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20/03/2024 | FRANCE | N°23/03542

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 20 mars 2024, 23/03542


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 20 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 23/03542 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLYA













Madame [R] [S]



c/



S.A.R.L. SECUROR

















Nature de la décision : AU FOND

Sur renvoi de cassation

















r>


Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 janvier 2019 (R.G. n°16/00187) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TARBES, Section Activités Diverses, après arrêt de la Cour de cassation en date du 28 juin 2023 cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 23/03542 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NLYA

Madame [R] [S]

c/

S.A.R.L. SECUROR

Nature de la décision : AU FOND

Sur renvoi de cassation

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 janvier 2019 (R.G. n°16/00187) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de TARBES, Section Activités Diverses, après arrêt de la Cour de cassation en date du 28 juin 2023 cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Pau en date du 14 octobre 2021, suivant saisine de 24 juillet 2023 de la cour d'appel de Bordeaux, désignée cour de renvoi

APPELANTE :

Madame [R] [S]

née le 17 Avril 1967 à [Localité 3] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]/FRANCE

représentée par Me Pierre SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

S.A.R.L. SECUROR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 1]

N° SIRET : 378 68 7 1 15

assistée de Me Isabelle BURTIN de la SCP BERRANGER & BURTIN, avocat au barreau de TARBES, représentée par Me Charlotte MORY, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 janvier 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [R] [L], épouse [S], née en 1967, a été engagée en qualité d'agent d'exploitation par la SA Securor, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 novembre 2000. Elle occupait les fonctions d'agent de sécurité opérateur.

Selon plusieurs avenants conclus entre le 31 décembre 2001 et le 29 juillet 2007, et le 5 octobre 2012, Mme [Y] a exercé partiellement puis exclusivement ses fonctions à domicile.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et sécurité.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [S] s'élevait à la somme de 1.970,41 euros.

Le 4 juin 2012, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aboutir au licenciement.

Mme [L] était en couple avec M. [S], le fondateur et ancien gérant de la société, qui a pris sa retraite en mars 2012 pour vendre celle-ci à ses fils devenus gérants. Mme [L] et M. [S] se sont mariés le 13 juillet 2013.

Par courrier du 15 juillet 2013, l'appelante s'est plainte de sa surcharge de travail.

Par lettre datée du 9 septembre 2013, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mise à pied disciplinaire, fixé au 19 septembre 2013, à laquelle elle n'a pu se rendre.

À compter du 12 septembre 2013, la salariée a été placée en arrêt maladie, prolongé jusqu'à la fin de la relation de travail.

A la suite d'une nouvelle convocation du 30 septembre 2013 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire fixé au 8 octobre 2013, l'employeur a notifié à Mme [S], le 17 octobre 2013, une mise à pied disciplinaire à effectuer à son retour d'arrêt maladie.

Le 20 août 2015, l'appelante a été reconnue travailleur handicapé pour la période allant du 19 août 2015 au 31 août 2020.

Lors de la visite de reprise du 1er juillet 2016, Mme [S] a été déclarée inapte à son poste de travail de manière définitive par le médecin du travail, l'avis étant ainsi rédigé : 'Inapte définitive à son poste de travail. L'origine de l'inaptitude, l'organisation du travail et l'état de santé actuel de la salariée ne permettant pas de proposer des mesures individuelles de reclassement dans l'entreprise. " Avis du Médecin du Travail : " INAPTE en un seul examen (Article R.4624-31 du Code du Travail) ".

Par courrier daté du 8 juillet 2016, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, avant d'être licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre du 21 juillet 2016.

La Caisse primaire d'assurance maladie n'a pas reconnu la maladie professionnelle de la salariée.

A la date du licenciement, Mme [S] avait une ancienneté de15 ans et 8 mois, et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Estimant être victime de harcèlement moral, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Tarbes le 18 octobre 2016, contestant à titre principal la validité de son licenciement dont elle demandait la nullité pour harcèlement moral, et à titre subsidiaire sa légitimité, et réclamant le complément de l'indemnité de licenciement, une indemnité compensatrice, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et des indemnités pour licenciement nul outre un rappel de salaire de 11.274,49 euros.

Par jugement avant dire droit du 16 octobre 2017, le conseil de prud'hommes de Tarbes a notamment :

- ordonné à la société Securor de produire, au greffe, les archives Securor pour la période du 1er avril au 15 septembre 2013 ainsi que celles du second PC activité sécurité et les archives téléphoniques du numéro de téléphone Securor, renvoyé au domicile de Mme [R] [S], ceci dans un délai d'un mois qui suit la notification du présent jugement avant dire droit,

- dit que Mme [R] [S] et son avocat seront avisés du dépôt de ces pièces par le greffe et pourront venir consulter ces documents au greffe.

Par jugement rendu le 21 janvier 2019, le conseil de prud'hommes a :

- constaté que Mme [S] n'a pas subi des agissements répétés de harcèlement de la part de son employeur,

- jugé valide son licenciement pour inaptitude à son poste de travail,

- constaté que la demande de Mme [S] au titre de rappel de salaire est prescrite,

- dit que la procédure n'est pas abusive,

- débouté Mme [S] du surplus de ses demandes,

- condamné Mme [S] aux dépens,

- débouté la société Securor de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 14 octobre 2021, la cour d'appel de Pau a :

- confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 21 janvier 2019 sauf en ce qui concerne le rappel de salaire et les dépens,

Et statuant à nouveau sur ces points et y ajoutant,

- déclaré recevables les demandes de Mme [S] formulées en cause d'appel,

- déclaré irrecevables les demandes de rappel de salaire formulées par Mme [S] antérieures au premier août 2013,

- ordonné la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

- condamné la société Securor à payer à Mme [S] les sommes suivantes

* 1.500 euros au titre des dommages et intérêts pour immixtion de l'employeur dans la vie privée de la salariée,

* 1.500 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de la convention collective sur le travail de nuit,

* 2.000 euros au titre des dommages et intérêts du fait de la décote des

indemnités journalières perçues du 12 septembre 2013 au licenciement,

* 206,63 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 1er août 2013 au 11 septembre 2013,

* 828 euros au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires,

* 82 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire sur heures

supplémentaires,

- débouté Mme [S] des demandes au titre :

* du travail dissimulé,

* de la nullité du licenciement,

* des dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L.1332-5 du code du travail,

* des dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de prévention des faits de harcèlement moral,

* des dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de protection de santé de la salariée,

- dit que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt en date du 28 juin 2023, la Cour de cassation a :

- cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Pau, mais seulement en ce qu'il:

- déclare irrecevables les demandes de rappels de salaire antérieures au 1er août 2013;

- déclare recevable la demande de dommages-intérêts pour immixtion de l'employeur dans la vie privée de la salariée et condamne à ce titre la société Securor à payer à Mme [S] la somme de 1.500

- déclare recevable la demande de dommages-intérêts du fait de la décote des indemnités journalières perçues du 12 septembre 2013 au licenciement et condamne à ce titre la société Securor à payer à Mme [S] la somme de 2.000 euros,

- déboute Mme [S] de ses demandes de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et pour violation de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral, de nullité du licenciement et de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de protection de la santé de la salariée,

- en ce qu'il laisse à Mme [S] la charge de ses dépens de première instance et d'appel et en ce qu'il la déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux,

- condamné la société Securor aux dépens.

