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26/03/2024 | FRANCE | N°21/04099

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 26 mars 2024, 21/04099


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



3ème CHAMBRE FAMILLE



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ARRÊT DU : 26 MARS 2024







N° RG 21/04099 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MG7U









[D] [R] [K] [I]



c/



[L] [E]

























Nature de la décision : AU FOND





















29B



Grosse délivrée le :r>


aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 juillet 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 19/08711) suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2021





APPELANTE :



[D] [R] [K] [I]

née le [Date naissance 4] 1939 à [Localité 12]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]



Re...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

3ème CHAMBRE FAMILLE

--------------------------

ARRÊT DU : 26 MARS 2024

N° RG 21/04099 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MG7U

[D] [R] [K] [I]

c/

[L] [E]

Nature de la décision : AU FOND

29B

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 juillet 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BORDEAUX (RG n° 19/08711) suivant déclaration d'appel du 15 juillet 2021

APPELANTE :

[D] [R] [K] [I]

née le [Date naissance 4] 1939 à [Localité 12]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Matthieu CHAUVET, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[L] [E]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 13]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX substitué par Me Jérémy GRANET

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller : Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique DUPHIL

Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié en date du 23 février 1995, Mme [D] [I] a fait une donation hors part succcessorale à son fils M. [L] [E] portant sur un terrain à bâtir situé à [Adresse 8].

Mme [D] [I] a emménagé en 2005 dans la maison construite par M. [L] [E] sur ce terrain.

M. [L] [E] a assigné sa mère le 10 septembre 2019 devant le juge des référés du tribunal d'instance de Bordeaux aux fins d'obtenir à titre principal sa condamnation au paiement d'une provision correspondant à des arriérés de loyers de mai à août 2019 et, à titre subsidiaire, son expulsion du fait de son occupation sans droit ni titre de la maison de Lacanau.

Par ordonnance en date du 27 décembre 2019, le juge des référés du tribunal d'instance a dit y avoir lieu à référé en retenant une contestation sérieuse des demandes résultant du caractère équivoque de l'occupation.

Par exploit d'huissier en date 10 septembre 2019, Mme [D] [I] a assigné M. [L] [E] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en révocation de la donation.

Par jugement en date du 13 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de publication de l'assignation au service de la publicité foncière,

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en révocation de donation pour ingratitude,

- rejeté la demande de révocation de la donation du 23 février 1995 pour inexécution des charges,

- rejeté la demande de révocation de la donation du 23 février 1995 pour ingratitude,

- condamné Mme [D] [I] à payer à M. [L] [E] la somme de 11.400 euros au titre de l'occupation du bien de [Localité 9] sur 19 mois depuis mai 2019,

- rejeté la demande d'expulsion,

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné Mme [D] [I] aux dépens.

Procédure d'appel :

Par déclaration d'appel en date du 15 juillet 2021, Mme [D] [I] a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il a rejeté les demandes de révocation de la donation pour inexécution des charges et ingratitude puis condamné Mme [D] [I] au paiement d'une indemnité d'occupation, outre aux dépens et rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date du 17 janvier 2023, le président de la chambre de la famille de la cour d'appel de Bordeaux a notamment enjoint aux parties de rencontrer un médiateur et désigné pour y procéder l'association [14]

Il n'a pas été donné suite à l'injonction.

Selon dernières conclusions en date du 11 mars 2022, Mme [D] [I] demande à la cour de :

- réformer intégralement le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

À titre principal,

- constater l'inexécution par le donataire des charges de la donation,

- révoquer la donation du 22 avril 1995,

- dire et juger que Mme [D] [I] n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation,

- débouter M. [L] [E] de l'intégralité des demandes formulées contre Mme [D] [I],

- condamner M. [L] [E] à lui régler la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Matthieu Chauvet,

À titre subsidiaire,

- dire et juger que le comportement du défendeur est injurieux à l'égard de sa mère,

- constater son ingratitude,

Partant,

- révoquer la donation du 22 avril 1995,

- dire et juger que Mme [D] [I] n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation,

- débouter M. [L] [E] de l'intégralité des demandes formulées contre Mme [D] [I],

- condamner M. [L] [E] à lui régler la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Matthieu Chauvet.

