R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X
N° RG 23/00140 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NKHP
ORDONNANCE
Le VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS à 17 H 00
Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,
En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,
En présence de Monsieur [Y] [V], représentant du Préfet de La Gironde,
En présence de Monsieur [L] [N], interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,
En présence de Monsieur [I] [G], né le 27 Juillet 2002 à [Localité 3] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, et de son conseil Maître Elodie CHADOURNE,
Vu la procédure suivie contre Monsieur [I] [G], né le 27 Juillet 2002 à [Localité 3] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne et l'interdiction de séjour du territoire de 5 ans prononcé par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 10 février 2023 visant l'intéressé,
Vu l'ordonnance rendue le 24 juin 2023 à 14h55 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [I] [G] à compter du 24 juin 2023, pour une durée de 30 jours supplémentaires,
Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [I] [G], né le 27 Juillet 2002 à [Localité 3] (ALGÉRIE), de nationalité Algérienne, le 26 juin 2023 à 09h42,
Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,
Vu la plaidoirie de Maître Elodie CHADOURNE, conseil de Monsieur [I] [G], ainsi que les observations de Monsieur [Y] [V], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [I] [G] qui a eu la parole en dernier,
A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 27 juin 2023 à 17h00,
Avons rendu l'ordonnance suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [I] [G], né le 27 juillet 2002 ou 2001, en Algérie, de nationalité algérienne, a fait l'objet d'une interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans prononcée à son encontre par le tribunal correctionnel de Bordeaux et pour l'exécution de cette mesure d'une ordonnance de maintien en rétention administrative prise le 28 mai 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne.
En vue de son identification, la police aux frontières de [Localité 1] a saisi le 11 mai 2023 les autorités consulaires algériennes.
Ces dernières ont accepté de rencontrer l'intéressé le 8 juin 2003.
Afin de connaître l'état d'avancement du dossier, les services de la police aux frontières ont de nouveau sollicité les autorités consulaires algériennes le 22 juin 2023 dont l'identification est toujours en cours.
La première période de rétention devant prendre fin le 24 juin 2023 et l'impossibilité d'exécuter la mesure d'éloignement résultant de la perte ou de l'absence du document de voyage de Monsieur [G], il a été sollicité le maintien en rétention de ce dernier pour une durée de 30 jours supplémentaires.
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux, par une ordonnance du 24 juin 2023 à 14h55 a autorisé le maintien en rétention de l'intéressé pour une période maximale de 30 jours à compter du 24 juin 2024 à 12h12.
Monsieur [G] par l'intermédiaire de son conseil a interjeté appel de la décision le 26 juin 2023 à 9h42. L'appel est dûment accompagné d'un mémoire dont il convient de se rapprocher pour plus amples renseignements. En substance, il est sollicité outre l'octroi de la somme de1200 euros pour frais irrépétibles et le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de voir infirmer l'ordonnance du premier juge au motif in limine litis que la procédure serait irrégulière pour avoir eu recours à un interprète par téléphone sans en justifier la raison d'une part et d'autre part sur l'absence de perspectives d'éloignement.
À l'audience de la cour qui s'est tenue le 26 juin 2023 15 heures, le conseil de Monsieur [G] a développé oralement ses conclusions écrites.
Le représentant de la préfecture a indiqué que l'ensemble des droits ont été notifiés à Monsieur [G] au sein du CRA d'[Localité 2]. Suite à son transfert sur [Localité 1] ses droits lui ont été à nouveau notifiés par l'intermédiaire de l' ISM. Il n'y a donc pas de griefs pour l'intéressé. Toutes les diligences ont été effectuées les autorités algériennes ont été sollicitées et relancées. Il est donc sollicité la confirmation de la décision du JLD.
Monsieur [G] a eu la parole en dernier et a accepté de répondre aux questions du magistrat. Il a indiqué : « j'ai un niveau CM2. J'ai arrêté mes études pour travailler. Si je ne suis pas venu devant le JLD c'est parce que j'étais souffrant et d'ailleurs j'ai encore mal. Mon avenir est en Espagne car j'y ai déjà vécu un an et demi avec ma famille à savoir mon oncle, ma mère ainsi que mes frères et s'urs. Je parle très bien espagnol. J'ai donné ma vraie identité. Je suis entrée en France il y a environ 8 mois. J'ai 19 ans , je suis resté 3 mois en liberté et ensuite j'ai été en prison pendant 5 mois. Je n'ai pas pu quitter la France car aussitôt sorti de prison on m'a emmené au CRA ».