Par ordonnance et avis de fixation à bref délai du 31 août 2023, le président de chambre a fixé l'affaire à l'audience du 29 janvier 2024 et dit que les échanges entre les parties devront être clos le 15 janvier 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 novembre 2023, Mme [S] demande à la cour de :

- infirmer, en toutes ses dispositions, le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes du 21 janvier 2019, étant rappelé que l'appelante ayant été licenciée

pour inaptitude le 21 juillet 2016, les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ne sont pas applicables au litige,

- débouter l'intimée de toutes ses demandes,

- statuer, à nouveau, sur la totalité des demandes,

- A titre principal, prononcer la nullité du licenciement en lien avec une situation de harcèlement moral, et la réintégration de droit avec paiement de l'indemnité d'éviction et des congés afférents, sur la base d'un temps plein,

- Subsidiairement, prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, l'inaptitude étant en lien avec les manquements de l'employeur qui ne prouve pas avoir respecté l'obligation de sécurité,

- faire droit à la demande relative aux heures supplémentaires, non prescrites, la prescription ayant été suspendue, l'appelante s'étant trouvée dans l'impossibilité d'agir à cause de ses troubles mentaux, comme l'attestent son médecin traitant et son psychiatre ou, subsidiairement, faire droit aux demandes sur la période du 18 octobre 2011 au 12 septembre 2013,

- tirer les conséquences juridiques de l'absence de communication par l'intimée des pièces visées dans la première sommation de communiquer et l'itérative sommation de communiquer (archives téléphoniques des trois lignes, des deux ordinateurs Securor, de l'ordinateur Active Sécurité et registre unique du personnel) et faire en conséquence droit aux demandes,

- fixer la rémunération de référence - sur la base du temps complet - à 1.970,41 euros bruis mensuels,

A litre principal,

- prononcer la nullité du licenciement en lien avec un harcèlement moral,

- prononcer, en conséquence, la réintégration, de droit,

- condamner l'intimée à payer les sommes suivantes :

* 186.279,36 euros d'indemnité d'éviction correspondant à la rémunération sur la base du temps plein depuis le 21 juillet 2016, date du licenciement jusqu'au 21 juillet 2024 (somme à parfaire en fonction de la date de reintégration effective et de la revalorisation annuelle salariale),

* 18.627,93 euros d'indemnité compensatrice de congés acquis pendant la période illicite d'éviction (somme à parfaire en fonction de la date de réintégration),

avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes, au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois, outre la capitalisation,

- lui enjoindre, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, d'émettre les bulletins de paie correspondant, et de justifier du paiement des cotisations aux caisses de retraite,

- lui enjoindre également, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, d'émettre l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi, rectifiée,

- se réserver la faculté de liquider l'astreinte,

Subsidiairement,

- la condamner à payer les sommes suivantes :

* 150.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige,

* 3.328,28 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 332 euros de congés payés afférents sur le fondement de l'article 8 de l'annexe V à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985,

* 5.824,49 euros de rappel de congé acquis pendant la maladie sur le fondement de l'article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, et de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (demande recevable en l'absence de prescription et en application des articles 565 et 566 du code de procédure civile),

En tout état de cause,

- condamner l'intimée à payer les sommes suivantes :

* 30.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait du harcèlement moral,sur le fondement de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail,

* 10.000 euros de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de l'obligation de prévention des agissements de harcèlement moral sur le fondement de l'article L.1152-4 du code du travail,

* 25.000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de protection de la santé, de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail,

* 129.276,37 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 12.927,63 euros de congés payés afférents ou subsidiairement, 45.832,65 euros outre 4.588,26 euros de congés sur le fondement des articles L. 3171-4 du code du travail et 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne,

* 105.151,99 euros de rappel de contrepartie en repos obligatoire, outre 10.515,19 euros de congés payés afférents sur le fondement des articles L. 3121-30 et L. 3121-58 du code du travail,

* 11.822 46 euros d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L. 8223-1 du code du travail,

* 35.000 euros de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale absolue hebdomadaire de 48 heures de travail et des durées minimales de repos sur le fondement du principe constitutionnel du droit au repos et à la santé et des articles L. 3121-20 du code du travail, 6b) de la directive numéro 2003/88 et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne,

* 15.000 euros de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale journalière de 10 heures de travail sur le fondement du principe constitutionnel du droit au repos et à la santé et des articles L. 3121-18 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

* 1.000 euros de dommages-intérêts au titre de la production de deux avertissements des années 2001 et 2003 en violation des dispositions d'ordre public de l'article L.1332-5 du code du travail, violation réitérée en cause d'appel, après cassation partielle,

* 5.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

- condamner l'intimée aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 octobre 2023, la société Securor demande à la cour de':

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tarbes le 19 janvier 2019,

En cas de besoin,

- rejeter les pièces 49, 50 et 16 communiquées par Mme [S],

En toute hypothèse,

- la débouter de toutes ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 8.0000 euros (sic) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de 1ère instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Portée de la saisine de la cour d'appel de renvoi et demandes d'irrecevabilité des demandes nouvelles

La société soulève l'irrecevabilité :

- des demandes sur lesquelles la cour d'appel de Pau a statué et qui ont acquis l'autorité de la chose jugée,

- des demandes de dommages et intérêts pour immixtion dans la vie privée,

- des demandes de dommages et intérêts du fait de décompte des indemnités journalières,

- des demandes nouvelles relatives :

* au rappel des congés acquis pendant la maladie, formulées pour la première fois dans les premières conclusions récapitulatives après déclaration de saisine de la cour d'appel de Bordeaux le 31 août 2023,

* au paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1332-5 du code du travail,

***

Aux termes des dispositions des articles 624 et 638 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce et l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Compte tenu des termes du dispositif de l'arrêt rendu le 28 juin 2023 par la Cour de cassation, la décision rendue par la cour d'appel de Pau le 14 octobre 2021 est définitive en ce qu'elle a :

- déclaré recevables les demandes de Mme [S] formées en cause d'appel,

- ordonné la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,

- ordonné la SA Securor à payer à Mme [Y] 1.500 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de la convention collective sur le travail de nuit, 206,63 euros au titre de rappel de salaires pour la période du 1er août 2013 au 11 septembre 2013, 828 euros au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre 82 euros au titre des congés payés y afférents sur la même période,

- débouté Mme [S] de ses demandes a titre du travail dissimulé et des dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 1332-5 du code du travail.

La Cour de cassation a cassé et annulé et remis sur ces points l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Bordeaux, de sorte que la cour d'appel de Bordeaux est saisie

- des demandes de rappels de salaire antérieurs au 1er août 2013, que la cour d'appel de Pau a déclaré irrecevables,

- de la demande de dommages-intérêts pour immixtion de l'employeur dans la vie privée de la salariée que la cour d'appel de Pau a déclarée recevable et de la condamnation à ce titre de la société Securor à payer à Mme [S] la somme de 1.500 euros,

- de la demande de dommages-intérêts du fait de la décote des indemnités journalières au licenciement perçues du 12 septembre 2013 que la cour d'appel de Pau a déclaré recevable et de la condamnation à ce titre de la société Securor à payer à Mme [S] la somme de 2.000 euros,

- des demandes rejetées de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et pour violation de l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral, de nullité du licenciement et de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de protection de la santé de la salariée,

- des demandes au titre dépens de première instance et d'appel qui ont été laissé à la charge de Mme [S] et de ce qu'elle a été débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

La cour constate que Mme [S] ne formule aucune demande au titre des dommages et intérêts pour immixtion dans sa vie privée et au titre des décotes des indemnités journalières, la Cour de cassation ayant cassé et annulé la décision de la cour d'appel de Pau pour avoir dit ces demandes recevables et avoir statué sur leur montant.

*

La Cour de cassation ayant cassé l'arrêt de la cour d'appel de Pau en ce qu'elle a dit irrecevables les demandes de rappel de salaire antérieures au 1er août 2013, la cour d'appel de renvoi est saisie des demandes en rappel de salaire y compris des heures supplémentaires sur la période qui serait jugée comme non prescrite.

*

Dans la mesure où la contrepartie obligatoire en repos est directement la conséquence de l'accomplissement éventuel d'heures supplémentaires, cette demande sera déclarée recevable comme étant une demande accessoire à celle relative au paiement des heures supplémentaires sollicité en première instance.

De même, les demandes au titre du non-respect des repos hebdomadaires et quotidiens du temps de travail seront déclarées recevables comme étant un complément aux demandes de paiement des heures supplémentaires sollicitées en première instance.

