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20/03/2024 | FRANCE | N°21/02944

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 20 mars 2024, 21/02944


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 20 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02944 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD3V













Monsieur [J] [S]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/21/16982 du 02/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)



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S.A.R.L. SOFADES











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Nature de la décision : AU FOND











Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 mai 2021 (R.G. n°F 20/00181) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivan...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02944 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MD3V

Monsieur [J] [S]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 33063/02/21/16982 du 02/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

S.A.R.L. SOFADES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 mai 2021 (R.G. n°F 20/00181) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 21 mai 2021,

APPELANT :

Monsieur [J] [S]

de nationalité française, demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Pierre LANDETE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Sofades, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 515 392 074

représentée par Me Marie BRUNOT, avocat au barreau de BORDEAUX

substituant Me Philippe DARQUEY de la SCP DARQUEY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [J] [S], né en 1973, a été engagé en qualité de d'attaché commercial par la SARL Sofades par contrat de travail à durée déterminée du 18 juin 2018 au 17 août 2018, renouvelé jusqu'au 18 octobre 2018.

La relation s'est ensuite poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 19 octobre 2018, M. [S] étant engagé en qualité de responsable réseau magasins.

Le contrat de travail prévoyait un salaire fixe mensuel à hauteur de 1.498,50 euros, outre une prime de 150 euros par implantations validées, une prime annuelle de 2.000 euros pour un chiffre d'affaires hors taxes supérieur à 1 million d'euros et le remboursement des frais de déplacement à hauteur de 500 euros par mois.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la métallurgie.

M. [S] a une première fois saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux en sa formation des référés aux fins d'obtenir le règlement de primes et de frais.

Par ordonnance du 3 octobre 2019, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a débouté le salarié de ses demandes.

M. [S] a été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises, jusqu'à être déclaré inapte à son poste par avis du médecin du travail du 4 novembre 2019 avec préconisation d'un poste sédentaire sans conduite et sans port de charge, type administratif.

Par lettre datée du 15 novembre 2019, M. [S] a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement qui s'est tenu le 22 novembre 2019.

Il a ensuite été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre datée du 27 novembre 2019.

A la date du licenciement, M. [S] avait une ancienneté de 1 an et 5 mois et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Le 6 février 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux sollicitant le paiement d'indemnités kilométriques, de primes, d'heures supplémentaires outre des dommages et intérêts pour travail dissimulé et mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail.

Par jugement rendu le 5 mai 2021, le conseil de prud'hommes a :

- jugé que le contrat de travail n'a pas été exécuté de mauvaise foi,

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Sofades de ses demandes reconventionnelles formées au titre de la répétition de l'indu et des dommages et intérêts afférents,

- débouté les parties de leurs demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [S] aux dépens.

Par déclaration du 21 mai 2021, M. [S] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 juillet 2021, M. [S] demande à la cour de le déclarer recevable dans son action et ses demandes, de réformer le jugement rendu le conseil de prud'hommes de Bordeaux et de :

- condamner la société Sofades à lui verser les sommes de :

- 16.200 euros bruts au titre des indemnités kilométriques,

- 3.600 euros bruts au titre des primes non versées,

- 1.200 euros bruts au titre des heures supplémentaires non payées outre 120 euros de congés payés afférents,

- 8.994 euros nets au titre du travail dissimulé,

- 10.486 euros nets pour la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail.

- condamner la société Sofades à modifier les documents de fin de contrat,

- condamner la société Sofades à la somme de 5.000 euros sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 octobre 2021, la société Sofades demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 5 mai 2021, en ce qu'il a :

- dit et jugé que le contrat de travail de M. [S] n'avait pas été exécuté de mauvaise foi,

- débouté M. [S] de toutes ses demandes,

- juger recevable son appel incident et, y faisant droit,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 5 mai 2021 en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles formées au titre de la répétition de l'indu et des dommages et intérêts y afférents.

En tout état de cause :

- débouter M. [S] de toutes ses demandes,

- condamner M. [S] à lui verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2024 à 14 heures.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les indemnités kilométriques

Au soutien de sa demande tendant à la réformation du jugement du conseil de prud'hommes, M. [S] fait valoir que la société ne lui a mis à disposition un véhicule de fonction qu'à compter de mai 2019. Avant, cette date il était contraint d'utiliser son véhicule personnel, totalisant 45.000 kilomètres en 11 mois réalisés pour le compte de son employeur.

La société Sofades affirme que le véhicule de fonction de M. [S] a bien été mis à sa disposition dès février 2019 et verse aux débats l'attestation d'assurance du véhicule qui le déclare comme conducteur principal. Elle ajoute que le salarié n'établit pas le caractère professionnel des 45.000 kilomètres parcourus et ne rapporte pas la preuve des frais engagés étayant sa demande.

