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06/03/2024 | FRANCE | N°21/03762

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 mars 2024, 21/03762


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 06 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/03762 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF7H













S.N.C. HOTEL [Adresse 5]

S.N.C. HOTEL RESTAURANT [6]



c/



Monsieur [A] [R]

















Nature de la décision : AU FOND

Sursis à statuer







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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mai 2021 (R.G. n°F 19/00137) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 30 juin 2021,





APPELANTES :

SNC Hôtel [Adresse 5], agis...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 06 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/03762 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MF7H

S.N.C. HOTEL [Adresse 5]

S.N.C. HOTEL RESTAURANT [6]

c/

Monsieur [A] [R]

Nature de la décision : AU FOND

Sursis à statuer

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 mai 2021 (R.G. n°F 19/00137) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 30 juin 2021,

APPELANTES :

SNC Hôtel [Adresse 5], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2] - [Localité 11]

N° SIRET : 795 209 709 00026

SNC Hôtel Restaurant [6], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 10] - [Localité 11]

N° SIRET : 810 195 172 00020

assistées de Me Stéphanie GROS de la SELAS FIDAL DIRECTION PARIS, avocat au barreau de BRIVE, représentées par Me Edwige HARDOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [A] [R]

né le 17 septembre 1973 à [Localité 9] de nationalité française

Profession : Directeur d'établissement, demeurant [Adresse 8] - [Localité 1]

représenté par Me Franck DELEAGE de la SELARL FRANCK DELEAGE, avocat au barreau de BRIVE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [A] [R], né en 1973, a été engagé en qualité de directeur d'exploitation, statut cadre, niveau 5, échelon 1 de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants au sein de deux établissements hôteliers gérés par des sociétés ayant le même dirigeant, M. [E] [H], par contrats de travail à durée indéterminée conclus le :

- à compter du 1er octobre 2013 par la SNC Hôtel [Adresse 5] ; le contrat prévoyait que M. [R] exerce ses fonctions au sein de l'Hôtel [Adresse 5], situé [Adresse 2] à [Localité 11], et comportait une convention de forfait en jours de 144 jours par an ;

- à compter du 2 octobre 2013 par la SNC [7] ; le contrat prévoyait que M. [R] exerce ses fonctions au sein de l'Hôtel [7], situé [Adresse 3] à [Localité 11], et comportait une convention de forfait en jours de 73 jours par an.

La rémunération annuelle était fixée à 32.000 euros pour le 1er contrat et à 16.000 euros pour le second.

En janvier/février 2015, M. [H] a acquis l'Hôtel Restaurant [6], situé à [Localité 11], qui a ensuite été exploité par la SNC Hôtel Restaurant [6] dirigée par M. [H].

Le 1er mars 2016, la société Hôtel [Adresse 5] a pris en location gérance le fonds de commerce appartenant à la société [7], M. [R] ayant dès lors la SNC Hôtel [Adresse 5] pour employeur.

M. [H] réside en Isère à plus 500 kms de [Localité 11] et y exploite un magasin sous l'enseigne Edouard Leclerc.

Il est également propriétaire via la SCI Japifa d'une maison située à proximité des hôtels, dont le rez-de-chaussée est destiné à la location saisonnière, l'étage étant loué à l'année.

Par ailleurs, en 2014, il a acquis deux vignobles dans le Bordelais, Château l'Hermitage Lescours (Saint Emilion Grand Cru) et Château Mongiron exploités par M. [M] [GG].

*

A compter du 11 janvier 2019, M. [R] a été placé en arrêt de travail prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 19 mai 2019.

Le 7 avril 2019, M. [R] a adressé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne (ci-après CPAM).

Le 30 avril 2019, son médecin traitant, le docteur [MG] a établi un certificat médical mentionnant : 'burn out, épuisement professionnel'.

Suite à la plainte déposée par la SNC Hôtel [Adresse 5] le 24 septembre 2021 devant le conseil de l'ordre des médecins, le praticien a reconnu que la relation clinique avec le milieu professionnel avait été faite sur les dires de son patient (pièce 56 société)

La CPAM a opposé un refus de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M. [R] par décision du 21 décembre 2020.

Un recours amiable a été formé le 8 février 2021 sans que la suite qui y a été donnée ne soit précisée.

Le 20 mai 2019, lors de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [R] inapte à son poste en précisant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi et lui a remis le formulaire de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude, prévue par les articles L. 433-1 et D. 433-2 à D. 433-8 du code de la sécurité sociale, le médecin ayant mentionné que l'avis d'inaptitude établi

'est susceptible d'être en lien avec la maladie professionnelle en date du 24 avril 2019".

Le même jour, le salarié a été à nouveau placé en arrêt de travail jusqu'au 31 juillet 2019.

Par lettre datée du 28 juin 2019, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 juillet 2019.

Il a ensuite été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 16 juillet 2019.

Le 25 juillet 2019, M. [R] a déposé plainte pour travail dissimulé auprès des services de la gendarmerie de [Localité 11] ; cette plainte a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bergerac le 1er juillet 2020.

M. [R] s'est constitué partie civile le 14 septembre 2021 auprès du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Bergerac.

La procédure d'information de cette plainte déposée pour travail dissimulé, marchandage et prêt illicite de main-d'oeuvre contre la SNC Hôtel Restaurant [6], la SCI Japifa et M. [E] [H] est toujours en cours.

***

Le 23 décembre 2019, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Bergerac à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5], contestant la légitimité et la régularité de son licenciement, en raison de l'origine professionnelle de son inaptitude et réclamant diverses indemnités pour exécution déloyale du contrat de travail, pour licenciement abusif, ainsi que pour impossibilité d'avoir pu prendre ses jours de repos sur les années 2014 à 2016.

M. [R] a également saisi le conseil de prud'hommes de demandes à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6], soutenant avoir travaillé pour celle-ci à temps complet du mois de mars 2015 jusqu'au 16 juillet 2019, lui ouvrant droit à une rémunération annuelle brute de 61.000 euros pour le poste de directeur occupé, invoquant l'absence de déclaration préalable à l'embauche et la non-déclaration des salaires, sollicitant notamment le versement d'un rappel de salaire pour les années 2017 et 2018 et contestant la légitimité de son licenciement.

Par jugement rendu le 31 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Bergerac a :

Sur les demandes à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5],

- dit que le licenciement pour inaptitude de M. [R] en date du 16 juillet 2019 est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit que l'inaptitude est d'origine professionnelle,

- dit que le forfait jour est nul ou à tout le moins privé d'effet,

- dit que la société Hôtel [Adresse 5] a gravement manqué à ses obligations, notamment de sécurité, et a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail,

- débouté M. [R] de sa demande au titre de rappel des jours de repos pour les années 2017 et 2018 ainsi que des dommages et intérêts pour les jours non pris sur la période de 2014 à 2016,

- condamné la société Hôtel [Adresse 5] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 7.405 euros nets au titre de l'indemnité spéciale de licenciement sur la période du 11 au 30 avril 2019,

* 15.249,99 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.524,99 euros au titre des congés payés afférents,

* 5.083,33 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- débouté M. [R] de ses autres demandes à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5] ;

Sur les demandes à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6],

- dit que M. [R] est bien fondé à se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Hôtel Restaurant [6], à temps complet, depuis le mois de mars 2015, jusqu'au 16 juillet 2019, date de son licenciement de fait,

- dit que M. [R] aurait dû percevoir une rémunération annuelle brute pour le travail effectué,

- fixé la rémunération mensuelle de M. [R] à la somme de 3.420 euros bruts,

- constaté l'absence de déclaration préalable à l'embauche et la non-déclaration des salaires,

- dit que la rupture du contrat entre la société Hôtel Restaurant [6] et M. [R] est irrégulière et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Hôtel Restaurant [6] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 41.040 euros au titre des rappels de salaires pour les années 2017 et 2018 sur la base d'un forfait annuel jours de 73 jours,

* 4.104 euros à titre de congés payés y afférents,

* 3.633,75 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 10.260 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.026 euros au titre des congés payés y afférents,

* 17.100 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 3.420 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

* 20.520 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- ordonné à chaque société de remettre à M. [R] un bulletin de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes aux condamnations prononcées, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la date de notification du jugement et dans la limite de 2 mois dont il s'est réservé la liquidation,

- condamné la société Hôtel [Adresse 5] et la société Hôtel Restaurant [6] à régler chacune à M. [R] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné, en cas de besoin, le remboursement par la société Hôtel Restaurant [6] aux organismes intéressés de 2 mois d'indemnités de chômage versées à M. [R], conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

- dit que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus,

- ordonné l'exécution provisoire sur toutes les sommes allouées nonobstant appel et sans caution,

- condamné la société Hôtel [Adresse 5] et la société Hôtel Restaurant [6] aux dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution.