*

Les demandes nouvelles formées par Mme [Y] dans ses conclusions du 25 septembre 2023, concernent le paiement des droits à congés payés acquis sur la période d'arrêt de travail pour maladie.

En application de l'article 564 du code de procédure civile :

'À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire

écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

Conformément aux dispositions de l'article 566 du code de procédure civile : 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'

Cette demande en paiement de congés payés, directement liée à l'exécution du contrat de travail, que la salariée sollicite pour la première fois en cause d'appel après renvoi par la cour de cassation, ne constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes au titre du harcèlement moral ni de l'obligation de sécurité, pas plus que de celles relatives à la rupture du contrat de travail. Cette demande est donc irrecevable.

Mme [S] formule enfin une demande nouvelle dans ses conclusions récapitulatives du 6 novembre 2023, ne figurant pas dans celles du 25 septembre 2023 visant à voir la société condamnée à lui verser la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'article L. 1332-5 du code du travail. Mme [S] soutient que si la cour d'appel de Pau l'a déboutée de cette demande faite devant le conseil de prud'hommes, la demande présentée devant la cour d'appel de renvoi fait suite à la violation devant la cour d'appel de Pau de cette disposition.

Aux termes de l'article 904-10 du code de procédure civile, 'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

La cour d'appel de renvoi ne peut donc statuer sur une demande formulée postérieurement aux conclusions figeant les prétentions des parties et qui porte sur la violation d'une disposition légale par l'intimé devant la cour d'appel d'origine.

Cette demande est par conséquent irrecevable.

*

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur les demandes de rappel des salaires

- sur la période de rappel

Mme [S] fait valoir que la dépression dont elle a souffert pendant trois ans a rendu impossible toute action pour faire valoir ses droits en justice. Selon elle, le délai de prescription a été suspendu le 12 septembre 2013, date du début de son arrêt de travail pour maladie, de sorte qu'elle serait recevable à formuler des demandes de rappel de salaire depuis le 12 septembre 2008. Subsidiairement, elle sollicite les rappels de salaires sur la période du 18 octobre 2011 au 11 septembre 2013.

La société s'oppose à cette demande revenant à reconnaître un 'droit imprescriptible' au paiement du salaire.

Aux termes de l'article 2234 du code civil, 'la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.'

En l'espèce, Mme [S] a été licenciée le 21 juillet 2016 et a saisi le conseil de prud'hommes le 18 octobre 2016.

Au soutien de sa demande de suspension de la période de prescription pendant la durée de son arrêt de travail pour maladie, ayant débuté le 12 septembre 2013, Mme [S] produit :

- l'attestation de suivi par un médecin psychiatre du 26 mars 2014 pour état dépressif majeur, après une hospitalisation du 14 octobre 2013 au 29 novembre 2013 ;

- un courrier non daté du même praticien attestant que 'la patiente présente des symptômes résiduels dépressifs chroniques avec une asthénie (...), une baisse des facultés cognitives et intellectuelles';

- une attestation du 20 mars 2015 du médecin psychiatre indiquant que Mme [S] ' éprouve des difficultés à exécuter des tâches simples du quotidien et se sent vite accablée par les contraintes (...) J'estime qu'elle est incapable de réintégrer son emploi'.

- un courrier du 3 mars 2018, aux termes duquel le psychiatre mentionnait qu'elle avait 'toujours des idées noires, un repli sur soi, des cauchemars et son état actuel n'est pas stabilisé',

- une attestation du 2 juin 2016, aux termes de laquelle il confirme que la convocation par le médecin conseil avait remué des souvenirs de harcèlement ayant nécessité une augmentation du traitement.

Ces attestations médicales ne font pas état de l'impossibilité dans laquelle était placée Mme [S] d'agir en justice en dépit des troubles anxio- dépressif ayant nécessité un arrêt de travail depuis le 12 septembre 2013.

Mme [S] produit ensuite dans le cadre de la procédure, les attestations du médecin psychiatre du 19 mars 2019 et de son médecin traitant du 13 mars 2019, lesquels indiquent :

* suivre Mme [S] pour un trouble dépressif sévère déclenché en 2013 et nécessitant de longs soins. Mme [S] était dans l'impossibilité d'envisager une action en justice et avait perdu ses repères et la notion du temps pendant cette période' ( Dr [I], psychiatre) ;

* Mme [S] a présenté en septembre 2013 un état dépressif réactionnel ayant nécessité une hospitalisation et une prise en charge spécialisée jusqu'à ce jour'.

La cour constate cependant que ni la perte de repères et de notion du temps ni l'impossibilité d'agir en justice n'ont été mentionnées par ces praticiens dans leurs certificats antérieurs à la saisine du conseil des prud'hommes. Par ailleurs, les praticiens indiquent continuer à suivre Mme [S] sans préciser la période au cours de laquelle elle aurait été dans l'impossibilité de saisir la juridiction prud'homale alors même la patiente a fait valoir ses droits au mois d' octobre 2016.

Par ailleurs, la cour relève que Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes le 18 octobre 2016 en contestation de son licenciement pour inaptitude et en demande de rappels de salaires qu'elle a limité dans le cadre de la procédure de première instance aux trois ans précédents la rupture du contrat pour un montant de 11.274,49 euros, formulant la demande de rappel pour la période de 2008 à 2013 devant la cour d'appel de Pau la première fois.

La demande de Mme [S] est donc recevable à agir en paiement des rappels de salaires à compter du 21 juillet 2013 en vertu des dispositions relatives à la prescription des actions en paiement de salaire applicables lors de la saisine du conseil des prud'hommes.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

- sur le montant du rappel des salaires

La cour d'appel de Pau a définitivement requalifié le contrat de travail à temps partiel de 130 heures mensuelles en un contrait à temps complet de 151,57 heures par mois et a condamné la société à verser à Mme [S] la somme de 206,63 euros en rappel de salaires sur la période du 1er août 2013 au 11 septembre 2013.

Au regard du taux horaire dont bénéficiait la salariée mentionné sur ses bulletins de paie et de la requalification du contrat de travail, il convient de fixer le rappel de salaire du 21 au 31 juillet 2013 à la somme de 72,18 euros outre la somme de 7,21 euros au titre des congés payés y afférents.

- Sur les heures supplémentaires

Aux termes des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, L. 3173-3 et L. 3171-4 lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande et au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Mme [S] produit ses bulletins de paie faisant apparaître sa rémunération pour 130 heures de travail effectif, le paiement d'astreintes de 2 heures, de 12 heures et de 14 heures en plus du salaire de base. Elle verse également un tableau des heures de travail effectuées depuis septembre 2008 portant mention de ses heures d'arrivée et de départ, de ses temps de pause et de la durée totale de travail, accompagné d'un calcul du nombre d'heures supplémentaires avec leur majoration, qui constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

L'employeur s'oppose à cette demande et déclare en tant que de besoin s'approprier les moyens du jugement. Au-delà, il sollicite en premier lieu le rejet des pièces 49 et 50 qui sont des attestations d'amis de l'appelante en ce qu'elles ne remplissent pas les conditions exigées par l'article 954 du code de procédure civile, comme n'étant rapportées à aucun moyen.

Il soutient que les temps d'astreinte de Mme [S] n'étaient pas du temps de travail effectif.

La cour relève toutefois que les pièces 49 et 50 sont des attestations des deux enfants de Mme [S] et d'amis, mentionnées au soutien de la demande en paiement d'heures supplémentaires, en ce qu'elles indiquent toutes que Mme [S] n'était pas disponible lorsqu'ils venaient chez elle le soir, étant devant les ordinateurs à son poste de travail sans pouvoir faire de pause. Ces pièces demeurent donc des éléments qu'il appartient à la cour de prendre en considération et d'en apprécier librement la valeur et la portée.

