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06/03/2024 | FRANCE | N°23/05234

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 mars 2024, 23/05234


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 6 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 23/05234 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQPQ











Madame [R] [D]



c/



S.A.S. MEDIPATH

















Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée le :



à :

©cision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 octobre 2023 (R.G. n° F22/00037) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 21 novembre 2023,





APPELANTE :

Madame [R] [D]

née le 17 Novembre 1955 à [Localité 2] de nationalité Françai...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 6 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 23/05234 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NQPQ

Madame [R] [D]

c/

S.A.S. MEDIPATH

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 octobre 2023 (R.G. n° F22/00037) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 21 novembre 2023,

APPELANTE :

Madame [R] [D]

née le 17 Novembre 1955 à [Localité 2] de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Marine GARDIC, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. MEDIPATH prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège [Adresse 3]

N° SIRET : 422 80 9 5 74

représentée par Me Lucie TEYNIE, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Amandine QUEMA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- délibéré prorogé au 6 mars 2024 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] [D], née en 1955, a travaillé pour la société Biopath à compter du mois de mai 2011, afin de réaliser des prestations de transport des prélèvements effectués sur différents points de collecte.

A compter du 1er juillet 2020, la société Biopath a été absorbée par fusion par la société Medipath.

Par lettre datée du 9 avril 2021, la société Medipath a annoncé à Mme [D] une réduction significative des prestations de courses qui lui étaient confiées. Par ailleurs, la société a également notifié à Mme [D] la fin de leur collaboration à l'issue d'un préavis de 6 mois, soit le 31 octobre 2021.

Le 6 mai 2021, Mme [D] a contesté le bien-fondé de cette rupture et solliciter une indemnisation.

Le 7 juin 2021, la société Medipath a refusé la demande d'indemnisation et a proposé à Mme [D] de prolonger la durée de son préavis jusqu'au 31 juillet 2022.

Mme [D] a refusé cette proposition et la relation contractuelle a pris fin le 31 octobre 2021.

Sollicitant la requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail et réclamant le paiement de diverses indemnités notamment pour irrégularité de procédure et travail dissimulé, outre des dommages et intérêts pour préjudice moral, Mme [D] a saisi le 3 mai 2022 le conseil de prud'hommes de Libourne lequel, par jugement rendu le 11 octobre 2023 :

- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Fréjus pour connaître du litige qui lui est soumis,

- a dit qu'à défaut de recours dans le délai requis, le dossier sera transmis à cette juridiction,

- a réservé les dépens.

Par déclaration du 25 octobre 2023, Mme [D] a relevé appel de cette décision.

Par requête du 25 octobre 2023, Mme [D] a sollicité la fixation à jour fixe de l'audience.

Par ordonnance du 31 octobre 2023, Mme la présidente de la section A de la chambre sociale, agissant sur délégation de Mme le premier président de la cour d'appel de Bordeaux, a autorisé Mme [D] à assigner à jour fixe et brefs délais à l'audience du 9 janvier 2024.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 décembre 2023, Mme [D] sollicite de la cour qu'elle :

- infirme le jugement rendu le 11 octobre 2023 par le conseil de prud'hommes de Libourne en ce qu'il a :

- jugé que le conseil de prud'hommes de Libourne n'est pas matériellement compétent pour connaître du présent litige,

- invité Mme [D] à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Fréjus,

- débouté Mme [D] de ses demandes.

Statuant à nouveau de :

- constater l'existence d'un lien de subordination entre la société Medipath et Mme [D],

Par conséquent,

- prononcer la requalification du contrat de prestation de services en contrat de travail,

- condamner la société Medipath au paiement des sommes suivantes à Mme [D] :

- 5.683 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de prestations de service en contrat de travail à durée indéterminée,

- 20.458,80 euros à titre de congés payés sur rappels de salaires,

- 15.172,83 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 56.830 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.683 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de licenciement,

- 11.366 euros bruts à titre d'indemnité de préavis, outre 1.136,60 euros bruts de congés payés,

- 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct,

- 34.098 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

En tout état de cause,

- ordonner l'exécution provisoire sur l'intégralité du jugement à intervenir,

- condamner la société Medipath au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la société Medipath aux dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 décembre 2023, la société Medipath demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 11 octobre 2023 en ce qu'il s'est déclaré, du fait de l'absence de contrat de travail, matériellement incompétent pour statuer sur les demandes de Mme [D],

Par conséquent,

- la renvoyer à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de Fréjus,

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait considérer que la juridiction prud'homale est compétente, renvoyer les parties devant le conseil de prud'hommes de Libourne pour qu'il soit statué sur le fond du dossier,

En tout état de cause,

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui régler la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [D] fait valoir pour l'essentiel que la présomption de non salariat peut être renversée dès lors qu'elle était dépendante économiquement de la société à laquelle elle était liée par un lien de subordination ; que son chiffre d'affaires était majoritairement composé des sommes versées par la société.