***

Par déclaration du 30 juin 2021, les sociétés Hôtel [Adresse 5] et Hôtel Restaurant [6] ont relevé appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mai 2022, les sociétés Hôtel [Adresse 5] et Hôtel Restaurant [6] demandent à la cour :

Concernant la société Hôtel [Adresse 5],

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac du 31 mai 2021 en ce qu'il a :

- considéré l'inaptitude de M. [R] d'origine professionnelle,

- dit que le forfait jour est nul ou tout le moins privé d'effet,

- dit que la société Hôtel [Adresse 5] a gravement manqué à ses obligations, notamment de sécurité et a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail,

- condamné la société Hôtel [Adresse 5] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 7.405 euros nets au titre de l'indemnité spéciale de licenciement sur la période du 11 au 30 avril 2019,

* 15.249,99 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.524,99 euros à titre de congés payés afférents,

* 5.083,33 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac du 31 mai 2021 en ce qu'il a :

- dit que le licenciement pour inaptitude de M. [R], en date du 16 juillet 2019 est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse,

- dit et jugé que M. [R] n'est pas fondé à se prévaloir du rappel des jours de repos pour les années 2017 et 2018 et de dommages et intérêts pour les jours de repos non pris sur la période de 2014 à 2016,

- débouté M. [R] de ses autres demandes à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5],

Statuant à nouveau,

- dire que le licenciement de M. [R] pour inaptitude est d'origine non professionnelle,

- juger qu'il est régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- constater que M. [R] avait, à l'égard de la société Hôtel [Adresse 5], le statut de cadre dirigeant, l'excluant des dispositions relatives à la durée du travail,

- à défaut, juger que la convention de forfait annuel en jours est valide,

- dire que M. [R] est mal fondé à se prévaloir du rappel de ses jours de repos pour les années 2017 et 2018 et de dommages et intérêts pour les jours non pris sur la période de 2014 à 2016,

- débouter M. [R] de ses demandes financières subséquentes à savoir,

* 30.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 35.583,33 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 5.083,33 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

* 30.500 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 5.622,12 euros à titre de rappel des jours de repos non pris sur 2017 et 2018,

* 8.033 euros à titre de dommages et intérêts pour l'impossibilité d'avoir pu prendre les jours de repos sur les années 2014 à 2016,

- débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [R] à payer à la société Hôtel [Adresse 5] la somme de 3.000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Concernant la société Hôtel restaurant [6],

- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac du 31 mai 2021 en ce qu'il a :

- dit que M. [R] est bien fondé à se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Hôtel Restaurant [6], à temps complet, depuis le mois de mars 2015, jusqu'à la date du 16 juillet 2019, date de son licenciement de fait,

- dit que M. [R] aurait dû recevoir une rémunération annuelle brute pour son travail effectué,

- fixé la rémunération mensuelle de M. [R] à la somme de 3.420 euros bruts,

- constaté l'absence de déclaration préalable à l'embauche et la non-déclaration des salaires,

- dit que la rupture du contrat entre la société Hôtel Restaurant [6] et M. [R] est irrégulière et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que M. [R] est mal fondé à se prévaloir d'un contrat de travail de directeur d'hôtel, statut cadre, niveau 5 échelon 2, à temps complet depuis le mois de mars 2015,

- débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes et des sommes subséquentes, à savoir,

* 122.000 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2017 et 2018,

* 12.200 euros à titre de congés payés afférents,

* 5.401,03 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 15.249,99 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.524,99 euros à titre de congés payés afférents,

* 25.416,66 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 5.083,33 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

* 30.500 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

A titre subsidiaire,

- dire que M. [R] est mal fondé à se prévaloir d'un contrat de travail de directeur d'hôtel statut cadre dirigeant sans référence horaire, avec la société Hôtel Restaurant [6] depuis le mois de mars 2015,

- dire que M. [R] est mal fondé à recevoir une rémunération de 61.000 euros annuelle brute équivalente à 58.842 euros en 2017 et 59.778 euros en 2018 correspondant à 1,5 fois le plafond de la sécurité sociale,

- débouter M. [R] de ses autres demandes financière subséquentes, à savoir pour l'année 2018 (sur la base de 4.981,50 euros bruts par mois),

* 118.620 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2017 et 2018,

* 11.862 euros à titre de congés payés afférents,

* 5.292,84 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 14.944,50 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.494,45 euros à titre de congés payés afférents,

* 24.907,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 4.981,50 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure,

* 29.889 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- dire que les éléments permettant de caractériser l'existence d'un contrat de travail entre M. [R] et la société Hôtel Restaurant [6] ne sont pas constitués,

- dire et juger que les faits de travail dissimulé à l'égard de la société Hôtel Restaurant [6] ne sont pas constitués,

- débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [R] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire, en cas de confirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac, en ce qu'il a valorisé la rémunération annuelle de M. [R] à 20.520 euros, il en découlerait les condamnations suivantes :

- un rappel de salaires pour les années 2017 et 2018 de 41.040 euros bruts + 4.104 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- une indemnité compensatrice de préavis de 3.420 euros bruts (2 mois),

- une indemnité de licenciement pour 1.816,37 euros nets,

- 1.710 euros pour irrégularité de procédure,

- 8.550 euros pour licenciement abusif,

- 10.260 euros pour travail dissimulé.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2022, M. [R] demande à la cour de :

A l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5],

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac du 31 mai 2021 en ce qu'il a :

- dit que le forfait jour est nul ou tout le moins privé d'effet,

- dit que la société Hôtel [Adresse 5] a gravement manqué à ses obligations, notamment de sécurité et a exécuté de mauvaise foi le contrat de travail,

- condamné la société Hôtel [Adresse 5] à lui payer les sommes suivantes :

* 7.405 euros nets au titre de l'indemnité spéciale de licenciement sur la période du 11 au 30 avril 2019,

* 15.249,99 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.524,99 euros à titre de congés payés afférents,

- réformer le jugement pour le surplus et notamment en ce qu'il a :

- limité à 5.083,33 euros les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- dit que son licenciement pour inaptitude en date du 16 juillet 2019 est régulier et repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [R] de sa demande au titre du rappel des jours de repos pour les années 2017 et 2018 ainsi que des dommages et intérêts pour les jours non pris sur la période de 2014 à 2016, cette demande étant mal fondée,

- débouté M. [R] de ses autres demandes à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5],

Statuant à nouveau,

- dire que son licenciement est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- dire qu'il est bien fondé à se prévaloir du rappel de ses jours de repos pour les années 2017 et 2018 et de dommages et intérêts pour les jours non pris sur la période de 2014 à 2016,

- condamner la société Hôtel [Adresse 5] à lui payer les sommes suivantes :

* 30.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 35.583,33 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 5.083,33 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

* 30.500 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 5.622,12 euros au titre du rappel des jours de repos non pris sur 2017 et 2018,

* 8.033 euros à titre de dommages et intérêt pour l'impossibilité d'avoir pu prendre les jours de repos sur les années 2014 à 2016,

A l'encontre de l'Hôtel Restaurant [6],

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bergerac du 31 mai 2021 en ce qu'il a :

- dit qu'il est bien fondé à se prévaloir d'un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Hôtel Restaurant [6], à temps complet, depuis le mois de mars 2015, jusqu'à la date du 16 juillet 2019, date de son licenciement de fait,

- dit qu'il aurait dû recevoir une rémunération annuelle brute pour son travail effectué,

- constaté l'absence de déclaration préalable à l'embauche et la non-déclaration des salaires,

- dit que la rupture du contrat entre la société Hôtel Restaurant [6] et M. [R] est irrégulière et constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

- fixé sa rémunération mensuelle à la somme de 3.420 euros bruts et en a déduit les condamnations prononcées à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6],

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- juger qu'il est bien fondé à se prévaloir d'un contrat de travail de directeur d'hôtel statut cadre, niveau 5 échelon 2, avec la société Hôtel Restaurant [6] à temps complet depuis le mois de mars 2015 jusqu'à la date du 16 juillet 2019, date de son licenciement de fait,

- dire qu'il aurait dû recevoir une rémunération de 61.000 euros annuelle brute équivalente à celle qui lui a été servie pour le poste de directeur de l'hôtel [Adresse 5] et [7],

- constater l'absence de déclaration préalable à l'embauche et la non-déclaration des salaires,

- juger que son licenciement est irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Hôtel Restaurant [6] à lui payer les sommes suivantes : * 122.000 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2017 et 2018,

* 12.200 euros à titre de congés payés afférents,

* 5.401,03 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 15.249,99 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.524,99 euros à titre de congés payés afférents,

* 25.416,66 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 5.083,33 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

* 30.500 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

A titre subsidiaire,

- dire qu'il est bien fondé à se prévaloir d'un contrat de travail de directeur d'hôtel, statut cadre dirigeant, sans référence horaire avec la société Hôtel Restaurant [6] depuis le mois de mars 2015 jusqu'à la date du 16 juillet 2019, date de son licenciement de fait,

- dire qu'il aurait dû recevoir une rémunération de 58.842 euros en 2017 et de 59.778 euros pour l'année 2018, correspondant à 1,5 fois le plafond de la sécurité sociale,

- constater l'absence de déclaration préalable à l'embauche et la non-déclaration des salaires,

- juger que son licenciement est irrégulier et sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence, sur la base d'une assiette de salaire de cadre dirigeant pour l'année 2018 à hauteur de 4.981,50 € bruts par mois,

- condamner la société Hôtel Restaurant [6] à payer les sommes suivantes :

* 118.620 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2017 et 2018,

* 11.862 euros à titre de congés payés afférents,

* 5.292,84 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 14.944,50 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.494,45 euros à titre de congés payés afférents,

* 24.907,50 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 4.981,50 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,

- 29.889 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

En tout état de cause,

- ordonner à chaque société la remise d'un bulletin de salaire et d'une attestation Pôle Emploi conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification par le greffe de la décision de la cour,

- condamner chaque société à lui régler la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que toutes les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et ordonner la capitalisation des intérêts échus,

- condamner la société Hôtel [Adresse 5] et la société Hôtel Restaurant [6] aux dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 5 février 2024 à 14 heures.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes présentées par M. [R] à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6]

Les demandes de M. [R] à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6] reposent sur la relation salariale ayant lié les parties.

