La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2024 | FRANCE | N°21/02780

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 20 mars 2024, 21/02780


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 20 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02780 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDOT











Association LIGUE NOUVELLE AQUITAINE DE NATATION



c/



Monsieur [Z] [B]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 avril 2021 (R.G. n°F19/00190) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 12 mai 2021,





APPELANTE :

Association Ligue Nouvelle Aquitaine de Natation, ag...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02780 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MDOT

Association LIGUE NOUVELLE AQUITAINE DE NATATION

c/

Monsieur [Z] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 avril 2021 (R.G. n°F19/00190) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 12 mai 2021,

APPELANTE :

Association Ligue Nouvelle Aquitaine de Natation, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4] - [Localité 7]

N° SIRET : 341 391 050 00059

représentée par Me Carole MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [B]

né le 22 septembre 1965 à [Localité 6] de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Emilie MONTEYROL, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Z] [B], né en 1965 a été engagé en qualité d'éducateur sportif, groupe 6, par l'association Comité d'Aquitaine de natation par contrat de travail à durée indéterminée à compter 1er octobre 1989.

Il a accédé au statut cadre le 1er janvier 2011 et le 21 décembre 2012, les parties ont conclu une convention de forfait en heures sur l'année.

M. [B] exerçait son activité au sein de l'un des deux centres d'entraînement nationaux dénommé [5] situé à [Localité 7].

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du sport.

Suite à la fusion des régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes, les deux centres d'entraînement de [Localité 7] et de [Localité 3] ont été intégrés à la ligue Nouvelle Aquitaine de Natation, devenue employeur de M. [B], par avenant au contrat de travail en date du 2 janvier 2018.

Par courrier du 26 avril 2018, il a été proposé à M. [B] sa mutation au sein du centre d'accession et de formation nouvellement créé à [Localité 3], à compter du 1er septembre 2018, en application de la clause de mobilité prévue dans son contrat de travail.

Le 10 mai 2018, M. [B] a refusé la proposition, faisant valoir que la clause de mobilité prévue à son contrat de travail ne pouvait lui être opposée en l'absence de définition précise de la zone géographique.

Par courrier du 2 mai 2018, un avenant au contrat de travail à effet au 1er septembre 2018 a été proposé à M. [B], modifiant la clause de mobilité avec une justification rédigée en ces termes : ' le lieu de travail du salarié est fixé à [Localité 3] au sein de l'équipement sportif fixé par l'employeur selon l'activité. Dans le cadre de ses activités professionnelles, M. [B] est amené à se déplacer sur l'ensemble de la Ligue et du territoire national ainsi qu'à l'étranger.

Cette modification résulte de la réorganisation du sport de haut niveau sur la région, entraînant la fermeture des pôles de [Localité 2] et de [Localité 3] et l'ouverture du centre d'accession et de formation à [Localité 3]'.

Le 12 juin 2018, le salarié a refusé cette modification faisant valoir son incompatibilité avec sa vie de famille.

Par courrier du 25 juillet 2018, M. [B] a été convoqué à un entretien en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle, fixé le 5 septembre 2018, rupture à laquelle le salarié n'a pas souhaité donner suite.

Le 23 septembre 2018, la ligue Nouvelle Aquitaine de natation a adressé à M. [B] la documentation relative au contrat de sécurisation professionnelle.

Par lettre datée du 27 septembre 2018, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique fixé au 3 octobre 2018.

Au cours de cet entretien, il a été de nouveau remis à M. [B] la documentation relative au contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier du 8 octobre 2018 reçu par la ligue le 9 octobre 2018, M. [B] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle,

Par lettre du 19 octobre 2018, la ligue a notifié à M. [B] son licenciement pour motif économique.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [B] s'élevait à la somme de 3.239,29 euros bruts.

A la date du licenciement, M. [B] avait une ancienneté de 29 ans et la ligue Nouvelle Aquitaine de natation occupait à titre habituel moins de 11 salariés.

Le 6 février 2019, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse, non-respect des règles relatives à la durée du travail et exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement rendu le 16 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement pour motif économique de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse,

- dit que la ligue Nouvelle Aquitaine de natation n'a pas respecté les règles de temps de travail,

- condamné la ligue Nouvelle Aquitaine de natation à verser à M. [B] les sommes suivantes :

- 64.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9.717,87 euros au titre du préavis,

- 971,79 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de travail,

- 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour le préavis et les congés payés dans la limite de 9 mois de salaire sur la base d'un salaire moyen de 3.239,29 euros,

- ordonné à la ligue Nouvelle Aquitaine de natation le remboursement à pôle emploi des indemnités de chômage perçues par M. [B] dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage,

- déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- condamne la ligue Nouvelle Aquitaine de natation aux dépens.