La société communique les déclarations d'horaires établis par Mme [S] elle-même chaque mois, notant de manière manuscrite ses heures de travail, conformes aux dispositions contractuelles et faisant le récapitulatif du nombre d'heures effectives du mois au cours des astreintes, les jours fériés à rajouter éventuellement, les heures de travail effectif hors période d'astreinte et les heures d'astreintes hors temps de travail effectif. Toutefois, cette feuille n'est pas produite sur les mois de juillet, août et septembre 2013.

Aux termes de l'article L. 212-4 devenu L. 3121-1 du code du travail : ' la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.'

Selon l'article L. 212-4 bis devenu L.3121-5 du même code : ' une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.'

Les horaires de travail de Mme [S] tels que résultant de son contrat de travail en date du 5 octobre 2012 étaient ainsi rédigés :

'Mme [L] travaillera en astreinte chez elle de la façon suivante :

Une semaine,

- le mercredi de 12 heures à 14 heures et de 19 heures à 9 heures le jeudi matin,

- le jeudi de 12 heures à 14 heures et de 19 heures à 9 heures le vendredi matin,

- le vendredi de 12 heures à 14 heures,

En alternance avec une semaine,

- le lundi de 12 heures à 14 heures et de 19 heures à 9 heures le mardi matin,

- le mardi de 12 heures à 14 heures et de 19 heures à 9 heures le mercredi matin,

- puis du vendredi 19 heures au lundi suivant à 9 heures.

Concernant les jours fériés le salarié d'astreinte de nuit poursuivra l'astreinte jusqu'à l'heure de reprise du chef de poste suivant.

Au cours de ces périodes d'astreinte, il doit répondre au téléphone ou traiter les alarmes qui lui sont transmises par le PC de télésurveillance, ce qui constitue son temps de travail effectif.

(...) En plus de ce salaire mensuel Mme (...) percevra, à titre de compensation financière pour chaque période d'astreinte de 12 heures, une indemnité correspondant à une heure de travail sur la base du salaire horaire conventionnel correspondant à sa qualification.

Mme (...) remplira une fiche de décompte pour déterminer son temps de travail effectif au cours des périodes d'astreinte, afin de permettre la rémunération de ce travail en conséquence.

Comme le prévoit la convention collective, les temps de travail effectif seront décomptés par cycle de huit semaine, mais il est précisé qu'e cas de modification de l'accord de branche ou de la loi, ces cycles pourront être modifiés et le temps de travail éventuellement annualisé'.

Mme [S] exerçait son travail à domicile, essentiellement de nuit, avait en charge la surveillance du déclenchement d'alarme auprès de 1.700 clients à partir de deux ordinateurs, le premier pour les 1.200 clients de la société Securor et le second pour les 500 clients de la société Active Sécurité, qui sous-traite le traitement des alarmes à Securor, la société ne produisant pas de pièce permettant de contredire le nombre de clients. Elle vérifiait sur les ordinateurs et caméras pour clôturer l'intervention en cas d'absence d'intrusion ou déclencher l'intervention d'un technicien en cas de risque. La société Securor fonctionnait sans interruption sept jours sur sept.

Malgré l'obligation mise dans le jugement avant dire droit du conseil de prud'hommes de Tarbes du 16 octobre 2017, à laquelle l'employeur n'a pas déféré, et la demande de Mme [S] que soit ordonnée la communication des archives relatives aux trois ordinateurs professionnels installés à son domicile afin d'établir sa charge de travail excessive et l'amplitude de ses heures travaillées, la société produit les courriers des opérateurs téléphoniques faisant état de l'impossibilité de communiquer les archives des appels.

Mme [S] produit des tableaux de décompte des horaires effectués chaque semaine faisant apparaître un temps de travail effectif variant de 40 à 85 heures en fonction des semaines d'astreinte.

Mme [S] produit les attestations de ses enfants et d'amies confirmant qu'elle ne pouvait vaquer à ses occupations sur ces temps dit d'astreinte, devant rester à proximité des téléphones et ordinateurs et ne disposant même pas du temps de prendre une douche.

L'employeur produit les relevés d'activité de Mme [S] portant les heures d'appel et les interventions éventuelles ainsi que celui de cinq autres collègues pour attester d'une charge de travail égale.

Par la production des relevés d'activité, la société démontre que Mme [S] ne devait pas seulement rester à son domicile sans sujétions particulières puisque chaque nuit de permanence, elle était sollicitée de manière régulière : ainsi la nuit du 6 au 7 mai 2013 elle a répondu au téléphone 23 fois entre 19h et 9 heures, la nuit du 7 au 8 mai 2013, 43 fois entre 17 h et 9h et le 8 mai 2013 24 fois de 9 h à midi.

La permanence nécessitait la présence et la disponibilité constante de Mme [S], qui ne pouvait donc sortir de son domicile, assimilé à son lieu de travail pour vaquer à ses occupations. Mme [S] devait en effet en permanence et immédiatement être présente pour répondre sans délai aux appels téléphoniques, dans le but d'assurer la sécurité des entreprises clientes. Les temps passés par la salariée à la permanence correspondent à ses fonctions et à l'horaire imposé par l'employeur comme figurant au contrat de travail.

Compte tenu de l'ensemble des obligations pour la société employeur d'assurer une permanence téléphonique continue et pour la salariée d'exercer le soir et la nuit les fonctions attribuées pendant la journée à un autre membre du personnel spécialement affecté à la réception des appels d'urgence, il s'agissait pour Mme [S] de l'exercice d'un travail effectif.

Le contrat de travail de Mme [S] ayant été requalifié en contrat à temps complet, une partie des heures qu'elle comptabilisait comme heures supplémentaires ont été reprises dans le calcul du rappel de salaire.

La cour étant saisie de la demande d'heures supplémentaires dans la limite de la saisine de la Cour de cassation et compte tenu de la prescription retenue ci-avant au 21 juillet 2013, la demande de rappel d'heures supplémentaires ne peut porter que sur la période du 21 au 31 juillet 2013. Or, Mme [S] était en congés payés sur cette période et ne peut donc prétendre au paiement d'heures supplémentaires.

Sa demande sera rejetée.

- sur la contre partie en repos compensateurs

Mme [S] sollicite le paiement de 105.151,99 euros au titre des repos obligatoires depuis 2008, se fondant sur la convention collective ETAM des travaux publics, d'un contingent de 220 heures annuels et d'une contrepartie en repos obligatoire de 100%.

La société s'y oppose contestant la réalisation d'heures supplémentaires et soutenant que les temps d'astreinte ne sauraient se confondre avec du temps de travail effectif.

***

En vertu de l'article L. 3121-11 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce, toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel donne droit à une contrepartie obligatoire en repos, laquelle est fixée à 50% pour les entreprises de moins de 20 salariés en vertu de l'article 18-IV de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.

Ce même article précise que le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contre-partie obligataire en repos à laquelle il a droit reçoit une indemnité en espèce dont le montant correspond aux droits acquis. Cette indemnité a le caractère d'un salaire.

La convention collective applicable en l'espèce, qui est celle des entreprises de sécurité, renvoyant à l'accord du 18 mai 1993 fixe en son article 6 le contingent annuel à 288 heures.

La société comprenait quinze salariés à la date du 1er août 2016, comme mentionné sur l'attestation Pôle Emploi.

Bien que le contrat de travail de Mme [S] mentionne que les temps de travail effectifs seront décomptés par cycle de huit semaines, la convention collective applicable limite l'aménagement des cycles sur une période de 4 semaines. Il convient donc de calculer le nombre d'heures supplémentaires pouvant donner droit à repos compensateur sur une durée moyenne de 35 h sur chacun de ces cycles, sur la seule période non prescrite.

Au regard des tableaux produits au titre de l'année 2013, le contingent annuel de 288 heures étant calculé sur l'année entière comprenant les mois prescrits, déduction faite des périodes de congés payés de 6 semaines, des 17 jours d'arrêt maladie en juin 2013 et de l'arrêt de travail sans reprise à compter du 12 septembre 2013, Mme [S] justifie de la réalisation de 158,5 heures ne pouvant donner lieu à repos compensateur comme étant inférieur au contingent fixé conventionnellement.

