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20/03/2024 | FRANCE | N°21/01837

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 20 mars 2024, 21/01837


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 20 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/01837 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAYU















S.A.R.L. FOREO



c/



Monsieur [N] [W]

















Nature de la décision : AU FOND























Gr

osse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2021 (R.G. n°F 18/01680) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 29 mars 2021,





APPELANTE :

SARL Foreo, agissant en la personne de son représentant légal domicilié e...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 20 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/01837 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MAYU

S.A.R.L. FOREO

c/

Monsieur [N] [W]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2021 (R.G. n°F 18/01680) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 29 mars 2021,

APPELANTE :

SARL Foreo, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 498 035 914

représentée par Me Emilie MONTEYROL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [N] [W]

né le 31 Juillet 1990 de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Julie-anne BINZONI, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 janvier 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [N] [W] a été engagé, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2016, en qualité d'aide foreur par la SARL Foreo, exerçant une activité de forage et d'études de sol.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment.

M. [W] a été victime d'un accident du travail le 18 mai 2016, lui occasionnant des lésions à l''il droit, ensuite duquel il a été placé en arrêt de travail à plusieurs reprises en raison de diverses rechutes.

Lors d'une visite de reprise organisée le 12 mars 2018, le médecin du travail a indiqué que le salarié ne devait pas être exposé aux poussières et à la soudure.

Le 16 mars 2018, la société Foreo a écrit au médecin du travail afin de l'interroger sur la compatibilité de ses préconisations avec les équipements et le fonctionnement de l'entreprise.

À l'issue d'une visite de reprise du 12 juin 2018, le salarié a été déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail indiquant qu'il 'serait apte sans exposition aux poussières et sans risque de projection et sans exposition ni au soleil ni aux éclairages intenses'.

Le 14 juin 2018, la société Foreo a interrogé le médecin du travail sur les possibilités de reclassement de M. [W], qui a confirmé son avis d'inaptitude le 3 juillet suivant.

Par courrier du 4 juillet 2018, la société Foreo a notifié au salarié l'impossibilité de procéder à son reclassement.

Après un entretien préalable le 16 juillet 2018, M. [W] a été licencié pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre datée du 19 juillet 2018.

A la date de son licenciement, M. [W] avait une ancienneté de deux ans et deux mois, et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Le 8 novembre 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux contestant la légitimité de son licenciement et réclamant à titre principal des dommages et intérêts au titre du non-respect de l'obligation de reclassement et à titre subsidiaire, des dommages et intérêts en raison de son licenciement abusif, soutenant que son inaptitude est consécutive aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité.

Par jugement rendu en formation de départage le 12 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- condamné la société Foreo à payer à M. [W] avec intérêts au taux légal à compter du jugement les sommes suivantes :

* 14.585,88 euros de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de reclassement, en application de l'article L. 1226-15 du code du travail,

* 368,94 euros brut, solde dû sur l'indemnité compensatrice de préavis de l'article L. 1226-14 du code du travail,

- ordonné la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,

- rejeté les demandes de M. [W] au titre de l'indemnité spéciale de licenciement, de l'indemnité de congés payés, de la violation de l'obligation de sécurité et de l'attestation Pôle Emploi,

- condamné la société Foreo aux dépens et à payer à M. [W] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 29 mars 2021, la société Foreo a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée à l'intimé le 15 février 2021 et signifiée à l'appelant par acte d'huissier de justice du 3 mars 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 janvier 2024, la société Foreo demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* requalifié le licenciement de M. [W] en licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa de l'article L. 1226-15 du code du travail,

* condamné la société à lui payer les sommes suivantes :

. 14.585,88 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de reclassement, en application de l'article L. 1226-15 du code du travail,

. 368,94 euros bruts à titre de solde dû sur l'indemnité compensatrice de préavis de l'article L. 1226-14 du code du travail,

* assorti ces condamnations des intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonné la capitalisation des intérêts,

* condamné la société aux dépens et à payer à M. [W] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire du jugement,

Statuant à nouveau,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

Sur les conclusions de M. [W] signifiées le 28 septembre 2021,

- dire que la cour d'appel n'est saisie d'aucun appel incident de M. [W],

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] des demandes suivantes :

