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21/03/2024 | FRANCE | N°21/05426

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 21 mars 2024, 21/05426


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 21 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/05426 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MKYN













Madame [Y] [O]



c/

S.A.R.L. SOUS MON TOIT [Localité 3]





















Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée aux

avocats le :

à :

Me Philippe LAFAYE, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 septembre 2021 (R.G. n°F19/01530) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 21 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/05426 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MKYN

Madame [Y] [O]

c/

S.A.R.L. SOUS MON TOIT [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Me Philippe LAFAYE, avocat au barreau de BORDEAUX

Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 septembre 2021 (R.G. n°F19/01530) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 30 septembre 2021,

APPELANTE :

[Y] [O]

née le 22 Juillet 1964 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Philippe LAFAYE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.R.L. SOUS MON TOIT [Localité 3] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 1]

Représentée par Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Judith GUEDJ, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 février 2024 en audience publique, devant Madame Valérie COLLET, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Paule Menu, présidente,

Madame Sophie Lésineau, conseillère,

Madame Valérie Collet, conseillère,

greffière lors des débats : Evelyne Gombaud

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

FAITS ET PROCÉDURE

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 6 septembre 2016, la SARL Sous Mon Toit a engagé Mme [Y] [O] en qualité d'assistante de vie à temps partiel pour une durée mensuelle de travail de 25 heures.

Plusieurs avenants au contrat initial ont été signés modifiant la durée mensuelle de travail, le dernier avenant fixant à 34 heures par mois la durée du travail de Mme [O] à compter du 1er février 2019.

La relation contractuelle a été soumise à la convention collective nationale des entreprises de services à la personne.

Par lettre du 11 juillet 2018, la société Sous Mon Toit a convoqué Mme [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 31 juillet 2018.

Par lettre du 15 mars 2019, la société Sous Mon Toit a convoqué Mme [O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 29 mars 2019.

Le 13 juin 2019, la société Sous Mon Toit a notifié à Mme [O] un avertissement.

Par courrier recommandé avec avis de réception du 26 juin 2019, Mme [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le 28 octobre 2019, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux afin de voir dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner la société Sous Mon Toit à lui payer diverses indemnités.

Par jugement du 10 septembre 2021, le conseil de prud'hommes, présidé par le juge départiteur, a :

- dit que la prise d'acte par Mme [O] de la rupture de son contrat de travail produit les effets d'une démission,

- débouté Mme [O] de ses demandes,

- condamné Mme [O] à payer à la SARL Sous Mon Toit la somme de 682,04 euros à titre d'indemnité pour non-respect du préavis,

- rejeté les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la SARL Sous Mon Toit,

- condamné Mme [O] aux dépens.

Par déclaration du 30 septembre 2021, Mme [O] a relevé appel du jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Sous Mon Toit au titre de la procédure abusive et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 1er février 2024 pour y être plaidée.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées le 15 avril 2022 par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, Mme [O] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :

- dire que sa prise d'acte s'analyse en une mesure de licenciement irrégulière et dépourvue de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Sous Mon Toit à lui payer les sommes de :

- 4 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 682,04 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 68,20 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 255,76 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 218,43 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de mai et juin 2019,

- 21,84 euros au titre des congés payés afférents,

- 4 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 2 000,00 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société Sous Mon Toit de ses demandes incidentes,

- condamner la société Sous Mon Toit aux dépens.

