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28/06/2023 | FRANCE | N°20/00109

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 28 juin 2023, 20/00109


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 28 juin 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00109 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LMXZ













Monsieur [I] [J]



c/



Société SERVICE MARCHANDISING ASSISTANCE



SELARL PHILAE ès-qualités de ma ndataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS SERVICE MERCHANDISING ASSISTANCE (SMA)



C.G.E.A DE [Locali

té 4] mandataire de l'AGS du Sud Ouest















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 décembre 2019 (R.G. n°F 18/00489) par le Consei...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 28 juin 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00109 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LMXZ

Monsieur [I] [J]

c/

Société SERVICE MARCHANDISING ASSISTANCE

SELARL PHILAE ès-qualités de ma ndataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS SERVICE MERCHANDISING ASSISTANCE (SMA)

C.G.E.A DE [Localité 4] mandataire de l'AGS du Sud Ouest

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 décembre 2019 (R.G. n°F 18/00489) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 09 janvier 2020,

APPELANT :

Monsieur [I] [J]

né le 12 Mai 1977 de nationalité Française Profession : Merchandiser, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

Société Service Merchandising Assistance (SMA), en liquidation judiciaire

N° SIRET : 451 654 115

SELARL PHILAE ès-qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS SERVICE MERCHANDISING ASSISTANCE (SMA), prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 444 809 792

représentée par Me Benjamin BLANC de l'AARPI ROUSSEAU-BLANC, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A DE [Localité 4] mandataire de l'AGS du Sud Ouest prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité au siège social demeurant [Adresse 5]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière

Greffier lors du prononcé : S. Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Le délibéré a été prorogé en raison de la charge de travail de la Cour.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [J], né en 1977, a été engagé en qualité de merchandiser par la SAS Service Merchandising Assistance, société ayant pour objet social 'l'agencement de magasins', par contrat de travail à durée déterminée à compter du 10 janvier 2005 jusqu'au 4 mars 2005, prolongé jusqu'au 18 mars 2005.

A compter du 1er juillet 2005 et par avenant en date du 18 juillet 2005, la relation de travail s'est poursuivie selon contrat à durée indéterminée.

M. [J] est devenu chef d'équipe, statut agent de maîtrise à compter du 1er mai 2013.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.

Par courrier du 25 octobre 2017, M.[J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 7 novembre 2017. Par courrier du 22 novembre 2017, la société SMA a notifié à M.[J] une mise à pied disciplinaire de quatre jours qui a été appliquée du 11 au 14 décembre 2017 pour divers manquements à ses obligations contractuelles.

Par lettre datée du 3 décembre 2017, M.[J] a contesté sa mise à pied.

A compter du 23 janvier 2018, M.[J] a été placé en arrêt de travail pour 'syndrome de stress professionnel'.

Le 19 juin 2018 et suite à une visite médicale de reprise, M.[J] a été déclaré inapte à son poste de travail. Le médecin du travail a indiqué :« Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par lettre datée du 3 août 2018, M.[J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 16 août 2018.

M.[J] a ensuite été licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle par lettre datée du 22 août 2018.

A la date du licenciement, la société occupait à titre habituel moins de 11 salariés.

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et diverses indemnités, outre des rappels de salaire, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, travail dissimulé, sanction abusive, violation des règles relatives à la comptabilisation des heures supplémentaires et au repos compensateur, exécution de mauvaise foi du contrat de travail et la remise des documents de rupture sous astreinte, M.[J] a saisi le 4 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 13 décembre 2019, a :

- condamné la société Service Marchandising Assistance à verser à M.[J] 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives à la prise en compte des temps de trajet et 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- débouté M.[J] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Service Marchandising Assistance aux entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 9 janvier 2020, M.[J] a relevé appel de cette décision.

Par jugement en date du 13 juillet 2022, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Service Merchandising Assistance. La SELARL Philae a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte d'huissier en date du 23 septembre 2022, M. [J] a assigné la SELARL Philae es qualité de mandataire liquidateur et l'AGS CGE Aquitaine en intervention forcée.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 octobre 2022, M.[J] demande à la cour de :

- le voir dire recevable et fondé en son appel partiel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux,

- voir infirmer le jugement en ce qu'il a l'a débouté de ses demandes,

- voir dire que la société SMA a manqué à ses obligations en matière de décompte d'heures supplémentaires et de mise en oeuvre des repos compensateurs,

- voir dire en conséquence que la société SMA a engagé sa responsabilité à son égard,

- voir débouter en conséquence la société SMA de son appel incident relatif à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts à son profit pour violation des règles relatives au décompte des heures supplémentaires ainsi que de toutes ses demandes contraires,

- voir également dire qu'en matière d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, la société SMA a sciemment dissimulé les heures réellement exécutées par son salarié, notamment en ne produisant pas de planning, en occultant et en ne prenant pas en considération les temps de trajet,

- voir en conséquence dire que la société SMA est coupable du délit de travail dissimulé,

- voir dire que le licenciement pour inaptitude notifié à lui doit être requalifié en licenciement sans cause ni réelle ni sérieuse, du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

- voir annuler également la mise à pied conservatoire notifiée à lui le 22 novembre 2017,

- voir dire que la société SMA a engagé sa responsabilité pour ne pas avoir exécuté le contrat de travail de bonne foi,

- voir en conséquence fixer au passif de la société SMA les sommes suivantes:

* 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive,

* 436,23 euros à titre de rappel de salaire pendant la période de mise à pied,

* 43,62 euros à titre d'indemnité de congés payés due au titre de la période de mise à pied,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la violation des règles applicables à la comptabilisation des heures supplémentaires et à la prise des repos compensateurs,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour compenser le préjudice subi du fait de l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

* 14.177,76 euros à titre de dommages et intérêts pour compenser le préjudice lié au délit de travail dissimulé dont il a été la victime,

* 15. 000 € titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat en lien avec le licenciement pour inaptitude,

* 4.725,92 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 472,60 euros à titre de congés payés sur la période de préavis,

- voir condamner également la société SMA ou tout le moins la SELARL Philae à lui remettre des documents de rupture rectifiés, soit une attestation Pôle Emploi, un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard compter de la notification de la décision à intervenir,

- voir déclarer commun et opposable à l'AGS CGEA l'arrêt à intervenir,

- voir condamner enfin la SELARL Philae à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens de l'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 décembre 2022, la SCP Silvestri-Baujet en qualité de liquidateur judiciaire de la société Service Merchandising Assistance demande à la cour de':

- déclarer l'appel incident interjeté par la SELARL Philae ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Service Marchandising Assistance recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a :

* condamné la société Service Merchandising Assistance à verser à M.[J] les sommes suivantes :

.3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des règles relatives à la prise en compte des temps de trajet,

.1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* mis les dépens à la charge de la société Service Marchandising Assistance,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en ce qu'il a débouté M.[J] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau,

- juger que l'action de M.[J] est partiellement frappée de prescription,

- juger qu'elle a bien respecté les dispositions légales et conventionnelles en matière de comptabilisation des heures supplémentaires, de temps de trajet et du repos compensateur afférent,

- juger que l'ensemble des temps de trajet domicile-trajet effectués par M.[J] ne sauraient être qualifiés de temps de travail effectif,

- juger que l'ensemble des temps de trajet domicile ' trajet ont fait l'objet d'une compensation en repos,

- juger qu'elle n'a commis aucun acte constitutif du délit de travail dissimulé,

- juger qu'elle a exécuté de bonne foi et loyalement le contrat de travail,

- juger régulière et fondée la mise à pied disciplinaire de 4 jours notifiée à M.[J],

- juger que le licenciement pour inaptitude de M.[J] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- juger que M.[J] ne justifie d'aucun préjudice de quelque nature que soit imputable à elle,

En conséquence,

- débouter purement et simplement M.[J] de l'ensemble de ses demandes de quelque nature que ce soit,

En tout état de cause,

- condamner M.[J] à verser à la SELARL Philae ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SMA une indemnité de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M.[J] aux entiers dépens de l'instance.

Le 11 mai 2022, le conseiller de la mise en état a rendu une décision portant injonction de rencontrer un médiateur et ordonnant une médiation en cas d'accord des parties.

La médiation proposée aux parties le 11 mai 2022, par le conseiller de la mise en état, n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La comptabilisation des heures supplémentaires et des repos compensateurs

M. [J] soutient que :

- son employeur a appliqué des repos compensateurs pendant une période de suspension de son contrat de travail entre le 12 octobre et le 11 novembre 2015,

- la société ne produit aucun justificatif des heures de travail effectuées,

-certains documents sont incohérents dans le calcul des repos compensateurs,

- il n'a pas été informé de son droit à prendre des repos compensateurs,

qui ont été pris de manière imposée par l'employeur,

- l'employeur n'a pas respecté les décomptes d'heures et de repos compensateurs pour les temps de déplacement. Il soutient à ce titre qu'il aurait dû être indemnisé pour les temps de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, venant chercher le véhicule de la société au siège avant de se rendre sur son lieu de travail quotidien, soit sous forme de repos, soit de nature financière, qu'il a souvent effectué des trajets en avions et passé des nuits dans d'autres villes en France.

Le mandataire liquidateur soulève la prescription partielle des demandes de M. [J], pour la période antérieure au 22 août 2016 par l'effet de la prescription biennale et demande l'infirmation de la décision du conseil des prud'hommes qui a retenu la prescription triennale attachée aux demandes salariales.

Sur le fond, il sollicite la réformation de la décision des premiers juges considérant que les temps de trajet domicile - travail de M. [J], salarié itinérant, ne peuvent être considérés comme du temps de travail effectif quelle que soit la durée, la société octroyant un repos compensateur équivalent à son temps de trajet et compensé à 100%.

Sur la prescription

M. [J] a saisi le conseil des prud'hommes le 4 avril 2018. Sa demande de nature salariale soumise à la prescription triennale est recevable.

Sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs de remplacement des temps de trajet

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

M. [J] produit un tableau des heures de récupération liées au roulage effectuées en 2017, des heures de récupération cumulées, des heures supplémentaires dues sur l'année 2017, des plannings qui viennent contredire les fiches de paie de juin 2017 sur le nombre de repos compensateurs pris et les courriers de l'inspection du travail qui lui ont été adressés suite aux interrogations sur le respect de la réglementation de la durée du travail par la société, qui constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l' employeur de fournir les horaires effectivement réalisés.

L'employeur, représenté par le mandataire liquidateur, soutient que les salariés bénéficient en application de la convention collective de deux types de repos compensateurs, les premiers au titre des trajets domicile - lieu de travail, qui ne constituent pas un temps de travail effectif et les seconds en remplacement des heures supplémentaires effectuées.

