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13/03/2024 | FRANCE | N°21/03217

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 13 mars 2024, 21/03217


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 13 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03217 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-META







S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE



c/



Monsieur [C] [R]

















Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 avril 2021 (R.G. n°F 19/00100) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANGOULÊME, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 03 juin 2021,





APPELANTES :

SAS Schneider Electric Ind...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 13 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03217 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-META

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC INDUSTRIES

S.A.S. SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE

c/

Monsieur [C] [R]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 avril 2021 (R.G. n°F 19/00100) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANGOULÊME, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 03 juin 2021,

APPELANTES :

SAS Schneider Electric Industries, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 954 503 439

SAS Schneider Electric France, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 421 106 709

représentées par Me Patrick DAYAU de la SCP ESENCIA, avocat au barreau de BORDEAUX, assistées de Me RENUCCI avocat au barreau de NICE substituant Me Emeric SOREL de la SAS ACTANCE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [C] [R]

né le 06 mars 1957 à [Localité 11] (16) de nationalité française demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Frédérique BERTRAND de la SELARL FREDERIQUE BERTRAND SEL, avocat au barreau de CHARENTE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 février 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Schneider Electric (ci-après société SE) est la société mère du Groupe Schneider Electric et détient notamment 100% du capital social des sociétés Schneider Electric France (ci-après société SEF) et Schneider Electric industrie (ci-après société SEI).

Ces deux sociétés, qui constituent depuis 2006 une unité économique et sociale (ci-après UES), comptent 11 établissements dont quatre ont fait l'objet en 2010 d'un projet de réorganisation visant à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise':

- 3 en Charente : site de production de [Localité 8] (situé près de [Localité 5]) qui employait 203 salariés au 31 août 2010, sites des [Localité 3] et de [Localité 7] (situés près d'[Localité 4]) qui employaient 391 salariés ;

- 1 en Isère, l'usine de MasterTech à [Localité 9] (située près de [Localité 6]) qui employait 366 salariés.

Ce projet tendait à spécialiser et rassembler les sites existants autour de trois pôles

- le site des [Localité 3] ([Localité 4]), dorénavant exclusivement consacré à la technologie électronique';

- le site de [Localité 7], chargé de la fabrication de boutons de commande, jusqu'alors produits à [Localité 8], l'atelier « Zamak pièces peintes » occupant 56 salariés faisant l'objet d'une externalisation en Italie et au Maroc';

- le site de Prodipact de [Localité 10] (Savoie), fabricant des produits de protection installés dans les armoires électriques.

La réorganisation envisagée impliquait :

- le transfert à [Localité 7] de 203 postes de travail de [Localité 8], les deux sites étant séparés de 43 kilomètres';

- la suppression de 56 emplois sur le site de [Localité 7], à raison de l'externalisation de l'atelier « Zamak pièces peintes »';

- le transfert de 23 emplois du site de [Localité 9] vers celui de [Localité 10], les deux sites étant distants de 70 kilomètres.

Un premier projet a été présenté aux organisations syndicales au niveau du groupe Schneider et a fait l'objet d'un accord le 30 juin 2010 contre lequel les organisations syndicales non signataires ont fait valoir leur droit d'opposition.

Les négociations se sont alors poursuivies au niveau de l'UES constituée par les sociétés SEF et SEI et ont abouti à un accord de méthode conclu le 30 juillet 2010 au niveau de l'UES.

Au cours du mois d'octobre 2010, un plan de sauvegarde de l'emploi s'inscrivant dans le cadre de cet accord a été présenté aux institutions représentatives du personnel.

L'accord de méthode signé en juillet 2010 a alors fait l'objet d'un avenant précisant les modalités de diverses mesures d'accompagnement à la mobilité et de reclassement des salariés, signé le 22 décembre 2010 par quatre des organisations syndicales représentatives au sein de l'UES, la CGT et la CFDT n'étant pas signataires de cet avenant.

