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20/03/2024 | FRANCE | N°21/02458

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 20 mars 2024, 21/02458


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 20 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02458 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCPS















E.U.R.L. AG MENUISERIE



c/



Monsieur [G] [F] [M]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse

délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mars 2021 (R.G. n°F 20/00141) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 26 avril 2021,





APPELANTE :

EURL AG Menuiserie, agissant en la personne de son représentant légal ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02458 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCPS

E.U.R.L. AG MENUISERIE

c/

Monsieur [G] [F] [M]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mars 2021 (R.G. n°F 20/00141) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 26 avril 2021,

APPELANTE :

EURL AG Menuiserie, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1] - [Localité 3]

N° SIRET : 479 022 360 00032

représentée par Me Ludivine MIQUEL de la SELARL AALM, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [G] [F] [M]

né le 25 février 1967 à [Localité 6] de nationalité française, demeurant [Adresse 2] - [Localité 4]

représenté par Monsieur [W] [I], défenseur syndical

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [H] [M], né en 1967, a été engagé en qualité d'ouvrier niveau 3, position 2, coefficient 230 par l'EURL AG Menuiseri, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2011.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés.

Entre 2012 et 2019, la société AG Menuiserie a notifié 8 avertissements à M. [M], notamment pour insubordination et refus d'exécuter certaines missions et les clauses de son contrat de travail.

M. [M] ne s'est pas présenté sur son lieu de travail le 30 octobre 2019.

La société lui a adressé un courrier pour en connaître les raisons auquel il a répondu le 4 novembre 2019.

Par lettre datée du 19 novembre 2019, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 novembre 2019 avec mise à pied conservatoire.

M. [M] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 6 décembre 2019 pour non-respect des ordres en ayant refusé de se rendre sur un chantier prévu le 31 octobre 2019, pour des malfaçons sur deux chantiers et pour des propos insultants envers sa hiérarchie.

A la date du licenciement, M. [M] avait une ancienneté de 8 ans et 6 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 31 mars 2021, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires.

Par jugement rendu le 31 mars 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [M] est un licenciement pour cause réelle et sérieuse [ne retenant pas la faute grave],

- condamné la société AG Menuiserie à régler à M. [M] les sommes suivantes :

- 4.330,55 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 3.849,38 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 384,93 euros au titre des congés payés sur préavis,

- 913,68 euros au titre paiement de la mise à pied conservatoire,

- 950 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,

- condamné la société aux dépens,

- débouté M. [M] de ses autres demandes,

- débouté la société AG Menuiserie de ses demandes reconventionnelles,

- rappelé l'exécution provisoire de droit du jugement pour le paiement du rappel de salaire, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité compensatrice de congés payés et de l'indemnité de licenciement dans la limite maximum de neuf mois de salaire,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus.

Par déclaration du 26 avril 2021, la société AG Menuiserie a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 juin 2021, la société AG Menuiserie demande à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes du 31 mars 2021 dans le cadre d'un appel limité,

- considérer que le licenciement pour faute grave notifié au salarié est justifié,

- débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes.

A titre reconventionnel :

- le condamner à lui verser 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la partie adverse aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées par courrier recommandé avec avis de réception le 8 novembre 2021, M. [M] demandait à la cour de':

- requalifier son licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamner la société AG Menuiserie à lui payer les sommes suivantes :

* 4.330,55 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 3.849,38 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 384,93 euros au titre de congés payés sur préavis,

* 913,68 euros au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire,

* 6.928,88 euros à titre de rappels de salaires en application de l'article XII-5 de la convention collective,

* 692,88 euros au titre des congés payés sur les rappels de salaires,

- condamner la société AG Menuiserie à l'exécution provisoire de droit,

- condamner la société AG Menuiserie au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 29 novembre 2023, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bordeaux a déclaré irrecevables les conclusions et pièces de M. [M] ainsi que les éventuelles pièces qu'il serait amené à produire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 février 2024 à 14 heures.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'intimé ne comparaît pas ou que ses conclusions ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s'approprier.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement du 6 décembre 2019 est ainsi libellée :

'Monsieur,

Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu en date du 29 novembre 2019 au cours duquel vous étiez assisté.

Lors de cet entretien préalable, nous avons exposé les faits qui vous sont reprochés et pour lesquels vous ne nous avez pas apporté d'explications permettant de modifier notre appréciation de la gravité des faits.

Ils sont les suivants :

Vous avez été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet par la Société AG Menuiserie le 1er Juin 2011 en votre qualité de menuisier niveau 3 position 2 coefficient 230.

Depuis, nous avons eu à déplorer, de votre part, un comportement particulièrement virulent à l'égard de la direction, notamment par des contestations permanentes des directives qui pouvaient vous être données et des missions confiées avec refus de les exécuter.