Par déclaration du 12 mai 2021, la ligue Nouvelle Aquitaine de natation a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mars 2023, la ligue Nouvelle Aquitaine de natation demande à la cour de :

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 16 avril 2021 en ce qu'il :

- a jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique de M. [B],

- l'a condamnée au paiement des sommes suivantes :

* 64.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 9.717,87 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 971,78 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 5.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à la durée du travail,

* 1.500 euros nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- juger que le licenciement de M. [B] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [B] de sa demande principale d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixés en dehors du barème légal d'indemnisation,

- débouter M. [B] de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fixés au montant maximal du barème légal d'indemnisation,

- débouter M. [B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents,

- débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives à la durée du travail,

- débouter M. [B] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- débouter M. [B] du surplus de ses demandes.

Sur l'appel incident de M. [B] :

- débouter M. [B] de son appel incident,

- condamner M. [B] au paiement d'une somme de 2.700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 octobre 2021, M. [B] demande à la cour de':

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 16 avril 2021, en ce qu'il a :

* jugé son licenciement pour motif économique sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la ligue Nouvelle Aquitaine de natation à lui payer la somme de 9.717,87 euros à titre d'indemnité de préavis outre celle de 971,79 euros pour les congés payés afférents,

* jugé que la ligue Nouvelle Aquitaine de natation n'a pas respecté les règles relatives au temps de travail,

* condamné la ligue Nouvelle Aquitaine de natation à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- réformer le jugement en ce qu'il :

* a limité la condamnation de la ligue Nouvelle Aquitaine de natation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 64.000 euros et, au titre des dommages-intérêts pour non-respect du temps de travail, à la somme de 5.000 euros,

- l'a débouté de sa demande de condamnation de la ligue Nouvelle Aquitaine de natation à la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Statuant à nouveau :

À titre principal,

- condamner la ligue Nouvelle Aquitaine de natation à lui payer la somme de 117.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À titre subsidiaire,

- condamner la ligue Nouvelle Aquitaine de natation à lui payer la somme de 64.785 euros nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause,

- condamner la ligue Nouvelle Aquitaine de natation à lui payer les sommes de :

* 20.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour non-respect des règles relatives à la durée du travail,

* 25.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la ligue Nouvelle Aquitaine de natation aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2024 à 14 heures.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [B] demande à la cour d'infirmer le jugement qui l'a débouté de sa demande de dommages et interêts pour exécution déloyale du contrat de travail et sollicite à ce titre le paiement de la somme de 25.000 euros.

Il soutient que son employeur l'a laissé plusieurs mois sans aucune mission et sans même répondre à ses courriers dans lesquels il réclamait du travail.

Par ailleurs, au moment de la rupture du contrat de travail, M. [B] affirme que son employeur n'a pas fait le nécessaire auprès de Pôle Emploi, retardant sa prise en charge au titre du contrat de sécurisation professionnelle (ci-après CSP) et lui a adressé un certificat de travail erroné rectifié au 'blanco'.

La ligue Nouvelle Aquitaine de natation affirme au contraire avoir confié des tâches administratives au salarié dans l'attente d'une décision quant à l'avenir de son contrat de travail ainsi que la direction d'une enquête sur les jeunes nageurs de la région, qu'il a interrompu au motif que cela nécessitait des frais de déplacement sans pour autant solliciter le trésorier de la ligue pour les financer. Elle soutient qu'il continuait de participer aux commissions sportives.

S'agissant de la demande au titre du CSP, l'employeur, s'appuyant sur le volet CERFA indiquant qu'il appartenait au salarié de transmettre le CSP à Pôle Emploi, soutient avoir fait preuve de bonne foi et avoir régularisé la situation dès que l'organisme en a fait la demande, le certificat de travail ayant été refait après la rectification qui a eu lieu à la main.

***

Informé par lettre du 25 juillet 2018 d'une convocation pour le 5 septembre en vue d'une rupture conventionnelle, M. [B] a ensuite été en congés du 29 juillet au 3 septembre 2018.

Par courrier du 24 août 2018, il a demandé à son employeur quelles seraient ses tâches à son retour de congés le 3 septembre suite au transfert du Pôle de [Localité 2] vers [Localité 3].