Enfin, la société Sofades soutient que M. [S] a effectué de nombreux trajets personnels avec le véhicule de la société, y compris durant son arrêt de travail.

***

Aux termes de l'article 5 du contrat de travail de M. [S], il était prévu que 'des frais de déplacement seront remboursés sur justificatifs et pour un montant maximum de 500 € mensuel (autoroute et restauration), hors frais de carburant et d'hôtel'.

La société produit les demandes de remboursement mensuel qui étaient toujours inférieures à 500 euros alors que les frais de carburant et d'hôtel n'étaient pas plafonnés.

De son côté, M. [S] ne produit aucun justificatif nécessaire au déclenchement de la procédure de remboursement des frais kilométriques, les deux factures de garagistes qu'il communique - celle de 2018 étant complètement illisible - pour démontrer une différence de 45.000 km entre deux révisions en juin 2018 et août 2019 ne sauraient être retenues comme démontrant le caractère professionnel de la totalité des déplacements effectués.

Par ailleurs, M. [S] ne déduit pas des frais ainsi sollicités les déplacements pendant ses périodes d'arrêt de travail pour maladie du 12 juillet au 28 août 2019 ni ceux effectués par d'autres membres de sa famille auxquels il prêtait sa voiture, comme en atteste le relevé du 12 juillet 2019.

La cour relève en outre que le véhicule de fonction a été assuré à compter du 4 mars 2019 et qu'à la date de sa restitution le 18 août 2019, son compteur kilométrique présentait un relevé de 22.945 km.

En conséquence, M. [S] ne rapporte pas la preuve des frais qu'il prétend avoir engagés ; sa demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la prime d'implantation de présentoirs et la demande reconventionnelle de la société en répétition de l'indu

M. [S] fait valoir que son employeur ne lui a pas versé la prime de 150 euros prévue au contrat de travail pour chaque présentoir installé, alors qu'il justifiait avoir implanté 24 panneaux sur les mois de juin et juillet 2019 ; il produit des photographies à ce sujet.

Il soutient en outre que le contrat ne conditionnait pas le versement de la prime à une durée minimum de présence des présentoirs.

La société Sofades fait valoir que c'est seulement 18 dossiers complets qui lui ont été présentés et que M. [S] a d'ores et déjà perçu une avance sur ces primes au mois de juin 2018 pour une somme globale nette de 10.800 euros pour des prétendues visites pour lesquelles il a produit 94 bons de visite non assortis de justificatifs.

Elle sollicite à titre reconventionnel la condamnation de M. [S] à lui rembourser cette somme, déduction faite des 2.700 euros pour les installations de juin et juillet 2019.

***

Selon les dispositions de l'article 5 du contrat de travail de M. [S], une prime unique de 150 euros était prévue 'pour toute implantation validée dans le mois, par la mise en place avec signature du magasin d'un bon de mise en place avec photos afférentes'.

La cour relève que les 22 photographies produites par M. [S] sont noires et complètement illisibles.

L'attestation de Mme [Z] qui déclare avoir été payée de toutes les primes auxquelles elle avait droit, puisqu'ils travaillaient ensemble, ne peut toutefois être retenue pour attester de l'installation des 24 panneaux en juin et juillet 2019, la société produisant le certificat de travail de Mme [Z] qui a quitté la société le 22 janvier 2019.

Par courriel du 8 juillet 2019, la société a rappelé à M. [S] ses obligations contractuelles et notamment la nécessité de produire les justificatifs nécessaires au versement des primes d'implantation des présentoirs, puis par courrier du 16 juillet 2019, a constaté la régularisation de 6 dossiers.

Il ressort des pièces produites que sur juin et juillet 2019, M. [S] justifie avoir fait installer 18 présentoirs avec bons de visites tamponnés, signés et photographies correspondantes, lui permettant de bénéficier de 2.700 euros de prime, ce que reconnaît la société.

Toutefois, la société justifie de ce que sur les 117 missions d'implantations déclarées par M. [S] depuis le début de son contrat de travail, il ne justifie de la réalisation effective que de 45 jusqu'à fin juillet, y compris les 18 retenus entre juin et juillet 2019.

La société verse un tableau dans lequel elle liste les avances sur prime d'un montant de 10.800 euros, les bulletins de salaires de M. [S] faisant état de versement de primes chaque mois pour un total de 17.800 euros entre juillet 2018 et juillet 2019, alors que M. [S] ne pouvait bénéficier que de 6.750 euros pour 45 installations.

