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13/03/2024 | FRANCE | N°21/01482

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 13 mars 2024, 21/01482


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 13 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/01482 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7XB











Monsieur [K] [Z]



c/



SAS Cabinet Continental venant aux droits de la SAS Continental Cosmetic

















Nature de la décision : AU FOND







Grosse délivrée le :r>


à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2021 (R.G. n°F 19/01030) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 12 mars 2021,





APPELANT :

Monsieur [K] [Z]

né le 20 Septembre ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 13 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/01482 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L7XB

Monsieur [K] [Z]

c/

SAS Cabinet Continental venant aux droits de la SAS Continental Cosmetic

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 février 2021 (R.G. n°F 19/01030) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 12 mars 2021,

APPELANT :

Monsieur [K] [Z]

né le 20 Septembre 1973 à [Localité 5] de nationalité Française

Profession: Cadre, demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]

représenté par Me Pierre SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU

INTIMÉE :

SAS Cabinet Continental venant aux droits de la SAS Continental Cosmétic, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4] - [Localité 2]

N° SIRET : 338 780 984

représentée et assistée de Me Maryline LE DIMEET de la SELAS LE DIMEET ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 janvier 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente, chargée d'instruire l'affaire, et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [K] [Z], né en 1973, a été engagé en qualité de directeur achat - approvisionnement - logistique par la SAS Continental Cosmetic (devenue depuis le 1er juillet 2018 Cabinet Continental), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 décembre 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des commerces de gros du 23 juin 1970.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [Z] s'élevait à la somme de 5.000 euros.

À compter du 25 avril 2017, M. [Z] a été placé en arrêt de travail, prolongé jusqu'à la fin de la relation de travail.

Par lettre datée du 1er août 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé au 7 septembre suivant. La société n'a pas donné suite à cette procédure.

Par courrier du 14 septembre 2017, l'employeur a interrogé M. [Z] sur l'éventuelle reprise de ses fonctions.

Par lettre du 19 septembre 2017, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 28 septembre suivant.

Il a ensuite été licencié pour désorganisation consécutive à son absence prolongée et nécessité de remplacement par lettre datée du 5 octobre 2017.

Par courrier du 25 octobre 2017, le salarié a contesté son licenciement.

Le 31 janvier 2018, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux , contestant à titre principal la validité et à titre subsidiaire et la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, dont des dommages et intérêts et des rappels de salaires.

Par jugement rendu le 12 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [Z] de sa demande de rejet des pièces 16 et 20 du bordereau de communication de pièces de la société Cabinet Continental,

- jugé que le licenciement de M. [Z] est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1232-1 du code du travail,

- jugé qu'il n'a aucun caractère discriminatoire ou illicite et n'est affecté d'aucune nullité,

- débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Cabinet Continental de sa demande à titre de dommages et intérêts et au titre l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Z] aux dépens.

Par déclaration du 12 mars 2021, M. [Z] a relevé appel de cette décision, notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 16 février 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juillet 2021, M. [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- réparer les omissions de statuer,

- statuer sur l'intégralité des demandes,

- débouter l'intimée de ses demandes reconventionnelles,

- écarter en application du principe de primauté de la norme européenne tout texte du droit interne et jurisprudence contraires, fut-ce une jurisprudence établie,

A titre principal,

- prononcer la nullité du licenciement discriminatoire en lien avec l'état de santé, et la réintégration de droit, l'employeur ne prouvant pas la nécessité, ni le remplacement définitif dans un délai raisonnable,

A titre subsidiaire,

- prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement ' fixant le cadre du litige rendant irrecevable l'évocation, en cause d'appel, de la notion de « service essentiel » ' énonçant seulement que les absences répétées du salarié perturbent le bon fonctionnement du service et non de l'entreprise dans son ensemble, notion stricte réaffirmée par la Cour de cassation, au dernier état de sa jurisprudence,

A titre des plus subsidiaire,

- prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement notifié sans mise en demeure préalable, en violation de la garantie de fond de l'article 48 de la convention collective,