Pour rappel, il vous a été notifié pas moins de 8 avertissements en date des :

* 26 Novembre 2012

* 6 Janvier 2014

* 4 Juillet 2014

* 28 Juillet 2014

* 8 Novembre 2016

* 1er Décembre 2016

* 3 Février 2017

* 21 Juin 2019

Votre convocation à un entretien préalable fait suite à un événement qui s'est produit le 30 Octobre 2019 lors duquel, une fois de plus, vous avez refusé de respecter les ordres et de vous rendre sur un chantier prévu le lendemain à [Localité 5].

Vous avez précisé que vous n'étiez pas d'accord pour faire un déplacement sur cette commune.

Or, une fois de plus, je vous le rappelle, les termes de votre contrat de travail, notamment son article 5, qui est particulièrement clair.

Il stipule :

«Monsieur [M] [G] [F] exercera ses fonctions sur tous les chantiers couverts par l'EURL AG Menuiserie situés dans le Sud Ouest. Il pourra être amené à se déplacer partout où les nécessités de son travail l'exigeront »

Votre refus intempestif nous a obligés à nous organiser dans l'urgence et à envoyer deux autres salariés à votre place qu'il a fallu également remplacer par ricochet.

Vous avez refusé de vous rendre sur cette commune au motif qu'il s'agirait d'un grand déplacement en zone 6.

Effectivement vous étiez à 500 mètres de la limite de la zone 5.

Or, votre contrat de travail ne fait pas de différence entre les différentes zones, ni même entre les petits et les grands déplacements prévus dans la convention collective de sorte que vous auriez dû vous y rendre.

Votre refus de vous rendre sur un chantier est malheureusement récurrent en ce qui vous concerne puisque cela s'est déjà produit et vous avez déjà été sanctionné par un avertissement le 6 Janvier 2014 à ce sujet.

Vous avez également refusé de la même façon de vous rendre sur un autre chantier le 8 Novembre 2016, là aussi vous avez fait l'objet d'un avertissement à ce sujet.

Nous constatons que malgré les différents avertissements préalables qui vous ont été notifiés, votre comportement perdure dans le temps de sorte que nous sommes contraints de prendre les dispositions qui s'imposent et d'en tirer toutes les conséquences.

Votre refus intempestif de suivre les consignes, les instructions et de remplir les missions qui sont pourtant les vôtres est malheureusement devenu habituel en ce qui vous concerne, puisque non seulement vous décidez de ne pas vous rendre sur certains chantiers, mais également vous décidez de refuser certaines missions, ce qui a fait l'objet des avertissements préalables dont il est fait référence.

Vous comprendrez que la Société ne peut pas être plus patiente, puisqu'au terme de 8 avertissements votre comportement n'a pas évolué dans le bon sens et vous continuez à faire preuve d'une mauvaise volonté patente.

Cette insubordination est doublée d'un manque de respect permanent pour votre hiérarchie.

Les termes de votre dernier courrier adressé le 4 Novembre 2019 sont particulièrement édifiants, je vous en rappelle certains termes : « Intentions sournoises et hypocrites de ma hiérarchie ; Vous continuez à user et abuser de vos ouvriers, de leur santé et de leur bien avec perfidie et sans vergogne. "

Ce manque de retenue et de respect pour votre hiérarchie est, malheureusement, là aussi récurrent, puisque lors de vos différents échanges avec votre responsable, Monsieur [L] et avec votre collègue Monsieur [T], vous avez d'ores et déjà eu des propos particulièrement déplacés n'hésitant pas à insulter votre collègue Monsieur [T] de 'du con' ce qui avait d'ailleurs fait l'objet d'un avertissement à l'époque le 4 juillet 2014.

Là encore, votre comportement perdure, puisque les propos tenus dans votre dernier courrier sont insultants pour la hiérarchie.

Ce comportement, proche de la provocation, ne peut pas non plus être plus longtemps

toléré.

Par ailleurs, nous avons constaté qu'il vous faut beaucoup plus de temps que vos collègues pour accomplir une mission qui peut vous être confiée et nous en connaissons désormais la cause, puisque très régulièrement vous passez énormément de temps avec votre collègue, Monsieur [B] au téléphone, alors que les besoins du service ne l'exigent absolument pas et ce pendant le temps de travail.

En effet, si vous aviez des difficultés dans l'exercice de vos missions, il vous appartient effectivement de contacter votre responsable d'équipe et en aucun cas votre collègue, Monsieur [B].

Les conversations téléphoniques régulières qui durent plusieurs heures avec ce dernier, pendant le temps de travail, ne sont pas non plus admissibles et ne vous permettent pas de remplir correctement vos fonctions et engendrent des retards certains dans les livraisons de chantier.

C'est encore un comportement qui ne peut pas être toléré plus longtemps par la Direction.

