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22/03/2024 | FRANCE | N°23/05090

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 mars 2024, 23/05090


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE SECTION A



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ARRÊT DU : 22 MARS 2024





N° RG 23/05090 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQAY









S.A. LA POSTE





c/



[I] [O]

























Nature de la décision : DÉFÉRÉ























Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 25 octobre 2023 par le magistrat chargé de la mise en état de la chambre sociale de BORDEAUX (RG : 23/313) suivant conclusions portant requête en date du 08 novembre 2023





DEMANDEUR :



S.A. LA POSTE, [Adresse 4] - [Localité 3]



Représentée par Me Sophie BORDAS, a...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 MARS 2024

N° RG 23/05090 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQAY

S.A. LA POSTE

c/

[I] [O]

Nature de la décision : DÉFÉRÉ

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 25 octobre 2023 par le magistrat chargé de la mise en état de la chambre sociale de BORDEAUX (RG : 23/313) suivant conclusions portant requête en date du 08 novembre 2023

DEMANDEUR :

S.A. LA POSTE, [Adresse 4] - [Localité 3]

Représentée par Me Sophie BORDAS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX et par Me Carine KALFON de la SELARL KLP PARTNERS, avocat plaidant au barreau de PARIS

DÉFENDEUR :

[I] [O], né le 31 Mars 1972 à [Localité 6], demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

Représenté par Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 février 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Véronique LEBRETON, première présidente de chambre

Monsieur Eric VEYSSIERE, président de chambre

Monsieur Roland POTEE, magistrat honoraire jurdictionnel

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur François CHARTAUD,

Greffier lors du prononcé : Madame Séverine ROMA,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

[I] [O] a été engagé par la société La Poste le 15 février 1999 par contrat de travail à durée indéterminée et à compter du 1er septembre 2017, il a été promu au poste de directeur de territoire [Localité 5] Centre, emploi qu'il occupait précédemment dans le département du Lot-et-Garonne.

Par courrier de son conseil du 25 septembre 2019, il a dénoncé des faits de harcèlement moral dont il s'estimait victime de la part de sa supérieure hiérarchique.

Le 15 novembre 2019, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une demande à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Par lettre du 31 janvier 2020, la société a informé M. [O] qu'elle concluait à l'absence de harcèlement moral à son encontre.

M. [O] a été licencié pour faute simple par lettre du 21 octobre 2020, la société lui reprochant une attitude hostile, agressive et non constructive envers sa hiérarchie et ses collaborateurs et démentant les faits de harcèlement dont il se prétendait victime.

Le 4 décembre 2020, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une requête en contestation de son licenciement. Les deux procédures engagées par M. [O] ont fait l'objet d'une jonction.

Par déclaration du 20 janvier 2023, la société La Poste a relevé appel du jugement rendu le 2 janvier 2023 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux, qui, statuant en formation de départage, a :

- déclaré nul le licenciement de M. [O],

- ordonné la réintégration de M. [O] au sein de la société dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent de même niveau de qualification et de rémunération,

- condamné la société La Poste à payer à M. [O] les sommes suivantes :

* 6.615,24 euros bruts par mois à titre d'indemnité d'éviction à compter du 22 janvier 2011 et jusqu'à sa réintégration effective outre 661,52 euros par mois pour les congés payés afférents, sous déduction de la somme de 77.880,24 euros nets perçue à titre d'indemnité de licenciement,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire,

* 3.320,99 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par conclusions d'incident du 14 avril 2023, maintenues par conclusions du 31 août 2023, M. [O] a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation de l'affaire, faute pour la société d'avoir exécuté le jugement en totalité, sollicitant la condamnation de la société à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

M. [O] a fait valoir qu'il aurait dû être réintégré dans son poste, le refus opposé par la société La Poste au prétexte qu'il serait déjà pourvu constituant un motif fallacieux et il a soutenu que la société n'a pas réglé l'intégralité des sommes dues.

Par conclusions des 31 mai et 28 septembre 2023, la société La Poste a demandé au conseiller de la mise en état de :

- débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes,

- juger qu'elle a tout mis en 'uvre pour réintégrer M. [O] sur un poste similaire à celui précédemment occupé,

- condamner M. [O] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société La Poste faisait valoir que le poste qu'occupait M. [O] était pourvu depuis le 7 avril 2021, qu'il a réfusé les offres d'emploi équivalent proposées et qu'elle a réglé les condamnations prononcées.

Par ordonnance rendue le 25 octobre 2023, le magistrat chargé de la mise en état, considérant que la société La Poste a mis en oeuvre les obligations lui incombant au titre de la réintégration de M. [O] dans un poste équivalent et que le défaut d'exécution des condamnations pécuniaires prononcées n'était pas établi, a débouté M.[O] de sa demande de radiation et l'a condamné aux dépens ainsi qu'à payer à La Poste la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M.[O] a formé requête en déféré le 8 novembre 2023, et dans ses dernières conclusions notifiées le 14 février 2024, il demande à la cour de:

Déclarer recevable et bien fondé le déféré

En conséquence.

Annuler et à tout le moins réformer la décision entreprise

Statuant de nouveau.

Déclarer bien fondé l'incident de mise en état de M.\/ignollet

Constater que la sociéte LA POSTE n'a pas exécuté, en totalité. le jugement revêtu de l'exécution provisoire,

Ordonner la radiation du rôle

Condamner la société LA POSTE à payer à M.[O] la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maitre Maire, avocat ;

En tant que de besoin

Débouter la POSTE de sa demande reconventionnelle.