La convention collective applicable en l'espèce prévoit en son article 35 que 'les heures supplémentaires sont les heures de temps de travail effectif (...) accomplies par les salariés à la demande du responsable désigné par l'employeur et contrôlées par lui en sus de la durée normale du travail.

Le décompte s'effectue à partir :

- soit d'un relevé d'heures visé par le responsable désigné par l'employeur pour les salariés suivant un tableau d'horaires permanents ;

- soit d'un tableau de service nominatif pour les salariés qui y sont soumis, les heures supplémentaires portées à ce tableau étant visées par le responsable désigné par l'employeur ;

- soit d'un compte rendu d'activité visé par le responsable désigné par l'employeur pour les salariés dont les horaires journaliers résultent d'un programme de travail.

Pour une semaine civile, le nombre d'heures supplémentaires est égal à la différence entre la durée hebdomadaire de travail effectuée et la durée normale hebdomadaire pour la semaine considérée.'

L'article 36 prévoit que : 'les heures supplémentaires pourront être récupérées au lieu d'être payées pour une durée égale au produit du nombre des heures supplémentaires effectuées par le coefficient de majoration applicable.

Les modalités de la récupération sont précisées par les règles propres à chaque entreprise.'

Le mandataire liquidateur produit les plannings hebdomadaires signés par M. [J] pour justifier du contrôle du temps de travail et du travail effectué sur toute l'année 2015, mais partiellement sur les années 2016 (semaine 2 à 7, 11 et 12, 21, 22, 27 et 42) et 2017 (semaine 11, 13, 23 à 27, 30, 35 à 40, 46, 47 49 et 51) ainsi qu'un tableau récapitulatif pour l'année 2017 des heures supplémentaires effectuées, des déplacements ouvrant droit à récupération et le cumul des heures de récupération, sans toutefois produire les justificatifs correspondants, ni de précision sur les heures récupérées ou payées.

Selon ce tableau, M. [J] aurait cumulé 182 heures de récupération liées au roulage (non majorées) et 69 heures supplémentaires liées aux heures de travail (avant majoration et correspondant à 89,4 heures avec majoration), soit 271 heures de récupération cumulées (sans majoration).

Les feuilles de paie correspondantes sur l'année 2017 permettent de vérifier les décomptes, le nombre d'heures de repos compensateur étant porté avec la majoration applicable aux heures supplémentaires.

Toutefois, le tableau récapitulatif n'est produit que sur l'année 2017 et les planning des années 2016 et 2017 sont incomplets.

*

Par ailleurs, la convention collective n'apporte pas de précision et l'employeur ne produit aucune décision unilatérale portée à la connaissance des salariés les informant des modalités de décompte des heures de repos compensateurs de remplacement et notamment :

' du nombre d'heures supplémentaires qui ne fera pas l'objet d'un paiement mais pourra être remplacée par un repos compensateur, aucune heure supplémentaire n'ayant été payée à M. [J] sur la période comprise entre août 2016 et août 2018,

- des modalités de choix des dates pour la prise de repos,

- du caractère obligatoire ou facultatif de recourir à ce repos compensateur de remplacement, c'est-à-dire déterminer si le salarié est libre ou non de choisir entre le paiement de ses heures supplémentaires et le recours au paiement,

- de la durée de validité du repos compensateur,

- de la forme du repos compensateur (réduction d'horaires sur les jours travaillés ou des jours de congés supplémentaires),

- du délai de prévenance de prise du-dit repos.

Cette information ne figure pas non plus à dans un document annexé au bulletin de paie.

Les bulletins de paie produits ne font état que de la mention du nombre d'heures de repos compensateurs acquis au mois, du solde, avec ou non déduction des heures prises avec identification du jour concerné, sans précision sur la nature de ces repos, au titre du roulage ou au titre des heures supplémentaires, certains bulletins faisant par ailleurs état d'un solde négatif anticipant sur l'acquisition de nouvelles heures de repos compensateurs le mois suivant.

Aux termes de sa lettre datée du 22 mai 2018, l'inspection du travail confirmait ne pas avoir reçu d'information sur les heures qui auraient été effectivement récupérées ou payées et des régularisations qu'il conviendrait d'effectuer. Elle lui indiquait également qu'au vu des tableaux produits par la société, il bénéficiait d'un total de 271 heures à récupérer pour l'année 2017, correspondant aux heures supplémentaires et aux temps de déplacements, l'invitant à vérifier si ces données correspondaient à ses droits acquis et aux récupérations prises.

*

S'agissant des temps de déplacement des salariés itinérants, la société précise que le temps de déplacement entre plusieurs sites d'intervention la même journée est rémunéré comme du temps de travail effectif alors que le plan de déplacement quotidien entre le domicile et le premier site ou le dernier site et le domicile ne constituent pas du temps de travail effectif.

Il n'est pas discuté que M. [J] travaillait en qualité de marchandiseur, activité s'effectuant exclusivement sur chantiers, comme spécifié à l'avenant au contrat de travail du 18 juillet 2005.

Conformément à l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Le temps de trajet, distinct du temps de travail effectif, ne donne pas lieu à paiement d'un salaire, sauf s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, auquel cas il doit faire l'objet d'une contrepartie, conformément à l'article L. 3121-4 du code du travail.