La demande de Mme [S] sera rejetée.

- sur la violation des durées maximales de travail de 48 heures hebdomadaire et de 10 heures quotidiennes et des durées minimales de repos

S'appuyant notamment sur l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, aux termes duquel, au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures, Mme [S] sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 35.000 euros de dommages et intérêts pour violation de cette durée maximale hebdomadaire et des durées minimales de repos.

Soutenant également que la durée maximale quotidienne ne pouvait dépasser 10 heures, elle sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts.

La société s'y oppose en contestant les durées de travail présentées par la salariée.

Aux termes des articles L. 3121-34 et L. 3121-35, alinéa 1 er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et de l'article 2 de l'accord sur l'aménagement du temps de travail du 18 mai 1993 applicable en l'espèce, 'le temps du travail peut être aménagé sur une période maximale de 4 semaines ; à l'intérieur de cette période, la durée hebdomadaire du travail est susceptible de variation dans la limite maximale de 48 heures.

La répartition du temps de travail doit se répéter à l'identique d'une période à l'autre, cette répétition étant appréciée relativement à la durée hebdomadaire du travail et non relativement à la répartition des jours de travail à l'intérieur de la semaine.

Le temps de repos entre deux services ne peut être inférieur à 12 heures. 24 heures de repos doivent être prévues après 48 heures de travail.'

De sorte que le dépassement maximal de la durée de 48 heures correspond à une moyenne sur le cycle ainsi fixé de 4 semaines.

Le mécanisme probatoire issu de l'article L. 3171-4 du code du travail ne s'applique pas aux questions relatives aux seuils et plafonds de durées maximales de travail ou aux temps de repos.

L'employeur, sur qui pèse l'obligation de sécurité, doit justifier que les durées maximales de travail hebdomadaire ou quotidienne, les temps de repos ont bien été respectés.

Au vu des pièces produites, Mme [S] ayant pu travailler jusqu'à 16 heures de manière consécutive pendant les week-ends et les jours fériés, il convient de constater le dépassement de la durée maximale de travail sur la moyenne des cycles retenus par la société ainsi qu'un dépassement de la durée maximale quotidienne de travail, Mme [S] ayant travaillé plusieurs journées de suite sans que soit respecté son droit à repos de 12 heures.

Compte tenu des heures supplémentaires précédemment retenues, la durée maximale hebdomadaire de travail fixée à 48 heures a été dépassée à plusieurs reprises, Mme [S] ayant sur certaines semaines effectué 85 heures, de même qu'elle n'a pas bénéficié du repos hebdomadaire notamment dans les termes rappelés par l'accord collectif.

En compensation du dépassement de la durée maximale de travail hebdomadaire, la société sera condamnée à verser à Mme [S] la somme de 5.000 euros et en compensation du dépassement de la durée maximale de travail quotidien, la société sera condamnée à verser à Mme [S] la somme de 5.000 euros.

- Sur le harcèlement moral

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que de tels faits sont avérés, la responsabilité de l'employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de fait ou de droit une autorité sur les salariés.

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de ses prétentions, Mme [S] invoque les éléments suivants

- la multiplication de sanctions disciplinaires sur une courte période de temps, entre juin 2012 et le 17 octobre 2013, incluant la menace d'un licenciement, des avertissements et une mise à pied pour des faits prescrits alors qu'elle était en arrêt de travail pour maladie.

Mme [S] verse :

* la convocation à entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé le 11 juin 2012 suite au non traitement d'une alarme le 28 mai 2012,

* un avertissement en date du 19 juin 2012, pour défaut de traitement d'une information sur le poste de réception des alarmes quatre jours avant, ainsi que le courrier en contestation en date du 25 juin 2012, indiquant procéder de la même manière que son collègue de PC qui ne réagit pas sur une ouverture non autorisée quand la personne était identifiée sur le PC,

* un avertissement en date du 4 octobre 2012 pour non respect des consignes relatives au déclenchement d'une alarme réceptionnée sur le PC de télésurveillance concernant le client de l'Adour sans avoir visionné les images vidéo, ayant provoqué un déplacement inutile chez le client le 2 octobre 2012,

* un avertissement du 28 décembre 2012 pour annulation d'une intervention sans en référer aux supérieurs hiérarchiques le 22 décembre, malgré le rapport d'incident adressé le lendemain des faits, s'étant heurtée au refus du technicien d'astreinte de se rendre sur place, en tenant des propos agressifs à son égard 'je voudrais que le technicien d'astreinte ne me parle plus comme cela, il est très agressif, odieux et ce n'est pas la première fois'.

* un avertissement du 18 juin 2013 relatif à la façon dont elle avait répondu à un client important, M. [W], qui s'est plaint le 3 juin 2013, et auquel elle répond dans sa lettre d'alerte du 15 juillet 2013,

* un courrier du 23 juillet 2013 lui demandant de rédiger un rapport de la gestion de l'intervention du 18 juin 2013 à la Halle Brauhauban demandé par le client GIP et le courrier de réponse de Mme [S] en date du 5 août 2013 confirmant avoir réceptionné la demande d'intervention sur le PC Securor pour la traiter mais l'avoir mise en attente en raison d'autres alarmes avec vidéo sur le PC Active Sécurité nécessitant qu'elles soient traitées en priorité.

* un courrier du 9 septembre 2013 la convoquant à un entretien préalable fixé le 19 septembre 2013 alors qu'elle était en arrêt de travail depuis le 12 septembre et un certificat médical du Dr [P] du 16 septembre 2013;

* un courrier du 30 septembre 2013 la convoquant à un entretien préalable à une sanction disciplinaire portant le même objet que le précédent auquel elle n'a pas pu se rendre, la sanction envisagée étant une mise à pied, un certificat du même médecin en date du 2 octobre 2013 justifiant de son impossibilité de se déplacer,

* une mise à pied à titre disciplinaire pour les faits qui se sont déroulés le 18 juin 2013, pour retard de plus de 40 minutes entre l'appel et la demande de l'intervention, sans que l'employeur ait constaté la nécessité de gérer d'autres alarmes simultanément.

- une charge durée excessive de travail et une pression constante à son domicile. Elle devait surveiller les ordinateurs et répondre à des appels téléphoniques nuit et jour.

Mme [S] produit :

* la lettre recommandée adressée à son employeur le 15 juillet 2013 aux termes de laquelle elle faisait remarquer que la modification de ses horaires en 2012 avait augmenté sa charge de travail et que depuis mai, il lui avait été imposé un PC supplémentaire sans la former. Elle indiquait que les astreintes du vendredi 19h au lundi 9h ou 12h étaient 'inhumaines' et représentaient 62 h de travail minimum entre-coupées de quelques courtes séquences de sommeil, sans pouvoir se doucher ni aller aux toilettes;

Elle précisait que cette charge de travail expliquait les propos tenus à M. [W]. 'Avec ces nouvelles conditions de travail que vous m'imposez , il me sera très difficile voir impossible de tenir physiquement et psychologiquement;

* un courrier de réponse de la société en date du 16 septembre 2013 lui rappelant que son temps de travail est organisé sous la forme de cycles de travail d'une durée de huit semaines comme précisé dans l'avenant de juin 2012, mais qu'il s'agit d'un temps d'astreinte, lui permettant de vaquer à ses occupations, seuls les temps de traitement des alarmes et interventions nécessaires étant du temps de travail effectif. L'employeur rappelle dans ce même courrier avoir formé la salariée au nouveau PC le 13 mai 2013, qui ne concerne que quatre clients;

* un courrier de la société en date du 30 septembre 2013 demandant la restitution des trois ordinateurs professionnels alors qu'elle était en arrêt de travail pour maladie du médecin faisant état d'un 'état dépressif réactionnel, contexte de stress professionnel';

* l'attestation de sa fille témoignant de sa charge de travail un week-end sur deux. Mme [S] n'avait 'pas le temps de se doucher, d'aller aux toilettes et de manger avec nous car le téléphone sonnait' et celle de son fils ajoutant qu'il avait vu sa mère en larmes sur son poste de travail en raison du rythme soutenu,

* trois attestations d'amies selon lesquelles elle n'avait pas le temps de dîner avec elles, le téléphone sonnant sans arrêt;

- une dégradation de ses conditions de travail ayant conduit à un arrêt de travail pour maladie pendant trois ans ininterrompus, du 12 septembre 2013 au 1er juillet 2016.

