La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2023 | FRANCE | N°20/02213

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 juin 2023, 20/02213


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 28 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/02213 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSUO



















Monsieur [J] [T]



c/



S.A.S. GUYENNE PAPIER

















Nature de la décision : AU FOND

















Gro

sse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 mai 2020 (R.G. n°F 18/00129) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 29 juin 2020,





APPELANT :

Monsieur [J] [T]

né le 04 Mai 1981 à [Localité 1] de nationalité ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/02213 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LSUO

Monsieur [J] [T]

c/

S.A.S. GUYENNE PAPIER

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 mai 2020 (R.G. n°F 18/00129) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 29 juin 2020,

APPELANT :

Monsieur [J] [T]

né le 04 Mai 1981 à [Localité 1] de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Nadège TRION de la SELARL SELARL TRION AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

SAS Guyenne Papier, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]

N° SIRET : 402 839 807

représenté par Me Frédéric COIFFE, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Sylvie Tronche, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

Greffier lors du prononcé: Evelyne Gombaud

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [J] [T], né en 1981, a été engagé en qualité d'animateur qualité et sécurité par la SAS Guyenne Papier, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juillet 2015

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la transformation des papiers cartons et industries connexes.

Du 4 juillet 2018 au 23 septembre 2018, M.[T] a fait l'objet d'un arrêt de travail.

Le 24 septembre 2018, M.[T] a repris le travail.

Par courrier du 23 janvier 2019, M.[T] a adressé sa démission à la société Guyenne Papier.

Soutenant que sa démission doit être analysée en une prise d'acte ayant les effets d'un licenciement nul et réclamant outre un rappel de salaire, diverses indemnités, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et la remise des documents sous astreinte,

M.[T] a saisi le 3 septembre 2018 le conseil de prud'hommes de Périgueux qui, par jugement rendu le 19 mai 2020, a :

- dit que M.[T] est recevable en ses demandes,

- débouté M.[T] de sa demande en rappel de salaire,

- débouté M.[T] de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement moral et de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- dit que la démission de M.[T] doit s'analyser en une prise d'acte ayant les effets d'une démission,

- débouté M.[T] de sa demande en reconnaissance de la nullité du licenciement,

- débouté M.[T] de sa demande d'indemnité pour licenciement nul,

- débouté M.[T] de sa demande d'indemnité de licenciement,

- débouté M.[T] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents,

- débouté M.[T] de sa demande de remise des documents,

- dit que l'astreinte ne se justifie pas,

- dit que la demande en intérêts au taux légal ne se justifie pas,

- dit que l'exécution provisoire de droit n'a pas lieu d'être,

- dit que l'exécution provisoire hors les cas où elle est de droit n'est pas justifiée,

- dit ne pas avoir lieu condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la demande de M.[T] en intérêts au taux légal ne se justifie pas,

- débouté la société Guyenne Papier de sa demande de condamnation de M.[T] pour inexécution du préavis conventionnel,

-débouté la société Guyenne Papier de sa demande de condamnation de M.[T] aux frais éventuels d'exécution,

- laissé à chaque partie la part de ses propres dépens.

Par déclaration du 29 juin 2020, M.[T] a relevé appel de cette décision, notifiée le 20 mai 2020.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 mars 2023, M.[T] demande à la cour de :

- le dire recevable en son appel,

- infirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Périgueux en date du 19 mai 2020,

Statuant à nouveau,

- constater qu'il a été victime de harcèlement de la part de son employeur Guyenne Papier,

En conséquence,

- analyser sa démission en une prise d'acte ayant les effets d'un licenciement nul,

- condamner la société Guyenne Papier à lui payer les sommes suivantes

* indemnité de licenciement: 1.386,90 euros,

* indemnité compensatrice de préavis: 4.623 euros,

* congés payés sur préavis: 462,30 euros

* indemnité pour licenciement nul :13.869 euros,

* dommages et intérêts pour harcèlement moral : 40.000 euros,

* article 700 du code de procédure civile: 3.500 euros,

* dépens,

Et,

- dire que les intérêts légaux seront du sur l'intégralité de la demande à compter de la saisine du conseil des prud'hommes,

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ainsi que la remise des documents sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 avril 2023, la société Guyenne Papier demande à la cour de':