Par courrier du 26 septembre 2018, M. [B] a de nouveau mis en demeure son employeur de lui fournir un travail, confirmant que l'enquête sur les jeunes majeurs de la région qui lui avait été confiée avait été suspendue en raison de l'absence de budget pour prendre en charge les frais de déplacement qui y étaient liés.

Il est reconnu que l'enquête confiée à M. [B] n'a pu être menée à terme, l'employeur ne démontrant pas avoir confié d'autres tâches particulières à M. [B] sur la période entre le transfert du Pôle à [Localité 3] et alors que la piscine de [Localité 7] était fermée pour travaux.

Si l'employeur ne peut être exonéré de fournir du travail au salarié, même si l'entreprise rencontre des difficultés économiques, M. [B] ne rapporte pas la preuve du préjudice dont il demande réparation, ayant été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement dès le 27 septembre 2018, après avoir été convoqué précédemment à un entretien en vue d'une éventuelle rupture conventionnelle le 5 septembre 2018.

S'agissant des difficultés survenues concernant le CSP, il appartient à l'employeur, qui reçoit le contrat signé par le salarié auquel il l'a proposé, de retourner à Pôle Emploi l'ensemble des documents nécessaires à la mise en 'uvre du dispositif, et notamment le bulletin d'acceptation (volets 1 et 3) rempli par le salarié et cosigné par le salarié et l'employeur ainsi que l'attestation employeur CSP à destination de Pôle Emploi.

Le salarié ayant accepté et signé le CSP le 8 octobre 2018, la ligue devait procéder à sa transmission à Pôle Emploi au terme du délai de 21 jours, soit à compter du 30 octobre 2018.

Elle n'y a toutefois pas procédé, n'ayant adressé ces documents que le 21 novembre 2018, sur la demande de Pôle Emploi, sans que sa mauvaise foi soit pour autant caractérisée et M. [B] ne justifie pas que cette négligence de l'employeur lui a causé un retard dans son indemnisation.

La demande de M. [B] sera en conséquence rejetée et le jugement déféré confirmé de ce chef.

Sur les dispositions relatives à la durée du travail

M. [B], qui sollicite le paiement de la somme de 20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts, soutient que son employeur ne respectait pas les règles relatives aux durées maximales de travail applicables dans le cadre de la clause de forfait en heures. Il fait valoir qu'il n'a jamais fait l'objet d'un suivi de son temps de travail ni n'a été destinataire du document interne prévu par son contrat pour le décompte du temps de travail. Il indique avoir été à de nombreuses reprises contraint de travailler 7 jours consécutifs sans jour de repos.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

L'article 5.2 de la convention collective applicable prévoit pour le personnel d'encadrement une modulation du temps de travail avec une durée de travail ne pouvant pas excéder 1575 heures annuelles et dispose :

'Les horaires de travail sont notifiés au salarié par courrier ou par lettre remise en main propre et dans un délai de 7 jours.

Il devra être prévu, pour chaque période de modulation, l'établissement d'un compte individuel d'heures par salarié concerné. Sur ce document devront figurer les heures effectuées dans le cadre de la modulation depuis le début de la période de modulation.

Ce document pourra être communiqué à tout moment au salarié sur sa demande ; il devra être obligatoirement annexé au bulletin de salaire correspondant au mois au cours duquel la demande a été formulée.'

Par avenant au contrat de travail conclu le 21 décembre 2012 suite à l'accession du salarié au statut de cadre, M. [B] a été soumis à un aménagement de son temps de travail sur la base de 1.575 heures annuelles. Le contrat mentionnait qu'un entretien annuel serait organisé pour faire le bilan du dispositif mis en place.

La ligue Nouvelle Aquitaine de natation indique que le salarié ne rendait jamais compte mensuellement de son temps de travail. Elle soutient que la durée du travail était bien encadrée au travers des plannings que le salarié devait renseigner et du suivi des nuitées lors de ses déplacements.

Elle ne produit toutefois pas d'élément de nature à établir que les documents qui devaient être renseignés par le salarié lui ont été transmis, M. [B] contestant en avoir disposés, ni de ce qu'elle aurait demandé voire relancé M. [B] pour qu'il lui adresse le relevé des heures effectuées.

Elle communique des plannings sans précision de l'année auxquels ils se rapportent, portant uniquement mention de journée 'ordinaire' prévue sur le planning général de rentrée, 'repos' ou 'meeting', 'championnats'... et la liste des actions du pôle pour les années 2001 à 2013, mais qui ne permettent pas d'attester du suivi du temps de travail de M. [B]. L'employeur ne verse aucun récapitulatif du temps de travail effectif qui aurait dû être annexé aux bulletins de paie du salarié.