A titre principal,

- condamner l'intimée à payer l'indemnité d'éviction égale au montant de la rémunération entre la date du licenciement et la date de réintégration, (intégralité de la rémunération et accessoires de rémunération, congés payés, intéressement, etc..) et ce, sans déduire les revenus de remplacement, correspondant à :

* 288.396 euros (57.679,20 euros x 5 ans), outre les congés payés afférents de 28.839,60 euros dans l'hypothèse où la réintégration interviendrait le 5 octobre 2022, (sommes à parfaire),

* 346.075,20 euros (57.679,20 euros x 6 ans), outre les congés payés afférents de 34.607,52 euros dans l'hypothèse où la réintégration interviendrait le 5 octobre 2023, (sommes à parfaire),

Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois, outre la capitalisation,

- enjoindre à l'employeur, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, d'émettre les bulletins de paie correspondant,

Subsidiairement, la condamner à payer les sommes suivantes :

* 125.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige,

* 15.000 euros au titre du préavis, outre 1.500 euros de congés payés

afférents,

En tout état de cause, condamner l'intimée à payer les sommes suivantes :

* 15.110,6 euros à titre du reliquat de rappel de salaire (80% de la rémunération prise en charge par la complémentaire et la prévoyance KLESIA), outre les congés payés afférents de 2.826,88 euros,

* 7.000 euros de reliquat de rémunération non-prise en charge par KLESIA correspondant à 20 % du salaire, outre 700 euros de congés payés afférents,

* 2.500 euros de dommages-intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi et paiement tardif des salaires et du solde de tout compte et

blocage du paiement de la complémentaire KLESIA,

* 30.000 euros de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé de l'article L. 4121-1 du code du travail, de l'accord

national interprofessionnel sur le stress au travail et de l'obligation d'exécution

loyale du contrat de travail de l'article L.1222-1 du code du travail,

* 5.000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice concernant la

violation du secret professionnel et des correspondances,

* 3.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- écarter des débats la pièce 16 adverse communiquée en violation du secret professionnel et des correspondances au mépris des articles 226-13 du code pénal et 2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat,

- enjoindre à l'intimée de supprimer dans ses conclusions et dans son bordereau de communication de pièces, toute référence aux courriels échangés entre lui et son avocat, et ce sous astreinte de 150 euros par jour,

- écarter également des débats la pièce 20 adverse communiquée en violation du secret des correspondances au mépris des articles 1 de la loi n°91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques et 9 du code civil,

- se réserver la faculté de liquider les astreintes,

- frapper les condamnations de l'intérêts au taux légal depuis la date de saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

- condamner l'intimée aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 février 2022, la société Cabinet Continental, venant aux droits de la société Continental Cosmetic demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [Z] pour désorganisation consécutive à son arrêt maladie prolongé et nécessité de remplacement définitif est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire que M. [Z] n'a subi aucune discrimination directe ou indirecte liée à son état de santé ou une quelconque autre cause,

- dire que son licenciement n'est entaché d'aucune nullité,

En conséquence,

- débouter M. [Z] de ses demandes principales soit :

* de réintégration,

* d'indemnité d'éviction,

* de congés payés au prorata,

- le débouter de ses demandes subsidiaires, à savoir :

* de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* d'indemnité compensatrice de préavis,

* d'indemnité de congés payés sur préavis,

En toute hypothèse,

- le débouter de ses demandes :

* de reliquat de rappel de salaire et les congés payés au prorata,

* de solde de rémunération non pris en charge par KLESIA et les congés

payés au prorata,

* de dommages et intérêts pour remise tardive de l'attestation Pôle emploi et paiement tardif des salaires, du solde de tout compte et blocage du paiement

de la complémentaire KLESIA,

* de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de

l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

* de dommages et intérêts au titre d'un préjudice concernant la violation du secret professionnel et des correspondances,

* de rejet des pièces 16 et 20 du bordereau de communication de la société Cabinet Continental,

* de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre reconventionnel,

- condamner M. [Z] au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et malveillante sur le fondement de l'article 1240 du code civil,

- le condamner au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner en tous les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 22 janvier 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'(...) Vous êtes employé au sein de la société depuis le 7 décembre 2015 en qualité de Directeur Achat Approvisionnement Logistique, statut cadre.

