COUR D'APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 22 JUIN 2023
N° RG 22/05093 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-M6WY
S.A.S. NEWVALVES
c/
[J] [X]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 24 octobre 2022 par le Juge de l'exécution d'ANGOULEME (RG : 22/00731) suivant déclaration d'appel du 07 novembre 2022
APPELANTE :
S.A.S. NEWVALVES Société par actions simplifiée immatriculée au RCS d'ANGOULEME sous le numéro 800 044 299, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège.
demeurant [Adresse 3]
Représentée par Me Claude MOULINES de la SELARL TEN FRANCE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ :
[J] [X]
né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4]
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 2]
Représenté par Me Arianna MONTICELLI de la SELARL MONTICELLI - SOULET, avocat au barreau de CHARENTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mai 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine DEFOY, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Paule POIREL
Conseiller : Monsieur Alain DESALBRES
Conseiller : Madame Christine DEFOY
Greffier : Mme Chantal BUREAU
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
Par jugement du 15 novembre 2021, le conseil des prud'hommes d'Angoulême a notamment condamné la SAS Newvalves à payer à M. [J] [X] les sommes suivantes :
- 5.667,54 euros brut à titre de rappel de salaires pendant la période de mise à pied,
- 566,75 euros brut à titre de congés payés sur la mise à pied,
- 67 831,56 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 6 783,15 euros brut à titre de congés payés sur préavis,
- 128 228,77 euros net à titre d'indemnité de licenciement,
- 67 831,56 euros à titre de dommages et intérêts à titre de licenciement abusif,
- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 28 février 2022, M. [J] [X] a fait dresser un procès verbal de saisie-attribution entre les mains de la banque LCL AG Cognac et à l'encontre de la SAS Newvalves, pour avoir paiement de la somme de 31 443,01 euros. Cette mesure lui a été dénoncée le 3 mars 2022.
Par acte du 16 mars 2022, la SAS Newvalves a assigné M. [X] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême aux fins d'obtenir l'annulation du procès-verbal de saisie-attribution du 28 février 2022 et la mainlevée de la mesure, outre la condamnation de M. [X] au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 24 octobre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême a :
- débouté la SAS Newvalves de sa demande en nullité du procès-verbal de saisie attribution du 28 février 2022 et de mainlevée de la saisie attribution,
- rejeté la demande d'indemnisation de la société Newvalves,
- condamné la société Newvalves à verser à M. [X] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamné la société Newvalves aux dépens.
LA SAS Newvalves a relevé appel du jugement le 7 novembre 2022 en toutes ses dispositions.
L'ordonnance du 9 décembre 2022 a fixé l'affaire à l'audience des plaidoiries au 3 mai 2023, avec clôture de la procédure à la date du 19 avril 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 avril 2023, la SAS Newvalves demande à la cour, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, des articles L121-2, L211-1 et suivants, L211-4, R211-1 et R211 - 11 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, ainsi que de l'article R133-13 du code de la sécurité sociale et des articles 1671 et 204H du code général des impôts, de :
- infirmer le jugement rendu le 24 octobre 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Angoulême, en ce qu'il a :
- l'a déboutée de sa demande en nullité du procès-verbal de saisie-attribution du 28 février 2022 et de la mainlevée de la saisie-attribution,
- rejeté sa demande d'indemnisation,
- l'a condamnée à verser à M. [X] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- l'a condamnée aux dépens,
- le confirmer en ce qu'il a retenu qu'aucune contestation n'est soulevée quant à la recevabilité de sa contestation formée à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée le 28 février 2022 par M. [X],
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire et juger recevable sa contestation à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée le 28 février 2022 par M. [X],
- dire et juger ses demandes bien fondées,
Par conséquent,
- dire et juger que le procès-verbal de saisie-attribution du 28 février 2022 établi par M. [X] est nul et de nul effet,
- ordonner la mainlevée totale de la saisie-attribution pratiquée le 28 février 2022 sur son compte bancaire par M. [X],
- le condamner à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L.121-2 du code des procédures civiles d'exécution et au titre du préjudice qu'il a subi du fait de l'indisponibilité de ses comptes bancaires,
- le condamner à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de dénonciation au tiers saisi et à l'huissier de justice instrumentaire.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 6 février 2023, M. [X] demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement du juge de l'exécution d'Angoulême du 24 octobre 2022 en ce qu'il a débouté la SAS Newvalves de sa demande de nullité du procès-verbal de saisie attribution du 28 février 2022 et de mainlevée de la saisie attribution, rejeté la demande d'indemnisation de la SAS Newvalves, condamné la Société aux entiers dépens et à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,
A titre subsidiaire en cas de réformation,
Statuant à nouveau,
- limiter la demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 28 février 2022 par Maître [G] [W] à la somme de 8 745,18 euros,
- confirmer pour le surplus et soit donc pour la somme de 22 697,83 euros la régularité et le bien-fondé de la saisie attribution pratiquée par Maître [G] [W] le 28 février 2022,
- rejeter toutes autres demandes fins et conclusions contraires faites par la SAS Newvalves à son encontre,
- confirmer pour le surplus,
En tout état de cause y ajoutant,
- condamner la SAS Newvalves à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens de la présente instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions des parties pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
L'affaire a été évoquée à l'audience du 3 mai 2023 et mise en délibéré au 22 juin 2023.