Selon dernières conclusions en date du 24 décembre 2021, M. [L] [E] demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire en date du 13 juillet 2021 en ce qu'il a :

* rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en révocation de la donation pour ingratitude,

* rejeté la demande d'expulsion,

En conséquence,

- juger Mme [D] [I] prescrite en ses demandes,

- ordonner l'expulsion de Mme [D] [I] et de tous occupants de son chef avec l'assistance si besoin des forces de police,

- confirmer pour le surplus le jugement du tribunal judiciaire en date du 13 juillet 2021,

À titre principal,

- débouter Mme [D] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

À titre subsidiaire et dans l'hypothèse de la révocation de la donation,

- dire et juger Mme [D] [I] débitrice à l'égard de M. [L] [E] d'une indemnité correspondant au coût de construction ou à la valeur actuelle de l'immeuble conformément aux dispositions de l'article 555 du code civil,

Y ajoutant,

- condamner Mme [D] [I] à payer à M. [L] [E] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [D] [I] aux entiers dépens en ce compris le coût de la sommation du 17 juillet 2019.

Pour un plus ample exposé des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2024.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 13 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

L'appelante conteste le jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de révocation de la donation entre vifs consentie par acte de Maître [V] [H], notaire à [Localité 11] le 23 février 1995, à son fils [L] [E],

- à titre principal, pour inexécution des charges de la donation,

- à titre subsidiaire, pour ingratitude du donataire.

En effet, l'article 953 du code civil, énonce, au titre des exceptions à la règle de l'irrévocabilité des donations entre vifs, que la donation entre vifs 'ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite, pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants'.

Sur la révocation de la donation pour inexécution des charges :

Mme [I], au visa de l'article 1192 du code civil qui dispose que 'on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation', estime que le premier juge a dénaturé la clause de la donation qui prévoyait que le donataire s'obligeait, 'à peine de révocation de la donation, de s'acquitter de tous les impôts, contributions et charges de toutes natures auxquels l'immeuble est ou sera assujetti'.

M. [E] réplique que sa mère n'a réglé aucune des taxes foncières de l'immeuble, et que la donation porte sur le seul terrain d'assiette de la future construction et non sur la maison d'habitation qu'il a construite dix ans après la donation du terrain et dont les charges d'occupation de l'immeuble (occupation, eau, électricité et taxe d'habitation) demeurent à la charge de l'occupante, soit Mme [I] depuis 2005.

Il ressort de l'acte de la donation entre vifs, réalisée par préciput par Mme [D] [I], donatrice, en faveur de son fils [L] [E], donataire, et portant sur un terrain à bâtir, figurant au cadastre section [Cadastre 5], lieudit '[Localité 7]' sur la commune de [Localité 10], d'une contenance de 3 A et 80 CA, que figure, au titre des 'Charges et conditions', que 'Le donataire s'oblige, à peine de révocation de la donation à :

- prendre l'immeuble dans l'état où il se trouve lors de l'entrée en jouissance sans pouvoir exercer aucun recours conte le donateur pour quelque cause que ce soit.../...,

- souffrir toutes les servitudes passives, apparentes, ou occultes, continues ou discontinues pouvant grever l'immeuble donné.../...,

- s'acquitter de tous les impôts, contributions et charges de toutes natures auxquels l'immeuble est ou sera assujetti, à l'exception toutefois de ceux que la loi met à la charge du bénéficiaire du démenbrement du droit de propriété, si cette réserve est stipulée,

- payer les frais, droits et honoraires de l'acte et de ses suites'.