1. Sur l'existence d'un contrat de travail entre M. [R] et la société Hôtel Restaurant [6]

M. [R] revendique l'existence d'une relation de travail avec la société Hôtel Restaurant [6] (ci-après société [6]), soutenant être intervenu en qualité de directeur de l'hôtel restaurant exploité par celle-ci à partir du mois de mars 2015, date à laquelle les premiers travaux de rénovation de l'hôtel ont débuté.

Il précise qu'il assurait la gestion administrative, la gestion des ressources humaines, l'encadrement, le recrutement et les sanctions du personnel, les rapports avec la médecine du travail, le suivi des travaux, (qu'il s'agisse des travaux de rénovation en 2015 ou des travaux d'agrandissement en 2018), la gestion comptable, le suivi des banques et de la trésorerie, le contrôle des factures et règlements fournisseurs, les virements des salaires, la promotion de l'établissement, etc'

Il invoque notamment à ce sujet plusieurs attestations de salariés mais aussi de clients, critiquant la partialité des témoignages produits par les appelantes qui émanent soit d'employés placés dans un lien de subordination à l'égard de la société [6], et soulignant avoir été pour certains leur 'recruteur', soit de personnes ayant collaboré avec la société.

M. [R] invoque également l'attestation de Mme [O], censée, selon les appelantes, occuper le poste de directrice de l'Hôtel [6], ce que ce témoin démentit elle-même, celle-ci ayant toujours occupé le poste d'assistante de direction et non celui de directrice.

Pour voir infirmer le jugement déféré qui a reconnu l'existence d'une relation de travail la liant à M. [R] ainsi que d'un travail dissimulé, la société [6] soutient que la direction de l'hôtel, initialement confiée à Mme [B] dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée du 20 avril 2015, a, suite au départ de celle-ci, été confiée à Mme [O], assistante de direction de l'hôtel [Adresse 5] depuis le 1er octobre 2013, dans le cadre d'une convention de mise à disposition, du 21 mars au 15 décembre 2016 renouvelée jusqu'au transfert de la salariée au sein de l'hôtel [6] à temps complet à compter du 1er mai 2018.

La société [6] conteste ainsi que M. [R] ait exercé les fonctions de directeur de l'hôtel qu'elle exploitait, soulignant que celui-ci n'a pas, contrairement à ce qu'il prétend, assuré le suivi des travaux d'agrandissement de l'établissement qui avaient été confiés à un cabinet d'architectes, la société ICC, et à la société Socotec, en qualité de coordinateur et bureau de contrôle.

Selon la société [6], la présence de M. [R] lors des réunions de chantiers ne démontre pas qu'il la représentait, seul M. [H] prenait les décisions et il n'a jamais été demandé à M. [R] de prendre en charge le suivi des travaux. Ni les comptes rendus de chantiers, ni celui de la commission de sécurité ne mentionnent M. [R] comme directeur de l'hôtel, éléments corroborés par les attestations émanant d'entreprises intervenues pour les travaux, telles les entreprises [JG] et [N].

La société [6] souligne l'ambiguïté des témoignages invoqués par l'intimé qui concernent des interventions d'entreprises faites à la fois pour l'hôtel [Adresse 5] et pour celui de [6].

Elle ajoute que M. [H], bien que vivant à 500 kms de distance, souhaitait créer une synergie entre ses différents établissements et que rien n'interdisait à M. [R] d'exercer ses fonctions en totale autonomie et liberté, la présence de celui-ci dans l'hôtel de [6], ne signifiant pas qu'il en était le directeur.

***

En l'absence de contrat de travail apparent, il appartient à M. [R] de rapporter la preuve de l'existence d'une relation de travail conclue avec la société [6] et ainsi de démontrer qu'il a accompli pour le compte de celle-ci une prestation de travail dans le cadre d'un lien de subordination.

Les pièces et explications fournies à la cour permettent de retenir les éléments suivants :

- M. [R] a signé plusieurs contrats de travail en qualité de directeur de l'hôtel [6] (ses pièces 15-2 à 15-10, 57) ;

- le rapport du service départemental d'incendie et de secours de la Dordogne, établi après à la visite de la commission de sécurité ayant inspecté le 9 juillet 2018 l'hôtel à la suite des travaux d'agrandissement réalisés en 2018, mentionne outre la présence de M. [H], celle de M. [R], en qualité de directeur de l'hôtel et précise que celui-ci a reçu les informations sur la tenue du registre de sécurité et a testé les équipements de sécurité en présence des membres de la commission (pièce 15-13 M. [R]) ;

- de nombreux documents relatifs à l'hôtel [6] font apparaître M. [R] aux côtés de M. [H] (pièce 15-14 M. [R]) ;

- une étude du poste d'accueil de l'hôtel, réalisée par le médecin du travail et un ergonome en août 2018 à la suite de l'agrandissement de l'établissement, mentionne qu'elle est effectuée à la demande de M. [R] (pièces 15-15 et 82) ;

- dans divers mails, M. [R] apparaît comme l'interlocuteur de l'établissement (ses pièces 15-20, 15-21, 15-23 à 15-28, 15-30 à 15-33, 15-35) : en particulier, les pièces 15-28 et 15-30 sont constituées par un courriel contenant un devis et un compte rendu qui lui sont adressés par Mme [B], engagée en qualité d'assistante de direction, lors de l'ouverture de l'hôtel ; les mails suivants concernent des réservations de l'hôtel, la pièce 15-35 attestant de l'inscription de M. [R] à un salon hôtelier pour le compte de l'hôtel [6] ;

- l'audition de Mme [W], chargée de communication au sein du club hôtelier de [Localité 11], qui indique avoir eu comme interlocutrice au sein de l'hôtel de [6] Mme [O], mais aussi M. [R] en qualité de directeur de cet hôtel, avec lequel elle avait fait plusieurs salons de tourisme (pièce 72 M. [R]) ;

- lors de son audition par les services de la gendarmerie le 30 décembre 2019 (en pièce 65 et de M. [R]), Mme [O] a déclaré :

* qu'alors qu'elle était assistante de direction dans l'hôtel [Adresse 5] sous la direction de M. [R], elle s'est proposée, lors de la démission de Mme [B], pour remplacer celle-ci en août 2015 et y a travaillé en étant 'prêtée' par la SNC Hôtel [Adresse 5] jusqu'à être engagée par la société [6] en 2018 ; or, d'une part, il convient de relever que l'avenant au contrat de travail de Mme [O] produit par M. [R] daté du 15 février 2017, soumis à la signature de M. [H] mentionne expressément que Mme [O] recevra, pour l'exécution de sa mission, toutes les instructions nécessaires de la part de M. [R] 'agissant en qualité de responsable de la SNC [6]' (pièce 15-1 M. [R]) ; d'autre part, ainsi que le souligne M. [R], Mme [O], même si elle disposait de cartes de visite de 'directrice', a été recrutée par la SNC [6] en qualité d'assistante de direction et n'a accédé au statut cadre qu'en juin 2019, soit après la déclaration d'inaptitude de M. [R] (pièces 29 et 51 sociétés) ;

* que c'était M. [R] qui était le directeur de l'hôtel [6] et qui prenait les décisions, Mme [O] confirmant qu'il y avait embauché du personnel comme elle aussi, qu'elle faisait appel à lui pour les problèmes techniques et que, si elle préparait les payes, c'est M. [R] qui faisait les virements car elle n'avait pas accès à la banque ;

* que c'est lui qui l'avait remplacée au cours de son arrêt de travail en 2018, du 18 mai au 15 juillet ;

* que, suite au départ de M. [R], M. [H] a recruté un nouveau directeur qui gère les trois hôtels comme le faisait M. [R] ;

* qu'elle ignorait si M. [R] avait un contrat de travail pour l'hôtel [6] mais que ce dernier avait évoqué une fois avec elle qu'il n'en avait pas ;