Elle soutient que son employeur a commis des manquements graves rendant impossible la poursuite de son contrat de travail. Elle expose tout d'abord que son employeur l'a menacée de sanction et de licenciement en la convoquant à deux reprises à un entretien préalable à l'issue desquels elle n'a fait l'objet d'aucune sanction. Elle ajoute qu'elle a été convoquée le 28 mai 2019 pour recevoir des reproches sur ses prestations sans être pour autant sanctionnée, qu'elle s'est ensuite vue reprocher par téléphone le mécontentement d'une cliente, qu'elle a été menacée de sanction par email du 31 mai 2019 et qu'un avertissement lui a été délivré le 13 juin 2019, à la suite de la lettre qu'elle avait envoyée pour se plaindre des pressions subies et du non-respect par l'employeur de ses obligations en matière de fixation des horaires de travail. Elle estime que l'absence de sanction ne peut être analysée comme une marque de bienveillance. Elle expose ensuite que son employeur n'a pas respecté le contrat de travail s'agissant de la durée du travail et de la modification des horaires de travail. Elle fait ainsi valoir qu'aux termes du dernier avenant, son temps de travail était de 34 heures par mois mais que son employeur a modifié à de multiples reprises ses horaires de travail sans respecter un délai de prévenance suffisant. Elle prétend que l'employeur ne démontre pas qu'il s'est effectivement trouvé dans les cas prévus pour s'exonérer du respect du délai de prévenance de 3 jours minimum. Elle affirme qu'il n'est pas justifié qu'elle aurait imposé des périodes d'indisponibilité ou demandé des modifications de planning, précisant qu'elle n'avait d'autre choix que de compléter ses heures de travail en acceptant les demandes de prestations extérieures proposées par son autre employeur. Elle indique que la société Sous Mon Toit savait qu'elle exerçait un emploi de garde d'enfant pour le compte de la société Safari Kids depuis le 4 septembre 2018 pour une durée mensuelle de travail de 31 heures en moyenne qui était parfaitement compatible avec son emploi au sein de la société Sous Mon Toit. Elle insiste sur le fait que l'employeur devait lui fournir le travail convenu et qu'il reste lui devoir plus de 21 heures de travail pour les mois de mai et juin 2019 par rapport à la durée mensuelle contractuellement convenue.

Elle considère que le barème de l'article L.1235-3 du code du travail ne peut lui être opposé dès lors qu'il ne lui permet pas de bénéficier d'une réparation adaptée.

Outre les indemnités de rupture du contrat de travail, elle s'estime bien fondée à solliciter le paiement de 21,18 heures de travail contractuellement prévu en mai et juin 2019.

Elle estime que la société Sous Mon Toit a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en lui faisant signer une quinzaine d'avenants entre mai 2017 et février 2019, en changeant les plannings sans respecter le délai minimal de prévenance, en n'ayant aucune considération pour sa disponibilité, en ne respectant pas les jours et les heures programmés, ce qui lui a causé un préjudice.

Elle s'oppose aux demandes reconventionnelles de la société Sous Mon Toit, faisant valoir d'une part que son employeur n'est pas fondé à réclamer une indemnité de préavis calculée sur la durée contractuelle du travail qui n'était plus respectée depuis plusieurs mois et d'autre part que son employeur ne démontre pas quelle aurait commis une faute en usant de son droit à agir devant le conseil de prud'hommes et devant la cour.

Par conclusions notifiées le 28 janvier 2022 par voie électronique, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société Sous mon toit demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [O] de l'intégralité de ses demandes et de :

- condamner Mme [O] à lui payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner Mme [O] aux dépens et à lui payer une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle considère qu'aucun manquement ne lui est imputable de sorte que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission. Elle soutient avoir fait preuve d'une grande bienveillance à l'égard de Mme [O] en privilégiant les échanges dans le cadre d'entretiens et en lui notifiant un simple avertissement à défaut d'avoir procédé à son licenciement. Elle dément avoir cherché à exercer la moindre pression sur la salariée, affirmant avoir exercé son pouvoir disciplinaire avec loyauté et sans aucun abus.

Elle estime que Mme [O] est malvenue de lui reprocher d'avoir procédé à des modifications de plannings alors que cette possibilité était prévue dans le contrat de travail mais également par la convention collective applicable. Elle rappelle qu'un délai de prévenance minimum de 3 jours a toujours été respecté mais qu'elle aussi pu appliquer un délai de prévenance inférieur qui rentrait toujours dans les exceptions prévues contractuellement et conventionnellement. Elle ajoute que Mme [O] modifiait ses plannings auprès des bénéficiaires sans en informer préalablement son employeur.