Mme [S] produit :

* les arrêts de travail mentionnant 'l'état dépressif réactionnel, contexte de stress professionnel',

* l'avis d'inaptitude en date du 1er juin 2016 précisant 'l'origine de l'inaptitude, l'organisation du travail et l'état de santé actuel de la salariée ne permettent pas de proposer des mesures individuelles de reclassement dans l'entreprise',

* l'attestation du médecin traitant du 10 octobre 2013 faisant état d'un 'état dépressif important dans un contexte de stress professionnel' ,

* l'attestation de suivi par un psychiatre du 26 mars 2014 pour état dépressif majeur, après une hospitalisation du 14 octobre 2013 au 29 novembre 2013. Le même psychiatre atteste que depuis sa sortie de clinique, 'la patiente présente des symptômes résiduels dépressifs chroniques avec une asthénie, un désinvestissement social, des réactions anxieuses récurrentes et une baisse des facultés cognitives et intellectuelles. La patiente attribuait ces troubles à un harcèlement moral subi au travail ayant un effet traumatique et entrainant des séquelles psychiques et une perte d'estime de soi. Elle est actuellement sous traitement anti-dépresseur et anxiolytique et son état de santé reste fragile'.

Par nouvelle attestation du 20 mars 2015, le psychiatre indique qu'elle est suivie depuis deux ans suite à un séjour à la clinique pour un état dépressif sévère (...) 'Elle éprouve des difficultés à exécuter des tâches simples du quotidien et se sent vite accablée par les contraintes. Elle a tendance à éviter le monde extérieur et se replie sur elle. J'estime qu'elle est incapable de réintégrer son emploi'.

Dans un courrier du 3 mars 2018, le psychiatre certifiait que Mme [S] 'avait toujours des idées noires, un repli sur soi, des cauchemars et son état actuel n'est pas stabilisé'. Le 2 juin 2016, il confirmait que la convocation par le médecin conseil avait remué des souvenirs de harcèlement ayant nécessité une augmentation du traitement.

* la notification de la reconnaissance de travailleur handicapé par la MDPH le 19 août 2015, qui lui a été notifié le 20 août 2015,

* l'avis d'inaptitude en date du 1er juin 2016,

* la délivrance d'une pension invalidité de catégorie 1 par la CPAM le 3 juin 2016,

* sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, rejetée par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelle le 21 juin 2017.

Mme [S] présente ainsi des faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, laissent présumer une situation de harcèlement moral, imputables à la société Securor.

Il appartient donc à la société de justifier, pour les faits considérés ci-avant comme établis, que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

La société déclare s'approprier les moyens retenus par le conseil de prud'hommes dans son jugement et pour le surplus indique :

- sur la multiplication répétée de sanctions disciplinaires sur une courte période de temps, entre juin 2012 et le 17 octobre 2013, incluant la menace d'un licenciement, des avertissements et une mise à pied pour des faits prescrits alors qu'elle était en arrêt de travail pour maladie :

Pour justifier des sanctions prises, l'employeur verse les attestations de :

* M. [V] chef de service de Mme [S], qui confirme qu'à 'plusieurs reprise, elle a fait des erreurs répétées sur son poste de travail, mettant en défaut les liens commerciaux entre certains de nos clients et la société. A aucun moment cette opératrice n'a pu être sanctionnée sous prétexte que cette dernière fréquentait M. [Z] [S] depuis déjà quelques années et donc était protégée par celui-ci'. Après le départ à la retraite du gérant, il indique que la salariée a continué à cumuler des erreurs professionnelles 'cette dernière, après plusieurs avertissements oraux de ma part, a fini par être sanctionnée. Je tiens à préciser que cette salariée a été sanctionnée, certes à plusieurs reprises mais du fait uniquement lié à ses erreurs répétées sur son poste de travail et parfois à un manque de respect auprès de nos clients. Je tiens également à préciser que les sanctions prises à l'égard de Mme [S] depuis le 1er avril 2012 ont été prises et uniquement sur ma demande expresse'.

* Mme [A], indiquant que Mme [S] indiquait à tort qu'elle ne lui retransmettait pas les messages donnés le matin lors de la relève, qu'elle recevait des appels de clients mécontents de la façon dont leur déclenchement d'alarme avait été traité pendant la nuit et de la nécessité pour elle d'appeler Mme [S] plusieurs fois le soir afin qu'elle prenne son poste, cette dernière arrivant fréquemment en retard

Ces attestations ne sauraient suffire à caractériser les fautes reprochées à Mme [S], comme étant rédigées en termes généraux sans faire référence à un fait ni une journée particulière, le chef de service évoquant les avertissements oraux et n'étant pas le signataire des avertissements ainsi notifiés.

Aucune plainte de client n'est produite et le relevé des horaires de Mme [S] ne fait pas apparaître de retard sur certaines prises de poste.

* Selon ces attestations, Mme [S] était une salariée dont les erreurs étaient 'couvertes' par l'ancien gérant, ce qui explique que la multiplication des sanctions avec les nouveaux gérants.

Pour contester le lien entre le mariage de la salariée avec l'ancien gérant et les nombreuses sanctions reçues en 2012/2013, l'employeur produit les avertissements reçus de l'ancien gérant en 2001 et 2002. Ces sanctions démontrent toutefois que Mme [S] ne bénéficiait pas d'un traitement de faveur, l'employeur ayant indiqué dans ses conclusions que Mme [S] fréquentait le gérant avant d'être embauchée en 2000.

Aux termes des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Le doute, s'il subsiste, profite au salarié.

La société ne rapporte pas la preuve des fautes reprochées à la salariée le 28 mai 2012. Le rapport d'incident n'est pas produit et aucun élément n'établit que Mme [S] n'a pas assumé son erreur.

Dans son courrier du 25 juin 2012, Mme [S] conteste non pas ne pas avoir traité une information sur le poste de réception des alarmes quatre jours avant, mais d'être traitée de manière différente que ses autres collègues qui ne déclenchent pas d'intervention quand la personne est identifiée sur le PC. La société ne produit pas le mode opératoire permettant de retenir le caractère fautif du comportement de Mme [S].

La société ne rapporte pas non plus la preuve d'une intervention inutile le 2 octobre 2012 auprès du client de l'Adour ainsi que reproché à Mme [S] dans l'avertissement en date du 4 octobre 2012.

S'agissant de l'incident du 22 décembre 2012, alors que Mme [S] a fait un rapport le lendemain pour faire part de ses difficultés et dénoncé des propos agressifs d'un collègue, technicien d'astreinte qui l'a insulté, la société ne démontre pas le caractère fautif de l'annulation de l'intervention ni des observations qui ont pu être faites à ce technicien.

Si certains collègues ont indiqué que Mme [S] était hautaine à leur égard et leur parlait mal, Mme [S] a reconnu les faits dans le courrier qu'elle adresse le 15 juillet 2013, liant son ton agressif vis à vis de M. [W] uniquement à sa charge de travail.

S'agissant de la gestion de l'intervention du 18 juin 2013 à la Halle Brauhauban demandé par le client GIP, Mme [S] a reconnu avoir été en difficulté en ayant dû gérer plusieurs alarmes dans le même temps et les avoir traitées par ordre de priorité.