* que, lors des travaux d'agrandissement, M. [R] s'était occupé du suivi des travaux en relation avec M. [H] et avait assisté aux réunions de chantier ;

- dans l'attestation que Mme [O] a ensuite rédigée pour son employeur, elle décrit les tâches qu'elle effectuait mais ne dément pas ses précédentes déclarations quant au rôle de M. [R] dans l'hôtel ;

- l'attestation datée du 6 février 2020 de Mme [B] (pièce 48 des sociétés), dont les termes traduisent pour le moins une certaine animosité à l'égard de M. [R], minimise, pour ne pas dire réduit à néant, les missions de celui-ci ; ce témoignage ne peut emporter la conviction de la cour au regard notamment :

* des déclarations de Mme [O],

* des documents précités produits par M. [R],

* de l'attestation de M. [DC] qui décrit Mme [B] comme une personne manipulatrice pouvant avoir eu le désir de se venger de M. [R] (pièce 79 de celui-ci),

* mais aussi et surtout des propos tenus par cette même Mme [B] dans le cadre de son audition par les services de la gendarmerie réalisée le 3 décembre 2019 au cours de laquelle, à la question : « Que faisait M. [R] au sein de l'hôtel [[6]] en tant que directeur ', elle répondait : « Il gérait tout, son rôle c'était de s'assurer que tout allait bien au sein de l'hôtel, c'est lui qui faisait le lien avec M. [H]. M. [R] signait les documents pour les règlements des fournisseurs, les salaires des employés. Il passait presque tous les jours à l'hôtel pour savoir si tout se passait bien, sinon il téléphonait ».

Les sociétés produisent des témoignages de salariés (pièces 40 à 43) déclarant de manière très laconique soit que M. [R] ne venait pas autant qu'il dit dans l'établissement (M. [XF] et M. [L], M. [R] ayant signé l'avenant de mise à disposition de ce dernier - pièce 15-9 M. [R]), soit ne pas se souvenir l'avoir vu 4 heures par jour (M. [T] engagé par M. [R] - pièce 57 de celui-ci), soit encore ne pas l'avoir vu journalièrement (M. [Y]).

Elles versent aussi aux débats des attestations de clients ainsi que des écrits de fournisseurs du restaurant déclarant ne pas avoir eu M. [R] comme interlocuteur (pièces 44 à 47).

Est enfin produit le témoignage établi le 5 septembre 2021 par M. [DG], propriétaire d'un restaurant à [Localité 11], qui déclare ne jamais avoir vu M. [R] donner une quelconque directive sur le fonctionnement de l'hôtel de [6] (pièce 25) : le caractère probant de cette attestation n'est guère convaincant à la lecture d'un mail versé aux débats par M. [R], dans lequel ce même témoin écrivait le 7 décembre 2017 que M. [R] dirigeait les trois hôtels dont celui de [6] (pièce 64 de M. [R]).

Outre qu'aucune de ces pièces ne démontrent que M. [R] n'exerçait pas des fonctions de direction au sein de l'hôtel, le rôle actif de M. [R] au sein de l'établissement résulte de nombreuses autres attestations produites par celui-ci, telles celles de :

- M. [D], restaurateur qui accueillait les groupes hébergés aux hôtels [Adresse 5] et de [6], qui déclare que M. [R] l'avait contacté pour trouver un chef cuisinier pour le restaurant de [6] et qui s'étonne de ce que le chef recruté ainsi que le second de cuisine témoignent n'avoir jamais eu affaire à M. [R] (pièce 53) ;

- Mme [K] [P], femme de chambre dans les deux hôtels, qui atteste de ce que Mme [O] venait souvent à l'hôtel [Adresse 5] avec des dossiers pour travailler avec M. [R] (pièce 47) ;

- Mme [Z], (serveuse réceptionniste) recrutée par M. [R] en 2018, qui atteste de la présence régulière de celui-ci au sein de l'établissement, de son intervention active pour le choix de l'ameublement de la salle de restaurant de même que Mme [JO], engagée comme réceptionniste au sein de l'hôtel de [6] en 2018 (pièces 54 et 55) ;

- plusieurs clients confortent ces témoignages (pièces 48 à 52).

Les fonctions de M. [R] au sein de l'hôtel [6] sont également corroborées par divers mails échangés avec Mme [O] (pièces 85, 85-1 à 85-6) ou avec des fournisseurs (pièces 85-9 à 85-12) ainsi que par les documents figurant en pièces 15 et suivantes de l'intimé attestant notamment de la signature par M. [R] de nombre de contrats de travail en qualité de directeur de la société [6].

Les parties s'opposent par ailleurs sur la participation de M. [R] aux travaux d'agrandissement réalisés dans l'hôtel [6] en 2018.

Il a été précédemment relevé que plusieurs personnes ont attesté de l'implication de M. [R] dans ses travaux.

La société, qui nie toute intervention de M. [R] lui reconnaissant seulement d'avoir été parfois présent aux réunions de chantier, produit :

- des extraits de comptes rendus de chantier peu utiles aux débats, même si ne sont mentionnés que les numéros de téléphone de M. [H] et de Mme [O], dès lors que les personnes présentes à ces réunions n'y figurent pas (pièce 30) ;

- un courrier du cabinet d'architectes (ICC-M. [G] - pièce 31) indiquant que M. [R] était présent aux réunions mais uniquement afin d'être informé de l'état d'avancement du chantier et qu'il n'a jamais pris part aux décisions prises par M. [H] (pièce 31) ;

- un courrier de M. [N] certifiant que M. [R] n'intervenait pas sur les travaux et suivis de chantier (pièce 32), dont la cour observe qu'il est en contradiction avec la pièce précédente ;

- l'audition par les services de gendarmerie de M. [RF], conducteur de travaux au sein des Etablissements [N] ; ce témoin indique que lorsque M. [H] n'était pas présent aux réunions de chantier, c'est Mme [O] qui représentait l'hôtel, qu'il n'a jamais eu de contact avec M. [R] tout en précisant néanmoins que celui-ci accompagnait parfois lors des réunions de chantier M. [H], qui lui demandait de noter ce qui avait été dit et a déclaré ignorer que M. [R] était directeur de l'Hôtel [6] dont pour lui, Mme [O] était responsable (pièce 34 appelantes) ;

- une attestation de M. [JG] déclarant : « nous avons construit un hôtel ...(illisible) gros oeuvre. Les négociations et suivi de chantier ont bien été suivi par Mr [H] et l'architecte ICC» (pièce 33) ;

- le procès verbal de la commission de sécurité ainsi que des attestations d'achèvement signés par M. [H] (pièce 61) ;

- une attestation de M. [J] [F], chef de l'entreprise Design Peinture, déclarant que M. [R] n'est jamais intervenu sur le référencement des entrepreneurs ni sur les travaux (pièce 36) et que seuls M. [H] et son architecte suivaient les travaux (pièce 36 appelantes).

Ces documents, au demeurant contradictoires entre eux, doivent aussi être confrontés avec d'autres des auditions réalisées par les services de la gendarmerie :

- celle de M. [U], chef de l'entreprise [U] Déco également intervenue sur le chantier, qui déclare que son contrat de prestations a été signé par M. [H], en présence de M. [R] 'qui était le directeur de l'hôtel et d'une dénommée [V]' [Mme [O]] dont il indique qu'elle était le bras droit de M. [R] ; ce témoin précise avoir eu affaire avec M. [R] tout le temps et que celui-ci, en l'absence de M. [H], prenait les décisions avec l'architecte (pièce 35 appelantes et 70 de M. [R]) ;

- celle de M. [S], gérant d'une entreprise intervenue durant les travaux, qui atteste de la présence de M. [R] lors des réunions de chantier et déclare que celui-ci était consulté sur les choix à faire, lorsque M. [H] était absent (pièce 68 M. [R]) ;

- celle de M. [PG], gérant d'une entreprise également intervenue durant les travaux, qui confirme les déclarations ci-dessus reproduites quant au rôle de M. [R], 'directeur de l'hôtel [6]' au cours des travaux (pièce 69 M. [R]) ;

- celle de M. [JO], entreprise ayant effectué des travaux de plomberie dans l'hôtel de [6], de novembre 2017 à juillet 2018, qui a déclaré que M. [R] participait aux réunions de chantier, prenait certaines décisions et faisait le lien avec M. [H] et que, quand il y avait des problèmes, il en référait à M. [R] (pièce 71 de celui-ci).

De l'ensemble de ces éléments, il ressort que si M. [R] n'a pas eu un rôle entièrement décisionnaire dans le déroulement des travaux d'agrandissement de l'hôtel [6], étant manifestement dépendant des instructions du gérant de la société, M. [H], il est néanmoins intervenu de manière active au cours de ces travaux.