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes le 19 mai 2020 en ce qu'il a :

* débouté M.[T] de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement moral et de sa demande corrélative en paiement de dommages et intérêts,

* jugé que la démission, qu'il convient d'analyser en une prise d'acte, produit les effets d'une démission,

- débouter M.[T] de sa demande en reconnaissance d'un harcèlement, avec le paiement corrélatif de dommages et intérêts, et de sa demande en reconnaissance d'un licenciement nul, assortie du paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis, et d'une indemnité pour licenciement nul,

* débouté M.[T] de l'ensemble de ses autres demandes,

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes, en ceci qu'il l'a déboutée de ses demandes en paiement d'une indemnité pour inexécution du préavis conventionnel ainsi que d'une somme au titre de l'article 700 du CPC,

Dès lors, et statuant à nouveau, qu'il convient de condamner M.[T]:

* au paiement d'une indemnité compensatrice de 222,66 euros pour inexécution du préavis conventionnel,

* au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M.[T] de l'intégralité de ses autres demandes,

- condamner M. [T] au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais d'appel,

- condamner M.[T] aux entiers dépens et frais d'exécution éventuels.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 avril 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M.[T] ne demande pas devant la cour le paiement de rappel de salaire.

M.[T] fait valoir qu'il a subi un harcèlement moral l'ayant contraint à démissionner, cette rupture de son contrat de travail devant s'analyser en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul.

le harcèlement moral

L' employeur tenu à une obligation de sécurité, doit assurer la protection et la santé des travailleurs dans l' entreprise et notamment prévenir les faits de harcèlement moral.

Dès lors que les faits sont avérés, la responsabilité de l' employeur est engagée, ce dernier devant répondre des agissements des personnes qui exercent de droit ou de fait une autorité sur les salariés.

Aux termes de l' article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l' article L. 1154-1 du code du travail, en cas de litige, si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d' un harcèlement, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d' un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il revient au juge d'examiner les éléments produits, y compris les documents médicaux et de dire si les faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

M.[T] fait état de mesures humiliantes telles qu'un affichage nominatif des erreurs, d' ordres et contre ordres, de deux changements de bureau sans chaise ni ordinateur, des manières de parler déplacées, du non paiement des salaires pendant l'arrêt de maladie, de la menace d'être poursuivi devant le conseil des prud'hommes et d' une dégradation de son état de santé.

La société répond pour l'essentiel que M.[T] était autoritaire voire agressif avec des collègues, qu'il ne peut reprocher l'affichage de tableaux d'erreurs nominatifs dès lors qu'il n'hésitait pas lui même à ' fliquer ' des salariés et qu' il a pris du mobilier qui ne lui était pas destiné.

M.[T] verse les pièces suivantes :

- des messages électroniques échangés avec Mme [P] dont les termes sont, de part et d'autre, dépourvus d'agressivité ; la dirigeante exerce de manière ferme son pouvoir de direction mais n'hésite pas à encourager voire à remercier M.[T]. La cour ne lit ni termes déplacés ni ordres et contre ordres ; elle constate seulement que l'absence pour arrêt de maladie de Mme [H], responsable qualité et donc supérieure hiérarchique de M.[T], a déstabilisé ce dernier et qu'une incompréhension est née entre lui et la dirigeante de l'entreprise;

- un compte- rendu de réunion des délégués du personnel qui interrogent la direction sur le sentiment ressenti 'par une grande partie du personnel d'être de moins en moins considéré et même pour certains cela est limite du harcèlement'; la direction répond que les convocations, remarques et courriers sont nécessités par les anomalies et procédures non suivies;

- des attestations d'anciens salariés ou stagiaires louant les qualités de M.[T]; plusieurs rédacteurs font état d'une ambiance lourde et des exigences de la direction en dépit d'absences de salariés malades ou démissionnaires. Le management de Mme [P] est critiqué;

- deux lettres de rappel à l'ordre des 5 et 11 juillet 2017; il est reproché à M.[T] d'avoir perdu son sang froid à l'égard d'un autre salarié ( 'viens, on va régler cela dehors ') et un manque de retour d'anticipation et de retour d'information à la gestion de production. M.[T] ne conteste pas avoir tenu des propos inadaptés avec M. [W]. Le second rappel à l'ordre mentionne que la responsabilité de M.[T] n'est pas démontrée de façon évidente, de sorte qu' un rappel à l'ordre n'était pas justifié.