Par ailleurs, il n'est pas établi que des entretiens annuels ont été tenus entre M. [B] et son supérieur hiérarchique permettant de faire le 'bilan du dispositif mis en place', notamment quant au temps, à l'organisation et à la charge de travail du salarié ainsi que leur articulation avec la vie privée et familiale de celui-ci.

Il ne peut donc être retenu que l'employeur a respecté son obligation de contrôler la charge de travail de M. [B].

Ce manquement a causé un préjudice à M. [B] qui invoque un temps de travail parfois supérieur à 7 jours consécutifs, qui n'est pas démenti par l'employeur et qui résulte d'ailleurs des tableaux produits par la ligue.

C'est à juste titre qu'au regard des pièces et explications fournies, les premiers juges ont alloué à M. [B] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de contrôle du temps de travail du salarié.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la notification des motifs de licenciement postérieurement à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle

Pour solliciter l'infirmation du premier jugement qui a dit irrégulière la procédure en l'absence de communication des motifs du licenciement dès la convocation à l'entretien préalable, la ligue Nouvelle-Aquitaine de natation soutient avoir informé M. [B] en amont de la procédure de licenciement:

- par courrier du 26 avril 2018 dans lequel elle lui indiquait expressément les motifs justifiant la proposition de poste sur [Localité 3], à savoir 'la réorganisation du sport de haut niveau sur la région entraîne la fermeture des pôles de [Localité 2] et de [Localité 3] et l'ouverture du centre d'accession et de formation à [Localité 3] (CAF)',

- par des entretiens avec le président de la ligue,

- par les entretiens des 5 septembre et 3 octobre 2018 mais également par la lettre de licenciement du 19 octobre 2018.

Elle soutient ainsi que les termes de ces différents courriers étaient de nature à informer le salarié des motifs économiques de son licenciement.

M. [B] prétend au contraire n'avoir été informé du motif économique que par la lettre de licenciement qui lui a été adressée le 19 octobre 2018, soit postérieurement à l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle intervenue le 8 octobre 2018.

Il souligne que la proposition de mutation faite par l'employeur dans le courrier du 26 avril 2018 l'avisant d'une réorganisation ne faisait pas état d'un motif économique lié à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la ligue Nouvelle-Aquitaine de natation ni ne faisait état de l'incidence sur son emploi. Il relève qu'en tout état de cause, ce courrier n'est intervenu ni dans le cadre d'une modification pour motif économique ni dans le cadre de la procédure de licenciement.

***

Selon l'article L. 1233-66 du code du travail, l'employeur est tenu de proposer, lors de l'entretien préalable ou à l'issue de la dernière réunion des représentants du personnel, le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle à chaque salarié dont il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique.

La rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'un contrat de sécurisation professionnelle doit avoir une cause économique réelle et sérieuse.

L'employeur est en conséquence tenu d'énoncer la cause économique de la rupture du contrat dans un document écrit remis contre décharge ou adressé au salarié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au cours de la procédure de licenciement et, au plus tard, au moment de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle par le salarié, afin qu'il soit informé des raisons de la rupture lors de son acceptation.

Ce document doit contenir l'énoncé des motifs économiques de la rupture et la priorité de réembauche dont bénéficie le salarié ainsi que ses conditions d'application.

En l'espèce, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique, par courrier du 27 septembre 2018 qui porte pour objet 'Convocation valant ordre de mission' et est ainsi libellé :

'en référence à l'entretien préalable du 5 septembre 2018 et dans le cadre du licenciement pour motif économique qui en découle, je souhaite vous rencontrer ce mercredi 3 octobre 2018 (...). A cette occasion, je vous remettrai la proposition du Contrat de Sécurisation Professionnelle. Nous en profiterons pour revoir ensemble

les différentes missions qui devraient vous avoir été proposées d'accomplir'.

Le courrier le convoquant à un entretien visé le 5 septembre, en date du 25 juillet 2018, porte en objet 'convocation à un entretien préalable en vue d'une rupture conventionnelle' et mentionne 'nous souhaiterions vous rencontrez afin d'envisager avec vous la rupture conventionnelle de votre contrat de travail'.

Par courriel du 23 septembre 2018, l'information concernant le CSP a été adressée à M. [B], faisant référence aux propos de la personne qui l'assistait le 5 septembre et lui précisant que le délai de 21 jours ne courait pas.