L'activité de M. [R], tant au niveau de la gestion de cet hôtel que durant les travaux d'agrandissement de celui-ci, est établie et ne saurait s'analyser en une simple synergie entre les établissements relevant des sociétés gérées par M. [H] dont le pouvoir hiérarchique exercé à l'égard de M. [R] ressort également des pièces soumises à l'analyse de la cour.

Il sera en conséquence considéré que M. [R] justifie de l'existence d'un contrat de travail le liant à la société [6], le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

2. Sur les demandes pécuniaires de M. [R] à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6]

Sur la demande en paiement d'un rappel de salaire

M. [R], revendiquant la qualité de directeur de l'hôtel restaurant [6], statut cadre niveau 5 échelon 2, à temps plein, pour la période de mars 2015 au 16 juillet 2019, sollicite la condamnation de la société [6] en paiement de la somme de 122.000 euros à titre de rappel de salaire pour les années 2017 et 2018 outre 12.200 euros pour les congés payés afférents, sur la base d'une rémunération identique à celle que lui versait la société Hôtel [Adresse 5].

Il indique cependant que la rémunération qui lui est dûe est la rémunération minimale garantie pour un cadre dirigeant qui était de 58.842 euros en 2017 et de 59.778 euros en 2018 et qu'ainsi le rappel de salaires dû s'élève à la somme de 118.620 euros pour les années non prescrites de 2017 et 2018 outre les congés payés dont il sollicite à titre subsidiaire le paiement.

La société intimée ne conclut pas autrement qu'en contestant l'existence d'un contrat de travail la liant à M. [R], tout en estimant que le rappel de salaire doit être limité, sur la base d'un forfait annuel de 73 jours, à la somme de 41.040 euros outre les congés payés.

***

En l'absence de contrat écrit, le temps de travail de M. [R] est présumé être à temps plein et il ne saurait être retenu l'existence d'une convention de forfait.

L'absence de contrat doit conduire à appliquer les salaires minima conventionnels, étant relevé que la demande subsidiaire de l'application de la rémunération d'un cadre dirigeant n'est étayée par aucune explication alors que M. [R] conteste par ailleurs cette qualité (en page 24 et suivantes de ses écritures).

En vertu des avenants 23 et 25 à la convention collective régissant la relation de travail, relatifs aux salaires minima applicables à la classification reconnue à M. [R] au sein de l'autre société, le rappel de salaire qui lui est dû doit être fixé à la somme de 64.623,25 euros outre celle de 6.462,32 euros pour les congés payés afférents, le jugement déféré étant réformé de ces chefs.

Sur la rupture du contrat de travail liant M. [R] à la société Hôtel Restaurant [6]

La fin de la relation de travail entre M. [R] et la société [6] doit être fixée à la date de la lettre de licenciement qui lui a été adressée le 16 juillet 2019 par la société Hôtel [Adresse 5].

La société [6], ayant été immatriculée au Registre du commerce et des sociétés le 19 mars 2015, il sera retenu l'ancienneté de 4 ans et trois mois que revendique le salarié au soutien de ses demandes en paiement des indemnités de rupture.

La rupture du contrat doit, en l'absence de toute procédure de licenciement, s'analyser en un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur la base d'un salaire de référence de 2.319,03 euros bruts, il sera alloué à M. [R] les sommes de 6.957,10 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 695,71 euros bruts pour les congés payés afférents et 2.463,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement.

***

M. [R] sollicite le paiement de la somme de 25.416,66 euros ou de 24.907,50 euros, soit cinq mois des salaires qu'il retient, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Il justifie d'un suivi par un médecin psychiatre de février 2019 à janvier 2020, et indique être resté en arrêt de travail pour maladie, ayant retrouvé un emploi en juillet 2021.

La société fait observer que M. [R] n'apporte aucun élément de preuve quant à son préjudice.

*

Sur l'interrogation de la cour à l'audience, M. [R] a indiqué que la société [6] employait une vingtaine de salariés, les appelantes ne produisant aucune pièce probante à ce sujet.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, l'indemnité est comprise entre 3 et 5 mois de salaire.

M. [R] ne justifie pas sa situation suite à la rupture du contrat autre que le suivi par un médecin psychiatre dont il a fait l'objet jusqu'en janvier 2020.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération retenue, de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 9.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En vertu des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par la société [6] aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 2 mois d'indemnités, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Aux termes de l'article L. 1235-2 alinéas 4 et 5, l'indemnité pour irrégularité de la procédure ne se cumule pas avec l'indemnisation due au salarié en l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

M. [R] sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande au titre du travail dissimulé à l'encontre de la société [6]

L'information ouverte par le juge d'instruction du tribunal judiciaire de Bergerac étant toujours en cours, pour éviter une contrariété de décisions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la demande de M. [R] au titre du travail dissimulé, demande qui, n'étant pas en état d'être jugée, sera radiée, M. [R] pouvant solliciter la réinscription de l'affaire dans les conditions précisées au dispositif du présent arrêt.

Sur les autres demandes à l'encontre de la société [6]

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

La société [6] devra délivrer à M. [R] un bulletin de salaire et une attestation France Travail (ex Pôle Emploi) conformes à la présente décision et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci, la mesure d'astreinte n'étant pas en l'état justifiée.

La société [6], partie perdante à l'instance et en son recours sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [R] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

II . Sur les demandes de M. [R] à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5]

Les demandes de M. [R] à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5] reposent pour l'essentiel sur l'origine professionnelle de son inaptitude dont il estime son employeur responsable à raison du rythme de travail qui lui a été imposé, invoquant un manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail.

La société appelante s'en défend, contestant que l'inaptitude médicalement constatée de M. [R] ait une origine professionnelle mais aussi la surcharge de travail alléguée.

Sur la charge de travail de M. [R]

La société fait tout d'abord valoir que M. [R] n'était pas soumis à la réglementation régissant la durée du travail car il avait le statut de cadre dirigeant.

M. [R] conteste avoir eu cette qualité.

*

Pour écarter le moyen invoqué par la société, il suffira de relever que les contrats de travail conclus avec M. [R] comportaient une convention de forfait annuel en jours dont le nombre a été porté de fait, à 217 jours par an suite à la prise en location gérance de l'hôtel de [7] par la société Hôtel [Adresse 5], situation incompatible avec le statut de cadre dirigeant.

***

Pour voir échapper M. [R] à la réglementation régissant la durée du travail, la société soutient ensuite que celui-ci était soumis à une convention de forfait annuel en jours, disposait de toute latitude dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il lui incombait de déclarer ses jours travaillés et ses jours de repos et qu'il ne saurait être reproché à M. [H], qui se trouvait à plus de 500 kms, de ne pas avoir contrôlé le document de suivi que M. [R] adressait lui-même au comptable, exposant en outre que le salarié avait toute latitude pour aborder avec M. [H] la question de la gestion de son temps de travail, lorsqu'il rencontrait celui-ci qui se rendait plusieurs jours par mois à [Localité 11].

M. [R] conclut à la nullité ou à tout le moins à l'inopposabilité de sa convention de forfait, exposant que son employeur n'a pas mis en oeuvre les obligations lui incombant, quant au suivi régulier de sa charge de travail et n'a pas mis en oeuvre un entretien individuel annuel à ce sujet.

*

L'opposabilité d'une convention de forfait suppose que l'employeur justifie du respect de ses obligations au titre du droit au repos du salarié et mette en oeuvre les dispositifs nécessaires au respect de ce droit ainsi que de la compatibilité de l'organisation de la charge de travail du salarié avec sa vie personnelle et familiale.

L'avenant du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail à la convention collective applicable impose à l'employeur d'une part, un document de contrôle des journées travaillées et des jours de repos, émargé mensuellement par le salarié, lui permettant de vérifier le respect des règles relatives au nombre de jours travaillés, et de veiller à ce que l'amplitude et la charge de travail sont raisonnables, ainsi que, d'autre part, la tenue d'un entretien annuel portant sur la charge de travail du salarié et l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale.

Or, de l'aveu même de la société, aucune de ces mesures n'a été mise en oeuvre pour M. [R].

La convention de forfait annuel en jours travaillés est donc inopposable au salarié.

***

Au soutien de la surcharge de travail qu'il invoque comme étant à l'origine du constat de son épuisement professionnel ayant conduit à l'avis d'inaptitude prononcé le 20 mai 2019 par le médecin du travail, M. [R] fait valoir qu'outre ses fonctions de directeur de l'hôtel [Adresse 5], de celui de [7] et de l'hôtel restaurant de [6], il a été amené à assurer la gestion de la SCI Japifa et des vignobles acquis par M. [H].

Au soutien de ses allégations, il verse notamment aux débats les témoignages de M. [X], locataire du 1er étage de l'immeuble géré par la SCI Japifa, ainsi que de M. [M] [GG] qui exploite les vignobles.

Il souligne ne pas avoir été en mesure de prendre un seul jour de RTT ni de congés payés, cumulant 47 jours non pris en janvier 2019 au moment de son arrêt de travail pour maladie.