De fait, vos responsabilités sont très étendues et précisées d'ailleurs dans votre contrat de travail, soit :

-Organiser le Service Supply Chain,

- Assurer et optimiser la gestion des stocks des produits finis, articles de conditionnement et supports de communication,

- Assurer et optimiser la gestion des plannings et des sous- traitants et la coordination des approvisionnements,

- Optimiser des coûts d'achat et de ressources;

- Organiser le cadre et assurer la relation permanente avec les fournisseurs et les sous- traitants,

- Analyser et optimiser des flux de transport,

- Favoriser l'innovation,

cette liste n'est pas limitative.

Votre absence prolongée depuis près de six mois a pour conséquence de perturber le fonctionnement normal de la société.

Compte-tenu de la technicité des tâches que vous assumez et qui supposent un niveau de compétence indéniable, la société n'a pu recourir à l'intérim et la répartition partielle de vos responsabilités entre les salariés de la société n'est pas une solution satisfaisante.

En effet, ces derniers ont leurs propres attributions et votre poste de cadre aux fonctions par nature équivalentes n'ont pu être exercées, entraînant de fait une désorganisation très préjudiciable.

La garantie d'emploi de 3 mois prévue par la convention collective est largement dépassée (article 48).

Vous n'avez pas non plus répondu à la mise en demeure préalable de reprise par la dite convention collective .

Dès lors, à l'issue d'une période de 6 mois d'indisponibilité et confrontée à une perturbation caractérisée de la société qui est une petite structure, nous sommes contraints de mettre un terme à votre contrat de travail afin de vous remplacer définitivement.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour désorganisation et perturbations importantes dans le fonctionnement du service liées à votre indisponibilité prolongée depuis le 25 avril 2017, et rendant nécessaire votre remplacement définitif.

Votre préavis d'une durée de 3 mois commence à courir à la date de présentation de ce courrier.

Toutefois, dans la mesure où vous êtes en arrêt maladie, à tout le moins jusqu'au 12 octobre, il ne vous est pas possible de l'effectuer.

Vous serez informé par un courrier distinct du dispositif de la portabilté de vos droits en matière de frais de santé et de prévoyance.'

M. [Z] demande à la cour :

- d'écarter des débats les pièces 16 et 20 de la société et d'enjoindre à M. [Z] de les supprimer dans ses conclusions et dans son bordereau de communication; il demande le paiement de dommages et intérêts pour violation de dispositions pénales et du Règlement Intérieur de la profession d'avocat.

- à titre principal :

* de prononcer la nullité de son licenciement et sa réintégration avec paiement d'une indemnité d'éviction,

- à titre subsidiaire:

*de dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Les pièces 16 et 20 de la société seront écartées des débats : la première est composée de deux mails échangés entre M. [Z] et son conseil qui la transmise par erreur à la société. Sa production est contraire à la loyauté des débats; la seconde est un mail qui aurait été transmis par M. [Z] à un collègue de la société mais M. [Z] conteste en être l'auteur et son origine n'est pas certaine.

Ces deux pièces ont été maintenues par la société de sorte que la cour ne peut enjoindre à celle ci les retirer.

Ces pièces étant écartées, M. [Z] n'établit pas la réalité d'un préjudice et sera débouté de sa demande de paiement de dommages et intérêts de ce chef.

la nullité du licenciement

Selon M. [Z], son licenciement serait nul parce que l'altération de son état de santé résulterait des manquements de l' employeur à son obligation de sécurité (a), que son licenciement est discriminatoire (b), que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article 48 de la convention collective et parce les conditions permettant le licenciement d'un salarié absent ne sont pas réunies(c).

a) l'obligation de sécurité

Le licenciement fondé sur l'absence du salarié placé en arrêt de travail est nul si l'altération de son état de santé résulte du harcèlement moral de l' employeur.