Pour les salariés de [Localité 8], transférés sur le site de [Localité 7], figuraient des mesures d'aide à la mobilité, différentes selon que les salariés transférés déménageaient ou conservaient leur ancien domicile qui comportaient notamment :

- en cas de déménagement':

1. une indemnité spécifique forfaitaire d'encouragement à la mobilité de 4.000 euros bruts,

2. une augmentation de 5% du salaire liée à la mobilité octroyée sous certaines conditions tenant aux distances entre le domicile et le nouveau lieu de travail,

3. une indemnité de sauvegarde de l'emploi,

4. des aides à la réinstallation destinées à faciliter le déménagement comportant notamment une indemnité compensatrice de frais de réinstallation ou de logement (en cas de location) d'un montant variable selon les charges de famille du salarié ;

- en l'absence de déménagement':

1. une indemnité spécifique forfaitaire d'encouragement à la mobilité de 4.000 euros bruts,

2. une augmentation de 5% du salaire liée à la mobilité octroyée sous certaines conditions tenant aux distances entre le domicile et le nouveau lieu de travail,

3. une participation à la prise en charge des moyens de transports collectifs de 4.000 euros

ou

- une participation à la prise en charge des moyens de transports individuels liée à l'allongement du trajet, dont le montant était fonction des kilomètres supplémentaires et variait entre 4.000 et 28.000 euros ainsi qu'une indemnité complémentaire de 4.000 euros en cas d'engagement à assurer un covoiturage (en cas d'allongement de la distance de plus de 10 kms).

Le plan prévoyait ensuite une deuxième étape pour les salariés du site de [Localité 8] (et de l'usine MasterTech de [Localité 9]) qui refuseraient la modification de leur lieu de travail ainsi que pour les 56 salariés affectés à l'atelier «'Zamak pièces peintes'» du site de [Localité 7], dont l'emploi était supprimé du fait de l'externalisation de cette activité.

Dans une troisième étape, des dispositions destinées aux salariés ayant un projet professionnel, volontaires à une mobilité externe, prévoyaient une période de congé de reclassement d'une durée variable en fonction de l'âge et de l'ancienneté du salarié, rémunérée à hauteur de 65% du salaire moyen de l'intéressé, à l'issue de laquelle la rupture du contrat d'un commun accord pour motif économique produirait effet avec versement d'une indemnité de licenciement au moins égale à 26.000 euros pour les salariés ayant 15 ans d'ancienneté et plus.

Suite à l'assignation délivrée le 1er juillet 2011 par le syndicat CGT Schneider Electric [Localité 4] aux sociétés SE, SEI et SEF devant le tribunal de grande instance de Nanterre, la cour d'appel de Versailles a, par arrêt rendu le 25 novembre 2014, confirmé le jugement rendu en première instance en ce qu'il avait prononcé la mise hors de cause de la société SE, l'a infirmé pour le surplus et a annulé le plan de sauvegarde de l'emploi établi par les sociétés SEI et SEF, estimant que les mesures de reclassement étaient insuffisantes tant au regard des moyens du groupe que de leur précision et pertinence.

Le pourvoi formé par les sociétés a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation en date du 16 juin 2016.

Parallèlement à cette procédure, les mesures du plan de sauvegarde de l'emploi avaient été mises en 'uvre et le site de [Localité 8] a fermé.

***

M. [C] [R], né en 1957, engagé le 4 août 1980, exerçait en dernier lieu les fonctions de metteur au point sur le site de [Localité 8] pour le compte de la société SEF.

Un avenant à effet au 1er octobre 2012, conclu le 24 septembre 2012 avec la société SEF, a acté la mutation de M. [R] sur le site de [Localité 7] ainsi que le montant des sommes versées au titre des mesures d'accompagnement de sa mobilité soit': une indemnité spécifique forfaitaire d'encouragement à hauteur de 4.000 euros bruts, une augmentation de son salaire de base de 5%, une participation aux frais de transports individuels de 28.000 euros bruts et une indemnité complémentaire de 4.000 euros bruts pour l'engagement de covoiturage.

Le 6 janvier 2017, le syndicat CGT Schneider Electric [Localité 4] a proposé à la société SEI de revoir amiablement les indemnités versées aux salariés ayant accepté la modification de leur lieu de travail ou de quitter l'entreprise dans le cadre d'un départ volontaire.

La société SEF a refusé cette proposition.

Le 5 avril 2019, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême d'une demande de condamnation solidaire de la société SEF et de la société SEI en paiement de sommes supplémentaires à celles perçues en application du PSE ainsi que pour obtenir l'indemnisation de son préjudice moral.