Par courriers des 9 et 30 septembre 2013, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant être une mise à pied disciplinaire le 19 septembre 2013, décalé au 2 octobre 2013 en raison de son arrêt maladie, malgré l'arrêt de travail mentionnant 'état dépressif réactionnel contexte de stress professionnel'. La notification de la sanction lui a été remise par voie postale pendant son arrêt de travail pour ces faits qui se sont déroulés le 18 juin 2013.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, l'employeur doit engager la procédure disciplinaire dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle il a connaissance des faits qu'il reproche au salarié. En l'espèce, les derniers faits fautifs reprochés à Mme [S] sont datés du 18 juin 2013, l'employeur ayant demandé un rapport le 23 juillet dont il n'a eu connaissance que postérieurement au 5 août 2013 suite à la procédure de vérification. La procédure disciplinaire ayant été engagée par la remise du courrier pour un entretien préalable le 9 septembre 2013, les faits ne sont pas prescrits.

Toutefois, l'employeur qui indique avoir constaté que le retard entre l'appel et la demande de l'intervention avait dépassé plus de 40 mn, et qu'il n'y avait pas eu nécessité de gérer d'autres alarmes simultanément n'en justifie pas, le rapport d'activité produit en pièce 25 sur cette période ne fait apparaître aucune activité pour Mme [S] sur la journée du 18 juin 2013.

La société justifie d'une faute de Mme [S] le 3 juin 2013. En revanche, s'agissant des erreurs reconnues par la salariée le 2 octobre 2012 pour une intervention inutile, le DUERP produit par la société note la difficulté de procéder à de multiples manipulations sur le poste de travail pour passer du traitement des alarmes à la visualisation des vidéos, dont le correctif sera apporté en novembre 2015 par l'achat de tablettes dédiées à la vidéo.

De même l'erreur du 18 juin 2013 est relevée comme facteur de stress dans le DUERP 'dû au fait de recevoir les appels de deux PC différents' et a été corrigée par la mise en place d'un nouveau téléphone en supplément de celui déjà en place dédié au PC Active, le 20 septembre 2016.

Enfin, au regard des causes de l'arrêt maladie qui avaient été portées à la connaissance de l'employeur, du courrier d'alerte de la salariée sur sa situation psychologique le 15 juillet 2013, du rapport rédigé le 5 août sur le stress induit par la gestion de plusieurs appels simultanés, il apparaît que l'employeur a notifié de nombreuses sanctions injustifiées à une salariée affaiblie par ses conditions de travail ;

- une charge durée excessive de travail et une pression constante à son domicile, devant surveiller les ordinateurs et répondre à des appels téléphoniques nuit et jour.

L'employeur :

* soutient avoir communiqué les tableaux d'horaires de travail,

* indique que l'avenant signé le 12 novembre 2012 était le fruit d'un dialogue social et a abouti à réduire de 10 jours annuels le temps de travail de Mme [S], mais l'ancien contrat prévoyait 23 semaines d'astreintes du vendredi au vendredi soit 138 heures d'astreintes, 23 semaines de repos et 5 semaines de congés payés alors que l'avenant de novembre aboutit à 167 jours d'astreinte, 167 jours de repos et 30 jours de congés payés,

* produit des attestations de salariés aux termes desquelles la reprise de la société par les fils du compagnon de Mme [S] en avril 2012 a permis d'alléger leur charge de travail, avec une augmentation de leur revenu, grâce à une meilleure organisation du travail.

La société produit le contrat de travail de Mme [S] en date du 27 juillet 2007 avec un temps de travail sur le site de la société du lundi au jeudi en semaine 2 et uniquement le vendredi en semaine 1 de 12 h et 14h et de 19h à 9 h le lendemain matin à son domicile ainsi que les samedi et dimanche entre les semaines 1 et 2, correspondant à 130 h de travail par mois, auquel s'ajoutaient les fonctions d'agent d'entretien - archiviste pour 21,67 heures. Par avenant du 12 novembre 2012, la salariée a été positionnée uniquement à son domicile.

Si la modification du temps de travail de Mme [S] résulte essentiellement de sa réalisation au domicile, cette dernière n'a bénéficié d'aucune augmentation de revenu pour le même temps de travail, comme en attestent ses bulletins de paie.

* verse les relevés de temps de travail remplis et signés par Mme [S], chaque mois avec les bulletins de paie y afférents pour démontrer que le temps de travail effectif de la salariée ne dépassait pas 130 heures. Il justifie ne pouvoir communiquer les documents d'archives des appels téléphoniques pour lesquels Mme [S] l'a mis en demeure.

* communique les relevés des activités des autres agents démontrant que cette activité était identique sur la période du 1er avril au 15 septembre 2013. Ces rapports qui listent par jour les différents appels clôturés avec ou sans intervention, l'heure de l'intervention permettent d'établir une similitude dans le rythme de travail des opérateurs.

La cour a retenu que ces relevés attestaient de sollicitations fréquentes sur les heures d'astreinte de Mme [S].

* produit des attestations d'anciens salariés ayant demandé de quitter la société ou de changer de service afin de ne plus être sous la hiérarchie de Mme [S] qui leur manquait de respect (M. [N], M. [H], M. [G]) ou profitait de sa position de compagne du PDG qui la favorisait pour les congés ou de remplacement d'été (M. [G], M. [E]).

Ces attestations n'apportent pas d'élément de preuve relatif à la charge de travail dénoncée par Mme [S] qui produit un courrier d'alerte suite à un incident survenu le 22 décembre 2012, se plaignant d' insultes à son égard d'un technicien de permanence. La société ne produit aucun courrier de plainte de salariés à l'encontre de Mme [S] pendant l'exercice du contrat de travail.

* soutient, au vu des attestations de ses enfants et ses amies, que Mme [S] pouvait vaquer à ses occupations puisqu'elle organisait des dîners.

Toutefois, ces attestations tendent à démontrer que les horaires prévus au contrat de travail constituaient du temps de travail effectif et non des astreintes puisque la salariée ne pouvait recevoir d'amies sur ces périodes, qui revenaient à la fréquence d'un week-end sur deux.

* rappelle la présence de la salariée uniquement cinq mois au sein de la société en 2013 alors qu'elle fait remonter les actes de harcèlement à mai 2013 dans son courrier de juillet.

* mentionne le contexte de tension familiale, M. [S] ayant été condamné pour menaces de mort sur ses fils et transport d'arme le 2 septembre 2014. Cette circonstance ne peut justifier les agissements dénoncés

Par courrier du 15 juillet 2015, Mme [S] dénonce la modification des plannings, l'employeur ayant supprimé des astreintes entre 12 et 14 h courant 2013 pour ajouter l'astreinte du samedi matin entre 9 et 12 h. Elle met également en cause le 'doublement' de sa charge de travail en lui imposant un PC supplémentaire. La société qui indique dans ses conclusions que Mme [S] avait été formée sur ce nouveau logiciel le 13 mai n'en rapporte pas la preuve, comme il ne justifie pas du nombre de clients gérés pour le compte de la société Active Sécurité, Mme [S] évoquant 500 clients alors que la société parle de 4 seulement.

La cour d'appel de Pau dans son arrêt devenu définitif en date du 14 octobre 2021 a requalifié le contrat de travail à temps partiel de Mme [S] en contrat de travail à temps complet eu égard aux temps de travail effectif. La cour, sur renvoi de la Cour de cassation a considéré que le maintien constant de la salariée à la disposition de l'employeur, même à son domicile, sans qu'elle puisse vaquer à ses occupations entraînait une qualification de ses temps dit d'astreinte dans le contrat de travail en temps de travail effectif. Il a ainsi été reconnu que la société avait manqué à ses obligations de respect des durées de temps de travail maximales tant quotidienne qu'hebdomadaire.

En considération de l'ensemble des éléments, la société échoue à démontrer que les faits invoqués par Mme [S], sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral, aucune explication n'étant notamment donnée sur la multiplication des nombreuses sanctions disciplinaires dans un temps très court dont une mise à pied pendant un arrêt de travail pour maladie qui a constitué le premier terme d'un épisode dépressif sévère, alors que Mme [S] avait alerté son employeur quelques mois auparavant.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de sa demande au titre du harcèlement moral.