Elle soutient que Mme [O] est mal fondée à se plaindre d'une fluctuation de ses horaires dès lors qu'elle est à l'origine de l'impossibilité de l'affecter à des missions, compte tenu de son indisponibilité du lundi, mardi, mercredi, jeudi et partiellement le vendredi.

Elle prétend que Mme [O] ne s'est pas tenue à la disposition de son employeur conformément aux plages de disponibilité qu'elle lui avait communiquées et que la salariée a refusé plusieurs missions de sorte qu'elle ne peut désormais réclamer le paiement de salaires pour des heures non travaillées.

Elle conteste toute exécution déloyale du contrat de travail, soulignant que Mme [O] a signé tous les avenants à son contrat de travail et que la salariée n'a plus donné suite aux propositions de missions à compter du mois de mai 2019 au motif de son indisponibilité du fait de son second emploi.

Elle conclut que Mme [O] doit être condamnée au paiement de dommages et intérêts pour non-exécution fautive de son préavis.

Elle déclare enfin que Mme [O] conteste en toute mauvaise foi la bonne exécution de son contrat de travail, en éludant la régularisation d'avenants contractuels et en se gardant de justifier de sa situation actuelle, ce qui caractérise une procédure abusive.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, et il convient d'examiner tous les manquements de l'employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés par écrit.

En l'espèce, Mme [O] reproche à son employeur les manquements suivants:

1) de l'avoir menacée de sanctions et de licenciement,

2) ne pas avoir respecté le contrat quant à la durée du travail et la modification des horaires.

S'agissant du premier grief, il convient de relever que les parties ont convenu dans le contrat de travail de Mme [O] que :

- 'le refus répété et non justifié d'exécuter les missions proposées conformément aux engagements contractuels des parties sur les plages de disponibilités contractualisées entre elles est de nature à justifier une éventuelle sanction disciplinaire',

- la salariée a déclaré ne pas vouloir travailler les jours fériés suivants: 25 décembre et 1er mai,

- la salariée a déclaré être indisponible : les lundi et mardi de 12h à 15h, le mercredi de 15h à 18h, le jeudi de 13h à 16h, les vendredi, samedi et dimanche ainsi que tous les soirs de 22h à 7h,

- en raison du travail spécifique de Mme [O], les heures de début et de fin d'intervention doivent être strictement observées.

Il est établi que Mme [O] a été convoquée à deux entretiens préalables à un éventuel licenciement, par courriers des 11 juillet 2018 et 15 mars 2019 et il n'est pas contesté qu'aucune sanction n'a été prononcée à la suite de ces entretiens.

La société Sous Mon Toit produit néanmoins le compte-rendu d'entretien préalable du 29 mars 2019, signé tant par elle que par la salariée, sans aucune réserve, duquel il ressort que la société Sous Mon Toit a procédé à un rappel des obligations de la salariée, dans les termes suivants :

' Il est également rappelé qu'aucune mission ne peut être refusée par la salariée dans le cadre de la durée de travail...de ce fait vos mails de relance en [W] [garde d'enfant] notamment du 11/02, 1/02/2019..ne sont pas recevables pour ne faire que des prestations en tant que Garde d'enfant uniquement....L'activité de service à la personne implique le travail des salariées est en fonction des besoins des bénéficiaires..Nombreuses relances par mail, notamment les : - le mardi 12 mars 2019, augmentation des heures chez Mme [J] informé SMT par mail à 13h35 que la prestation chez mme [J] a été de 2 heures au lieu d'une heure sans aucune autorisation au préalable - par mail, le vendredi 01 février vous choisissez vos intervenants et horaires et vous arrangez avec un usager 'vulnérable' Mme [J] alors que nous vous avions des consignes précises par la famille dont vous étiez informés....le 27 février 2019, Mme [V] nous a informée par mail son mécontentement suite à votre retard de 50mn, pour une prestation qui devait avoir lieu de 19h à 20h, vous êtes arrivée chez Mme [V] à 19h50. Vous n'avez pas contacter ni l'usager et ni l'astreinte pour informer de votre retard....le 05/02/2019, refus de prestations chez Mme [T] [W] et refus de prestations [W] chez Mme [P] (mail du 06 février). Mail du 1 février 2019....Rappel également suite à l'avis négatif paru dans sur les réseaux sociaux, article 19-clause de loyauté, article 22-clause de confidentialité.'