Aux termes de l' article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l' article L. 1154-1 du code du travail, en cas de litige, si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d' un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l' employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d' un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. [Z] produit :

- la lettre de licenciement dont la cour constate que la mesure n'est pas motivée par l'état de santé du salarié;

- des arrêts de travail sur la période du 24 avril 2017 au 31 décembre 2017 dont certains portent la mention d'un syndrome anxio dépressif réactionnel;

-le certificat médical du Dr [W] selon lequel, en raison de son état de santé, M. [Z] est dans l'incapacité de reprendre son travail jusqu'au 10 janvier 2018

- une prescription de médicaments;

- l'extrait de son dossier ouvert par le service de la médecine du travail qui vise une situation de travail conflictuelle;

Aucune pièce n'est produite pour établir que les arrêts de travail seraient en lien avec des agissements constitutifs de harcèlement moral que M. [Z] lui même ne précisent pas.

Ces pièces, prises dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence d' un harcèlement moral.

b) la discrimination

Au visa de l' article L.1132-1 du code du travail, M. [Z] fait valoir qu'aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé ; que seule la perturbation objective du fonctionnement de l'entreprise par l'absence prolongée est admise, sous condition de la nécessité du remplacement définitif du salarié.

Il ajoute d'une part, que l' employeur ne peut se prévaloir d'absences résultant

d'un manquement à son obligation de sécurité et d'autre part, que la société n'a pas respecté les dispositions de l' article 48 de la convention collective.

La société répond que M. [Z] a été placé en arrêt de travail le 24 avril 2017, soit le jour même où elle a refusé la demande de ce dernier d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, que M. [Z] n'apporte pas d'élément laissant présumer l'existence d'une discrimination, qu'elle a respecté les dispositions conventionnelles, que certaines tâches de M. [Z] ont, dans un premier temps été dévolues à d'autres salariés et que le remplacement de ce dernier est intervenu dans des délais raisonnables.

Aux termes des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail , aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé et le licenciement prononcé en violation de cette interdiction est nul.

Aux termes de l' article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et au vu de ces éléments, il revient à l' employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La lettre de licenciement ne mentionne pas que cette mesure est motivée par l'état de santé de M. [Z].

Les arrêts de travail, prescription médicale et extrait du dossier médical de M. [Z], pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé.

c) le non- respect des dispositions de l' article 48 de la convention collective et des conditions de validité du licenciement d'un salarié dont l'absence crée une désorganisation nécessitant son remplacement définitif, à le supposer établi, ne constituerait pas une cause de nullité du licenciement mais priverait ce dernier d'une cause réelle et sérieuse.

Dans ces conditions M. [Z] sera débouté de sa demandes tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et des demandes de réintégration et de paiement de sommes afférentes.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

le bien- fondé du licenciement

En premier lieu, M. [Z] fait état de ce que l'employeur ne prouve pas la perturbation du fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de le remplacer définitivement.

La société oppose qu'elle employait huit salariés, que certains d'entre eux ont pris certaines tâches de M. [Z], qu'une réorganisation pérenne de ses tâches n'était pas possible et qu'elle l'a remplacé dans un délai raisonnable

L'absence prolongée d'un salarié peut constituer un motif réel et sérieux de licenciement dès lors que l' employeur établit d'une part, la perturbation engendrée par le prolongement de cette absence et d'autre part, la nécessité de son remplacement définitif.

La lettre de licenciement mentionne la perturbation du fonctionnement normal de la société, la perturbation caractérisée de la société de sorte que les développements relatifs à l'emploi du mot 'service ' ou l'évocation du service essentiel, sont sans objet.

M. [Z] a été engagé en qualité de directeur Achat-Approvisionnement- Logistique, statut cadre et, à ce titre, assurait la gestion des stocks, des plannings, des coûts d'achats et la relation permanente avec les fournisseurs et les sous-traitants ; il devait optimiser des flux de transport et favoriser l'innovation.

Le collaborateur de M. [Z] était M. [E], engagé en décembre 2015 en qualité d'assistant Achat-Approvisionnement-Logistique, statut technicien, a démissionné par lettre produite en date du 27 juillet 2017 à effet du 10 août 2017.

Compte-tenu des responsabilités de M. [Z], du départ de son collaborateur et de la nécessité de poursuivre l'activité de la société ne comptant que huit salariés, certaines de ses tâches ont été dévolues à des employés n'ayant pas ses compétences et attributions.