- un échange de mails entre M.[T] et M. [M] ou Mme [P] au sujet du matériel ou mobilier mis à la disposition du premier à son retour d'arrêt de travail pour maladie; pendant l'absence de M.[T] (du 4 juillet au 24 septembre 2018), son ordinateur et son bureau ont été attribués à un autre salarié. M.[T] a pris un ordinateur et un fauteuil au service commercial sans solliciter son avis et il a dû les restituer. Il a aussi dû déménager à deux reprises et aurait été contraint d'effectuer de fréquents allers-retours entre son ordinateur et ses appareils de mesure;

La décision de changement de bureau relève du pouvoir de direction de

l'employeur ( la nécessité pour le salarié d'effectuer très fréquemment des trajets entre son ordinateur et les appareils de mesure n'est pas établie) et la demande de restitution d'ordinateur et de fauteuil au service commercial était fondée. M.[T] ne dit pas avoir été laissé sans outil de travail. M.[T] ne conteste pas que son retour coïncidait avec une réorganisation du service Qualité.

La société ne conteste pas avoir affiché des tableaux de non conformités avec la précision du responsable. Cette indication n'était pas nécessaire mais les tableaux produits ne mentionnent cependant pas le nom de M.[T].

M.[T] ne peut arguer du non paiement de ses indemnités de complément de salaire dès lors qu'il n'a transmis ses relevés d' indemnités de sécurité sociale qu'au début du mois de décembre 2018. ( relevés de sécurité sociale transmis par M.[T] le 2 décembre et une réponse lui a été faite dès le lendemain). En tout état de cause, les diligences requises étaient effectuées par un intervenant extérieure dont le retard n'est pas imputable à l' employeur.

La lettre transmise à l'inspection du travail le 1er mai 2018 a été rédigée au regard de sept pièces manuscrites de doléances dont les rédacteurs ne sont pas connus. Ces documents font état d'une pression trop forte, d'un congé demandé et refusé, d' un manque de matériels. D'autres salariés se sont plaints de n'avoir pas été sollicités avant l'envoi de cette lettre et se sont désolidarisés En tout état de cause, les doléances ne mentionnent pas le cas de M.[T].

La réponse apportée par Mme [P] à un mail transmis par M.[T] à M. [X] n'établit pas que la messagerie de M.[T] était espionnée, l'un des destinataires du mail initial ayant pu le transmettre à Mme [P].

Aucune pièce ne corrobore l'affirmation de M.[T] selon laquelle Mme [P] lui aurait demandé d'entrer dan son bureau ' nu sous son tablier'.

Le mail que le conseil de la société a transmis à M.[T] le 14 février 2019 était destiné à rappeler à ce dernier qu'il corresponde par la voix de son conseil et ne peut être pris en compte.

L'attestation de suivi psychologique délivrée par Mme [C] est inopérante dès lors que celle- ci ne pouvait affirmer que l'angoisse massive présentée par M.[T] ' était symptomatique d'une insidieuse situation de harcèlement moral sur son lieu de travail (injonctions paradoxales, cause de mise en situation d'échecs, humiliations)'. Ces indications sont le reflet des doléances de M.[T]. Les arrêts de travail ne mentionnent pas la pathologie les justifiant.

Il résulte de ces éléments, pris dans leur ensemble, que la société qui connaissait une perte importante de clients a dû modifier l'organisation de

l' entreprise et les méthodes de travail. La notification d'un rappel à l'ordre non justifié constitue un fait unique et non des actes répétés. Si des salariés se sont plaints d'être mal considérés, toute situation de tension ne peut être qualifiée de harcèlement moral. Les faits pris dans leur ensemble, ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

En l'absence de harcèlement moral établi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M.[T] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement nul et en paiement de dommages et intérêts et d' indemnités de rupture.

L'équité ne commande pas de prononcer une condamnation au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, M.[T] supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a débouté M.[T] de toutes ses demandes,

Dit n' y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que M.[T] supportera les entiers dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par Evelyne Gombaud, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Evelyne Gombaud Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/02213
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;20.02213 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award