La société Sous Mon Toit produit également un échange de mails du 12 mars 2019 avec Mme [O], cette dernière indiquant à 13h35 que 'Suite à la demande de Mme [J] [Z] et à mon accord, la prestation de ce matin a été de 2hrs, de 10h30 à 12h30. Donc vendredi j'y serai 2hr', son employeur lui répondant dès 13h53 'Nous avons eu des consignes claires et précises de Monsieur [J] [Z] pour effectuer des prestations 2 heures par jour chez Madame [J] [Z], à savoir une heure le matin et une heure en fin de journée. Je vous prie de bien vouloir impérativement faire signer votre feuille d'heure de ce jour. Dorénavant, nous vous prions de ne pas prendre d'initiative et de nous contacter pour toutes baisses ou augmentations des heures chez un usager ainsi que des changements d'horaires. Concernant vendredi 15 mars 2019 votre prestation est d'une heure, à savoir 9h30 à 10H30, merci de respecter les consignes'. Il est encore produit un échange de mails du 1er mars 2019 aux termes duquel, la société Sous Mon Toit a demandé à Mme [O] de justifier son retard de 50mn (19h50 au lieu de 19h) chez Mme [V] tout en lui indiquant 'nous déplorons de nombreux refus de prestations et des attitudes comportementales vis-à-vis de certains usagers qui ne sont pas tolérables', Mme [O] répondant qu'elle n'était pas arrivée à 20h mais à 19h15.

Ces éléments démontrent donc, contrairement à ce que prétend Mme [O], que l'engagement d'une procédure disciplinaire par courrier du 15 mars 2019 n'était pas injustifié, l'employeur pouvant parfaitement choisir, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir disciplinaire, de se contenter du rappel des obligations réalisé le 25 mars 2019 sans prononcer une sanction.

Les parties s'accordent par ailleurs pour reconnaître qu'un entretien a eu lieu le 28 mai 2019, la société Sous Mon Toit ayant précisé dans un mail du 27 mai 2019 à Mme [O] : 'je vous confirme notre entretien prévu le mardi 28 mai 2019 à 14h afin de faire un point sur vos prestations chez les usagers.' Dans son courrier du 31 mai 2019 adressé à son employeur, Mme [O] a précisé : 'vous m'avez convoquée le 28 mai à votre bureau pour me dire que Monsieur [C] s'est plaint des tâches de ménage/repassage que j'ai faites chez lui , ce que j'ai contesté'. Or, la société Sous Mon Toit justifie, par la production d'un email de M. [C] du 24 mai 2019, du mécontentement de ce dernier qui s'est déclaré 'consterné par la pauvre qualité du travail...je suis bon à tout reprendre moi-même..vous comprendrez que je n'ai pas l'intention de payer la prestation et je vous laisse revenir vers moi avec une solution. [Y] a les clés de chez moi.

A vous de voir si c'est améliorable ou si vous me proposez qq'un qui travaille réellement sérieusement...', photographies du linge mal repassé à l'appui. L'entretien du 28 mai 2019 était donc parfaitement justifié au regard de la plainte de M. [C].

Mme [O] allègue s'être vue reprocher par téléphone le mécontentement d'une cliente sans pour autant produire le moindre élément en ce sens.