L'article 34 de la convention collective applicable 'certains temps de transport sont considérés comme temps de travail effectif :

- les temps de transport inclus dans une prestation inhérente à l'emploi ;

- les temps de transport ou de voyage des salariés dont l'activité professionnelle consiste dans la conduite d'un véhicule lorsqu'ils le conduisent effectivement.

En revanche, ne sont pas décomptés comme temps de travail effectif, les temps de transport correspondant :

- aux temps de trajet aller et retour entre le domicile et le lieu de travail habituel du salarié ;

- aux temps de trajet aller et retour entre le domicile et le lieu de rassemblement ou lieu de travail occasionnel dans la mesure où il est au plus égal au temps de trajet habituel.'

L'avenant au contrat de travail du 18 juillet 2005 précisait que :

'1°) les temps de déplacement professionnels pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail et pour en revenir, ne constituent pas un temps de travail effectif.

2°) Les temps de déplacements professionnels feront l'objet soit:

- d'une contrepartie financière : pour 1 heure de déplacement professionnel, la contrepartie sera égale à la rémunération d'1 heure de travail,

- d'un repos équivalent'.

3°) En conséquence, à compter du 1er juillet 2005, les temps de déplacement professionnel n'entrent pas dans le décompte de la durée de travail, en particulier pour l'application de la législation sur les heures supplémentaires (majorations, contingent annuel, repos compensateurs)

4°) Récupération des heures supplémentaires

la direction peut être amenée à donner des repos compensateurs en remplacement d'heures supplémentaires effectuées en période de baisse d'activité'.

Par note de service du 5 décembre 2017, l'employeur rappelait que les temps de trajet en véhicule sont décomptés depuis le domicile jusqu'au lieu de la 1ère intervention, hors département de Gironde.

Les jours où, exceptionnellement, les trajets sont effectués en train ou en avion, le temps de trajet fait l'objet d'un décompte strictement limité au temps de transports. Les temps de trajet du domicile à la gare ou à l'aéroport et les temps d'attente dans ces lieux ne font pas l'objet d'un décompte quelconque.

Le mandataire liquidateur produit l'attestation de l'assistante de direction, Mme [T], selon laquelle les merchandisers avaient pour 'consigne de s'organiser entre eux afin de convenir, selon leurs lieux d'habitation d'un lieu de RDV. Ce lieu de RDV devait arranger tout un chacun et pouvait être : le parking d'un supermarché, aire d'autoroute ou tout autre endroit arrangeant.' Elle atteste également être seule à détenir les clefs du bureau et arriver à 8h du matin et avoir du relancer régulièrement ses collègues afin qu'ils lui communiquent leurs feuilles d'heures qu'ils remplissaient de manière aléatoire.

L'employeur soutient ainsi que si le parking de la société était un lieu de rendez-vous pour récupérer certains salariés qui n'avaient pas le permis de conduire, la société n'a jamais fait obligation à M. [J] ou aux autres salariés de venir embaucher au siège de la société avant de se rendre sur les lieux d'intervention. La pratique du transport collectif du personnel n'était pas imposée par la société.

Mme [Z] et M. [K], tous deux anciens salariés confirment qu'ils étaient libres de choisir l'endroit de rendez-vous avec leurs collègues avant de commencer la journée, sans obligation de se rendre au bureau le matin. 'Au contraire, les lieux de rendez-vous étaient calculés au plus juste pour que le personnel ait le moins de distance à parcourir'.

Les copies de SMS produits pour demander les heures d'arrivée à [Localité 8] en octobre 2015, ou ceux produits par M. [J] datant de 2007, de 2016 et 2017 et fixant rendez-vous sur le parking du siège de la société à 6h couvrent des périodes qui sont soit prescrites, soit traduisent des accords antérieurs au départ pour l'intervention ou pour remettre un téléphone ou des outils, sans qu'ils ne traduisent une obligation faite à M. [J] de commencer sa journée à 6h, à une heure où les bureaux sont fermés, sur le parking de la société, ce dernier étant par ailleurs à l'initiative des rendez-vous ainsi fixés.

*

S'agissant de l'obligation faite par l'employeur de prendre les jours de repos compensateurs, l'inspection du travail dans son courrier du 14 février 2018, après visite sur place confirmait 'or, selon les informations recueillies, non contestées par votre employeur, ce repos serait fixé systématiquement par lui et non à la convenance des salariés'.

C'est à tort que le mandataire liquidateur soutient que l'obligation d'information sur le droit à repos compensateur aurait été remplie par la simple mention du mode de compensation des heures supplémentaires et par la mention du nombre acquis, pris et du solde sur le bulletin de paie.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour a la conviction que M. [J] a effectué des heures supplémentaires non compensées et non rémunérées. Le droit à l'information de la prise du repos compensateur et le choix des journées de repos n'ont pas été non plus respectés.

Ces manquements de l'employeur ont causé un préjudice financier à M. [J] que les premiers juges ont parfaitement apprécié à la somme de 3.000 euros.

En revanche, il n'est pas démontré que l'employeur avait mis en place un système de ramassage obligatoire des salariés à un point de rendez-vous, les salariés au contraire étant libres de se rendre directement sur le chantier ou de se retrouver par convenance personnelle pour faire du co-voiturage afin de se rendre sur leur lieu de travail sans être sur ce temps là à disposition de l'employeur.

Les temps de déplacement de M. [J] ne seront donc pas indemnisés.

