COUR D'APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 22 JUIN 2023
N° RG 21/06963 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MPHS
[W] [C]
[R] [T]
c/
[M] [B]
[Z] [B]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 22 JUIN 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 novembre 2021 par le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de BORDEAUX (RG : 20/02068) suivant déclaration d'appel du 21 décembre 2021
APPELANTS :
[W] [C]
née le [Date naissance 5] 1982 à [Localité 12] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4], [Localité 6]
[R] [T]
né le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 12] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 4], [Localité 6]
Représentés par Me Alexandre JELEZNOV de la SELARL VERBATEAM BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[M] [P]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 12] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 8] - [Localité 11]
Joëlle [P]
née le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 7] (33)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 9] - [Localité 7]
Représentés par Me Nathalie PLANET de la SELARL NATHALIE PLANET AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie HERAS DE PEDRO, Conseillère, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : M. Roland POTEE
Conseiller : Mme Sylvie HERAS DE PEDRO
Conseiller : Mme Bérengère VALLEE
Greffier : Mme Séléna BONNET
En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d'appel de Bordeaux
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous-seing privé du 18 septembre 2015, Mme [Z] [B] a donné à bail à Mme [W] [C] et à M [R] [T] une maison d'habitation située [Adresse 10] à [Localité 7] pour un loyer de 820 euros.
A la suite d'un impayé de loyer, les consorts [B] ont fait assigner Mme [C] et M. [T] devant le juge des référés du tribunal d'instance de Bordeaux, lequel, par ordonnance du 24 août 2018, a notamment rejeté la demande d'expulsion formée par les bailleurs et désigné M. [I] [U] en qualité d'expert judiciaire pour examiner les désordres dont se plaignaient les locataires.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 9 septembre 2019.
Par acte du 23 septembre 2020, Mme [C] et M. [T] ont fait assigner Mme [B] et M. [M] [B], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de les voir condamner à faire réaliser l'ensemble des travaux décrits dans le rapport d'expertise judiciaire de M. [U] sous astreinte de 100 euros, de les condamner à régler une somme de 410 euros par mois à compter du 1er décembre 2015 et jusqu'à l'achèvement des travaux susmentionnés, et de les condamner à rembourser sur justificatifs l'ensemble des frais exposés par Mme [C] et M. [T] pendant la période de réalisation des travaux susmentionnés.
Par jugement du 19 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- rejeté les demandes de Mme [C] et de M. [T] de condamnation in solidum des époux [B] à leur régler la somme de 410 euros par mois à compter du 1er décembre 2015 au titre de leur préjudice de jouissance jusqu'à leur déménagement, prévu pour la fin de l'année 2021, soit la somme de 29 520 euros, et à leur régler 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et résistance abusive,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [C] et M. [T] au paiement des entiers dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit.
Mme [C] et M. [T] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 décembre 2021.
Par conclusions déposées le 9 septembre 2022, Mme [C] et M. [T] demandent à la cour de :
- réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- à titre principal : condamner in solidum les époux [B] à régler à Mme [C] et M. [T] la somme de 30 135 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de leur préjudice de jouissance sur la période comprise entre le 1er décembre 2015 et le 15 février 2022,
- condamner in solidum les époux [B] à régler à Mme [C] et M. [T] une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
- subsidiairement : condamner in solidum les époux [B] à régler aux consorts [C] et [T] la somme de 30 135 euros à titre de dommages et intérêts, correspondant à la réduction des montants des loyers à raison de la perte partielle de la chose louée,
- condamner in solidum les époux [B] à régler aux consorts [C] et [T] une somme de 5 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance, outre 5 000 euros supplémentaires au titre de leurs frais irrépétibles en appel,
- condamner in solidum les époux [B] aux dépens de première instance et d'appel,
- juger irrecevable comme nouvelle en cause d'appel la demande des époux [B] relative à l'indemnisation de prétendus dégâts constatés dans l'état de sorte des lieux,
- en tout état de cause, débouter les époux [B] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions.