Seule fait débat entre les parties l'interprétation de la clause relatives aux 'impôts, contributions et charges de toutes natures auxquels l'immeuble est ou sera assujetti', les parties :

- s'accordant pour y inclure a minima les taxes foncières,

- divergent sur la charge des autres taxes, contributions et charges affectant l'immeuble bâti construit sur le terrain donné, Mme [I] y incluant, du fait de l'énoncé de la clause relatives aux charges du donataire, toutes les taxes et charges d'entretien et d'énergie de l'immeuble bâti, et pas seulement du terrain à bâtir, M. [E] excluant les taxes d'habitation et les charges liées à l'occupation du bien immobilier bâti.

Il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties à l'acte de donation.

En l'espèce, il est constant que la donation a été reçue par acte authentique du 22 avril 1995 et qu'elle portait sur un terrain à bâtir sis au lotissement communal de [Localité 7] à [Localité 9], d'une valeur de 150 000 francs.

Le donataire y a construit une maison d'habitation en 2005, soit 10 ans après la donation, dans laquelle sa mère, Mme [I], est venue vivre, pour des raisons et une durée initiale qui divergent selon chaque partie.

Dès lors, il ne peut être déduit de l'acte de la donation, que les charges du donataire incluaient le règlement de 'tous les impôts, contributions et charges de toutes nature' assujetissant l'immeuble, en ce compris ceux et celles relatifs à l'occupation de la maison d'habitation qui y a été édifiée et qui s'y est incorporée dix ans plus tard, sauf à en modifier l'objet et l'étendue et ainsi, à en dénaturer le caractère libéral.

L'acte ne révèle pas davantage qu'à la date de la donation, le donataire envisageait de construire et d'y installer sa mère, en prenant en charge l'ensemble des frais d'habitation de celle-ci.

Il convient dès lors de confirmer l'analyse des premiers juges à ce titre.

S'agissant toutefois du règlement des taxes foncières afférentes à l'immeuble donné, restant à la charge du donataire, il revient à celui-ci de justifer s'en être acquitté, ce qu'il s'est refusé à faire, malgré les sommations qui lui ont été adressées à cette fin en dates des 26 juillet 2021, 13 septembre 2021 et 22 septembre 2021.

Mme [I] n'en démontre pas davantage le paiement de son chef, le mail qu'elle produit (pièce n° 10) comme lui ayant été adressé le 5 juillet 2019 par la trésorerie de [Localité 6] semblant démontrer le contraire, dans la mesure où l'administration fiscale locale l'informe, à sa demande, du montant des taxes foncières de l'immeuble, entre 2007 et 2018 ; elle prétend en outre qu'elle s'acquittait d'une contribution mensuelle à son fils, laquelle permettait à celui-ci de s'acquitter des impôts fonciers, qu'elle s'en serait ainsi acquittée 'indirectement'.

Il en résulte que leur règlement par M. [E], s'il n'est pas justifié par l'intimé, est admis par l'appelante et aucune des pièces ne fait état de leur absence de paiement.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a rejeté la demande de révocation de la donation pour inexécution des charges.

Sur la révocation de la donation pour ingratitude :

Aux termes de l'article 955 du code civil, 'la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d'ingratitude que dans les cas suivants :

1° si le donataire a attenté à la vie du donateur,

2° s'il s'est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves,

3° s'il lui refuse des aliments'.

En l'espèce, Mme [I] dénonce le caractère gravement injurieux du comportement de son fils à son égard, en ce qu'il a :

- menacé sa propre mère de plus de 80 ans de la mettre dehors de la maison bâtie sur le terrain qu'elle lui a donné, caractérisant ainsi la réalité de violences psychologiques,

- entamé contre elle une procédure afin d'expulsion devant le tribunal d'instance et de lui faire sommation d'avoir à produire ses relevés de compte,

- fait preuve d'indifférence et d'ingratitude à son égard, notamment en la logeant dans une maison dont la construction révèle l'incurie et qui présente un état de quasi-insalubrité, constaté par procès-verbal établi le 21 mai 2019 par Me [T] et [M], huissiers de justice,

- été intégralement débouté de son action devant le tribunal d'instance.