Par jugement de départage en date du 16 avril 2021, le conseil de prud'hommes a déclaré recevable l'action de M. [R], rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par les sociétés défenderesses et a condamné les deux sociétés à payer à M. [R] les sommes suivantes': 7.500 euros au titre de l'indemnité d'encouragement pour accompagner au poste de travail, 48.729 euros au titre de l'indemnité pour frais kilométriques, 11.250 euros au titre du préjudice moral, outre 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

La décision a été assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 3 juin 2021, les sociétés SEI et SEF ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions adressées par le réseau privé virtuel des avocats le 9 janvier 2024, elles concluent à la réformation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de M. [R] recevable, les a condamnées en paiement et déboutées de leurs demandes.

In limine litis, elles demandent à la cour de déclarer irrecevables comme prescrites les demandes de M. [R], de l'en débouter et d'ordonner sa condamnation à la restitution intégrale des sommes versées en exécution du jugement déféré.

Dans l'hypothèse où la fin de non-recevoir ne serait pas accueillie, les sociétés demandent à la cour de':

A titre principal,

- dire que l'annulation du PSE n'a aucune incidence sur la validité de la modification du contrat de travail de M. [R], l'article L. 1222-6 du code du travail ne conditionnant pas la modification du contrat de travail pour motif économique à la mise en 'uvre d'un PSE,

- dire que M. [R] ne peut revendiquer l'existence d'un quelconque préjudice du fait de l'annulation du plan,

- débouter M. [R] de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- juger mal fondées les demandes de M. [R] lesquelles ne constituent pas, à l'exception de la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, des demandes indemnitaires mais des demandes complémentaires à celles qui étaient prévues initialement par le PSE non fondées dans la mesure où celui-ci a été annulé,

- juger que les sociétés n'ont commis aucune faute ou manquement susceptible d'engager leur responsabilité,

- dire que M. [R] ne justifie d'aucun préjudice,

- débouter M. [R] de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour retient l'existence d'un préjudice,

- dire que les indemnités et avantages dont M. [R] a bénéficié et qui n'ont pas été restitués, constituent la juste réparation du ou des préjudices prétendument subis,

- débouter M. [R] de ses demandes,

En tout état de cause,

- débouter M. [R] de ses demandes,

- condamner M. [R] à restituer l'intégralité des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire ordonnée par la décision de première instance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner M. [R] à leur verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées par le réseau privé virtuel des avocats le 21 décembre 2023, M. [R] sollicite la confirmation du jugement déféré dans toutes ses dispositions, le rejet de l'ensemble des demandes des sociétés appelantes et la condamnation de celles-ci à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La clôture a été prononcée le 12 février 2024 avant l'ouverture des débats devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens de parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance invoquée.

M. [R] sollicite le paiement de sommes supplémentaires au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de la modification de son lieu de travail prévue par l'avenant à son contrat de travail, conclu avec son employeur le 24 septembre 2012.

Sur les demandes à l'égard de la société SEF

Au soutien de ses demandes en paiement, M. [R] invoque à titre principal la responsabilité extracontractuelle et délictuelle de la société SEF dont les parties conviennent qu'elle était son unique employeur.

Il est ainsi soutenu que l'action est fondée sur l'article 1240 du code civil (ancien article 1382) et que les demandes ne relèvent pas de la prescription édictée par l'article L. 1471-1 du code du travail car elles ne reposent ni sur l'exécution du contrat ni sur sa rupture mais sur un plan social définissant des mesures sociales d'accompagnement qui ont été annulées et sur les conséquences de cette annulation, M. [R] invoquant sa qualité de tiers à ce plan qui a été établi unilatéralement par son employeur.

Le délai de prescription applicable serait donc celui édicté par l'article 2224 du code civil.

Cependant, même à supposer l'existence d'une faute extracontractuelle imputable à la société SEF, le délai de 5 ans résultant des dispositions de l'article 2224 du code civil court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Or, d'une part, les salariés concernés par la présente instance, même non parties à l'élaboration du PSE, disposaient d'un droit individuel à contester les mesures en résultant et notamment celui d'invoquer l'insuffisance de ces mesures au regard du préjudice subi du fait du changement de leur lieu de travail.

D'autre part, dès la conclusion de l'avenant au contrat modifiant le lieu d'exécution de sa prestation, M. [R] avait une exacte connaissance des indemnités que lui verserait la société SEF, dont le montant était expressément précisé par le document contractuel signé et, par conséquent, de l'éventuelle insuffisance des sommes y figurant au regard des déplacements induits par cette modification et du dommage qui pouvait en résulter.