La société Hôtel [Adresse 5], contestant la surcharge de travail alléguée par M. [R] dont elle dit n'avoir jamais été informée ni par l'intéressé ni par le médecin voire par l'inspecteur du travail, critique notamment l'attestation de Mme [C], employée comme apprentie réceptionniste, qu'elle qualifie de 'pure complaisance', soutenant qu'il ne faut pas confondre temps de travail effectif et amplitude journalière.

Elle ajoute ne jamais avoir interdit à M. [R] de prendre des congés, n'intervenant pas dans son organisation, que celui-ci ne peut pas prétendre avoir été surchargé alors que les hôtels étaient fermés 4 semaines en février pour celui [Adresse 5], et de novembre à avril pour celui de [7] et qu'ayant la possibilité de recruter du personnel, il ne s'est jamais plaint de ses conditions de travail durant la relation contractuelle.

Elle souligne également que l'hôtel connaissait une baisse d'activité en basse saison et enregistrait même des pertes d'exploitation, ce, en totale contradiction avec la surcharge de travail prétendue, l'expert comptable attestant d'un résultat déficitaire en 2018 de plus de 242.000 euros pour un chiffre de - 122.700 euros en 2014.

Elle précise à ce sujet que l'effectif de la réception avait néanmoins été maintenu, de même que les effectifs des saisonniers.

La société fait enfin valoir que le lien entre l'hospitalisation de M. [R] en décembre 2015 alors qu'il était en congés payés, plus de trois ans avant son 1er arrêt de travail pour maladie et ses conditions de travail n'est pas démontré et que, s'agissant de l'accident de la circulation dont il dit avoir été victime en 2018, le lien avec ses conditions de travail n'est pas établi.

Selon la société, l'arrêt de travail pour maladie de M. [R] aurait en réalité été motivé par les difficultés de santé que rencontrait la soeur du salarié ainsi que les épisodes douloureux que celui-ci avait connus au cours de l'année 2018, notamment suite au dépôt de bilan de son épouse, qui exploitait une entreprise de nettoyage.

La société ajoute enfin que M. [R] a 'préparé' son départ de l'entreprise, invoquant le témoignage de M. [DG] qui déclare ne l'avoir jamais vu en situation de stress, le décrivant au contraire comme souriant, de bonne humeur, voire blagueur.

Concernant l'activité revendiquée par M. [R] au profit de la SCI Japifa ou des vignobles possédés par M. [H], la société Hôtel [Adresse 5] conteste les prétentions du salarié.

A propos de la société Japifa, elle précise que :

- les documents produits par le salarié sur lesquels son nom est associé à celui de la société Japifa ne prouvent rien dans la mesure où la société a la même adresse de correspondance que l'Hôtel [Adresse 5] dont M. [R] était le directeur,

- la transmission de factures et pièces au cabinet comptable de la société Japifa et l'accueil des locataires pour la remise des clés ne sauraient établir qu'il en assurait la gestion,

- c'est M. [R] lui-même qui se présentait aux locataires comme étant le responsable de la société Japifa,

- les attestations produites sont fausses, ne font nullement état d'événement précis ou encore sont très contradictoires,

- M. [R] ne démontre pas que la société Japifa lui aurait imposé de gérer les locations et la comptabilité.

S'agissant de la société Château Mongiron et l'Hermitage Lescours, elle soutient :

- qu'il n'a jamais été demandé au salarié de travailler pour le compte de ces châteaux et que ce n'est qu'à sa demande qu'il s'est rendu à plusieurs reprises au sein des vignobles,

- que M. [R] a effectivement été l'intermédiaire pour l'impression de cartes de visites et une plaquette de présentation des vignobles, ce qui justifie que la facture soit établie à son nom,

elle verse aux débats une attestation de M. [I] [GG], qui déclare que M. [R] n'a jamais travaillé sur la propriété, le lien avec le témoin dont M.  [R] produit une attestation - M. [M] [GG]- n'étant pas précisé.

*

Il sera rappelé à titre liminaire que l'obligation de veiller au respect du droit au repos et à l'existence d'une charge de travail compatible avec la durée légale et la santé du salarié incombe à l'employeur, contrairement à ce que semble soutenir la société Hôtel [Adresse 5].

S'agissant en premier lieu de l'activité exercée au sein des hôtels [Adresse 5] et de [7], il ressort notamment du témoignage de Mme [C], apprentie au sein de l'hôtel [Adresse 5], de septembre 2016 à septembre 2018, que l'amplitude horaire de M. [R] était élevée (du lundi au samedi de 8h30 à 19h30, le déjeuner étant pris dans l'établissement) et qu'il pouvait aussi être amené à intervenir le dimanche (en cas d'incident technique affectant par exemple la piscine ou les ascenseurs).

Si, ainsi que le relève la société, Mme [C], apprentie, ne faisait sans doute pas les mêmes horaires de travail que M. [R], l'appelante ne conteste pas l'amplitude horaire alléguée et ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier les horaires de travail du salarié dont il convient de souligner qu'il dirigeait d'abord deux établissements comportant, au vu des réponses apportées à l'audience, 38 et 11 chambres, le nombre de chambres de celui de [6] étant de 45, après l'agrandissement.

Par ailleurs, le témoignage de Mme [C] est corroboré par celui de Mme [K] [P], déjà cité, femme de chambre au sein des trois établissements, qui atteste de ce que M. [R] travaillait du lundi au samedi et parfois le dimanche (pièce 47 intimé) ainsi que par celui de Mme [JO], apprentie dans les hôtels [Adresse 5] et de [7] de 2014 à 2016, puis réceptionniste au sein de l'hôtel de [6] au cours de la saison 2018 (pièce 54 intimé).

Il sera ajouté que du fait du 'prêt' de Mme [O], qui était l'assistante de M. [R] au sein de la société Hôtel [Adresse 5], au profit de la société [6], M. [R] ne pouvait plus disposer de l'aide de celle-ci dans la direction des hôtels [Adresse 5] et de [7] et qu'il a été en outre amené à remplacer Mme [O] placée en arrêt de travail de mai à juillet 2018 au sein de l'établissement de [6].

Par ailleurs, si les hôtels [Adresse 5] et de [7] étaient fermés en basse saison, celui de [6] restait ouvert.

S'agissant en second lieu du travail effectué pour le compte de la SCI Japifa, il ressort de l'audition par les services de la gendarmerie de M. [X], locataire du 1er étage de l'immeuble géré par la SCI, que M. [R] était depuis 2014 son seul interlocuteur concernant la maison et les problèmes locatifs (pièce 45 intimé).

Ce témoignage est corroboré par celui de Mme [JO], (pièce 54 déjà citée), par nombre de courriers ou courriels relatifs à la SCI dans lesquels M. [R] apparaît comme étant l'interlocuteur actif au sein de celle-ci des fournisseurs, de la banque, du comptable, de l'office de tourisme pour les locations saisonnières (pièces 13 à 13-5, 13-12 à 13- 53 et 81-18) ainsi que par la prise en charge par la société Hôtel [Adresse 5] de notes de frais émises par M. [R] pour le compte de la SCI (pièces 13-6 à 13-11).

S'agissant en troisième lieu de l'activité exercée par M. [R] au sein des vignobles appartenant à M. [H], M. [M] [GG], responsable de leur exploitation, atteste de la participation de M. [R] aux inventaires, de l'accident de la circulation survenu à celui-ci au retour d'un inventaire au cours de l'été 2018 ainsi que de missions de marketing et de représentation effectuées par M. [R] pour les propriétés (pièce 46 M. [R]).

Ce témoignage n'est pas démenti par celui de M. [I] [GG], retraité, qui n'indique pas en quelle qualité il atteste et dont la cour ignore quel a été son rôle au sein des propriétés vinicoles de M. [H] (pièce 68 société).

L'attestation de M. [M] [GG] est au surplus confortée par les documents versés aux débats par M. [R] :

- pièces 14, 14-1, 14-2, 14-3, 14-5, 14-8, 14-14, 14-17, 14-18, 14-19, 14-20, 14-25, 14-28, 14-29, 81-8, 81-9, 81-10, 81-12, 103 et 105 qui, pour certaines, témoignent à la fois des missions attribuées à M. [R] mais aussi d'instructions qui lui sont données par M. [H] (telle les pièces 81-10, 81-12 et 103) ;

- la prise en charge de frais de déplacement par la société Hôtel [Adresse 5] pour un inventaire effectué en février 2017 et pour la présence de M. [R] au Parc des expositions de [Localité 4] (pièces 96 et 96-1).

Enfin, à l'examen des bulletins de salaires de M. [R], il apparaît que celui-ci n'a jamais bénéficié des jours de RTT prévus et n'a bénéficié de l'intégralité de ses congés payés qu'en 2016, n'ayant eu à ce titre que 7 jours en 2015, 7 jours en 2017 et 19 jours en 2018 en sorte qu'à la date de la rupture de son contrat, 47 jours de congés payés lui étaient dûs.