M. [E] oppose la prescription de l'action.

Sur la prescription de l'action :

L'article 957 du code civil énonce que la demande de révocation pour cause d'ingratitude devra être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.

En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges, après avoir rappelé que 'si les faits articulés à l'appui d'une demande en révocation pour ingratitude forment un ensemble indivisibel, la déchéance de l'article 957 ne commence à courir qu'à partir du dernier fait', ont retenu qu'en l'espèce, parmi les faits invoqués à l'appui de la demande de révocation, ceux qui concernent le différent relatif au paiement d'un loyer datent de moins d'un an avant l'assignation'.

C'est en effet pour l'essentiel l'assignation en paiement des loyers et en expulsion que Mme [I] considère comme gravement injurieuse, celle-ci ayant bien été engagée moins d'un an avant l'action en révocation de la donation pour cause d'ingratitude.

Il convient dès lors, sans aucunement à ce stade se prononcer sur la réalité des injures graves dénoncés comme cause de l'ingratitude, de déclarer l'action en révocation non prescrite.

Sur l'ingratitude :

Il est constant que l'exercice d'une action en justice ne peut à lui seul constituer une injure grave envers celle contre laquelle est formée la demande, s'agissant en l'espèce d'une action en paiements de loyers, permettant, s'il y est fait droit, l'expulsion de l'occupante.

Il est par ailleurs justifié que cette action en justice faisait suite à l'arrêt brutal de règlement par Mme [I], en mai 2019, de la somme mensuelle de 600 euros qu'elle versait chaque mois à son fils M. [E], l'arrêt des paiements ayant été notifié à M. [E] par sms, sans en préciser le motif (message du 3 juin 'Stef, à l'instar du mois de mai, désormais je ne pourrai plus continuer de payer un loyer. Désolée').

Cette absence de toute explication quant à sa carence future à régler la contribution qu'elle justifie, par ses relevés de compte, avoir régulièrement acquittée depuis son occupation des lieux, dans un contexte d'indifférence entre la mère et son fils [L], voir de dégradation de leurs relations, ainsi qu'en attestent les autres frères et soeurs de l'intimé, ont conduit à la procédure de référés qu'elle dénonce.

Cette action en paiement du fils contre sa mère, si elle apparaît regrettable dans un contexte familial, ne constitue pas, pour autant, une injure grave, au sens de l'article 955 2°, pas plus qu'un refus d'aliments, ce fondement n'étant au demeurant pas invoqué par Mme [I].

La cour remarque en outre que l'appelante a aussitôt répliqué à cette demande en engageant une action en révocation de la donation consentie.

Les autres faits reprochés à M. [E], s'agissant de l'insalubrité non démontrée du logement dans lequel Mme [I] a vécu 14 ans, et le délaissement dont il a fait preuve à l'égard de sa mère, ne sont pas justifiés par l'appelante et ne peuvent constituer des injures graves au sens de l'article précité.

Il convient dès lors de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de révocation pour cause d'ingratitude.

Sur la demande reconventionnelle relative à l'occupation de l'immeuble :

M. [E] sollicite la confirmation du jugement, en ce qu'il a condamné sa mère à lui payer la somme de 11 400 euros au titre de l'arriéré sur 19 mois, à compter du mois de mai 2019, de la 'convention d'occupation prévoyant une participation financière' de Mme [I] en sa faveur. Il en sollicite l'infirmation, en ce que le tribunal a rejeté sa demande d'expulsion.

