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06/03/2024 | FRANCE | N°21/02490

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 06 mars 2024, 21/02490


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 6 MARS 2024







PRUD'HOMMES



N° RG 21/02490 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCSU















Monsieur [T] [N]



c/



S.A.R.L. NAVAL SERVICES

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée

le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 avril 2021 (R.G. n°F 18/01748) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 27 avril 2021,





APPELANT :

Monsieur [T] [N]

né le 08 Janvier 1961 de nationalité Française demeurant...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 6 MARS 2024

PRUD'HOMMES

N° RG 21/02490 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MCSU

Monsieur [T] [N]

c/

S.A.R.L. NAVAL SERVICES

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 avril 2021 (R.G. n°F 18/01748) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 27 avril 2021,

APPELANT :

Monsieur [T] [N]

né le 08 Janvier 1961 de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Genséric ARRIUBERGE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Naval Services, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 402 254 353

représentée par Me Emilie MONTEYROL substituant Me François PETIT de la SELAS FPF AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 janvier 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- délibéré prorogé au 6 mars 2024 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [N], né en 1961, a été engagé en qualité de chauffeur livreur manutentionnaire, groupe 6 coefficient 138 M, par la SARL Naval Services, par contrat de travail à durée déterminée à compter du 2 mai 1998 jusqu'au 31 octobre 1998.

A compter du 1er novembre 1998, le contrat de travail s'est poursuivi pour une durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.

Depuis le 1er mars 2004, M. [N] est reconnu travailleur handicapé en raison de cervicalgies invalidantes.

Le 1er juin 2006, le médecin du travail a déclaré M. [N] apte à son poste avec préconisation de l'utilisation d'un transpalette électrique.

Le 16 juin 2006, la société Naval Services informait le médecin du travail de l'impossibilité d'aménagement du poste de travail de M. [N] en raison de l'interdiction faite par son client exclusif, la société Leclerc, de l'utilisation d'un transpalette électrique en raison d'un accident du travail.

A l'issue d'une nouvelle visite, le médecin du travail déclarait M. [N] apte sans réserve.

En dernier lieu, le 9 mai 2018, le médecin du travail a considéré M. [N] apte à la reprise avec préconisation l'usage d'un transpalette électrique.

Le 26 avril 2021, M. [N] a été victime d'un accident de travail et a été placé en arrêt de travail.

Le 29 novembre 2021, le salarié a été déclaré inapte par la médecine du travail et a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 6 janvier 2022.

A la date du licenciement, M. [N] avait une ancienneté de 23 ans et 8 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [N] s'élevait à la somme de 2.087,69 euros.

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités notamment pour travail dissimulé, et dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, pour discrimination, exécution déloyale du contrat de travail, outre une demande de rappel de salaire, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux, qui par jugement rendu en formation de départage le 2 avril 2021, a :

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Naval services de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles,

- condamné M. [N] aux dépens.

Par déclaration du 27 avril 2021, M. [N] a relevé appel de cette décision, notifiée le 7 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 décembre 2023, M. [N] demande à la cour de

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens, et statuant à nouveau :

- écarter des débats toutes les attestations produites par la société Naval services,

- déclarer inopposable à M. [N] les notes de service XC09-0804 et LXC01-08-07,

- annuler l'avertissement du 4 avril 2018,

- juger que la société Naval services ne prouve pas avoir respecté les préconisations de la médecine du travail,

- juger que la société Naval services commet une discrimination en raison de l'état de santé,

- juger que la société Navel opère des retranchements illicites de temps de travail,

- juger que la société Naval services fait un usage abusif et déloyal de son pouvoir disciplinaire.

Et par conséquent :

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Naval services à la date du 6 janvier 2022,

- à titre principal condamner la société Naval services à verser à M. [N] les sommes suivantes :

* indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse 48.016,87 euros,

* reliquat Indemnité spéciale de licenciement 13.423,55 euros,

* indemnité compensatrice de préavis doublée L.5213-9 CT 6.263,07 euros,

* congés payés sur préavis 626,30 euros,

- à titre subsidiaire condamner la société Naval services à verser à M. [N] les sommes suivantes :

* indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse 35.490,73 euros,

* indemnité compensatrice de préavis doublée L.5213-9 CT 6.263,07 euros,

* congés payés sur préavis 626,30 euros,

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination en raison du handicap,

' condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 394,73 euros à titre de rappel de salaire,

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 39,47 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire,

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 16,34 euros à titre de rappel de majorations pour heures de nuit (25%),

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 1,64 euros à titre de congés payés afférents à ces majorations,

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 12.526,14 euros pour travail dissimulé,

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale en raison de l'usage abusif pouvoir disciplinaire,