De l'ensemble de ces éléments, il ressort que les missions confiées au salarié, au sein des trois établissements hôteliers qu'il dirigeait outre celles qui lui incombaient dans la SCI Japifa et dans les vignobles appartenant à M. [H], ne pouvaient qu'excéder la durée légale de travail fixée à 35 heures hebdomadaires, la surcharge de travail alléguée par M. [R] étant dès lors établie, sa 'bonne humeur' attestée par M. [DG] étant sans emport à ce sujet.

Sur le lien entre la surcharge de travail de M. [R] et sa déclaration d'inaptitude à son poste

M. [R] soutient que l'inaptitude médicalement constatée à son poste de travail a une origine professionnelle liée à son épuisement consécutif à un manquement de la société qui l'employait au respect de ses obligations en terme de charge de travail et de droit au repos, ce qui a pour effet de rendre son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Hôtel [Adresse 5] conclut au rejet de l'ensemble des prétentions de M. [R] soutenant que le lien entre l'éventuelle surcharge de travail du salarié avec l'inaptitude prononcée par le médecin du travail n'est pas établie.

***

Les dispositions protectrices des salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quelle que soit la date à laquelle elle a été constatée ou invoquée, a au moins partiellement une origine professionnelle et que l'employeur en a connaissance à la date du licenciement.

En l'espèce, d'une part, le fait que la CPAM ait refusé la prise en charge de la pathologie de M. [R] au titre des maladies professionnelles, refus au demeurant notifié, le 21 décembre 2020 soit près d'un an et demi après le licenciement de celui-ci, ne lie pas la juridiction prud'homale.

D'autre part, il ressort de l'extrait du dossier médical du service de santé au travail de M. [R] que celui-ci présentait en janvier 2019 (visite du 8 janvier) des symptômes tels des troubles du sommeil, une asthénie et des troubles gastriques, le médecin relevant qu'il déclarait 'aller au travail à reculons' et culpabiliser de 'partir à l'heure' ou 'prendre des congés', qu'il lui en était toujours demandé plus, se sentait dans une impasse et évoquait l'impact sur sa vie familiale, sa charge de travail affectant l'accompagnement de sa soeur qui était en fin de vie.

Le médecin traitant de M. [R] a relevé quant à lui un état d'épuisement dans le certificat médical établi le 30 avril dans le cadre de la législation des risques professionnels.

Même si aucun de ces praticiens n'a pu constater personnellement les conditions de travail de M. [R], il a été ci-avant retenu que celui-ci subissait une charge de travail excédant la durée légale de travail, en sorte qu'il y a lieu de retenir, à l'instar des premiers juges, que l'inaptitude constatée par le médecin du travail le 20 mai 2019 a au moins pour partie une origine professionnelle, qui est confortée par la délivrance par ce même médecin du formulaire de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude prévue par les articles L. 433-1, D 433-1 et suivants du code de la sécurité sociale et par l'article D. 4624-47 du code du travail sur lequel il a été indiqué que l'avis d'inaptitude était susceptible d'être en lien avec la maladie professionnelle déclarée par M. [R] à la CPAM.

A la date de la rupture, la société appelante avait connaissance de la demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle faite par M. [R] auprès de la CPAM, du formulaire de demande d'indemnité temporaire d'inaptitude délivré par le médecin du travail et complété le 16 juillet 2019 par M. [H], l'extrait du dossier du service de santé au travail mentionnant un échange téléphonique intervenu le 22 février 2019 dans lequel le médecin du travail a informé M. [H] sur la situation médico-professionnelle du salarié.

La société avait donc connaissance de l'origine professionnelle au moins partielle de l'inaptitude de M. [R].

Sur les demandes de M. [R] au titre des jours de repos non pris

M. [R] sollicite l'infirmation du jugement déféré qui l'a débouté de cette demande et le paiement des sommes suivantes :

- 5.622,12 euros correspondant à 20 jours de RTT non pris durant les années 2017 (9 jours) et 2018 (11 jours),

- 8.033 euros à titre de dommages et intérêts pour l'impossibilité d'avoir pu prendre 30 jours de RTT sur les années 2014 à 2016 (soit 9 en 2014, 10 en 2015 et 11 en 2016).

Au soutien de ces demandes, il fait valoir en substance :

- qu'il n'a pas bénéficié des jours de RTT prévus par sa convention de forfait,

- qu'il n'a pas été en mesure de prendre ses congés payés dans leur totalité, lesquels ont été reportés par l'employeur d'année en année, totalisant 47 jours de congés payés non pris sur les années antérieures,

- qu'en application de la convention collective applicable à la relation de travail, l'attribution des jours de repos doit faire l'objet d'un suivi régulier par une annexe au bulletin de paie, ce qui n'a pas été fait.

La société Hôtel [Adresse 5] conclut au rejet de cette demande soutenant que :

- le salarié ne peut solliciter à la fois la nullité de la convention de forfait annuel en jours et obtenir un rappel de salaires au titre des jours de repos non pris,

- M. [R] gérait lui-même son temps de travail et transmettait les informations relatives aux congés et à l'établissement des fiches de paie au cabinet comptable,

- le salarié a réussi à prendre des congés en avril voire en juillet, ce qui démontre qu'il était en mesure d'en bénéficier hors période estivale,

- M. [R] ne peut pas solliciter le paiement de dommages et intérêts pour la période prescrite.

Le défaut de prise des jours de RTT prévus par une convention de forfait annuel en jours travaillés, dont le respect incombe à l'employeur, ouvre droit pour le salarié, en l'absence de rachat de ceux-ci, à l'indemnisation du préjudice subi, créance qui relève de la prescription biennale édictée par l'article L. 1471-1 du code du travail.

M. [R], ayant saisi la juridiction prud'homale le 23 décembre 2019, n'est pas recevable en sa demande en ce qu'elle concerne les années 2014 à 2016.

Pour les années 2017 et 2018, l'examen de ses bulletins de salaire témoigne de ce qu'il n'a bénéficié d'aucun jour de RTT.

La société Hôtel [Adresse 5] sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 5.622 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les manquements de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat

M. [R] sollicite la condamnation de la société Hôtel [Adresse 5] au paiement de la somme de 30.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Cette demande ne fait l'objet d'aucun développement spécifique dans ses écritures pas plus que dans celles des sociétés appelantes si ce n'est :

- en pages 26 et 27 puis 29, M. [R] invoque un manquement à l'obligation de sécurité de la société qui n'a pas mis en oeuvre le suivi qui lui incombait en vertu du forfait en jours et ne l'a pas mis en mesure de bénéficier d'un repos suffisant pour solliciter l'augmentation des dommages et intérêts qui lui ont été octroyés par le conseil de prud'hommes à hauteur de 5.083,33 euros ;

- en page 22, la société conteste un manquement à son obligation de sécurité et souligne à plusieurs reprises que M. [H] n'a pas été alerté par M. [R] d'une surcharge de travail.

***

Il a été retenu ci-avant que l'employeur, de son propre aveu, ne respectait aucune des obligations lui incombant en terme de durée du travail et de temps de repos et qu'il ne pouvait ignorer la charge de travail du salarié qui dirigeait trois établissements et assurait en outre des missions pour le compte personnel de M. [H] au sein de la SCI Japifa et de deux vignobles.

Ces éléments caractérisent un manquement à la loyauté dans l'exécution du contrat ayant causé un préjudice à M. [R], affecté dans sa santé, qui a été évalué à juste titre par les premiers juges, l'intimé ne justifiant pas d'un préjudice supérieur à la somme qui lui a été allouée.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [R] sollicite l'infirmation du jugement déféré qui a considéré que son licenciement était régulier et reposait sur une cause réelle et sérieuse et le paiement des sommes de 35.583,33 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de 5.083,33 euros au titre de l'irrégularité de la procédure suivie.

Au soutien de sa demande tendant à voir reconnaître le caractère abusif de son licenciement pour inaptitude, il fait valoir que la dégradation de son état de santé trouve son origine dans les fautes commises par l'employeur, notamment en l'absence de suivi régulier du forfait jours, de l'amplitude de travail et de contrôle du respect des repos quotidiens et hebdomadaires, caractérisant un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude médicale dont il a été l'objet.

La société Hôtel [Adresse 5], conclut à la confirmation du jugement, soutenant que :

- la demande de reconnaissance en maladie professionnelle n'ayant pas abouti ne peut prospérer,

- la faute de l'employeur à l'origine de la maladie professionnelle n'est pas démontrée car M. [R] n'a pas agi en reconnaissance de la faute inexcusable devant la juridiction compétente,

- il ne peut être reproché une faute à l'employeur alors qu'il n'a jamais été alerté de la situation et qu'il n'a pu dès lors prendre les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer ses fonctions dans de meilleures conditions.

***

Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque l'inaptitude médicale du salarié à son poste a pour cause un manquement de l'employeur à ses obligations.

Il a été ci-avant retenu que l'employeur de M. [R] ne pouvait ignorer que celui-ci subissait une charge de travail excessive et a reconnu lui-même ne pas avoir mis en place les dispositifs permettant de veiller au respect du droit au repos, ayant ainsi contribué par ses propres négligences à la dégradation avérée de l'état de santé à l'origine de la déclaration d'inaptitude.