Avant qu'il ne démissionne, il a été reproché à M. [E], d'avoir du retard dans la gestion des factures et des bons de livraison (mail de Mme [I] du 6 juin 2017).

Mme [X], assistante marketing et développement exportation à temps partiel a dû, selon mail du 11 juillet 2018, ' en l'absence de [K] [Z] (et) d' avril à septembre 2017, prendre le relais auprès des fournisseurs d'articles de conditionnement pour le suivi des développements produits et les commandes d' articles de conditionnement (définition du besoin, saisie informatique des commandes, envoi auprès des fournisseurs).

M. [Z] ne dit pas que la société comptait des salariés aptes à exercer ses missions.

La durée de l'absence de M. [Z] a ainsi généré une perturbation dans le fonctionnement de l' entreprise, attestée par M. [F], engagé en septembre 2017 ' en qualité de responsable des achats et approvisionnements afin de décharger les salariés qui avaient pris une partie des fonctions assumées par M. [Z] en arrêt maladie depuis le mois d' avril 2017. Le retard pris par le service était très important et ma mission principale était précisément de rattraper ce retard qui occasionnait des perturbations importantes qui allaient au delà du service achat- approvisionnement- logistique et affectait l'ensemble de l' entreprise compte- tenu de sa petite taille. En effet, les achats et approvisionnements n'étant pas suivi correctement, les productions de références ne pouvaient être effectuées, faute de recevoir des articles de conditionnement nécessaires, ce qui ne permettait pas de livrer les clients en temps et en heure.... ce service était complètement au ralenti depuis l'arrêt maladie de M. [Z] et la démission de son assistant.'.

L'absence prolongée de M. [Z] au delà de l'embauche de M. [F] a nécessité qu'il exerce des fonctions de ce dernier, un responsable logistique adjoint et un responsable d'exploitation logistique étant embauchés dans le cadre de réorganisation de la société décidée dans un délai raisonnable après que M. [F] a repris les fonctions de M. [Z].

Il ne peut être retenu que la distribution partielle et temporaire des tâches de M. [Z] constituait une réorganisation pérenne de l'activité de la société. La nécessité de procéder au remplacement définitif de ce dernier est avérée.

En second lieu, M. [Z] fait valoir que la société ne l'a pas mis en demeure de reprendre son travail et a ainsi méconnu les dispositions de l' article 48 de la convention collective. Il aurait été simplement interrogé sur sa capacité à reprendre son travail, sans que la lettre de l' employeur ne mentionne l' article sus visé.

La société répond que l'article 48 dans sa rédaction ici applicable, n'exigeait pas de mettre en demeure M. [Z] de reprendre ses fonctions

Aux termes des dispositions de l' article 48 de la convention collective dans sa rédaction ici applicable, si l'absence de prolonge, suivant les cas, au de-delà du 80ème ou du 170ème jour, l' employeur peut mettre l'intéressé en demeure, par lettre recommandée, de reprendre son travail dans les 10 jours francs suivant l'envoi de la dite lettre.

L'envoi d'une mise en demeure n'était donc pas une obligation et le salarié ne peut valablement arguer de l'absence de mise en demeure ou du caractère ambigue de la lettre en date du 14 septembre 2017, se contentant de lui demander si il était en mesure de reprendre ses fonctions. M. [Z] oppose en vain que la société se serait contredite en violation du principe de l'Estopal, aucune contradiction n'étant avérée.

Le licenciement de M. [Z] est fondé sur une cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de sa demande en paiement de dommages et intérêts de ce chef.

les autres demandes

- Au visa des articles 35 et 53 de la convention collective des commerces de gros, M. [Z] fait valoir :

- qu'un solde d' indemnité de licenciement lui est dû à hauteur de 268,82 euros au regard du montant de son salaire de référence et de son ancienneté.

Les dispositions conventionnelles afférentes aux cadres, prévoient que les salariés ayant de un à cinq ans de présence dans l'entreprise au moment du licenciement bénéficient d'une indemnité de licenciement correspondant à 2/10eme de mois par année de référence.