Conformément à l'article 1235 du code civil, M. [S] sera condamné à rembourser à la société la somme de 4.050 euros, correspondant à la différence entre les avances reçues et les 45 installations justifiées.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

M. [S] soutient qu'il effectuait bien plus de 35 heures par semaine de travail et produit aux débats ses relevés de péages visant à démontrer qu'il était en déplacement professionnel, en dehors de ses horaires de travail contractuellement prévus.

La société fait valoir que le temps de déplacement qu'il invoque au soutien de sa demande ne saurait être considéré comme du temps de travail effectif. Par ailleurs, elle affirme que M. [S] ne rapporte pas la preuve que l'intégralité de la journée au titre de laquelle il prétend avoir accompli des heures supplémentaires a été dédiée à l'exercice de ses missions.

***

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées.

M. [S] produit un tableau des 95,55 heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées entre juillet 2018 et juillet 2019, qui est suffisamment précis pour permettre à l'employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

La société conteste les relevés de télépéage comme démontrant les heures effectuées par le salarié, rappelant, d'une part, que le temps de déplacement professionnel ne donne pas lieu à rémunération et, d'autre part, qu'il ne rapporte pas la preuve de l'accomplissement intégral de ses missions, d'autant qu'il n'a jamais établi mensuellement le tableau des magasins distributeurs de la gamme, ni mis en place mensuellement des objectifs de commercialisation en magasin. Elle soutient que sur son temps de travail, M. [S] pouvait avoir des occupations personnelles.

La société ne produit aucune pièce permettant de justifier qu'elle a procédé à un contrôle du temps de travail de M. [S].

Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

L'article L.3121-4 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dispose que :

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.'

Ainsi, le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet n'est pas considéré comme un temps de travail effectif, mais ouvre droit à une contrepartie et n'a pas à être pris en compte pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, ni à être rémunéré comme des heures de travail.

M. [S], dont la mission principale était de mettre en place des présentoirs de démonstration et développer le réseau de distribution sur le territoire nationale, devait se déplacer chez les clients de son secteur.

En l'absence d'accord collectif ou d'engagement unilatéral de l'employeur sur la contrepartie due en cas de déplacement professionnel qui excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il appartient au juge de fixer le montant de cette contrepartie, étant précisé que le temps de déplacement ne peut pas être assimilé en principe à un temps de travail effectif.

Il n'est pas contesté que durant sa collaboration avec la société, le temps normal de déplacement entre le domicile de M. [S] à [Localité 3] et son lieu habituel de travail ([Localité 6]) était de moins de 30 minutes mais qu'il a été amené à se déplacer chez les clients de la société près de [Localité 7] (65), à [Localité 4] (26), à [Localité 8] (37) ou à [Localité 2] (47).

M. [S] verse un décompte des temps de trajets aller et/ou retour qui ont excédé le temps normal de trajet à hauteur de 95h55 sans toutefois déduire les 30 minutes au-delà desquels le temps est considéré comme anormal. Par ailleurs, s'il a pu arriver à 12h47 à [Localité 8] le 14 mars 2019 ou à 12h36 à [Localité 7] le 25 juin 2019 alors que ses horaires mentionnait une pause méridienne entre 12h et 14h, il ne précise pas les heures auxquelles il a quitté son domicile ni celles du bon de livraison auprès du client.

L'employeur qui conteste la réalité de ses missions, produit uniquement le justificatif de 46 mises en place de magasins mais ne justifie pas de la réalité des heures de travail effectuées par M. [S] ni de ses temps de déplacement.

La cour a toutefois retenu que sur les 94 bons de mise en place des présentoirs, M. [S] n'en avait effectivement réalisé que 45.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'indemniser M. [S] des temps de trajets effectués entre son domicile et les lieux divers d'exécution du contrat de travail entre le 25 juillet 2018 et le 12 juillet 2019, qui ont pu être supérieurs à 30 mn, et qui sont justifiés par des bons de livraison, soit à hauteur de 45 heures.

La contrepartie financière à laquelle le salarié a droit sera évaluée sur la base de 30% de son taux horaire, M. [S] ayant par ailleurs bénéficié du remboursement des frais kilométriques puis de la mise à disposition d'un véhicule par la société.

M. [S] sera en conséquence indemnisé à hauteur de 135,90 euros de ses temps de trajets effectués entre le 25 juillet 2018 et le 12 juillet 2019 outre la somme de 13,59 euros au titre des congés payés.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

La société devra délivrer à M. [S] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision.

Sur la mauvaise foi dans l'exécution du contrat de travail

Sur les retards dans le versement des salaires

M. [S] soutient qu'à plusieurs reprises son salaire lui a été versé avec retard sans explication ni justification de la part de son employeur, ce qui lui a causé un préjudice du fait de sa situation personnelle très compliquée au regard de ses charges incluant une pension alimentaire mensuelle de 350 euros et un loyer de 572,99 euros. Il ajoute avoir dû payer des frais bancaires du fait de ses découverts et s'être fait aider par la famille.