- condamner la société Naval services à verser à M. [N] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance en ce compris les frais d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 novembre 2023, la société Naval services demande à la cour de':

- confirmer le jugement en départage du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 2 avril 2021 n° RG 18/01748 dans toutes ses dispositions,

Par conséquent,

- débouter M. [N] de toutes ses demandes,

- condamner M. [N] à verser à la société Naval services la somme de

4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [N] aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 janvier 2024 à 14 heures.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

la résiliation judiciaire du contrat de travail

M. [N] fait valoir que les pièces versées par la société doivent être écartées ou dites inopérantes parce qu'émanant de l'employeur, rédigées par des représentant du personnel'placés' ou exigées de salariés menacés de sanction disciplinaire.

Il reviendra à la cour, lors de l'examen des pièces produites par chaque partie, de dire si elles doivent être écartées pour non- respect des dispositions de l' article 202 du code de procédure civile ou si elles sont inopérantes.

M. [N] motive sa demande en faisant état de manquements qui seront successivement examinés.

a - l' employeur n'a pas respecté la préconisation du médecin du travail, en date du 9 mai 2018, qu'il devait utiliser un transpalette électrique dont il n'est pas établi par l'employeur-soumis à une obligation de sécurité-qu'elle a été mise à sa disposition systématique et effective.

La société répond qu'elle a respecté la préconisation du médecin du travail dès lors que le salarié avait un transpalette électrique à sa disposition ou pouvait, si nécessaire, l'informer pour qu'il y soit remédier ; que l' accident survenu le 26 avril 2021 résulte du refus du salarié d'employer le transpalette électrique mis à sa disposition ; que les notes de service ont été affichées.

Le solde de tout compte signé par M. [N] ne mentionne pas les sommes dont le salarié demande le paiement de sorte que sa signature ne le prive pas de son droit d'agir en justice.

Selon attestation de suivi du 9 mai 2018, le médecin du travail a déclaré M. [N] apte à son poste sous la réserve que l'état de santé de ce dernier contre indique le travail au froid et exige ' des manutentions possibles avec tire palette électrique exclusivement'. La société ne dit pas qu'elle en a été informée avec retard.

La cour constate que l'avis médical ne mentionne pas la mise à disposition exclusive et immédiate de ce matériel, l'essentiel étant que M. [N] n'ait pas à charger ou à décharger les produits sans pouvoir l'utiliser.

Il revient à l'employeur d'établir qu'il a respecté cette préconisation dans le respect de son obligation de sécurité.

La société verse quatre attestations de salariés, membre du CSE indiquant la mise à disposition de transpalettes électriques tant sur le site de [Localité 4] et [Localité 5] que sur les sites Leclerc et la disponibilité d'appeler- 24 h sur 24h- un responsable de de permanence en cas de nécessité. Le chargement du transpalette est réalisé avec le hayon d'un porteur toujours présent sur le site. Enfin, les salariés pouvaient utiliser le quai de décharement du 'Bazar' pendant les travaux réalisés au quai de déchargement de St Eulalie.

Ces attestations comportent les mentions exigées par les dispositions de l' article 202 du code de procédure civile et la qualité de membre du CSE de leur rédacteur ne les prive pas de force probante. Les attestations de MM. [S] et [X]

- non corroborées par un élément extérieur ne prouvent pas que les témoignages sus examinés ont été obtenus sous la contrainte et la pièce 32 de M. [N] ne mentionne aucune indication personnelle de son rédacteur.

La société produit aussi :

- la lettre à en-tête de la société Leclerc aux termes de laquelle ses entrepôts de [Localité 4] mettent à disposition des chauffeurs du matériel de manutention électrique;

- des extraits du Grand-livre des comptes mentionnant l'achat de transpalette en juin 2016, étant noté que la société mentionne la mise à disposition de M. [N] en juillet 2018.

Ces éléments établissent que M. [N] pouvait charger et décharger les produits livrés au centre Leclerc en utilisant le transpalette électrique exigé par le médecin du travail. Les attestations ne précisent pas la mise à disposition mais la cour constate que l'employeur a respecté son obligation avant la saisine du conseil des prud'hommes.

b -M. [N] reproche ensuite à la société d'avoir commis une discrimination au regard du défaut de mise à disposition d'un transpalette électrique et de la modification de son lieu de livraison de [Localité 6] à [Localité 4], augmentant de 80 kms sa distance quotidienne de conduite.

La société répond que l'avis du médecin du travail n'interdit pas l'augmentation du trajet réalisé par M. [N], que seuls quatre salariés ont été maintenus sur le site de [Localité 6] eu égard à l'éloignement de leur domicile et que M. [N] a lui même déménagé à [Localité 8].