Le montant prévu à l' article L.1234-9 du code du travail prévoit une indemnité égale à un quart de mois de salaire par année d' ancienneté jusqu'à dix ans d' ancienneté. Ces dispositions plus favorables devront être appliquées.

Le salaire de référence s'entend du plus avantageux de la moyenne des trois ou douze derniers mois de salaire précédant l'arrêt de travail.

M. [Z] ayant été placé en arrêt de travail à compter du 25 avril 2017, le montant du salaire mensuel moyen doit être calculé sur la base des salaires versés avant cette date. Le salaire moyen le plus avantageux est de 5 000 euros sur les trois derniers mois.

Pour le calcul de l' indemnité de licenciement, l'ancienneté comprend la durée du préavis. M. [Z] a été engagé le 7 décembre 2015 et licencié le 5 octobre 2017. Son préavis avait une durée de trois mois soit une ancienneté de 2ans et un mois. L' indemnité de licenciement dûe à hauteur de 2 604,16 euros a été versée et aucune solde n'est dû.

M. [Z] sera débouté de ce chef.

- M. [Z] fait ensuite valoir que la société n'a pas effectué les diligences nécessaires pour qu'il bénéficie des prestations de l'institution de prévoyance Klesia correspondant à 80% du salaire et qu'elle a versé tardivement la somme de 13 158,22 euros devant le bureau de conciliation. Il ajoute qu'il aurait dû percevoir la somme mensuelle de 4 000 euros pendant sept mois et qu'un solde lui est dû.

La société répond que M. [Z] a effectué tardivement les démarches auprès de l'institut de prévoyance et qu'elle lui a reversé à la fin du mois de mars 2018 la somme de 13 158 euros euros reçue de la société Klesia le 26 mars 2018. Elle ajoute que le bénéfice de la prévoyance prend effet à l'issue d'une franchise de 90 jours après l'arrêt de travail initial soit du 23 juillet 2017 au 9 janvier 2018.

Au vu de la pièce 31 du salarié, l'organisme de prévoyance prend en charge - en cas d'arrêt maladie non professionnelle- 80% du salaire brut à l'issue d'une franchise de 90 jours. M. [Z] pouvait bénéficier des prestations de l'institut Klesia à compter du 24 juillet 2017 et ne peut demander la condamnation de la société au paiement de prestations portant sur une période postérieure à l'issue du préavis de sorte que la durée de sept mois avancée par lui n'est pas justifiée.

Selon bordereau établi par l'institut Klesia, la société a perçu de ce dernier la somme de 14 636,51 euros après déduction des indemnités de sécurité sociale versées directement au salarié qui n'en conteste pas le montant. Un chèque de 13 158,22 euros a été établi à l'ordre de M. [Z] le 31 mars 2018 après déduction de cotisations.

Aucun solde n'est dû d'autant que M. [Z] n'établit pas qu'il a transmis son arrêt de travail portant sur la période du 1er au 9 janvier 2018.

M. [Z] sera débouté de ses demandes en paiement du solde des prestations versées au titre de la complémentaire et des congés payés afférents.

- M. [Z] demande paiement de la somme de 7 000 euros majorée des congés payés, correspondant à 20% du salaire soit 1 000 euros sur une période de sept mois, motif pris que les manquements de l' employeur sont à l'origine de ses arrêts de travail.

La société conteste tout manquement à l'origine des arrêts de travail. Il a été retenu supra que M. [Z] n'avait pas été victime de harcèlement moral et ce dernier ne précise aucun autre manquement de l' employeur.

M. [Z] sera débouté de ce chef.

- M. [Z] demande paiement d'une somme de 15 000 euros au titre des trois mois de préavis - sans déduction des indemnités journalières- motif pris que les manquements de l' employeur sont à l'origine de ses arrêts de travail et que la société ne l'a pas mis en demeure d'effectuer le préavis.

La société répond que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, que les arrêts de travail de M. [Z] couvraient la période de préavis et qu'elle était fondée à déduire les indemnités journalières perçues pour le complément de salaire versé par l'institut de prévoyance.