Sur le statut de l'occupation de l'immeuble :

Les parties demeurent en désaccord sur le statut de l'occupation du bien immobilier par Mme [I], sans contester toutefois que celle-ci a bien occupé la maison entre 2005 et, sans évènement nouveau non porté à la connaissance de la cour, jusqu'au jour de la présente décision.

Ainsi que l'a justement rappelé le tribunal, les éléments de la cause attestent que les parties ont convenu d'une mise à disposition de l'immeuble de Lacanau au profit de Mme [I], et que cette mise à disposition avait une contrepartie financière, les relevés de compte de Mme [I] attestant de virements mensuels réguliers, en début de mois et à partir d'octobre 2005, de sommes ayant évolué dans leur montant, 500 euros en 2005, 550 euros en 2007 et 600 euros à partir de 2010.

Il résulte des dispositions des articles 1709, 1714 à 1716 du code civil que le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à lui payer.

Le bail, s'agissant notamment du bail d'habitation, peut être écrit ou verbal, la preuve de ce dernier pouvant être administrée par tous moyens.

Pour contester la notion de bail, Mme [I] croit pouvoir tirer argument de l'ordonnance de référé rendue le 27 décembre 2019 par le juge d'instance de Bordeaux, disant n'y avoir lieu à référé, en raison de l'existence d'une contestation sérieuse quant à l'existence d'un bail verbal. Cette décision, en ce qu'elle ne statue pas au fond, ne peut avoir autorité de la chose jugée dans le cadre de la présente instance.

Par contre, dans le cadre de l'instance engagée par Mme [I] en révocation de la donation consentie à son fils, sont produits par les parties des éléments suffisamment probants de l'existance d'un bail verbal, résultant :

- des termes mêmes employés dans leurs échanges de SMS, retranscrits à compter du 3 juin 2019, soit Mme [I] à son fils '[L], a linstar du mois de mai, désormais, je ne pourrai plus continuer de payer un loyer.désolée. ch.d', puis, le 11 juin 2019 de M. [E] à sa mère 'Car tu as décidé de ne plus payer ton loyer.pas de nouvelles de toi donc sache que tu peux faire tes cartons je ne suis pas ton banquier car c'est fini de jouer avec moi j'ai engagé une procédure bonne soirée',

- des virements réguliers réalisés en début de mois par Mme [I] en faveur de son fils [L] [E], correspondant à des sommes identiques chaque mois, soit 600 euros depuis 2010 jusqu'en mai 2019,

- la reconnaissance par Mme [I] du versement mensuel d'une 'contribution financière mensuelle', sans aucune intention libérale démontrée, et dont l'utilisation par le créancier (règlement d'un prêt immobilier, paiement des impôts fonciers ou des frais d'entretien du bien) demeure sans incidence sur la qualification du titre d'occupation.

Il convient dès lors de confirmer le jugement, en ce qu'il a condamné Mme [I] à payer à M. [E] la somme de 11 400 euros, au titre de l'arriéré sur 19 mois, à compter du mois de mai 2019, des sommes dues par celle-ci au titre de la 'convention d'occupation' à titre onéreux que la cour qualifie de bail d'habitation.

Sur la demande d'expulsion :

En l'état, M. [E] sollicitant l'exécution du contrat de bail, et n'ayant formulé aucune demande de résiliation de celui-ci devant la cour, il n'y a pas lieu d'ordonner l'expulsion de Mme [I].

Le jugement sera confirmé de ce chef également.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Mme [I] qui succombe en l'essentiel de ses demandes d'appel, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance. Les frais de la sommation du 17 juillet 2019, antérieurs à la présente instance en révocation de la donation, n'ont pas à figurer dans les dépens.

L'équité et le contexte familial du dossier conduisent à débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 13 juillet 2021 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [D] [I] aux entiers dépens de l'appel ;

DEBOUTE les parties de toute autre demande, plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Hélène MORNET, présidente, et par Véronique DUPHIL, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 21/04099
Date de la décision : 26/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-26;21.04099 ?
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