Aux termes de l' article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de son état de santé ou de son handicap.

Aux termes de l' article L.1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison de la méconnaissance des dispositions sus visées, le salarié produit des éléments laissant supposer une discrimination et au vu de ces éléments, il revient à l'employeur d'établir que sa décision est fondée sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il a été retenu supra que la société avait rempli son obligation de sécurité à compter du mois de juillet 2018. Aucun élément ne permet d'établir de lien entre cette date et l'état de santé ou la situation de handicap de M. [N] qui n'argue pas d'une mise à disposition plus ancienne d'un transpalette électrique au profit d'autres salariés.

Ensuite, Il n'est pas contesté que le changement de lieu de chargement est lié au déménagement de la société SCASO de [Localité 6] à [Localité 4] et [Localité 5] et que tous les salariés - à l'exception de quatre d'entre eux - ont été touchés par la modification nécessaire consécutive à cette circonstance.

Les attestations de trois salariés confirment leur adresse proche du bassin d'Arcachon (la [Localité 9], [Localité 3] et [Localité 7]), justifiant ainsi leur maintien sur le sité de [Localité 6].

L'avis du médecin du travail ne comporte pas de préconisation relative à une distance maximale effectuée quotidiennement.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination.

c- M. [N] fait ensuite valoir qu'entre décembre 2017 et juillet 2018, 39h16 de travail n'ont pas été payées alors que les notes de service sont irrégulières et donc inopposables, que le temps d'attente avant livraison sont des temps de travail et qu'il partait parfois en avance en considération des aléas de la circulation.

La société répond que certains salariés majorant leur durée de travail en ajoutant des temps de pause, elle leur a rappelé l'obligation de respecter les horaires d'embauche et de ne pas arriver avant l'horaire de livraison. M. [N] aurait été coutumier des faits et mis en garde puis sanctionné d'un avertissement.

Selon l'application conjuguée des articles L.3313-1 du code du travail, 3 de la directive 2002/15/CE du parlement européen et du conseil du 11 mars 2002 et 4 du réglement CE n° 561/2006 du parlement européen et du conseil du 15 mars 2006, le temps de travail des travailleurs mobiles s'entend de toute période comprise entre le début et la fin du travail, durant lequel le travailleur est à son poste de travail, à la disposition de l' employeur et dans l'exercice de ses fonctions ou de ses activités, c'est à dire :

*le temps de conduite, de chargement et déchargement et de nettoyage,

*le temps des travaux assurant la sécurité du véhicule ;

*les périodes durant lesquelles le travailleur ne peut disposer librement de son temps et est tenu de se trouver à son poste de travail, prêt à entreprendre son travail normal, assurant certaines tâches associées au service, notamment les périodes d'attente de chargement ou de déchargement, lorsque leur durée prévisible n'est pas connue à l'avance c'est à dire soit avant le départ ou juste avant le début effectif de la période considérée.

M. [N] indique que le temps défalqué et non rémunéré correspondait à une attente avant livraison résultant de son départ anticipé de l' entreprise, nécessité par les aléas de la circulation.

La régularité des notes de service est indifférente, l'employeur pouvant, dans le cadre de son pouvoir de direction, contrôler les temps de travail et le respect par le salarié des horaires prévus aux plannings, étant précisé que M. [N] avait été mis en garde à ce sujet par lettre du 25 mai 2009.

M. [N] ne peut justifier un départ du site sensiblement antérieur à l'heure prévue de sa prise de poste, la réalité des aléas de la circulation n'étant pas établie. Il ne peut être considéré que la durée prévisible des trajets et des temps d'attente n'était pas connue à l'avance. M. [N] ne peut donc pas demander le paiement du temps d'attente résultant d'une prise de poste anticipée décidée de son seul chef.

M. [N] sera débouté de ses demandes de paiement de rappel de salaire et au titre du travail dissimulé.

La demande de paiement d'heures de nuit n'est pas explicitée.

d- M. [N] reproche à l'employeur un usage abusif de son pouvoir disciplinaire depuis la saisine du conseil des prud'hommes le 19 novembre 2018.

Selon lui, les faits d'excés de vitesse sanctionnés par la mise à pied du 17 novembre 2020 auraient été prescrits à la date de la convocation à l'entretien préalable et des excés de vitesse pouvaient survenir en pente.

M. [N] a été sanctionné pour avoir commis des excés de vitesse relevés au cours du mois d' août 2020 sans que l'employeur ne prouve n'en avoir eu connaissance qu'au cours du délai de deux mois précédant la convocationi à l'entretien préalable et ces faits étaient prescrits. La cour constate que M. [N] ne demande pas l'annulation de cette sanction.