La proposition de modification du contrat de travail en date du 26 avril 2018 portait mention de la réorganisation du sport de haut niveau qui entraînait la fermeture des pôles de [Localité 2] et de [Localité 3] et l'ouverture d'un centre d'accession et de formation basé à [Localité 3], mais faisait référence à la clause de mobilité insérée à l'article 3 de son contrat de travail.

L'avenant proposé à M. [B] le 2 mai 2018, emportant le changement de son lieu de travail sur [Localité 3] mais aussi modifiant la clause de mobilité, tirait les conséquences de l'impossibilité d'imposer au salarié un travail habituel sur [Localité 3] au vu des dispositions de son contrat initial.

Ces propositions ne faisaient aucune référence à une procédure de modification du contrat reposant sur un motif économique.

En conséquence, il convient de constater que la ligue n'a adressé au salarié aucun écrit énonçant la cause économique de la rupture avant la lettre lui notifiant son licenciement le 19 octobre 2018, soit après que M. [B] a accepté le CSP le 8 octobre 2018, les échanges informels que le salarié a pu avoir avec le dirigeant ne pouvant suppléer ce manquement à ses obligations.

L'employeur n'ayant pas satisfait à son obligation légale d'informer le salarié du motif économique de la rupture au moment de l'entretien préalable et avant l'acceptation par celui-ci du CSP accepté par le salarié, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera confirmé.

Sur les demandes financières relatives à la rupture du contrat de travail

Eu égard à son ancienneté et son statut de cadre, M. [B] est en droit de solliciter le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire, le salaire moyen s'élevant à 3.239,29 euros bruts.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné la ligue à lui verser la somme de 9.717,87 euros à ce titre outre celle de 971,79 euros au titre des congés payés y afférents.

*

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement à hauteur de 117.000 euros nets, M. [B] demande à la cour d'écarter le barème prévu à l'article L1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité au regard des textes internationaux ratifiés par la France, à savoir l'article 10 de la convention OIT n°58 et l'article 24 de la Charte sociale européenne telle qu'interprétée par le Comité européen des droits sociaux.

Il fait par ailleurs valoir son ancienneté de 29 ans au moment du licenciement et la difficulté de retrouver un emploi à l'âge de 54 ans et soutient être resté sans emploi jusqu'au mois de juin 2019 et d'août 2019 à février 2020.

Il ajoute avoir été contraint d'accepter des postes de maître-nageur nettement moins rémunérés et invoque aussi les conséquences sur ses droits à la retraite, outre le fait d'avoir été très affecté par son licenciement

A titre subsidiaire M. [B] sollicite l'application du maximum de l'indemnité prévue par le barème.

A titre principal, la ligue Nouvelle Aquitaine de natation soutient que l'application du barème a été validée par le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel et que le débat de sa compatibilité avec les conventions internationales auxquelles la France est adhérente a été tranché par la Cour de cassation.

A titre subsidiaire, elle fait valoir l'absence de justification du préjudice invoqué par M. [B] et de sa situation postérieure à son adhésion au CSP.

***

D'une part, les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

D'autre part, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, étant observé que celles de l'article L. 1235-3-1 du même code prévoient que, dans des cas limitativement énumérés entraînant la nullité du licenciement, le barème ainsi institué n'est pas applicable.

Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est en outre assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, aux termes desquelles le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée et qu'il n'y pas lieu d'écarter le barème prévu par ce texte.

*

Au regard de l'ancienneté de M. [B] au sein de l'entreprise, soit 29 ans et de l'effectif de celle-ci, l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail est comprise entre 3 et 20 mois de salaire.

M. [B] était âgé de 54 ans et avait 29 ans d'ancienneté au moment de la rupture de son contrat de travail, son salaire moyen étant de 3.239,29 euros. Il justifie avoir retrouvé un emploi en qualité de maître nageur de piscine municipale, ayant perdu la moitié du montant de son salaire mensuel antérieur.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, ayant entraîné le bénéfice de l'allocation de sécurisation professionnelle, du montant de la rémunération versée à M. [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient de fixer à 50.000 euros bruts la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [B] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera infirmé de ce chef, étant relevé par ailleurs qu'il n'y a pas lieu de faire aplication des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail au regard du nombre de salariés employés par la ligue.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La Ligue, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement à M. [B] de la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cours d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum des dommages et intérêts alloués à M. [B] pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmé,

Condamne la Ligue Nouvelle Aquitaine de natation à verser à M. [B] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

Condamne la Ligue Nouvelle Aquitaine de natation aux dépens ainsi qu'au paiement à M. [B] de la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cours d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02780
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.02780 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award