La société intimée répond que Mme [D] n'établit pas l'existence d'un lien de subordination, qu'une dépendance économique ou l'appartenance à un service organisé ne caractérisent pas un lien de subordination ; qu'en tout état de cause, Mme [D] percevait des sommes d'autres donneurs d'ordre, le tableau de ses revenus étant établi par elle seule.

L'existence d'un lien salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.

Aux termes de l' article L.8221-6 du code du travail, sont présumés ne pas être liées avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des Urssaf.

L'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes sus mentionnées fournissent directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Il est constant que Mme [D] était inscrite au registre du commerce et des sociétés au titre de prestations de service en laboratoire. Il lui revient d'établir la réalité de ce lien de subordination juridique permanente.

Ce lien est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'absence de revendication antérieure ne privait pas Mme [D] de saisir la juridiction prud'homale pour revendiquer sa qualité de salariée.

Mme [D] fait valoir qu'elle recevait quotidiennement par téléphone ou SMS des directives précises de la société qui déterminait l'ordre dans lequel elle devait réaliser les collectes et l'horaire limite pour la remise des flacons aux laboratoires, que les attestations versées par la société émanent de salariés qui n'évoquent jamais sa situation personnelle ; qu'elle n'avait pas de savoir - faire distinct de celui des coursiers salariés, qu'elle devait réaliser des tâches au delà des prestations rémunérées.

La société répond que Mme [D] ne produit pas de pièce au soutien de ses affirmations à l'exception de personnes qui n'étaient pas témoins direct des faits.

Au soutien de l'existence d' un lien de subordination, Mme [D] produit :

-l'attestation de M.[W] aux termes de laquelle il ' a pu constater au cours de la période allant de l'année 2012 à 2019 que Mme [D] réalise à la demande de la direction Biopath Medipath des missions qui m'ettaient abituellement affecté et ce pour chacune de mes absences pour congé payer. À savoir la préparation et le conditionnement de flacons destinés a la distribution en milieu hospitalier pour la réalisation de prélèvements médicaux'; cette attestation est inopérante dès lors que le rédacteur, en congés payés, ne pouvait être le témoin direct de ce qu'il affirme;

-l'attestation de M. [I] selon lequel Mme [D] ' parlais de ces appels des secrétaires lui demandant des ramassages complémentaires, les prestations non prévues ... mais pouvaient bouleverser considérablement l'augmentation de sa journée de travail. Sur la période du ('), j'ai également constaté à plusieurs reprises que Mme [D], sous - traitant en même temps que moi... à l'intérieur du laboratoire de Medipath la préparation des flacons alors que cette tâche était habituellement réservée à un employé Medipath';

Cette attestation est inopérante dès lors que l' employeur verse deux attestations de salariés,notamment d'un technicien de laboratoire, selon lesquelles les cartons de matériels étaient préparés par des aides techniques du laboratoire et à disposition par avance dans la réserve dans laquelle se servait Mme [D].

- trois SMS du M. [Y] demandant à Mme [D] de :

*déposer ' dans ma cabane mes lames d'extempo (demain ou vendredi matin comme vous voulez)', Mme [D] fixant en réponse son passage le lendemain dans l'après midi.

*lui porter ses lames d'immunomarquages;

*d'interroger un radiologue sur la réalisation de prélèvements ;

le praticien demandait donc à Mme [D] de lui rendre des services sans qu'aucune injonction ne soit formulée.

Ces éléments n'établissent pas que Mme [D] exécutait ses tâches suivant des ordres précis de la société et était soumise à un lien de subordination, peu important qu'elle ait accepté de déposer des cadeaux aux professionnels de santé au cours de ces tournées. Il doit être constaté que Mme [D] n'apporte aucun élément contraire au choix par elle seule de ses horaires de travail, de l'organisation de ses tournées, de ses dates de' congés' et de son remplaçant. Mme [D] était propriétaire de son matériel et était rémunérée à la prestation réalisée et non au temps passé.

La société affirme sans contestation utile de la part de Mme [D] qu'elle n'employait pas de coursiers salariés et le moyen tiré d'absence de savoir - faire distinct est inopérant au même titre que la connaissance que pouvait avoir les clients et interlocuteurs de la situtioin de Mme [D].

La dépendance économique ne peut y pallier, précision apportée qu'elle n'est pas démontrée, les réglements figurant sur ses relevés bancaires mentionnant des sommes conséquentes versées par d'autres donneurs d'ordres.

Le jugement sera confirmé en ce que le premier juge s'est déclaré incompétent en l'absence de contrat de travail et a renvoyé Mme [D] à se pourvoir devant le tribunal de commerce de Fréjus, lieu du siège social de la société.

Il sera confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Vu l'équité, aucune somme ne sera dûe au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel.

Partie perdante, Mme [D] supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement entrepris,

y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [D] aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 23/05234
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;23.05234 ?
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