MOTIFS :
L'article L211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserves des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévues par le code du travail.
En l'espèce, la société Newvalves critique le jugement déféré qui l'a déboutée de sa demande en annulation du procès-verbal de saisie-attribution dressé à son encontre par M. [J] [X] en application de la disposition susvisée.
Arguant de plus fort de la nullité de ladite mesure d'exécution, elle soutient que le procès-verbal de saisie-attribution est nul et de nul effet, en application de l'article R211-13 du code des procédures civiles d'exécution, dès lors qu'il ne comporte pas de décompte précis des sommes réclamées et qu'il ne prend pas en considération le montant du prélèvement à la source dont elle s'est déjà acquittée auprès de l'administration fiscale.
De plus, elle argue de ce que le montant indiqué dans le décompte n'est pas le même que celui du jugement et que cette erreur lui a causé un grief, puisqu'il a été saisi une somme d'un montant supérieur au reliquat restant dû.
M. [X] répond que la nullité de l'acte de saisie-attribution est soumise aux dispositions relatives à la nullité des actes de procédure et que celle-ci n'est pas encourue, en application de l'article 114 du code de procédure civile, en l'absence de démonstration d'un quelconque grief par la société appelante.
Il ajoute par ailleurs qu'une erreur dans le décompte des sommes réclamées n'est pas de nature à entraîner la nullité de la saisie-attribution.
Si l'article R211-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que l'acte de saisie doit comporter à peine de nullité un décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d'une provision à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation, force est de constater, à l'aune de la pièce n°8 versée aux débats par l'appelante relative au procès-verbal de saisie-attribution en date du 28 février 2022, que celui-ci comporte un décompte conforme aux dispositions précitées.
De plus, il est acquis que l'erreur éventuelle quant au montant des sommes réclamées n'entraîne pas la nullité de la saisie-attribution litigieuse, mais son cantonnement à concurrence des sommes dûment justifiées.
Or, une telle erreur n'est en l'espèce pas démontrée par l'appelante dès lors que :
-l'huissier instrumentaire n'est pas tenu de déduire des sommes réclamées le montant de l'imposition à la source devant être réglé à l'administration fiscale,
-les éléments mentionnés dans le décoimpte correspondent parfaitement aux dispositions du jugement rendu le 15 novembre 2021 par le conseil des Prud'hommes d'Angoulême, tels que repris eux-mêmes dans la fiche de paie établie en janvier 2022 par l'employeur et égaux à 80 939 euros brut au titre des rappels de salaires, des indemnités compensatrices de congés payés et de préavis, desquels il convient de déduire les cotisations sociales de 17 022, 79 euros, soit un total de 63 916, 21 euros, tel que figurant dans l'acte de saisie-attribution.
-le montant des intérêts réclamés depuis 15 novembre 2021 au taux de 8, 13 % n'est par ailleurs pas sérieusement contestable.
Il s'ensuit que l'acte de saisie-attribution critiqué fondé sur un décompte conforme aux dispositions règlementaires du code des procédures civiles d'exécution et par ailleurs dépourvu d'erreur de nature à faire grief à l'appelante ne pourra faire l'objet d'une annulation.
Toutefois, la SAS Newvalves persiste à soutenir que l'acte de saisie-attribution doit être levé car elle s'est acquittée de l'ensemble des sommes lui incombant à l'égard de M. [X], à savoir la somme nette de 232 988, 45 euros, suivant chèque du 31 janvier 2022 et celle de 28 488, 09 euros auprès de l'amdinistration fiscale, correspondant selon elle au montant de l'impôt sur le revenu retenu à la source, incombant à l'intimé, après application du taux par défaut égal à 43%.
Monsieur [X] pour sa part, s'il ne conteste pas être redevable d'une imposition à la source au titre de ces revenus, conteste l'application du taux par défaut et considère que la société Newvalves aurait dû appliquer le taux personnalisé égal à 13, 20 % le concernant.