De surcroît, nous avons constaté une fois de plus des malfaçons sur le chantier VIRTUO (le 18 octobre 2019) et ESQUISSE (le 24 juin 2019) qui vous avait été confié de sorte qu'il a fallu y revenir finir pour essayer de calmer le mécontentement du client et reprendre les désordres constatés.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que nous avons à nous plaindre de ce genre de difficultés.

Vous avez déjà été l'auteur de malfaçons, qui ont été sanctionnées par différents avertissements dans le temps, et qui sont de nature à engendrer un préjudice financier certain pour la Société.

En effet, elle est contrainte de dépêcher d'autres équipes et de revenir travailler sur un chantier qui aurait dû être terminé, l'empêchant de pouvoir facturer comme elle l'aurait souhaité ou de facturer de nouveaux clients au regard du temps passé à nouveau sur le même chantier.

Vous comprendrez que les désordres constatés sur les chantiers, et liés à la qualité de votre travail, ternissent de façon considérable l'image de marque de la Société.

Au regard de l'intégralité des fautes qui vous sont reprochées et des points qui viennent de vous être développés, et compte tenu de leur gravité, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible y compris pendant le temps de préavis.

En conséquence, la date d'envoi de cette lettre marquera la fin de nos relations contractuelles.'

Le jugement du conseil de prud'hommes du 31 mars 2021 est ainsi motivé :

« En l'espèce L'EURL AG Menuiserie, dans la lettre de licenciement reproche plusieurs griefs à Monsieur [M] [H] qui sont le refus de Monsieur [M] [H] de se rendre sur un chantier, les propos tenus à l'égard de la hiérarchie, les conversations téléphoniques régulières avec son collègue et les malfaçons sur le chantier « ESQUISSE » et le chantier 'VIRTUO'.

Alors que l'EURL AG Menuiserie verse aux débats les huit courriers des avertissements précédents ainsi que les courriers de réponse de Monsieur [M] [H] mais elle ne fournit pas d'éléments prouvant la réalité des griefs reprochés.

Ainsi, le caractère grave ne sera pas retenu dans le refus de se rendre sur le chantier de [K] après les demandes de Monsieur [M] [H] de se voir préciser les règles et la rémunération des déplacements.

Par ailleurs, les deux courriers de Monsieur [M] [H] ne suffisent pas à eux seuls à caractériser une quelconque attitude irrespectueuse pas plus qu'un quelconque dénigrement ou insultes. En i'absence de toutes preuves corroborant ce grief ce dernier ne sera pas retenu comme constitutif d'une faute.

Il en est de même pour les conversations téléphoniques qui ne sont démontrées, ni sur leur durée ni sur leur caractère non professionnel. Ce grief ne sera donc pas retenu comme constitutif d'une faute.

Enfin, l'EURL AG Menuiserie ne démontre pas que les malfaçons invoquées dans la lettre de licenciement soient imputables à Monsieur [M], étant entendu qu'il n'était pas le seul salarié de l'EURL AG Menuiserie sur le chantier et qu'il n'avait pas de fonction de responsable ni d'encadrement.

Par conséquent, le conseil dit que ces griefs ne constituent pas une faute grave et sans qu'il y ait besoin de rechercher une absence de cause réelle et sérieuse, Monsieur [M] [H] ayant uniquement demandé la requalification du licenciement pour cause réelle et sérieuse, le conseil y fera droit.'

***

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à M. [M] 4 séries de faits fautifs.

1) Sur le refus de se rendre sur un chantier

La société soutient que les premiers juges se sont substitués à M. [M] qui n'a jamais opposé comme motif à ce refus l'absence de précision par l'employeur des règles de rémunération de déplacement.

Les dispositions de l'article 5 du contrat de travail de M [M], rappelées dans la lettre de licenciement, lui faisaient obligation de se rendre sur tout déplacement sur le territoire sans distinction de l'éloignement par rapport au site de la société.

M. [M] n'a jamais contesté son absence du 30 octobre 2019 et a répondu le 4 novembre 2019 qu'il ne refusait pas de venir travailler, mais qu'il attendait toujours une discussion sur la question des grands déplacements qui lui occasionnaient parfois 3 heures de route aller et 3 heures retour et ce, sur plusieurs jours consécutifs, entraînant de la fatigue et des risques sur les chantiers.

La société ne produit que le bulletin de paie de décembre 2016 de M. [M] mentionnant le versement de 190 euros au titre de ses grands déplacements.

Aucun courrier n'est toutefois produit en réponse aux interrogations de M. [M] sur ses indemnités de déplacement.

La société mentionne dans ses conclusions que le salarié a pu dans le passé demander des explications et produit son courrier du 8 novembre 2016, ainsi que le compte rendu qu'il fait le 16 décembre 2016 de son déplacement au siège du 2 décembre, se plaignant d'avoir à faire de longues heures de route pour se rendre sur des chantiers en zone de grand déplacement.