Sur la mise à pied du 22 novembre 2017

Soutenant avoir été destinataire d'une mise à pied alors qu'il était en contentieux avec son employeur sur le décompte des heures supplémentaires et l'application des repos compensateurs, M. [J] conteste les griefs qui lui ont été reprochés et sollicite l'annulation de la mise à pied et le rappel des salaires prélevés à tort à hauteur de 436,23 euros outre 43,62 euros à titre de congés payés y afférents ainsi que la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour sanction abusive.

Le mandataire liquidateur soulève la prescription de la demande de rappel de salaire, aucune contestation à ce titre n'ayant été formulée dans les six mois de la réception du solde de tout compte, lequel présente un effet libératoire, conformément aux articles L. 1234-20 et D. 1234-8 du code du travail.

Sur le fond, la société maintient les griefs en rappelant que ce n'était pas la première fois que M. [J] a eu un comportement inadapté dans l'exécution de ses fonctions et cite :

- que le 10 mars 2008, le permis de conduire de M.[J] a été suspendu pour alcoolémie,

- que le 1er juillet 2008, M.[J] a fait l'objet d'une première mise à pied de deux jours pour avoir utilisé le véhicule de la société à des fins personnelles et être entré en conflit avec un collègue de la société DRM prestataire de Castorama où le salarié intervenait en qualité d'accessoiriste, allant jusqu'à une altercation physique en état d'ébriété puis une agression verbale sur le parking de la société,

- que le 22 mai 2009, M.[J] a de nouveau été sanctionné d'une mise à pied de deux jours pour avoir utilisé le véhicule de location pour les déplacements professionnels à une fin personnelle,

- qu' après un entretien préalable, la société a notifié à M. [J], par courrier du 24 septembre un blâme suite aux propos insultants tenus à deux de ses collègues,

- que le 10 mai 2013, la société SMA a notifié à M.[J] un avertissement pour non respect de ses horaires de travail,

- et qu'enfin, le 10 juillet 2014, la société SMA a sanctionné M.[J] d'un nouvel avertissement en raison d'un manquement dans l'exécution des instructions de travail.

S'agissant de la prescription de la demande, le solde de tout compte n'a pas ici d'effet libératoire dès lors qu'il ne porte pas mention du salaire de la période afférente à la sanction. Cette demande est dès lors recevable.

***

Aux termes des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l'employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l'appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application de l'article L. 1332-2, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il doit, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature, convoquer préalablement le salarié à un entretien au cours duquel il indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié.

La lettre notifiant la mise à pied comprend six griefs :

1 - la société fait grief à M. [J] de ne pas avoir respecté le planning prévisionnel :

' En effet, il ressort qu'au cours des dernières semaines, vous n'avez personnellement pas respecté, ni fait respecter par votre équipe, le planning de travail prévisionnel de 4 jours (semaine 38), qui vous avait été remis. 

Ce n'est malheureusement pas la première fois que nous sommes contraints de relever un tel manquement dans l'exercice de vos fonctions.

Nous avons rappelé plusieurs fois à l'ensemble du personnel que chacun devait respecter les plannings de travail prévisionnels et ne pouvait déroger à ces derniers, qu'avec l'accord express de la direction.

Néanmoins, vous persistez ne pas respecter les consignes et instructions de travail et à organiser votre emploi du temps à votre guise, au mépris de votre propre sécurité.

Ceci est parfaitement inacceptable et cela d'autant plus, eu égard à votre ancienneté dans l'entreprise et à votre statut d'agent de maîtrise.'

La société, représentée par son mandataire liquidateur, produit un planning d'intervention sur 4 jours, M. [J] ayant terminé à 11h15 le 4ème jour au lieu des 4 jours plein initialement prévus.

Le grief est établi.

2 - la société fait grief à M. [J] d'avoir tenté de tromper la société SMA sur la réalité des heures de travail

'(...) nous avons relevé que vous tentez de nous tromper sur la réalité de vos heures de travail en établissant des relevés d'horaires erronés, notamment dernièrement la semaine 36 lorsque vous étiez en stage de formation ou encore semaine 40.

Le formateur a ainsi constaté que vous aviez selon ses propres termes 'joué avec les horaires' et avez donc été en retard sur les deux jours ( 1er jour arrivée à 13h30 au lieu de 13h00 et le second jour 9h15 au lieu de 8h30).

Or, le relevé de vos horaires de travail établit par vos soins laisse apparaître une heure d'embauche à 8h30 le matin et 13h00 l'après-midi.

De même pour la semaine 40, les horaires de travail que vous avez indiqués sur votre relevé d'heures ne correspondent pas au PV de réception du chantier signé, par vos soins et le Responsable du magasin CASTORAMA de [Localité 6].

Ce n'est malheureusement pas la première fois que nous sommes contraints de relever un tel manquement dans la tenue de vos heures de travail.'

Pour la semaine 36, le mandataire liquidateur produit le compte rendu de fin de stage avec mention manuscrite de ce que M. [J] est arrivé avec 30 mn de retard le 1er jour et 45 mn de retard le 2ème jour quand il a déclaré les horaires qu'il aurait dû faire dans sa feuille hebdomadaire. M. [J] qui conteste la véracité de ces retards échoue à démontrer que la mention manuscrite aurait été portée par une autre personne que l'organisateur du stage.

En revanche, le planning d'intervention de la semaine 40 ne permet pas de démontrer la déclaration erronée des horaires par M. [J], lequel se trouvait à [Localité 7] et non, comme le soutient l'employeur, à [Localité 6].

