes suivantes :

-2 693,45 euros au titre des temps de pause repas;

- 2 000 euros au titre des préjudices subis;

-130,75 euros au titre des heures supplémentaires non récupérées;

Ordonne à la société Capimho de délivrer à M. [T] :

- les bulletins de paye mentionnant son adresse à [Localité 2] à compter du mois de juillet 2017;

- un bulletin de paye et un solde de tout compte mentionnant cette adresse et les sommes dues au titre des temps de pause repas et des heures supplémentaires non récupérées;

- un certificat de travail et une attestation France Travail mentionnant l'adresse de M. [T] à [Localité 2];

dans un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Condamne la société Capimho [Localité 5] aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02698
Date de la décision : 27/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-27;21.02698 ?
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