* 9.517,72 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 945,68 euros bruts à titre de reliquat d'indemnité de préavis,

* 94,56 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 145,09 euros à titre de reliquat d'indemnité de licenciement,

* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour obligation de sécurité de résultat,

* remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée,

En tout état de cause,

- le débouter de toutes ses demandes,

- le condamner à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 janvier 2024, M. [W] demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de la société à son obligation de reclassement,

- à titre subsidiaire, et en l'absence de décision du conseil de prud'hommes sur ce point, réformer ledit jugement et dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de sécurité,

- le confirmer en ce qu'il a :

* assorti les condamnations des intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonné la capitalisation des intérêts,

* condamné la société Foreo aux dépens et à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- par conséquent, condamner la société aux sommes suivantes :

* à titre principal, 16.316,10 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'article L. 1226-15 du code du travail,

* à titre subsidiaire, 16.316,10 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* en tout état de cause :

. 145,09 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

. 945,68 euros bruts a titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

. 10.000 euros au titre de l'obligation de sécurité de résultat,

. 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La médiation proposée aux parties le 12 juillet 2023 par le conseiller de la mise en état n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 29 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur l'absence d'appel incident de M. [W]

Au soutien de son affirmation selon laquelle la cour d'appel ne serait saisie d'aucun appel incident de l'intimé, la société appelante soutient au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile qu'aux termes de ses écritures du 28 septembre 2021, M. [W] ne sollicite pas l'infirmation des dispositions du jugement déféré ayant rejeté une partie de ses demandes.

M. [W] objecte que le jugement ayant fait droit à sa demande principale et ne l'ayant pas débouté de sa demande subsidiaire, il ne pouvait procéduralement demander à la cour de céans d'infirmer le jugement sur ce point. Il ajoute que ce second moyen figure à ses écritures. Il explique que : « en demandant à la cour de dire et juger à titre subsidiaire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'origine de son inaptitude, M. [W] formule une demande à la cour qui est recevable puisque de surcroit elle tend à la même fin que les prétentions relatives à la contestation du licenciement formulé en première instance »

* * *

Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

L'article 562 du même code défère à la cour la connaissance des chefs de dispositif qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. Il en résulte que l'acte d'appel doit préciser les chefs du jugement critiqués.

Il résulte de ces règles et de l'article 954 du même code que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

En l'espèce, la déclaration d'appel a été formée le 29 mars 2021.

L'appel incident n'est pas différent de l'appel principal par sa nature ou son objet.

Les conclusions de l'appelant qu'il soit principal ou incident, doivent donc déterminer l'objet du litige porté devant la cour d'appel, l'étendue des prétentions dont est saisie la cour d'appel étant déterminée dans les conditions fixées par l'article 954 du code de procédure civile. Le respect par l'intimé dans ces diligences est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 du même code.

Les dernières conclusions de M. [W] comportent en leur dispositif des prétentions tendant à la confirmation de la décision entreprise mais également à sa réformation « à titre subsidiaire et en l'absence de décision du conseil de prud'hommes sur ce point et dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de sécurité » de sorte que contrairement à ce que prétend l'appelant, la cour est valablement saisie des écritures de M. [W] contestant le licenciement.

- Sur le fond

Pour infirmation de la décision, l'employeur affirme avoir respecté ses obligations tant en matière de reclassement que s'agissant de la sécurité de sorte que l'inaptitude de M. [W] ne pouvait avoir pour origine un quelconque manquement fautif de sa part.

M. [W] soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, à titre principal, du fait de la méconnaissance par l'employeur des dispositions relatives à la recherche d'un reclassement et à titre subsidiaire, en raison du non-respect par ce dernier de son obligation de sécurité, à l'origine de son inaptitude.