L'avertissement notifié le 14 juin 2021 ne serait pas fondé parce qu'il revenait à l' employeur de lui fournir un transpalette électrique et l'excès de vitesse étaient fe courte durée.

La société répond que M. [N] avait reçu l'injonction de prévenir en cas d'absence de transpalette électrique, qu'il ne l'a pas fait le 26 avril 2021 et que l' accident du travail survenu le même jour en est la conséquence.

M. [N] ne peut reprocher à l' employeur d'avoir exigé de lui qu'il l'informe de l'absence de transpalette électrique exigé par le médecin du travail. Cette circonstance, non contestée par M. [N], justifiait à elle seule cette sanction.

La sanction du 4 avril 2018 est antérieure à la saisine du conseil des prud'hommes et est motivée par des faits (uriner sur une plate-forme d'emballage) non contestés par le salarié. M. [N] sera débouté de sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

La société ne justifie pas de la réalité des excès de vitesse sanctionnés le 27 et le 27 août 2020 mais M. [N] ne démontre pas l'existence du préjudice dont il demande l'indemnisation et sera débouté de ce chef.

Ces seuls manquements de l'employeur ne sont cependant pas d'une gravité telle qu'elle ne permettait pas la poursuite du contrat de travail.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande tendant au prononcé de la résiliation de son contrat de travail et au paiement des dommages et intérêts afférents.

la rupture du contrat de travail

La demande de M. [N] de dire que la résiliation emporte les effets d'un licenciement nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse n'est pas fondée puisque la cour a rejeté la demande de résiliation du contrat de travail.

M. [N] demande le paiement du solde de l'indemnité de licenciement due en vertu de l'article L.1226-14 du code du travail en raison du caractère manifestement professionnel de son inaptitude. Il produit des arrêts de travail pour accident du travail pour la période du 26 avril au 2 novembre 2021.

La société répond que l'inaptitude de M. [N] n'était pas professionnelle, que d'ailleurs, la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas reconnu l'existence d'un lien entre l' accident du travail et l'inaptitude de M. [N] à son poste de travail. Elle verse par ailleurs un avis d'arrêt de travail pour maladie du 4 novembre 2021 jusqu'au 26 novembre 2021.

Lorsque l'inaptitude du salarié a pour origine un accident du travail, l' employeur doit verser, en vertu de l' article L.1226-14 du code du travail, une indemnité de licenciement doublée et une indemnité calculée comme l'indemnité compensatrice de préavis mais ne générant pas de congés payés afférents.

À la date du licenciement, la société n'avait pas connaissance du refus de la caisse primaire d'assurance maladie, notifié le 28 février 2022, de reconnaître le caractère professionnel de l'inaptitude de M. [N]. En tout état de cause, la décision prise par la caisse primaire d'assurance maladie n'est pas explicitée et ne s'impose pas à la cour.

M. [N] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail de manière ininterrompue du 26 avril au 2 novembre 2021. L'arrêt de travail pour maladie du 4 au 26 novembre 2021 ne permet pas d'exclure le caractère professionnel de l'inaptitude. L'avis d'inaptitude a été délivré le 29 novembre 2021 par le médecin du travail qui a conclu à un reclassement possible à un poste exclusivement administratif. Cet avis a été délivré après une étude de poste réalisée le 17 novembre sans référence à l'arrêt de travail pour maladie.

Le 1er décembre 2021, le médecin du travail a renseigné une demande d' indemnité temporaire d'inaptitude et aucune pathologie étrangère à l' accident du travail n'est évoquée.

Dans ces conditions, la cour retiendra que l'inaptitude de M. [N] est d'origine professionnelle et relève des dispositions de l' article L.1226-14 du code du travail

La signature du solde de tout compte ne prive pas M. [N] de son droit au paiement de l' indemnité de licenciement doublée dès lors qu'aucune mention n'est portée quant au caractère professionnel de l'inaptitude.

La société devra verser à M. [N] le solde dû au titre d'une indemnité de licenciement doublée soit la somme de 13 423,55 euros.

La société devra aussi verser à M. [N] une indemnité calculée comme l' indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire au titre de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, soit la somme de

6 263,07 euros non majorée de congés payés afférents.

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à M. [N] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Partie perdante, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [N] de ses demandes de paiement d'indemnités de licenciement et de préavis ;

statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Naval Services à payer à M. [N] les sommes de :

*13 423,55 euros à titre de solde d' indemnité de licenciement,

*6 263,07 euros au titre de l' indemnité dite de préavis prévue à l' article L 1226-14 du code du travail ;

Condamne la société Naval Services à payer à M. [N] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Naval Services aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 21/02490
Date de la décision : 06/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-06;21.02490 ?
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