Si dans un mail du 31 mai 2019, la société Sous Mon Toit a effectivement avisé Mme [O] du fait qu'elle serait amenée à entreprendre 'des démarches disciplinaires' à son encontre en l'absence d'amélioration de son comportement, ce message reposait sur le fait que l'employeur avait reçu un appel téléphonique le jour même 'm'informant de colportage médisant sur l'agence SMT et vos collègues' et que 'plusieurs usagers nous ont fait le même retour'. Ce faisant, la société Sous Mon Toit n'a fait que rappeler à Mme [O] ses obligations découlant de l'article 19 de son contrat de travail (clause de loyauté), la salariée répondant, sans contester le contenu du mail, par mail : 'bien reçu'. La cour observe que dans son courrier également daté du 31 mai 2019, Mme [O] n'est pas revenue sur ce reproche.

Il est enfin établi que le 13 juin 2019, la société Sous Mon Toit a notifié à Mme [O] un avertissement en soulignant que le 29 mars 2019, un rappel de ses obligations lui avait été fait mais que depuis lors de nouveaux faits étaient intervenus et notamment un refus de mission de garde d'enfant le 12 avril 2019 et des plaintes d'usagers mécontents les 15 et 24 mai 2019. Contrairement ce que prétend Mme [O], cet avertissement ne sanctionnait pas les faits antérieurs au 29 mars 2019 mais ceux postérieurs. De plus, la société Sous Mon Toit justifie non seulement du mécontentement de M. [C] mais également de celui de M. [N] [A] qui a écrit dans un mail daté du 15 mai 2019 : 'Madame, par la présente je souhaite que Mme [O] arrêt immédiatement d'intervenir à mon domicile. Rien est fait de ce qu'elle indique..j'ai pris des photos qui sont hallucinantes..je ne veux pas payer un service qui n'a pas été fait...merci de récupérer les clefs de mon domicile...'. Au regard des éléments produits par l'employeur, la cour considère que l'avertissement du 13 juin 2019 était justifié et proportionné aux faits reprochés.

Il s'ensuit qu'à l'exception de la première procédure disciplinaire engagée par courrier du 11 juillet 2018 n'ayant donné lieu à aucune sanction, tous les entretiens, échanges et courriers adressés par l'employeur à Mme [O] sont justifiés par des manquements de la salariée à ses obligations, aucun abus ou comportement fautif de l'employeur n'était caractérisé dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire. S'agissant de la procédure de 2018, la cour considère que si elle n'est pas, en l'état, justifiée, il n'en reste pas moins qu'il s'agit d'un fait ancien ne pouvant justifier à lui-seul la rupture du contrat de travail, un an après, à l'initiative de la salariée, dans le cadre d'une prise d'acte.

S'agissant du second grief, il convient de rappeler que l'article L.3123-6 du code du travail prévoit que :

' Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne:

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.'

Le Point ' i) Répartition de l'horaire de travail' de la section 2 relative à la durée du travail de la convention collective applicable précise que :

' Le détail des interventions accomplies par le salarié auprès des bénéficiaires est tenu à sa disposition par l'employeur. Le salarié peut le consulter à tout moment.

La répartition de l'horaire de travail peut être modifiée en fonction des impératifs de service.

Pour un salarié à temps partiel, les modifications relatives à la répartition de son horaire de travail doivent lui être notifiées dans un délai qui ne peut être inférieur à 3 jours calendaires sauf dans les cas suivants :

-absence non programmée d'un (e) collègue de travail ;

-aggravation de l'état de santé du bénéficiaire du service ;

-décès du bénéficiaire du service ;

-hospitalisation ou urgence médicale d'un bénéficiaire de service entraînant son absence ;

-arrivée en urgence non programmée d'un bénéficiaire de service ;

-maladie de l'enfant ;

-maladie de l'intervenant habituel ;

-carence du mode de garde habituel ou des services assurant habituellement cette garde ;

-absence non prévue d'un salarié intervenant auprès d'un public âgé ou dépendant ;

-besoin immédiat d'intervention auprès d'enfant dû à l'absence non prévisible de son parent.'