Sur l'obligation de reclassement

L'appelant soutient que l'entreprise n'était pas dotée de délégués du personnel au regard de son effectif de moins de 11 salariés et qu'aucun poste compatible avec l'état de santé et les compétences de M. [W] n'était disponible dans l'entreprise et au sein de la société FOREO GROUP, que ses diligences ont été loyales et sérieuses et que tous les postes existant dans le groupe impliquaient la même exposition à la poussière et au travaux de soudure sauf ceux de conducteurs de travaux ou d'assistants de direction qui n'étaient pas vacants. Il ajoute qu'un poste de mécanicien-soudeur ainsi qu'un poste de chargé d'études étaient en voie de se libérer mais le premier, pour lequel le salarié ne disposait pas des compétences nécessaires, était incompatible avec les préconisations du médecin du travail tandis que l'autre ne pouvait correspondre à son profil. Il considère que ces postes ne pouvaient être proposés au salarié au titre du reclassement.

De son côté, M. [W] affirme que l'employeur s'est abstenu de soumettre le poste de mécanicien et celui de chargé d'étude au médecin du travail afin de déterminer leur compatibilité avec son état de santé. Il prétend que s'agissant des compétences professionnelles nécessaires pour occuper ces deux postes, la société ne justifiait pas de leur prérequis. Il ajoute que c'est en opportunité que la société a indiqué qu'il s'agissait d'un poste de mécanicien-soudeur pour ne pas le lui proposer alors que le registre du personnel fait état de l'embauche d'un mécanicien. Selon M. [W], l'attestation de M. [C], mécanicien, produite par l'employeur, ne lui permettrait pas de démontrer avoir rempli son obligation de reclassement dans la mesure où ce dernier ne peut attester de la réalité de son poste plusieurs années auparavant alors qu'il était occupé par M. [H].

En l'espèce, la lettre de licenciement du 19 juillet 2018 est rédigée de la manière suivante

« À la suite de votre arrêt maladie, vous avez passé une visite de reprise réalisée le 12 juin 2018, à l'issue de laquelle le Médecin du travail vous a déclaré inapte à votre poste de travail d'aide foreur et précisant que vous seriez apte à un poste : « sans exposition aux poussières et sans risque de projection et sans exposition au soleil ni aux éclairages intenses ».

J'ai alors pris l'initiative de questionner le Médecin du travail, par courrier en date du 13 juin 2018, afin qu'il m'aide à définir un poste que votre état de santé vous permettrait d'occuper, au regard de la structure de l'entreprise et de sa holding.

Le médecin du travail m'a répondu par courriel en date du 3 juillet 2018, en me précisant les mêmes contre-indications que précédemment, à savoir : « que les postes exposés à la poussière dû à la manipulation du ciment et/ou au forage et les postes exposés à des travaux de soudure et de découpe de métal ne sont pas compatibles avec l'état de santé de M. [W]. Il serait apte à un poste sans exposition aux poussières en général et sans risque de projection. De même les postes soumis à un éclairage intense ou au soleil sont contre-indiqués. »

Néanmoins, tous les postes existants dans le groupe impliquent la même exposition à la poussière et/ou à des travaux de soudure que votre poste de travail actuel, hormis les postes d'assistant de direction et de conducteur de travaux, qui ne sont pas vacants et pour lesquels vous ne disposez pas des compétences requises.

Un poste de mécanicien soudeur est en voie de se libérer et j'envisage de recruter, soit un nouveau mécanicien soudeur, soit un chaudronnier soudeur, mais dans les deux cas, ces postes sont incompatibles avec les contre-indications du médecin du travail relatives à votre état de santé et, en tout état de cause, vous ne disposez pas des compétences nécessaires pour occuper ces postes.

J'envisage également la création d'un poste de chargé d'études dans les prochains mois, mais, là encore, vous ne disposez pas des compétences nécessaires pour l'occuper.

La réponse du Médecin du travail et l'absence de poste vacant compatible avec votre état de santé et vos compétences dans l'entreprise et le groupe me contraignent à constater qu'aucun reclassement n'est possible.

En effet, en premier lieu, une adaptation à votre poste d'aide foreur, ni même une mesure d'aménagement de votre temps de travail ne me permettrait de vous maintenir dans votre poste actuel, au regard des contre-indications du Médecin du travail.