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la recevabilité de l'appel
La déclaration d'appel régulièrement motivée, a été formée dans le délai légal, elle est donc recevable.
In in limine litis sur l'irrégularité de la procédure tirée du recours à un interprète par téléphone :
La possibilité de bénéficier de l'assistance d'un interprète est essentielle dans le cadre de la procédure de rétention administrative.
L'interprétariat peut être téléphonique au visa de l'article L 141-3 du CESEDA.
En effet, le texte de l'article subvisé n'exige pas que l'administration s'explique sur la nécessité de recourir à un interprète par un moyen de télécommunication.
L'interprète doit être inscrit sur l'une des listes prévues ou un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration et ses coordonnées doivent figurer dans le procès-verbal de notification.
L'agrément de l'association inter services migrants interprétariat a été renouvelé par décision du ministre de l'intérieur.
Le nom de l'interprète et son appartenance à la société ISM figure expressément sur le document de notification des droits en matière d'asile et permet le recours en distantiel. (PV page 51) à un interprète même s'il y a lieu de privilégier la présence de l'interprète auprès du retenu.
Le moyen soulevé sera donc écarté.
- Sur le fond :
Sur l'absence de perspectives d'éloignement
Il résulte des dispositions de l'article L 742-4 du CESEDA qu'un étranger ne ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ.
Il résulte de ce texte que le placement ou le maintien en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l'objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l'autorité administrative lorsque les perspectives d'éloignement effectives du territoire à brève échéance sont inexistantes.
Le conseil constitutionnel a par ailleurs dans une décision en date du 20 novembre 2003 indiqué que : « l'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment, la prolongation du maintien en rétention lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ».
La seule exigence du CESEDA, au visa de l'article L 742-1 porte sur la saisine rapide des autorités consulaires. Il a été jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, pourvoi du 9 juin 2010, que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse et qu'il n'y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat.
Néanmoins, le placement ou le maintien en rétention de l'étranger ne saurait être décidé lorsque les perspectives d'un éloignement effectif sont inexistantes, il appartient donc au juge garant des libertés individuelles, d'apprécier concrètement dans chaque dossier l'existence de telles perspectives, sans se déterminer par des termes généraux.
Les circonstances de la venue de Monsieur [G] sur le territoire français sont à l'origine des difficultés rencontrées dans ce dossier par la préfecture de la Gironde ainsi que pour l'État requis en raison de l'entrée illégale de l'intéressé sur le territoire français sans avoir selon ses explications fait l'objet d' une prise d'empreintes papillaires avant de quitter son pays d'origine. Mais il ne peut être affirmé que les perspectives d'éloignement sont inexistantes, ce dernier indiquant qu'il a été déclaré à l'État civil lors de sa naissance et qu'il a donné sa véritable identité.
L'autorité préfectorale a sollicité rapidement les autorités consulaires algériennes lesquelles ont accepté d'entendre l'intéressé le 8 juin 2023. Une relance a été effectuée le 22 juin 2023 pour connaître l'avancement du dossier.
Nul ne peut invoquer sa propre turpitude pour solliciter l'infirmation d'une décision de justice et une remise en liberté.
À ce stade de la procédure, il ne peut être affirmé que les autorités algériennes seront dans l'impossibilité de reconnaître Monsieur [G] comme étant un de leurs ressortissants.
Il y a lieu en conséquence de rejeter le moyen soulevé et de confirmer la décision querellée en toutes ses dispositions.
- Sur l'aide juridictionnelle provisoire
il y a lieu d'accorder à Monsieur [G] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction au profit de Me Élodie CHADOURNE.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, après avis aux parties ;
Déclarons l'appel régulier, recevable mais mal fondé ;
Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 24 juin 2022 à 14h55 ;
Accordons à Monsieur [I] [G] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire dont distraction au profit de Me Élodie CHADOURNE ;
Rejetons toutes autres demandes
Disons que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R.743-19 du Code de l'Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d'Asile,
Le Greffier, La Conseillère déléguée,