Le solde de tout compte ne mentionne pas le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis.

Aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur a dispensé M. [Z] d'exécuter son préavis compte-tenu de son arrêt maladie. Dans ces conditions,l'indemnité compensatrice de préavis est due, sans déduction des indemnités journalières, peu important que le licenciement soit fondé sur une cause réelle et sérieuse;

La société sera donc condamnée à payer à M. [Z] la somme de 15 000 euros et les congés payés afférents (1 500 euros).

- M. [Z] demande paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une part, de la réception tardive de l'attestation destinée au Pôle Emploi, incomplète et erronée, et d'autre part, du non paiement de l'indemnisation complémentaire par l'institut Klesia.

La société répond que tous les documents de rupture ont été adressés au salarié par courriel du 12 janvier 2018 et par voie postale le 18 janvier 2018; elle concède cependant l'absence de signature de l'attestation Pôle Emploi.

La société ajoute que M. [Z] n'a pas adressé en temps et en heure ses prolongations d'arrêt de travail.

Est versée sous cote 28 de M.[Z] l'attestation Pôle Emploi datée du 11 janvier 2018, non signée et sans cachet de l' entreprise.

M. [Z] ne conteste pas avoir reçu une attestation rectifiée le 24 janvier 2018. Il n'apporte pas d'élément établissant que le retard dans la délivrance d'une attestation conforme lui a causé un préjudice.

S'agissant des indemnités de prévoyance, la société n'a informé M. [Z] de ses droits à la portabilité que par lettre datée du 20 décembre 2017, soit près de trois mois après le licenciement et de cinq mois après la date à laquelle le salarié pouvait bénéficier de ces prestations. Ce retard a causé au salarié un préjudice qui sera réparé par le paiement de dommages et intérêts d'un montant de 2 000 euros.

- M. [Z] demande paiement de dommages et intérêts d'un montant de 30 000 euros en réparation du préjudice résultant du manquement de son employeur à ses obligations de sécurité et de loyauté. Il fait état de pressions répétées ayant conduit à l'altération de son état de santé.

La société conteste tout manquement.

La société a été condamnée au paiement de dommages et intérêts en réparation du retard apporté dans la perception par M. [Z] des prestations de l'institut Klesia.

La convocation à un entretien préalable non suivie de sanction ne caractérise par un manquement de l' employeur à son obligation de loyauté.

M. [Z] n'apporte pas d'élément établissant la réalité de pressions et aucun manquement à l' obligation de sécurité n'est établi d'autant qu'aucun lien n'est avéré entre ses conditions de travail et ses arrêts de travail.

M. [Z] sera débouté de sa demande de ce chef.

La société devra délivrer à M. [Z] un bulletin de paye et une attestation France Emploi dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision.

À titre reconventionnel, la société sollicite le paiement de la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l' article 1240 du code civil en réparation des accusations malveillantes du salarié.

La société ne précise pas le contenu des telles accusations et sera déboutée de ce chef.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à M. [Z] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Partie perdante, la société supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes :

- de voir écarter les pièces 16 et 20 de la société ;

- de paiement de l' indemnité compensatrice de préavis ;

- de paiement de dommages et intérêts pour diligences tardives relatives au paiement de sommes par l'institut Klesia ;

statuant à nouveau de ces chefs,

Ecarte les pièces 16 et 20 de la société,

Condamne la société Cabinet Continental à payer à M. [Z] l'indemnité compensatrice de préavis soit 15 000 euros et congés payés afférents (1 500 euros) sans déduction des indemnités versées par la sécurité sociale ;

Condamne la société Cabinet Continental à payer à M. [Z] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour diligences tardives de l' employeur relatives au paiement des sommes dues par l'institut Klesia;

Dit n'y avoir lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Dit que la société devra délivrer à M. [Z] un bulletin de paye rectifié comportant l'indemnité compensatrice de préavis et une attestation France Travail conforme dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt ;

Condamne la société Cabinet Continental à payer à M. [Z] la somme totale de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel ;

Condamne la société Cabinet Klesia aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/01482
Date de la décision : 13/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-13;21.01482 ?
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