Il sera en conséquence considéré que le licenciement de M. [R], consécutif à l'inaptitude médicale de celui-ci à son poste de travail, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes financières au titre du licenciement

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, M. [R] peut prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis mais aussi de l'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1224-6 du code du travail.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce que, retenant un salaire moyen de 5.083,33 euros (61.000/12) la qualité de cadre et l'ancienneté du salarié, il a condamné la société Hôtel [Adresse 5] en paiement des sommes de 7.405 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement et de 15.249,99 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 1.524,99 euros pour les congés payés.

***

M. [R] sollicite le paiement de la somme de 25.416,66 euros ou de 24.907,50 euros, soit cinq mois des salaires qu'il retient, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

Il justifie d'un suivi par un médecin psychiatre de février 2019 à janvier 2020 et indique être resté en arrêt de travail jusqu'en mars 2021, ayant retrouvé un emploi en juillet 2021.

La société fait observer que M. [R] n'apporte aucun élément de preuve quant à son préjudice et que celui-ci a retrouvé un emploi dès la fin du versement de la contrepartie financière à la clause de non-concurrence qui était prévue à son contrat de travail (soit 907,55 euros payés jusqu'en juillet 2021).

*

En application de l'article L.1235-3 du code du travail et compte tenu de l'effectif de l'hôtel de 11 salariés (pièce 18 société) et de l'ancienneté de M. [R] à la date du licenciement (5 ans et 9 mois), l'indemnité est comprise entre 3 et 6 mois de salaire.

Au regard notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [R], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent

des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 25.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 4 mois d'indemnités.

Aux termes de l'article L. 1235-2 alinéas 4 et 5, l'indemnité pour irrégularité de la procédure ne se cumule pas avec l'indemnisation due au salarié en l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.

M. [R] sera en conséquence débouté de sa demande à ce titre.

Sur la demande au titre de l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé

M. [R] sollicite le paiement de la somme de 30.500 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé en invoquant dans ses écritures les textes suivants du code du travail : articles L 8241-1 à L. 8241-3 'Dispositions générales du prêt licite ou illicite de main d'oeuvre', les articles R. 8241-1 et R. 8241-2 'Décrets prêt de main d'oeuvre' et L. 8243-1 à L. 8243-3 'Dispositions pénales du prêt illicite de main d'oeuvre' exposant :

- qu'il a été affecté en toute irrégularité, sans convention de mise à disposition, ni avenant à son contrat, à des missions extérieures, tant auprès de la SCI Japifa que des vignobles appartenant à M. [H],

- que la société Hôtel [Adresse 5] aurait dû facturer à ces utilisateurs les salaires qui étaient versés à M. [R] au titre des fonctions qu'il a tenues à leur profit ainsi que les charges sociales et frais professionnels qui y sont liés.

Il fait ensuite valoir que la société l'a fait travailler comme un 'larbin', ce qui a conduit à son épuisement professionnel et même à un accident de la circulation lors d'un retour de [Localité 4], et qu'elle n'a pas déclaré les heures de travail effectuées.

La société Hôtel [Adresse 5] conclut au rejet de la demande, contestant principalement la réalité des missions effectuées par M. [R] pour des entreprises tierces et soutenant que :

- les éléments constitutifs du travail dissimulé ne sont pas établis, raison pour laquelle la plainte de M. [R] a été classée sans suite,

- la convention de prêt illicite ne peut donner lieu à condamnation de la société au paiement d'une indemnité forfaitaire de 6 mois pour travail dissimulé en ce que cette indemnité ne concerne pas le prêt illicite de main d'oeuvre.

***

La société Hôtel [Adresse 5], non visée dans la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. [R], n'est pas, en l'état des pièces dont dispose la cour, concernée par l'information en cours ouverte au cabinet du juge d'instruction du tribunal judiciaire de Bergerac.

S'agissant de la demande au titre du travail dissimulé, l'article L. 8221-5 du code du travail dispose:

"Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales."

En l'espèce, il n'est pas établi que la société Hôtel [Adresse 5] n'a pas déclaré les heures de travail effectuées pour son compte et les éléments développés par M. [R] au soutien de sa demande à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5] concernent non pas la dissimulation d'emploi dont celle-ci se serait rendue coupable mais celle qui aurait été perpétrée par les entités pour lesquelles il a travaillé, soit la SCI Japifa et M. [H].

M. [R] doit donc être débouté de sa demande au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 8223-1du code du travail, qui ne s'applique qu'au travail dissimulé.

En revanche, des éléments retenus précédemment, l'existence d'un prêt de main d'oeuvre est démontrée, M. [R] ayant effectivement été mis à disposition et accompli des missions au profit de la SCI Japifa et des vignobles appartenant à M. [H].

Quel que soit le but de ce prêt de main d'oeuvre, il est aussi établi que les conditions de mise à disposition prévues par L. 8241-2 du code du travail, soit la signature d'une convention de mise à disposition mais aussi d'un avenant au contrat de travail, n'ont pas été respectées en sorte que le salarié a droit à la réparation du préjudice subi.

Au regard du nombre de ces missions mais aussi de la réalité d'un accident matériel de la circulation subi par M. [R] au retour des vignobles au cours de l'été 2018, dont M. [M] [GG] a fait état dans son attestation, le préjudice subi par M. [R] sera réparé par l'octroi d'une somme de 5.000 euros.

Sur les autres demandes à l'égard de la société Hôtel [Adresse 5]

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

La société Hôtel [Adresse 5] devra délivrer à M. [R] un bulletin de salaire et une attestation France Travail (ex Pôle Emploi) conformes à la présente décision et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci, la mesure d'astreinte n'étant pas en l'état justifiée.

La société Hôtel [Adresse 5], partie perdante à l'instance et en son recours sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [R] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Sur les demandes formées par M. [R] à l'encontre de la société Hôtel [Adresse 5]

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que l'inaptitude médicalement constatée de M. [R] à son poste de travail avait au moins partiellement une origine professionnelle,

- condamné la société Hôtel [Adresse 5] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

* 7.405 euros au titre de l'indemnité spéciale de licenciement;

* 15.249,99 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1.524,99 euros pour les congés payés afférents,

* 5.083,33 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'exécution déloyale du contrat,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- dit que le licenciement de M. [R] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [R] de ses demandes au titre des jours de RTT non pris,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable la demande de M. [R] à titre de dommages et intérêts pour les jours de RTT non pris durant les années 2014 à 2016,

Dit que le licenciement de M. [R] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Hôtel [Adresse 5] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 5.622 euros à titre de dommages et intérêts pour les jours de RTT non pris en 2017 et 2018,

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de sa mise à disposition au profit de la SCI Japifa et des vignobles de M. [H] sans signature d'un avenant,

- 25.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne le remboursement par la société Hôtel [Adresse 5] aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [R] depuis son licenciement dans la limite de 4 mois d'indemnités,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Dit que la société Hôtel [Adresse 5] devra délivrer à M. [R] un bulletin de salaire et une attestation France Travail (ex Pôle Emploi) conformes à la présente décision et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci,

Déboute M. [R] du surplus de ses prétentions à l'égard de la société Hôtel [Adresse 5],

Condamne la société Hôtel [Adresse 5] à payer à M. [R] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel,

Sur les demandes formées par M. [R] à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6],

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'existence d'un contrat de travail entre M. [R] et la société Hôtel Restaurant [6], dit que la rupture de la relation contractuelle est un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse et ordonné le remboursement par la société Hôtel Restaurant [6] aux organismes concernés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [R] depuis son licenciement dans la limite de 2 mois d'indemnités,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SNC Hôtel Restaurant [6] à payer à M. [R] les sommes suivantes :

- 64.623,25 euros euros pour les congés payés euros bruts à titre de rappel de salaires pour les années 2017 et 2018 outre 6.462,32 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 6.957,10 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 695,71 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 2.463,97 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 9.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Dit que la société Hôtel Restaurant [6] devra délivrer à M. [R] un bulletin de salaire et une attestation France Travail (ex Pôle Emploi) conformes à la présente décision et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci,

Sursoit à statuer sur la demande de M. [R] au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et ordonne la radiation de l'affaire,

Dit que celle-ci pourra être réinscrite à la demande de la partie la plus diligente sous réserve de la production des pièces suivantes :

- décision définitive rendue par la juridiction pénale sur les infractions de travail dissimulé, marchandage et prêt illicite de main d'oeuvre reprochées à la société Hôtel Restaurant [6],

- conclusions au fond sur la demande au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé présentée à l'encontre de la société Hôtel Restaurant [6],

Déboute M. [R] du surplus de ses prétentions à l'égard de la société Hôtel Restaurant [6],

Condamne in solidum la société Hôtel [Adresse 5] et la société Hôtel Restaurant [6] aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/03762
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;21.03762 ?
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