Par dernières conclusions du 18 janvier 2024 , la société La Poste prie la cour de:

A titre principal

Déclarer la requête aux fins de déféré introduite par M.[O] irrecevable

A titre subsidiaire

Déclarer M.[O] mal fondé en ses demandes

En tout état de cause

Confirmer l`ordonnance rendue en ce qu`elle a débouté M.[O] de sa demande de radiation et l`a condamné au paiement de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Débouter M.[O] de l'ensembIe de ses demandes

Juger que la société La Poste a tout mis en 'uvre pour le réintégrer sur un poste similaire à celui précédemment occupé et a correctement exécuté les condamnations pécuniaires prononcées à son encontre

Condamner M.[O] au paiement des sommes de :

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'incident soulevé devant le conseiller de la mise en état

- 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente

procédure

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

Condamner M.[O] au paiement d'une amende civile pour procédure abusive à hauteur de 5.000 euros et aux entiers dépens

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité du déféré

M.[O] soutient que le déféré est recevable contre une ordonnance de radiation, d'une part car elle statue sur un incident de procédure ayant pour conséquence de suspendre le cours de l'instance, d'autre part en raison de l'excès de pouvoir du conseiller de la mise en état qui aurait statué sur le fond du litige en appréciant le motif sérieux ou non de sa position quant à son refus des postes proposés par La Poste.

La société La Poste fait valoir qu'aucun recours n'est ouvert en matière de radiation sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, s'agissant d'une mesure d'administration judiciaire et non d'un incident de procédure, sauf en cas d'excès de pouvoir du conseiller de la mise en état dans le cadre d'un appel nullité qui n'est pas ouvert en l'espèce, le magistrat s'étant contenté, pour statuer sur la demande de radiation, d'exercer ses compétences en procédant à un examen précis des circonstances particulières de l'affaire pour déterminer s'il était rapporté la preuve par l'appelant de l'exécution de ses obligations en matière de réintégration, seul chef de la décision contesté par M.[O] qui ne remet pas en cause la motivation relative au paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le conseiller de la mise en état, en cas d'appel, peut décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Il revient donc au magistrat de la mise en état, en application de ce texte, de vérifier l'inexécution alléguée du jugement et, le cas échéant, la réalité des conséquences manifestement excessives que pourrait entraîner son exécution ou l'impossibilité d'exécuter la décision, seules circonstances de nature à faire obstacle à la radiation de l'affaire en cas d'inexécution de la décision bénéficiant de l'exécution provisoire.

Il résulte des dispositions de l'article 916 du code de procédure civile que les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d'aucun recours indépendamment de l'arrêt sur le fond mais que toutefois elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet de mettre fin à l'instance, lorsqu'elles constatent son extinction, lorsqu'elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps ou lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure ou un incident mettant fin à l'instance, une fin de non recevoir ou sur la caducité de l'appel.

C'est donc seulement lorsque, en statuant sur une exception de procédure, l'ordonnance du conseiller de la mise en état met fin à l'instance, que cette décision a, au principal, autorité de la chose jugée et peut être déférée à la cour d'appel.

La radiation du rôle intervenant sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, demeure ainsi une mesure d'administration judiciaire qui ne fait que suspendre l'instance, insusceptible de recours de sorte qu'elle ne peut pas en principe, être déférée à la cour d'appel ( Civ 2ème 18 juin 2009, n°08-15.424 ).

S'il est exact que par exception à ce principe, un 'déféré-nullité' peut être déclaré recevable en cas d'excès de pouvoir du juge, caractérisé soit positivement quand le juge statue en méconnaissance de l'étendue de ses compétences soit négativement en cas de refus de statuer dans son champ de compétence, tel n'est pas le cas si la violation alléguée repose sur une erreur d'appréciation conduisant à un mal-jugé.( Civ 2e 18 déc.2008 n° 07-20.662 P).

C'est encore moins le cas quand le conseiller de la mise en état, pour statuer sur la demande de radiation a, procédé comme la loi le lui impose, à un examen des circonstances particulières de l'affaire et des pièces présentées par les parties pour déterminer s'il était rapporté la preuve par l'appelant de l'exécution de la décision ou des éléments rendant cette exécution impossible ou que l'exécution engendrerait des conséquences manifestement excessives.

Telle est la situation en l'espèce puisque le magistrat de la mise en état, usant du pouvoir d'appréciation conféré par l'article 524 du code de procédure civile, a estimé qu'il n'y avait pas lieu à radiation, la société La Poste ayant mis en oeuvre les obligations lui incombant au titre de la réintégration de M. [O] dans un poste équivalent et le défaut d'exécution des condamnations pécuniaires n'étant pas établi.

Ce faisant, le magistrat n'a commis aucun excès de pouvoir ouvrant droit au ' déféré-nullité' et il peut d'autant moins lui être fait grief d'avoir statué au fond sur le litige que, comme il a été rappelé plus haut, les ordonnances rendues en matière de radiation n'ont pas autorité de chose jugée.

Dans ces conditions, la requête en déféré sera déclarée irrecevable.

Sur les demandes annexes

Même si M.[O] s'est mépris sur les conditions d'ouverture du recours en déférant à la cour l'ordonnance contestée, la procédure ne présente aucun caractère abusif ouvrant droit aux dommages et intérêts réclamés par la société La Poste.

Il sera en revanche alloué à cette société une indemnité complémentaire de 2.000 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés par elle dans le cadre du déféré et qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

Enfin, la même société n'est pas fondée à réclamer le prononcé d'une amende civile dont l'initiative ne peut revenir qu'à la juridiction.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la requête en déféré formée par M.[I] [O] ;

Le condamne à payer à la société La Poste une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Rejette les autres demandes;

Condamne M.[I] [O] aux dépens de l'instance.

Le présent arrêt a été signé par Véronique LEBRETON, présidente, et par Séverine ROMA greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 23/05090
Date de la décision : 22/03/2024
Sens de l'arrêt : Irrecevabilité

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-22;23.05090 ?
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