La société appelante répond qu'elle s'est vue contrainte d'appliquer le taux par défaut dès lors que M. [X] a été licencié pour faute grave le 22 juillet 2020, date à laquelle il a quitté les effectifs et qu'elle ne pouvait par conséquent pas avoir connaissance du taux personnalisé du prèlèvement à la souce applicable à son ancien salarié depuis le mois précédent. De plus, un rappel de salaire ne peut pas donner lieu à une régularisation et demeure soumis au prélèvement à la source. Ainsi, à défaut de communication du taux de prélèvement par l'administration fiscale, la SAS Newvalves a appliqué le dernier taux connu, soit celui par défaut.
Toutefois, il ressort de l'article 204 H du code général des impôts, au 4 du I que l'administration fiscale met le taux de prélèvement à la disposition de la personne tenue d'effectuer la retenue à la source (RAS) ou débiteur, également appelé collecteur.
Le débiteur applique aux revenus soumis à la RAS de chaque bénéficiaire le taux de prélèvement qui a été transmis par l'administration fiscale ou à défaut le taux résultant de l'application d'une grille de taux par défaut.
Conformément aux dispositions de l'article 48 F de l'annexe III du code général des impôts et aux dispositions du V de l'article R133-13 du code de la sécurité sociale, le taux de prèlèvement à la source est mis à disposition du collecteur par le biais d'un compte-rendu établi par l'administration fiscale en retour de chaque déclaration sociale nominative (DSN) souscrite par le collecteur et comportant les éléments mentionnés au II § 40 et suivants.
Les personnes tenues d'effectuer la retenue à la source et qui versent pour le première fois un revenu peuvent demander à l'administration fiscale par anticipation la mise à disposition du taux propre du contribuable.
Il incombait donc en application des dispositions susvisées à la société Newvalves de prendre attache avec l'administration fiscale pour connaître le taux de prèlèvement à la source applicable à M. [X].
Or, force est de constater que la société appelante ne justifie nullement avoir accompli une quelconque démarche en ce sens et qu'au contraire, elle a appliqué à M. [X] le taux par défaut qui lui était défavorable, alors que la mise en oeuvre de ce dernier est nécessairement subsidiaire et ne peut intervenir que lorsque l'administration n'est pas en mesure de fixer le taux à la disposition du débiteur, ce qui n'est pas démontré en l'espèce ou lorsque le contribuable opte volontairement pour le taux par défaut.
En outre, la société Newvalves ne peut valablement arguer du fait qu'elle ne pouvait appliquer un taux personnalisé, dès lors qu'elle n'avait pas été destinataire de la déclaration sociale nominative (DSN) qui devait selon elle intervenir dans le mois suivant le versement.
En effet, dans les entreprises de plus de 50 salariés comme au cas d'espèce une déclaration sociale nominative doit être établie dans les jours suivant un 'évènement'. Or constitue ici un évènement la décision du conseil des Prud'hommes d'Angoulème du 15 novembre 2021 qui a condamné la société Newvalves à verser des revenus de remplacement au salarié, soumis à imposition et qui s'avèrent exécutoires de droit, nonobstant appel, dans la limite de neuf mois de salaires.
Il s'ensuit que la société appelante aurait dû procéder à la déclaration sociale nominative d'un signalement d'évènement dans les meilleurs délais, à charge pour l'administration fiscale de communiquer le taux de prèlèvement à la source dans le cadre d'un compte-rendu transmis au collecteur dans un délai qui ne devait pas excéder cinq jours ouvrés après réception de la déclaration par l'administration fiscale.
Ce n'est donc qu'à raison de son inertie, voire de sa mauvaise foi que la société Newvalves indique n'avoir pas eu connaissance du taux personnalisé de prèlèvement à la source applicable à M. [X] et qu'elle lui a appliqué le taux par défaut qui lui était manifestement défavorable, alors qu'il lui incombait, après réception du compte-rendu de l'administration fiscale, d'engager des opérations de régularisation.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de considérer que la société Newvalves s'est intégralement acquittée des sommes lui incombant envers M. [X] de sorte que la saisie-attribution litigieuse sera validée et confirmée à hauteur des sommes réclamées.
La société Newvalves sollicite en outre la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts, compte-tenu du caractère abusif de la mesure d'exécution mise en oeuvre et de l'indisponibilité de ses comptes bancaires en résultant.
Une telle demande ne pourra prospérer dès lors que la saisie-attribution litigieuse était pleinement justifiée et que son caractère abusif n'est nullement démontré.
Enfin, il ne paraît pas inéquitable de condamner la SAS Newvalves qui succombe en son appel à payer à M. [J] [X] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de la présente instance.
La société Newvalves sera pour sa part déboutée de ses demandes formées à ce titre.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Newvalves à payer à M. [J] [X] la somme de 3000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Newvalves aux entiers dépens de l'instance,
Déboute la société Newvalves de ses demandes formées à ces titres.
Le présent arrêt a été signé par Mme Paule POIREL, président, et par Mme Chantal BUREAU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,