La société fait valoir que le salarié a bénéficié de nombreuses avances sur son salaire parfois même payé avec un mois d'avance, alors qu'il ne remplissait pas ses obligations contractuelles et qu'il bénéficiait quasi systématiquement d'avances sur frais.

M. [S] verse aux débats ses relevés bancaires entre février 2019 et juillet 2019 dont les montant des acomptes versés par la société sont masqués.

L'employeur, qui a la charge de la preuve du paiement du salaire, produit un relevé des versements effectués et de leur date faisant apparaître des acomptes réguliers en milieu de mois puis le solde en début de mois suivant, entre le 8 et le 15, les relevés bancaires de M. [S] confirmant les dates des versements dont les acomptes.

Si la mère du salarié est venue à son soutien financièrement au mois d'octobre 2019, il n'est pas démontré que c'était en raison du défaut ou retard de paiement du salaire par l'employeur, M. [S] étant en arrêt de travail pour maladie pris en charge par la sécurité sociale, les justificatifs de versements d'argent étant par ailleurs illisibles.

Le manquement de l'employeur n'est pas établi. La demande de M. [S] sera rejetée et le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement pour frais professionnels

M. [S] soutient avoir été contraint d'utiliser son téléphone et sa tablette personnelle à des fins professionnelles et que cette tablette serait aujourd'hui hors d'usage.

La société fait valoir qu'elle a systématiquement réglé au salarié ses frais professionnels allant même jusqu'à lui faire des avances sur frais. Elle produit les tableaux mensuels récapitulatifs ainsi que les virements effectués sur le compte bancaire de M. [S].

Elle ajoute que M. [S] n'a jamais revendiqué le besoin d'un téléphone professionnel et qu'il avait été mis à sa disposition une tablette informatique Asus.

M. [S] produit un diagnostic en date du 7 juin 2019 d'une société informatique constatant que la tablette était hors service, mais le numéro de référence de celle-ci ne correspond pas à celle de la tablette mis à sa disposition par la société.

Par ailleurs, M. [S] n'a fait aucune réclamation à la société sur le dysfonctionnement qu'il aurait constaté de ce matériel.

En l'absence d'obligation contractuelle pour l'employeur de mettre à disposition du salarié un téléphone professionnel mais au vu de la mise à disposition d'une tablette informatique, dont il n'est pas établi un dysfonctionnement imputable à la société et en l'absence d'autres frais professionnels justifiés, le manquement de l'employeur n'est pas établi.

Le jugement déféré sera confirmé.

Sur la remise des documents de fin de contrat

M. [S] soutient que son solde de tout compte fait état d'un solde débiteur, ce qui l'a placé une nouvelle fois dans une situation financière très précaire.

Il ne démontre toutefois pas un manquement de l'employeur en dehors des temps de trajets non indemnisés et dont le paiement sera assorti d'intérêts au taux légal, ni d'un préjudice financier, ayant par ailleurs bénéficié d'avances sur salaires.

Conformément à l'article L. 1222-1 du code du travail, aucun manquement n'ayant été retenu précédemment, M. [S] sera débouté de sa demande à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé

M. [S] fait valoir que c'est de façon intentionnelle que la société ne lui a pas rémunéré les heures supplémentaires accomplies, alors même qu'elle était destinataire des relevés de télépéage démontrant les horaires réalisés.

La société Sofades soutient que l'abonnement BIP&Go, dont M. [S] produit les relevés afin d'affirmer qu'il a réalisé des heures supplémentaires, a été souscrit par lui seul et qu'il ne transmettait pas systématiquement à son employeur les relevés détaillés.

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'intention de dissimuler requise par l'article L. 8221-5 du code du travail n'est pas suffisamment établie, en ce que les demandes de remboursement de frais kilométriques et de rappel de versement de primes ont été rejetées et qu'aucune réclamation n'a été présentée au cours de la relation contractuelle, s'agissant des demandes de remboursement des temps de trajet par le salarié.

M. [S] doit donc être débouté de sa demande en paiement au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8223-1 du code du travail.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [S], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens, l'équité commandant que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande au titre des heures supplémentaires et la société Sofades de sa demande de restitution du trop-perçu,

Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmé,

Condamne la société Sofades à verser à M. [S] les sommes de :

- 135,90 euros au titre de ses temps de trajets effectués entre le 25 juillet 2018 et le 12 juillet 2019

- 13,59 euros au titre des congés payés y afférents,

Condamne M. [S] à verser à la société la somme de 4.050 euros en compensation des avances sur primes reçues,

Ordonne à la société de délivrer à M. [S] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées,

Condamne M. [S] aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02944
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.02944 ?
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