Le contrat de travail conclu entre les parties rappelle que les horaires de travail seront indiqués dans un planning remis à la salariée mensuellement et que les modifications de ces horaires sont notifiées en respectant un délai de trois jours sauf dans les cas prévus dans la convention collective. Il résulte en outre de l'article 8 du contrat de travail et de l'avenant du 1er février 2019 portant à 34 heures la durée mensuelle du travail de Mme [O], qu'il avait été expressément prévu la possibilité de demander à la salariée d'effectuer des heures complémentaires dans la limite de 33% de cette durée chaque mois, ce qui permettait ainsi à l'employeur de lui demander de travailler dans la limite de 45,22 heures par mois.

L'examen des plannings, édités mensuellement puis modifiés en cours de mois, ainsi que des fiches de paie de Mme [O] révèlent qu'elle a travaillé 38h en février 2019, 30,5h en mars 2019 compte tenu de ses arrêts maladie du 6 au 10 mars puis du 21 au 22 mars, 33,25h en avril 2019 compte tenu de son arrêt maladie du 19 au 21 avril et des congés payés du 24 au 30 avril, 22,75h en mai 2019 compte tenu de ses congés payés du 1er au 6 mai 2019, 12,5h au mois de juin 2019 compte tenu d'un arrêt maladie du 7 au 8 juin 2019 et de la prise d'acte du 26 juin. Il ne saurait donc être reproché à la société Sous Mon Toit d'avoir manqué gravement à son obligation de fournir du travail à hauteur de 34 heures par mois dès lors que l'employeur a dû également tenir compte des plages d'indisponibilité de la salariée mais également du fait qu'elle travaillait comme garde d'enfant pour un autre employeur, ce qui restreignait d'autant plus les possibilités de lui affecter des missions, mais encore du fait que certains clients, manifestant leur mécontentement en mai 2019, ont clairement indiqué ne plus souhaiter que Mme [O] intervienne chez eux.

Par ailleurs, si l'employeur ne conteste pas avoir pu modifier les plannings de Mme [O] sans respecter le délai de 3 jours minimum de prévenance, il n'en reste pas moins que les modifications ainsi intervenues ont été peu fréquentes et que Mme [O] a toujours été libre de refuser les interventions supplémentaires ce qu'elle n'a d'ailleurs pas manqué de faire en cas d'indisponibilité, de sorte qu'à supposer le manquement établi, ce dernier n'était pas suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à l'initiative de la salariée.

C'est donc très justement que le conseil de prud'hommes a considéré qu'il n'existait aucun manquement suffisamment grave imputable à l'employeur justifiant que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [O] produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il convient par conséquent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte devait produire les effets d'une démission et en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de salaire

Il résulte de l'avenant du 1er février 2019, que la durée contractuelle de travail effectif de Mme [O] a été fixée à 34h par mois et qu'en contrepartie de son activité, sa rémunération brute horaire a été fixée à 10,03 euros. La société Sous Mon Toit ne pouvait donc pas, sans conclure un nouvel avenant, rémunérer la salariée pour un nombre inférieur d'heures de travail effectif. Mme [O] est en conséquence fondée à réclamer le paiement des heures non rémunérées. Ainsi, au mois de mai 2019, 3,4heures n'ont pas été payées tandis qu'au mois de juin 2019, 13,65h n'ont pas été payées sur les 26,15h qui auraient dû être accomplies (compte tenu de l'arrêt maladie de 2 jours et de la prise d'acte du 26 juin). Il s'ensuit qu'il reste dû une somme de 171,01 euros brut au paiement de laquelle la société Sous Mon Toit doit être condamnée outre la somme de 17,10 euros brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté Mme [O] de sa demande de rappel de salaire.