Le grief est établi pour la semaine 36.

3 - la société fait grief à M. [J] d'une cadence de travail insuffisante.

" (...) nous avons été alertés sur la faiblesse de votre cadence de travail au cours des dernières semaines par rapport à votre rythme de travail habituel.

Ceci est parfaitement inacceptable compte tenu de votre statut d'agent de maîtrise et a foriori dans une période de difficultés économiques'.

L'employeur se réfère à un courriel de M. [E], salarié, qui rapporte des propos qui auraient été tenus par M. [J] sur son refus de travailler davantage puisqu'il se ferait 'voler ses heures de travail'. Le salarié attestant poursuit en 'soupçonnant un sabotage car il travaille au ralenti en comparaison à leur travail d'il y a quelques mois'.

Ce grief non daté, qui ne repose que sur des propos rapportés par un salarié sans être confirmé par les sociétés clientes auprès desquelles intervenait M. [J] n'est pas établi.

4 - la société fait grief à M. [J] d'avoir fumé dans sa chambre d'hôtel

"(...) Vous vous êtes permis lors de votre déplacement sur le magasin CASTORAMA de St Nazaire de fumer dans votre chambre d'hôtel.

L'hôtel 'B&B hôtel' nous a donc facturé un supplément de 50 euros pour le nettoyage de la chambre'.

M. [J] ne conteste pas être la personne désignée par la facture de la chambre d'hôtel, laquelle porte mention d'une sur-facturation de 50 euros pour manquement au règlement intérieur pour avoir fumé.

Ce grief est établi.

5 - la société fait grief à M. [J] de ne pas avoir averti son employeur que son permis de conduire était expiré

' (...) nous avons également été amenés constater que votre permis de conduire avait une date de validité ayant expiré depuis le 24 avril 2016.

Or, vous ne nous avez pas informé de cette restriction et avez persisté à vous déplacer en voiture dans l'exercice de vos fonctions.'

M. [J] ne conteste pas ne pas avoir informé son employeur de la fin de validité de son permis depuis le 20 avril 2016 lorsqu'il présente son permis de conduire après une période de suspension pour conduite en état d'alcoolémie, le 2 juin 2017, puis le 8 septembre 2017 pour contrôle.

Ce grief est établi.

6 - la société fait enfin grief à M. [J] d'avoir tenu des propos diffamants et insultants à l'encontre de la direction.

'Enfin, nous avons été informés que vous avez tenu des propos diffamants et insultants à l'encontre de la Direction auprès de vos collègues et avez diffusé l'idée que la société agissait contre les intérêts de son personnel.

Vous avez ''ailleurs tenu de nouveau ces propos lors de la réunion du 10 novembre dernier.

De même, nous avons également été informés que vous n'avez pas hésité à menacer un de vos collègues.

De tels propos, tant envers la Direction que vos collègues sont totalement inacceptables et nuisent à l'ambiance de travail et à l'investissement collectif et individuel de chacun dans ses fonctions, nécessaires à la pérennisation de la société et au maintien des emplois, dans une période économique difficile.

Par de tels actes, le bon fonctionnement de l'entreprise ne peut donc que s'en trouver mis à mal.

Nous ne savons pas quel est votre but mais nous de vous laisserons pas mettre en péril notre structure, ni les emplois du reste du personnel.'

Le mandataire liquidateur verse un courriel du directeur adressé à M. [J] le 13 octobre 2017 faisant suite à un entretien au cours duquel le salarié aurait 'exigé' de se voir remettre copie de son contrat de travail, sinon 'il ne se laisserait pas faire'.

L'attestation de M. [N], salarié, que verse M. [J] pour contextualiser les propos non démentis, fait référence à un désaccord lors d'une réunion tenue le 10 novembre 2017, soit postérieurement.

Ces propos sont contestés par M. [J], et la seule attestation du directeur, qui se dit victime des propos ne saurait suffire à établir le grief.

Au vu des griefs retenus parmi les six relevés par l'employeur, des nombreuses sanctions disciplinaires reçues par M. [J] depuis 2008, à savoir deux mises à pied, un blâme et deux avertissements, la notification de la mise pied du 22 novembre 2017 n'était pas disproportionnée par rapport aux faits partiellement établis.

La demande d'annulation de la mise à pied formée par M. [J] sera rejetée ainsi que les demandes subséquentes de salaire.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

M. [J] a formé une demande de résiliation par la saisine du conseil des prud'hommes de Bordeaux le 4 avril 2018, soit antérieurement au licenciement qui lui a été notifié par lettre du 22 août 2018. Il convient donc d'examiner la demande en résiliation dans un premier temps.

M. [J] sollicite la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en ce que le manquement à son obligation de sécurité est à l'origine de son inaptitude médicalement constatée.

En application des dispositions de l'article 1184 du code civil, devenu l'article 1224, en cas d'inexécution de ses obligations par l'une des parties, l'autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n'est justifiée qu'en cas de manquements de l'employeur d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L. 4121-2 du même code détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en oeuvre.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l'employeur le fait d'exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l'employeur doit assurer l'effectivité de l'obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise.

M. [J] soutient que son arrêt de travail pour maladie est lié au conflit important qu'il avait avec son employeur au sujet du non respect des règles afférentes aux heures supplémentaires et à la prise en compte des repos compensateurs. Placé en arrêt de travail le 23 janvier 2018, peu de temps après la dernière mise à pied de quatre jours en décembre 2017, il n'a jamais repris son travail, le médecin rendant un avis d'inaptitude le 19 juin 2018.