La société avait toutefois rappelé à M. [M] à plusieurs reprises notamment par les avertissements des 1er décembre 2016 et 21 juin 2019, qu'il était soumis à un lien de subordination et qu'il devait exécuter les tâches demandées dans le cadre de ses fonctions.

Ce grief est établi.

2) Sur les propos tenus à l'égard de la hiérarchie

La société AG Menuiserie soutient que M.[M] a lui-même reconnu lors de l'entretien préalable avoir tenu des propos particulièrement 'crus', tout en soutenant que dans le secteur du bâtiment, l'usage de ce type de vocabulaire est courant.

La cour note toutefois que les propos tenus par M. [M], même s'ils faisaient référence à son ressenti de ne pas être entendu par son employeur au sujet des déplacements et des conséquences sur sa santé, ont été adressés à sa hiérarchie sur un ton vindicatif et agressif.

Ce grief est fondé.

3) Sur les contacts téléphoniques

La société AG Menuiserie soutient que M. [B] n'étant ni le chef d'équipe de M. [M] ni son supérieur hiérarchique, les nombreux appels téléphoniques qu'il lui passait sur les chantiers pendant son temps de travail relevaient d'entretiens privés. Elle ajoute que l'absence de règlement intérieur ou de note de service interdisant l'usage du téléphone dans l'entreprise n'est pas de nature à en déduire une autorisation.

M. [M] n'a pas contesté ces appels.

Toutefois, la société ne verse aucun élément permettant de préciser le nombre d'appels concernés, ni leur durée, pas plus que l'absence de lien professionnel entre M. [B] chef de chantier et M. [M].

Ce grief n'est pas établi.

4) Sur les malfaçons ayant affecté des chantiers

La société AG Menuiserie soutient que M. [M] était seul sur le chantier Esquisse avec un intérimaire et qu'il était donc responsable de l'exécution et de la bonne marche de ce chantier.

S'agissant du chantier Virtuo, elle met en doute les propos de M. [M] selon lesquels il aurait rencontré des difficultés dans la réalisation de ce chantier, n'en ayant jamais informé son supérieur.

La société ne produit aucun élément sur le déroulé des deux chantiers que ce soit quant aux salariés présents ou quant aux malfaçons relevées.

Ces griefs ne sont donc pas établis.

***

Le refus de se rendre sur un chantier qui correspondait aux missions habituelles du salarié et les propos agressifs à l'égard de sa hiérarchie tenus dans un courrier en réponse caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement dans la mesure où la société était en droit d'exiger du salarié qui avait plus de 8 ans d'ancienneté et auquel il avait déjà été notifié des avertissements, une exécution de ses missions contractuelles.

Toutefois, le contexte de désaccord sur les modalités d'indemnisation des frais de grand déplacement et les courriers de M. [M] restés sans réponse ne permettent pas de justifier la gravité de la faute ayant nécessité son éviction de la société avec mise à pied à titre conservatoire.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, étant relevé au surplus qu'il ressort du jugement déféré que les demandes présentées par M. [M] en première instance se sont limitées à contester la gravité de la faute invoquée et non l'existence d'une cause réelle et sérieuse du licenciement.

Sur les demandes financières

Le jugement du conseil de prud'hommes déféré est ainsi motivé :

'A l'examen du bulletin de paye de Monsieur [M] [H] pour Ie mois de novembre 2019, une retenue de 913,68 euros a été pratiquée sur sa rémunération que l'EURL AG Menuiserie sera donc condamnée à lui rembourser'.

Le licenciement de M. [M] ne reposant pas sur une faute grave et la mise à pied ayant un caractère conservatoire, il convient de confirmer le jugement déféré de ce chef.

***

Conformément à l'article 10-1 de la convention collective applicable, au vu de l'ancienneté de M. [M] supérieure à deux ans et du salaire annuel brut moyen de 1.924,69 euros retenu par le conseil de prud'hommes, la société sera condamnée à verser à M. [M] la somme de 3.849.38 euros au titre l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 384,93 euros au titre des congés payés y afférents.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

*

Conformément aux dispositions légales applicables en l'espèce plus favorables que celles prévues par l'article 10-3 de la convention collective applicable, et au regard de l'ancienneté de 8 ans et 8 mois de M. [M], la société sera condamnée à verser à M. [M] la somme de 4.170,16 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

Le jugement déféré sera infirmé sur le quantum de l'indemnité de licenciement, le conseil de prud'hommes ayant retenu à tort une ancienneté de 9 ans.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société, partie perdante en son recours, sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf sur le quantum de l'indemnité de licenciement,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne l'EURL AG Menuiserie à verser à M. [M] la somme de 4.170,16 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

Condamne l'EURL AG Menuiserie aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02458
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.02458 ?
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