En réparation du préjudice moral subi par Mme [S], l' employeur sera condamné à lui verser des dommages et intérêts d'un montant de 7.000 euros.

Sur l'obligation de sécurité

Mme [S] sollicite réparation du manquement de l'employeur qui n'a pas pris toutes les mesures pour empêcher la situation de harcèlement moral qu'elle a subi ni pour prévenir sa santé et sa sécurité en termes de charge de travail, ayant régulièrement dépassé les durées maximales de travail quotidienne et hebdomadaire.

L'employeur produit le document unique relatif à l'évaluation des risques professionnels dans l'unité de travail de service de télésurveillance.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennen t:

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du code du travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit assurer la protection de la santé des travailleurs dans l'entreprise et doit notamment mettre en oeuvre les mesures de nature à prévenir les faits de harcèlement moral.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

En l'espèce, Mme [S] déclarait ses temps d'astreinte, ses temps d'intervention ainsi que ses temps de travail effectif sans que l'employeur ne contrôle ces heures, ne se servant des informations que pour procéder à l'établissement des bulletins de paie.

De fait, la cour a retenu que l'employeur n'était pas en mesure de démontrer le respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire de travail alors que les horaires communiqués par la salariée faisaient état d'un dépassement régulier des durées maximales de travail, tant hebdomadaire que quotidienne.

La société ne produit aucun document interne permettant de justifier qu'elle a pris les mesures nécessaires en matière de prévention du risque de harcèlement moral au sein de la société.

Au-delà, le DUERP produit montre que de nombreux cas de stress identifiés après 2012 correspondent à ceux dénoncés par Mme [S] lors de l'exécution de son contrat de travail : réception d'appels de deux PC différents, nombreuses manipulations sur le poste de travail pour passer du traitement des alarmes à visualisation des vidéos, nombreuses astreintes de nuit, coupure du temps de repos entre 12 et 14 h après une astreinte de nuit.

Les manquements de l'employeurs sont donc établis.

En réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral il sera alloué à Mme [S] la somme de 2.000 euros.

En réparation du préjudice résultant du manquement à l' obligation de protection de la santé, la société sera condamnée au paiement d'une somme de 1 000 euros.

Sur la rupture du contrat de travail

- sur la demande en nullité du licenciement

En application de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, tout acte contraire est nul.

En conséquence, toute rupture du contrat ayant pour origine le harcèlement moral dont le salarié a été victime est nulle.

Mme [S] a été licenciée suite à la constatation de son inaptitude par le médecin du travail. L'avis de ce dernier est ainsi rédigé : ' inapte définitive à son poste de travail . L'origine de l'inaptitude, l'organisation du travail et l'état de santé actuel de la salariée ne permettent pas de proposer des mesures individuelles de reclassement dans l' entreprise'. S'y ajoutent les certificats médicaux et la lettre d'alerte examinés supra qui établissent aussi que l'altération de l'état de santé de Mme [S] est consécutive aux agissements de harcèlement moral. Le fait que la salariée n'ait pas obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle étant à cet égard sans emport.

Le licenciement de Mme [S] est nul.

- sur la demande de réintégration avec paiement de l'indemnité d'éviction

A titre principal, Mme [S] demande sa réintégration dans l'entreprise et le paiement d'une indemnité d'éviction égale aux salaires portant sur la période de son licenciement jusqu'à sa réintégration effective.

Le salarié dont le licenciement est nul en application des articles L. 1226-9 et L.1226-13 du code du travail et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé.

La société s'y oppose en ce que la salariée reproche à son employeur des faits de harcèlement moral qui seraient incompatibles avec une réintégration et soutient subsidiairement que la demande de paiement des salaires devrait être limitée à la date à laquelle Mme [S] a formé tardivement cette demande pour la première fois.

En cas de licenciement nul, sauf impossibilité matérielle, la réintégration sollicitée par le salarié doit être ordonnée. La société ne produit aucun élément établissant l'impossibilité de réintégrer la salariée, la reconnaissance d'un harcèlement moral étant inopérante.

La tardiveté de la demande de réintégration et l'existence du harcèlement moral à l'origine de l'inaptitude du salarié ayant conduit à la nullité du licenciement ne caractérisent pas une impossibilité de réintégration.

Dès lors la cour ordonne la réintégration de Mme [S] au sein de la société dans son emploi ou dans un emploi équivalent.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

La somme allouée au salarié dont le licenciement a été annulé, correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, est versée à l'occasion du travail et entre dans l'assiette des cotisations sociales.

S'agissant de l'indemnité d'éviction, ainsi que relevé par la société, Mme [S] formule pour la première fois dans ses conclusions du 6 novembre 2023 la demande de réintégration et le paiement des salaires depuis le 21 juillet 2016, soit sept ans après avoir saisi le conseil de prud'hommes le 18 octobre 2016. Mme [S] ne percevra que les salaires dus depuis sa demande du 6 novembre 2023 jusqu'à sa réintégration effective.

La société sera par conséquent condamnée à verser à Mme [S] une indemnité d'éviction sur la base d'un salaire mensuel de 1.970,41 euros à compter du 6 novembre 2023 jusqu'à sa réintégration effective, somme de laquelle il conviendra de déduire les éventuels revenus d'activité ou de remplacement perçus par Mme [S] pendant cette même période, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée dès lors qu'une nouvelle visite médicale devra être organisée avant la reprise.

- sur la demande de congés payés pendant la période d'éviction

Mme [S] formule cette demande pour la première fois dans ses conclusions du 6 novembre 2023.

Il y a donc lieu de limiter cette demande aux droits à congés pays auxquels la salariée a droit à compter de cette date.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, à l'exception des sommes au titre de l'indemnité d'éviction qui portera intérêt au taux légal à compter du 6 novembre 2023, et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

La société devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société, qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [S] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

dans la limite de sa saisine,

Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de Tarbes du 24 février 2021;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes de Mme [S] portant sur un travail dissimulé, le paiement des droits à congés payés acquis sur la période d'arrêt de travail pour maladie et le paiement de dommages et intérêts pour violation de l'article L. 1332-5 du code du travail,

Déclare irrecevables les demandes de rappel de salaire et d'heures supplémentaires pour la période antérieure au 20 juillet 2013,

Dit n'y avoir lieu à écarter les pièces 16 49 ,et 50 de Mme [S] ;

Dit que Mme [S] a été victime de harcèlement moral,

Dit nul le licenciement de Mme [S],

Ordonne sa réintégration dans les effectifs de l'entreprise à compter du 6 novembre 2023,

Condamne la société Securor à verser à Mme [S] les sommes suivantes

- 72,18 euros au titre des rappels de salaire sur la période non prescrite du 21 au 31 juillet 2013,

- 7,21 euros au titre des congés payés y afférents

- 7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention du harcèlement moral,

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l' obligation de protection de la santé;

- 5.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dépassement de la durée maximale hebdomadaire de 48 heures de travail et des durées minimales de repos,

- 5.000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dépassement de la durée maximale journalière de 10 heures de travail,

Déboute Mme [S] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et des repos compensateurs,

Condamne la société Securor à verser à Mme [S] une indemnité d'éviction d'un montant mensuel brut de 1.970,41 euros outre 10% de congés payés à compter du 6 novembre 2023 jusqu'à sa réintégration effective ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Dit que ces sommes porteront intérêts au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois, la capitalisation ne pouvant être ordonnée que dans la limite d'exigibilité de la créance d'une année,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, et que l'indemnité d'éviction portera intérêt au taux légal à compter du 6 novembre 2023, et au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Dit que la société Securor devra délivrer un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées ainsi qu'une attestation France Travail rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée,

Condamne la société Securor aux dépens ainsi qu'à verser à Mme [S] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 23/03542
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;23.03542 ?
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