Contestant le lien entre l'inaptitude prononcée par le médecin du travail et les conditions de travail du salarié, le mandataire liquidateur représentant l'employeur rappelle que M. [J] souffrait d'une pathologie bipolaire, entraînant des troubles de l'humeur voire une dépression.

M. [J] ne fait pas valoir de situation de maladie ou de stress au travail sur la période antérieure au 12 décembre 2016, date à partir de laquelle il a demandé des explications à son employeur sur les décomptes de la durée du temps de travail, les plannings hebdomadaires n'étant plus transmis, aucune information n'étant donnée sur les heures supplémentaires.

M. [J] adressera plusieurs demandes à son employeur, les 15 et 27 octobre 2017 pour des erreurs sur les bulletins de paie, le 30 janvier 2017 pour demander les annexes aux bulletins de salaire permettant de vérifier les décomptes des heures de l'année 2017, le 30 janvier 2018 se sentant lésé sur les trajets lors de ses déplacements, sur les heures supplémentaires, les repos compensateurs de remplacement ainsi que le paiement de ses congés d'ancienneté.

L'employeur a répondu aux interrogations de M. [J] a rappelé par note de service les règles en matière de décompte des heures supplémentaires et du calcul des temps de trajet, les 12 octobre 2017, et 5 décembre 2017.

M. [J] a saisi l'inspection du travail en octobre 2017, qui a sollicité par courrier du 24 octobre 2017 des informations auprès de la société, puis est venue sur site le 26 janvier 2018 pour répondre à M. [J] le 14 février 2018 que, suite aux constatations faites des manquement de l'employeur, des préconisations avaient été faites. Par courrier du 5 décembre 2017, l'inspection du travail a confirmé à M. [J] que la société n'avait pas transmis les informations demandées.

L'arrêt de travail pour maladie en date du 23 janvier 2018 porte mention de 'syndrome de stress professionnel, avec insomnie, trouble de l'humeur'.

Le service de médecine du travail du CHU de [Localité 4] le 15 février 2018 relevait les propos de M. [J] retraçant un 'vécu d'injustice important'. 'M. [J] exprime avoir des troubles du sommeil important, une légère diminution de l'appétit, ainsi qu'une perte d'énergie. J'ai noté, durant l'entretien, un discours logorrhéique ainsi qu'une hyper-vigilance. Ce patient manifeste une symptomatologie qui évoque un état d'anxiété sévère ainsi qu'un épisode dépressif moyen'.

En mai 2018, le centre médico-psychologique le constatait toujours irritable, quatre mois après, très anxieux à l'idée de reprendre son travail et sur ses difficultés financières, ce qui aggravait son état. L'avis d'inaptitude était conseillé afin de rompre 'le cercle vicieux' le plus rapidement possible et éviter un passage à l'acte hétéro-agressif à l'égard de son employeur.

L'avis d'inaptitude du 19 juin 2018 est ainsi rédigé 'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'. Cet avis d'inaptitude fait suite aux arrêts de travail pour maladie, continus depuis le 23 janvier 2018 en lien avec le stress professionnel causé par le conflit latent avec l'employeur.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'employeur a manqué à ses obligations relatives au décompte de la durée du travail, à l'information régulière du salarié sur le cumul des heures supplémentaires, le nombre d'heures de repos compensateur de remplacement ainsi que sur les options laissées aux salariés sur les jours pouvant être pris au titre des heures de repos compensateurs.

Il est établi que le salarié et l'employeur étaient en conflit sur les modalités de décompte du temps de travail, l'inspection du travail ayant été sollicitée par M. [J].

Il sera donc considéré, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, que M. [J] se trouvait fréquemment et d'une manière répétée dans une situation dans laquelle la société a manqué à ses obligations de sécurité, l'employeur n'assurant pas un décompte des heures de travail effectif ni une information claire et précise des salariés sur leur temps de travail, le nombre d'heures supplémentaires effectuées, les demandes répétées du salarié ainsi que de l'inspection du travail à l'égard de l'employeur étant produites sur la nécessité de respecter ses obligations de protection de la sécurité du personnel.

Il sera fait droit à la demande de résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, qui prendra effet à la date du 22 août 2018, date de la notification du licenciement pour inaptitude au salarié.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes financières liées à la rupture du contrat de travail

La résiliation aux torts de l'employeur produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 3.896,30 euros correspondant aux revenus que le salarié aurait perçus s'il avait travaillé pendant la durée de préavis de deux mois, et 389,63 euros au titre des congés payés y afférents.