J'ai également recherché s'il m'était possible de vous proposer une affectation sur un autre poste de travail au moyen, par exemple, d'une mesure de mutation ou de permutation de personnel qui soit compatible avec votre état de santé et avec les prescriptions du Médecin du travail.

Malheureusement, les restrictions sur votre aptitude qui ont été prises par le Médecin du travail, rendent impossible votre reclassement sur d'autres emplois de l'entreprise et du groupe.

Notez, en outre, qu'il n'existe actuellement aucun poste vacant compatible avec votre état de santé et vos compétences.

Pour ces raisons, je suis donc dans l'impossibilité de procéder à votre reclassement en dépit de mes démarches et de la réflexion menées en ce sens qu'il s'agisse d'une adaptation de votre poste ou d'une affectation sur un autre poste au moyen d'une mutation, d'une transformation de poste ou d'une permutation d'emploi.

Compte tenu de votre inaptitude à votre poste d'aide foreur, et de l'impossibilité de procéder à votre reclassement, je n'ai donc pas d'autre choix que de procéder à votre licenciement. »

Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise.

Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En application de l'article L.1226-12 du même code, lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie, soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. Il peut également rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

* * *

Aux termes de l'avis rendu le 12 juin 2018 par le médecin du travail, le salarié a été déclaré inapte à son poste, le médecin précisant qu'il serait : « serait apte sans exposition aux poussières et sans risque de projection et sans exposition ni au soleil ni aux éclairages intenses' et ce à la suite d'un accident du travail lors duquel il a reçu un éclat métallique dans l''il droit.

Cet avis ne comporte pas les mentions selon lesquelles tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé, seuls motifs dispensant l'employeur de toute obligation de reclassement. L'employeur est donc tenu, en application de l'article L1226-10 du code du travail, de proposer au salarié un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il incombe en conséquence à l'employeur d'apporter la preuve de l'impossibilité dans laquelle il se trouve de procéder au reclassement.

Pour justifier du respect de son obligation de reclassement l'employeur produit les pièces suivantes :

- le courrier adressé par ses soins le 14 juin 2018 au médecin du travail expliquant : « Tous les postes existants dans l'entreprise impliquent la même exposition à la poussière et/ou à des travaux de soudure que son poste de travail actuel, hormis les postes d'assistant de direction et de conducteur de travaux, qui ne sont pas vacants et pour lesquels M. [W] ne dispose pas des compétences requises. Nous envisageons la création d'un poste de chargé d'études dans les prochains mois, mais, là encore, M. [W] ne dispose pas des compétences nécessaires pour l'occuper. Afin de déterminer les postes qui pourraient être proposés à M. [W], dans le cadre de son reclassement, je vous remercierai de me préciser les postes sur lesquels M. [W] pourrait être positionné et les autres contre-indications éventuelles à respecter »,

- sa lettre de recherche de reclassement adressé le 3 juillet 2018 à la société Foreo Group précisant d'une part que son salarié était inapte au poste d'aide foreur et d'autre part, rappelant les préconisations du médecin du travail,

- la réponse négative de la société Foreo Group du 4 juillet 2018 indiquant qu'elle ne compte qu'un seul emploi salarié d'assistant de direction et ne dispose d'aucun poste vacant susceptible d'être proposé à M. [W],

- le registre du personnel sur lequel apparait le poste de mécanicien occupé par M. [H] à compter du 23 avril 2018 et jusqu'au 5 juillet 2018, donc vacant au moment du licenciement de M. [W],

- le registre du personnel de la société Foreo Group sur lequel figurent trois emplois administratifs,

- un courriel du 3 juillet 2018 du médecin du travail libellé ainsi : « suite à votre courrier du 14 juin 2018, je pense que les postes exposés à la poussière dû à la manipulation du ciment et/ou au forage et les postes exposés à des travaux de soudure et de découpe de métal ne sont pas compatibles avec l'état de santé de M.[W]. il serait apte à un poste sans exposition aux poussières en général et sans risque de projection. De même les postes soumis à un éclairage intense ou au soleil sont contre-indiqués. »,

- L'attestation de M. [C], mécanicien, qui indique accomplir des travaux de soudure, mais il n'est pas précisé à compter de quelle date il a pris ses fonctions et s'il a remplacé M. [H], dont on ignore par ailleurs tout des missions qui lui étaient confiées.