Par ailleurs, l'organisation du temps de travail au sein du nouvel établissement d'affectation de [Localité 7] reposait sur un accord intervenu le 6 septembre 2011, soit avant la signature par M. [R] de l'avenant actant le changement de son lieu de travail, outre que les horaires de travail qui étaient appliqués à [Localité 8] ne sont ni justifiés ni même précisés.

Enfin, les autres éléments de préjudices y compris moral invoqués par M. [R] ne peuvent être retenus comme de nature à retarder le point de départ du délai de prescription. En particulier, la mise en place par l'employeur d'une navette entre [Localité 8] et [Localité 7] n'était pas prévue par le PSE et l'employeur justifie qu'il avait organisé des visites du nouveau site pour les salariés en février 2012 ; dès lors, M. [R] ne peut se prévaloir de la « découverte » ultérieure de conditions de travail ou de transport moins favorables ou encore de l'impact sur sa vie privée et familiale de l'éloignement de son nouveau lieu de travail, connu dès la signature de l'avenant à son contrat emportant modification de celui-ci.

Le point de départ de la prescription édictée par l'article 2224 du code civil doit par conséquent être fixé à la date de signature de cet avenant.

M. [R] a saisi la juridiction prud'homale le 5 avril 2019, soit plus de 5 ans après la signature de l'avenant.

Ses demandes sont donc irrecevables comme prescrites.

A titre subsidiaire, M. [R] soutient que ses demandes, même reposant sur une faute éventuelle de son employeur commise dans l'exécution du contrat, sont recevables au regard des dispositions de l'article L. 1471-1 du code du travail qui dispose que toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Il résulte des éléments précédemment retenus que le point de départ de ce délai doit être fixé à la date à laquelle les salariés ont eu connaissance de la modification de leur contrat ainsi que des sommes qui leur étaient dues en vertu du PSE, soit à la date de la signature de leur avenant, dont ils pouvaient contester à titre individuel la pertinence s'ils estimaient que les mesures d'accompagnement à la mobilité prévues n'étaient pas suffisantes.

Compte tenu de la date de la saisine de la juridiction prud'homale intervenue le 5 avril 2019, l'action de M. [R], engagée plus de deux ans après la signature de l'avenant modifiant son lieu de travail, même fondée, à titre subsidiaire, sur la responsabilité contractuelle de la société SEF, est prescrite et ses demandes sont dès lors irrecevables.

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a estimé recevables les demandes de M. [R] présentées à l'encontre de la société SEF.

Sur les demandes à l'égard de la société SEI

Les demandes de M. [R] à l'égard de la société SEI, qui n'était pas son employeur, ne peuvent s'inscrire, ainsi qu'il l'est soutenu, que dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle de celle-ci.

Cependant, même à supposer l'existence d'une faute délictuelle imputable à la société SEI établie, le délai de 5 ans résultant des dispositions de l'article 2224 du code civil court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Les salariés, même non parties à l'élaboration d'un PSE, disposent d'un droit individuel à contester les mesures en résultant et notamment de celui d'invoquer l'insuffisance de celles-ci au regard du préjudice subi.

Ainsi qu'il l'a été précédemment relevé en ce qui concerne la société SEF, dès la signature de l'avenant à son contrat modifiant son lieu de travail, prévoyant très précisément le montant et la nature des sommes qui lui seraient versées, M. [R] avait connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits, y compris à l'encontre de la société SEI.

Le délai de prescription de son action était donc expiré à la date de saisine de la juridiction prud'homale.

Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a estimé recevables les demandes de M. [R] présentées à l'encontre de la société SEI.

Sur les autres demandes

L'obligation de restitution des sommes versées à M. [R] en exécution des condamnations assorties de l'exécution provisoire prononcées en première instance découle de l'infirmation du jugement déféré et il n'est pas justifié en l'état de la nécessité d'assortir cette obligation d'une mesure d'astreinte.

M. [R], partie perdante à l'instance, en supportera les dépens.

Compte tenu des circonstances du litige, il n'apparaît pas inéquitable de laisser aux sociétés mises en cause la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déclare prescrite l'action engagée par M. [C] [R] à l'encontre des sociétés Schneider Electric France et Schneider Electric Industrie et irrecevables ses demandes à leur égard,

Rappelle que l'obligation de restitution des sommes versées à M. [C] [R] en exécution des condamnations assorties de l'exécution provisoire prononcées en première instance découle de l'infirmation du jugement déféré,

Dit n'y avoir lieu à prononcer une astreinte,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [C] [R] aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03217
Date de la décision : 13/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-13;21.03217 ?
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