Ne souhaitant pas se limiter à une indemnité de trois mois de salaire, M. [J] sollicite la somme de 15.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [J] percevait un revenu mensuel moyen de 1. 948,15 euros tel qu'il résulte de la moyenne des douze derniers mois travaillés en 2017. Il avait une ancienneté de 13 ans et 10 mois dans la société.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [J], de son âge au moment de la rupture du contrat (41 ans), de son ancienneté, sans toutefois que soit produit d'élément sur sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, il convient de fixer à hauteur de 12.000 euros, la somme de nature à assurer la réparation du préjudice subi par M. [J] à la suite de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le travail dissimulé

Pour voir condamner la société à lui verser la somme de 14.177,76 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé, M. [J] soutient l'existence de quatre pratiques :

- l'employeur a procédé à un écrêtage des 35 heures, ne comptabilisant pas les heures supplémentaires effectuées les semaines où une journée de repos est posée,

- l'employeur a dissimulé les planning hebdomadaires dont la saisie résulte des feuilles de pointage, les heures effectuées n'apparaissant plus que sur les bulletins de paie,

- l'employeur n'a pas comptabilisé les heures de trajet et notamment lors des déplacement en avion,

- l'employeur a communiqué en première instance un bulletin de paie de janvier 2016 qui ne fait état d'aucun repos compensateur dû, différent de celui reçu par le salarié qui lui porte mention d'un arriéré de 41,07 heures de repos compensateur outre l'acquisition de 77,57 heures.

Le mandataire liquidateur conteste la demande indemnitaire que M. [J] ne fonde que sur quelques semaines de l'année 2016 et 2017 pour voir dire que l'employeur n'aurait pas correctement comptabilisé les heures supplémentaires sans rapporter la preuve du caractère intentionnel de l'infraction. Il invoque aussi le manque de personnel du secrétariat pour expliquer l'absence de transmission aux salariés des planning hebdomadaires validés.

En vertu des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à l'accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance d'un bulletin de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie, soit aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il ressort du décompte de l'année 2017 produit ainsi que des bulletins de paie correspondant que l'employeur a correctement reporté le nombre d'heures de repos compensateurs sur les feuilles de paie, les heures de repos compensateurs ne pouvant pas être assimilées à du temps de travail effectif dans le calcul de la durée de travail hebdomadaire.

Il ressort des débats que l'employeur a informé ses salariés dès la signature du contrat de travail puis, par note de service du décompte des heures supplémentaires et des repos compensateurs, le tableau récapitulatif du nombre d'heures supplémentaires en 2017 fait état des temps de trajets pour se rendre à [Localité 3] semaines 11 et 12 en 2016 et semaine 13 et 26 en 2017, comptabilisés sur les seuls temps de vol et apparaissent sur les bulletins de paie d'avril et de juillet 2017, au nombre des heures de repos compensateurs acquis dans le mois.

Le caractère intentionnel de la dissimulation ne résulte pas de l'absence de tableau à jour des heures de travail effectives ni d'un décompte en annexe de la feuille de paie et ne peut donc être considéré comme établi en l'espèce, l'employeur ayant produit en procédure d'appel une nouvelle édition des bulletins de paie dont la présentation a été modifiée par le nouveau logiciel, sans que les droits de M. [J] en aient été changés.

La demande au titre du travail dissimulé sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail

Pour voir fixer au passif de la société la somme de 5.000 euros, M. [J] fait valoir les manquement de l'employeur aux dispositions contractuelles :

- les congés payés ayant toujours été imposés par l'employeur et jamais déterminés par accord entre les parties,

- l'absence de prévenance pour la prise des congés payés conformément à l'article D. 3141-6 du code du travail, ayant été prévenu le 13 juillet 2017 de ce qu'il était en congés depuis le 10 juillet,

- l'absence de communication de planning permettant de faire le lien avec les feuilles de paie ni de feuilles d'heures visées à partir de 2014,

- le décompte des visites de la médecine du travail des jours de repos alors qu'elles auraient dû être comprises comme étant du temps de travail, conformément à l'article R. 4624-39 du code du travail.

Le mandataire liquidateur relève l'absence de contestation de M. [J] pendant le temps d'exécution du contrat de travail, sur d'éventuelles difficultés à prendre des jours de congés. Il rappelle en outre que l'ordre des départs en congés payés relève du pouvoir de direction de l'employeur.

Il soutient que le courriel du 13 juillet 2017 n'était qu'un récapitulatif d'informations précédemment données sans qu'il constitue un dépôt de congé rétroactif et que s'il n'a plus établir les plannings que partiellement à partir de 2016, c'est en raison du départ de la secrétaire chargée de cette tâche.

M. [J] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui qui a déjà été indemnisé dans le cadre de sa demande indemnitaire au titre de l'absence de possibilité de choisir ses jours de repos compensateurs, l'employeur les fixant de manière unilatérale. Sa demande sera donc rejetée, le même préjudice ne pouvant être indemnisé deux fois.

S'agissant des jours de repos pour les visites médicales, la lecture des bulletins de paie n'établit pas trace de retenue de salaire, les visites médicales de février à juin 2018 ayant été organisées alors que M. [J] était en arrêt de travail.

Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M [J] de sa demande au titre de la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail.

Sur la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard

Le mandataire liquidateur devra délivrer à M. [J] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

L'équité ne commande pas d'appliquer les dispositions de l' article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation aux torts de l'employeur,

Statuant à nouveau ,

Prononce la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, à effet au 22 août 2018,

Dit que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixe la créance de M. [J] au passif de la liquidation judiciaire de la société Service Marchandising Assistance, représentée par la SELARL Philae aux sommes de:

- 3.896,30 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 389,63 euros à titre de congés payés y afférents,

- 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à la SELARL Philae en qualité de mandataire liquidateur de la société Service Marchandising Assistance de délivrer à M. [J] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Dit l'arrêt opposable à l'AGS CGEA Aquitaine dans les limites légales,

Dit n'y avoir lieu à d'appliquer des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par Madame Sylvaine Déchamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Sylvaine Déchamps Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00109
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;20.00109 ?
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