Il résulte dès lors de l'ensemble des pièces susvisées que si l'employeur a interrogé la société Foreo Group pour rechercher un poste de reclassement en rappelant le poste occupé jusqu'alors par M. [W] ainsi que les recommandations du médecin du travail, et a évoqué dans son courrier du 14 juin 2018 adressé au médecin du travail, un poste de chargé d'études pour lequel le salarié ne dispose pas à l'évidence des compétences professionnelles requises puisqu'il nécessite un diplôme de niveau bac +5 que le salarié ne détenait pas, en revanche, il s'est abstenu de soumettre à l'avis du médecin du travail pour déterminer sa compatibilité avec l'état de santé du salarié, le poste de mécanicien de M. [H] tel qu'il figure sur le registre du personnel et qu'il présente dans son courrier du 4 juillet 2018 de notification au salarié de son impossibilité de reclassement, comme un poste de : « mécanicien soudeur en voie de se libérer et j'envisage de recruter, soit un nouveau mécanicien soudeur, soit un chaudronnier soudeur mais dans les deux cas, ces postes sont incompatibles avec les contre-indications du médecin du travail relatives à votre état de santé et en tout état de cause, vous ne disposez pas des compétences nécessaires pour occuper ces postes. ». En outre, il ne justifie pas des qualifications requises pour occuper le poste de M. [H] permettant de considérer que le salarié n'était pas en mesure, au regard de ses qualifications professionnelles, d'y prétendre même avec une formation adaptée. Ce faisant, l'employeur ne démontre pas avoir procéder à des recherches loyales et sérieuses de reclassement.

C'est ainsi à juste titre que les premiers juges ont considéré le licenciement comme sans cause réelle et sérieuse et sans qu'il y ait lieu d'apprécier les autres moyens de contestation développés par le salarié.

Sur les conséquences financières du licenciement abusif

L'article L.1226-15 du code du travail dispose que le montant de l'indemnité due au salarié pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en cas de méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues par les articles L 1226-10 à L 1226-12 du code du travail est calculé conformément à l'article L.1235-3-1 du code du travail lequel prévoit qu'il ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'ancienneté du salarié de plus de deux ans, du salaire moyen brut mensuel de 2.430,98 euros calculé sur les trois derniers mois de travail en application des dispositions de l'article L.1226-16 du code du travail applicable aux indemnités prévues aux articles L.1226-14 et L.1226-15 du même code, des circonstances de la rupture et de la situation du salarié après celle-ci, il y a lieu de confirmer la décision déférée ayant condamné la société à verser à M. [W] la somme de 14.585,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le complément d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés et d'indemnité de licenciement

L'employeur considère avoir rempli le salarié de ses droits et soutient qu'en outre la cour n'est pas saisie d'un appel incident de sorte qu'elle ne pourra que confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.

La cour ayant été saisie de l'appel incident du salarié concernant sa contestation du licenciement, elle se trouve, de fait, saisie des conséquences financières qui en résultent.

L'article L.1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail dans le cadre d'une inaptitude physique professionnelle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L.1234-5 du code du travail ainsi qu'une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité légale.

Ces indemnités doivent être calculées conformément aux dispositions de l'article L.1226-16 du même code.

Le salaire moyen s'élevant à la somme de 2.430,98 euros, l'indemnité spéciale de licenciement est de 2.633,56 euros et l'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis est de 4.861,96 euros.

L'indemnité compensatrice prévue à l'article L.1226-14 du code du travail n'ayant toutefois pas la nature d'une indemnité de préavis, M. [W] ne peut pas prétendre à l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis et sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

Le salarié ayant reçu la somme de 2.800 euros au titre de l'indemnité de licenciement, aucun complément ne lui est dû à ce titre. En revanche, l'employeur qui lui a versé la somme de 4.493,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis reste redevable de la somme de 368,94 euros ainsi retenue par les premiers juges.

Leur décision sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société à verser au salarié la somme de 368,94 euros à ce titre.

Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité

Pour confirmation de la décision qui a débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la société fait valoir d'une part, l'irrecevabilité de cette demande, la cour n'étant saisie d'aucun appel incident de l'intimé sur ce point et d'autre part, qu'elle n' a commis aucune faute ainsi qu'en a décidé la cour d'appel de bordeaux le 14 septembre 2023 en confirmant le jugement rendu par le pôle social du Tribunal judiciaire de Bordeaux ayant rejeté la demande du salarié tendant à voir reconnaitre la faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de son accident.

En réponse, le salarié indique que sa demande tendant à l'octroi de dommages et intérêts d'un montant de 10.000 euros du fait de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité, est recevable pour figurer dans le dispositif de ses dernières conclusions, que la décision rendue par le cour d'appel de Bordeaux statuant sur un appel d'une décision du pôle social est inopposable à la cour de céans dans la mesure où sa demande porte sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et non sur les conséquences de l'accident du travail dont il a été victime et que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en l'exposant à un environnement hostile du fait de la spécificité de son emploi, sans équipements de protection adaptés, en mettant à disposition des salariés du matériel non conformes aux normes de conception, sans mettre en place un suivi médical et sans aménager son poste de travail.

En application des dispositions des articles 542, 562 et 954 du code de procédure visés supra lorsque dans le dispositif des conclusions, il n'est demandé ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il est recherché l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement.

Le respect par l'intimé dans ces diligences est nécessairement apprécié en considération des prescriptions de l'article 954 du même code.

En outre, selon l'article 954 alinéa 4 du même code, les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

En l'espèce, le jugement déféré a débouté M. [W] de sa demande tendant à l'allocation de la somme de 10.000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité.

Dans le dispositif de ses dernière conclusions, M. [W] demande :

« - à titre principal, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a dit que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de la société à son obligation de reclassement,

- à titre subsidiaire, et en l'absence de décision du conseil de prud'hommes sur ce point, réformer ledit jugement et dire et juger le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de sécurité,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* assorti les condamnations des intérêts au taux légal à compter du jugement et ordonné la capitalisation des intérêts,

* condamné la société Foreo aux dépens et à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire du jugement,

Par conséquent, condamner la société aux sommes suivantes :

* à titre principal,

-16.316,10 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'article L. 1226-15 du code du travail,

* à titre subsidiaire,

- 16.316,10 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de l'article L. 1235-3 du code du travail,

* en tout état de cause :

- 145,09 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

- 945,68 euros bruts à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

- 10.000 euros au titre de l'obligation de sécurité de résultat,

. 1.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile »

Il en résulte que dans ses dernières écritures, l'intimé n'a pas demandé l'infirmation de la décision concernant le rejet de sa demande au titre du préjudicie distinct en lien avec la violation de l'obligation de sécurité par l'employeur, de sorte que la cour ne peut que confirmer le jugement entrepris sur ce point.

- Sur les autres demandes

S'agissant de la demande du salarié tendant à la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée, ainsi que les premiers juges l'ont retenu à juste titre, d'une part, M. [W] qui a été rémunéré le 12 mars 2018 ne peut prétendre obtenir un tel document comportant la date du 29 janvier 2018 comme dernier jour travaillé et d'autre part, la prime de remplacement a été prise en compte dans le salaire de juin 2017 et mentionnée comme telle.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant. La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Partie perdante en son recours, la société devra supporter la charge des dépens et verser à M. [W] la somme complémentaire de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Déclare recevable l'appel incident de M. [W] en ce qu'il a sollicité : « à titre subsidiaire et en l'absence de décision du conseil de Prud'hommes sur ce point (de) réformer ledit jugement et dire et juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement à l'obligation de sécurité »,

Dit que la cour n'est pas saisie d'un appel incident de M. [W] sur le rejet de sa demande d'allocation de la somme de 10.000 euros au titre de la violation de l'obligation de sécurité par l'employeur,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Foreo à verser à M. [W] la somme complémentaire de 300 euros au titre des frais irrépétibles,

Condamne la société Foreo aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/01837
Date de la décision : 20/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-20;21.01837 ?
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