Sur la demande reconventionnelle en remboursement de l'indemnité de préavis

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail entraîne la cessation immédiate de celui-ci (Soc., 29 mai 2013, pourvoi n° 12-15.974).

Il résulte des articles L.1231-1 et L.1237-1 du code du travail que lorsque le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail mais que celle-ci n'est pas justifiée, il doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis.

Le versement de l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas subordonné à l'existence d'un préjudice (Soc., 15 avril 2015, pourvoi n° 13-25.815). Cependant, lorsque le salarié est dans l'incapacité d'effectuer le préavis après s'y être engagé, cette indemnité compensatrice n'est pas due (Soc., 15 janvier 2014, pourvoi n° 11-21.907). Il en est de même lorsque le salarié a proposé à l'employeur d'effectuer son préavis et que ce dernier l'en a dispensé (Soc., 19 mai 2015, pourvoi n°13-25.615).

En l'espèce, la cour considère que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par Mme [O] doit produire les effets d'une démission. En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné Mme [O] à payer à la société Sous mon Toit une somme de 682,04 euros à titre d'indemnité pour non-respect du préavis.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes de l'article L.1222-1 du code du travail : 'le contrat de travail est exécuté de bonne foi'.

En l'espèce, c'est tout à fait vainement que Mme [O] fait valoir que son employeur aurait fait preuve de déloyauté dans l'exécution du contrat dès lors qu'elle ne démontre pas avoir été contrainte de signer les divers avenants à son contrat de travail modifiant la durée mensuelle de travail effectif. La cour ajoute qu'il ne peut être sérieusement reproché à la société Sous Mon Toit d'avoir régularisé des avenants afin que les termes du contrat soient en concordance avec la réalité du travail effectif accompli par la salariée, étant rappelé que les modifications des horaires de travail et du volume horaire sont inhérentes à l'activité spécifique des services à la personne. La mauvaise foi de l'employeur ne se présumant pas et n'étant pas démontrée, il convient de débouter Mme [O] de sa demande de dommages et intérêts et de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'article 32-1 du code de procédure civile, tel que visé par la société Sous Mon Toit, permet à la juridiction de condamner celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive au paiement d'une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés. Or, la société Sous Mon Toit qui ne peut être bénéficiaire d'une amende civile, ne peut réclamer que le paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil. A supposer que tel soit le cas, ce qu'elle ne dit pas expressément, il n'en reste pas moins, qu'elle ne démontre aucun abus dans l'exercice de son droit d'agir tant en première instance qu'en appel par Mme [O], de sorte que la société Sous Mon Toit doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts, le jugement étant en outre confirmé de ce chef.

Sur les frais du procès

Compte tenu de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [O] aux dépens et a rejeté les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [O] qui succombe majoritairement en cause d'appel doit supporter les dépens de cette nouvelle instance et être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles. Il n'est enfin pas inéquitable de laisser supporter à la société Sous Mon Toit la charge de ses propres frais irrépétibles de sorte qu'elle est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour,

Confirme le jugement rendu le 10 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Bordeaux SAUF en ce qu'il a débouté Mme [Y] [O] de sa demande de rappel de salaires,

Statuant à nouveau sur le chef du jugement infirmé,

Condamne la SARL Sous Mon Toit à payer à Mme [Y] [O] la somme de 171,01 euros brut à titre de rappel de salaire pour les mois de mai et juin 2019 outre la somme de 17,10 euros brut au titre des congés payés afférents,

Y ajoutant,

Déboute la SARL Sous Mon Toit de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif,

Condamne Mme [Y] [O] aux dépens d'appel,

Déboute Mme [Y] [O] et la SARL Sous Mon Toit de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Marie-Paule Menu, présidente et par Evelyne Gombaud, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud MP. Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 21/05426
Date de la décision : 21/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-21;21.05426 ?
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