Par conclusions déposées le 7 mars 2023, les époux [B] demandent à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter Mme [C] et M. [T] de toutes leurs demandes financières, principales et subsidiaires, dirigées à l'encontre des époux [B], et notamment demandes de réduction du montant du loyer à hauteur de 50 %, de dommages et intérêts et d'indemnisation de préjudice de jouissance,
Très subsidiairement,
- limiter la réduction du loyer à 10 % du montant mensuel du loyer,
- débouter Mme [C] et M. [T] de leurs demandes de réduction des loyers antérieurs au 15 mars 2019, en ce qu'elles sont prescrites,
- limiter le préjudice de jouissance à 10 % du montant du loyer mensuel, sur une période maximale de 3 ans,
En tout état de cause,
- condamner solidairement Mme [C] et M. [T] à payer aux époux [B] la somme de 1 450, 20 euros au titre des frais de remise en état de l'immeuble loué,
- débouter Mme [C] et M. [T] de leurs plus amples demandes et notamment de leur demande de dommages et intérêts supplémentaires pour préjudice moral,
- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné Mme [C] et M. [T] aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise,
- débouter Mme [C] et M. [T] de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum Mme [C] et M. [T] à verser aux époux [B] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile une indemnité de 3 000 euros,
- les condamner aux entiers dépens d'appel.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 27 avril 2023.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 13 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la perte partielle de la chose louée
Aux termes de l'article 1722 du code civil, si pendant la durée du bail la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement.
Pour contrer la demande d'indemnisation formée par Mme [C] et M. [T], les consorts [B] excipent de la perte partielle de la chose louée en raison du déséquilibre économique manifeste entre les revenus de l'immeuble et le montant des travaux à réaliser pour remédier au problème d'humidité constaté dans le logement.
Mme [C] et M. [T] répondent que les conditions d'application de l'article 1722 du code civil ne sont pas réunies, d'une part, au regard de la possibilité de remédier aux désordres à moindre coût et, d'autre part, parce que les caractères d'extériorité et d'irrésistibilité attendus d'un cas fortuit ne sont pas réunis en l'espèce, eu égard notamment à l'existence de défauts propres à la chose louée.
En l'espèce, l'expert judiciaire était appelé à examiner les désordres allégués, à décrire les moyens propres à y remédier et à proposer une évaluation. A l'issue de ses opérations d'expertise, et après s'être adjoint le concours d'un sapiteur, il a chiffré le montant des travaux réparatoires, au vu des devis qui lui ont été présentés, à la somme de 72.536,20 euros. Or, les consorts [B], qui ne sont pas contredits sur ce point, estiment que le coût des travaux représente 7 ans de revenus locatifs.
Par conséquent, dès lors que les parties de la chose affectées par l'humidité ne peuvent être conservées sans dépenses excessives, c'est à juste titre que le premier juge a retenu la perte partielle du bien.
Au surplus, les appelants réclament l'indemnisation d'un préjudice de jouissance calculé à hauteur de 50% du prix du loyer, au titre d'un phénomène d'humidité altérant l'habitabilité des lieux, de sorte qu'ils ne peuvent contester se plaindre, en réalité, de la perte partielle de l'usage de la chose louée au regard de sa destination d'habitation.
Cependant, le bailleur n'est exonéré de sa responsabilité, au titre de la perte partielle de la chose, que dans la mesure où celle-ci trouve son origine dans un cas fortuit, soit une cause présentant a minima des caractéristiques d'imprévisibilité et d'irrésistibilité.
Or, au regard du rapport d'expertise versé au débat, il apparaît que l'humidité généralisée du logement a des manifestations et des causes multiples dont aucune ne présente les caractères du cas fortuit, qu'il s'agisse de l'absence de système de ventilation mécanique contrôlée, identifiée comme cause d'humidité 'en général' ou encore de la nature des sols, des matériaux ou de l'absence de barrière d'étanchéité dans les murs et dalle intérieure de l'immeuble pouvant expliquer l'humidité dans la salle de séjour (page 62 du rapport).
Les consorts [B] invoquent, en vain, les phénomènes de 'mouvement de la nappe' et de retrait (tassement des sols) identifiés dans le cadre des opérations d'expertise.
En effet, si le sapiteur chargé de l'étude des sols mentionne le mouvement de la nappe comme condition favorable à un phénomène de remontées d'humidité, il estime surtout, en l'espèce, que la cause géotechnique de l'humidité 'n'est pas évidente', ce qui ne permet pas de pouvoir attribuer l'origine de l'humidité à un tel phénomène.
Quant aux fissures infiltrantes dans le salon, elles peuvent certes s'expliquer par un mouvement des sols échappant au contrôle des bailleurs, mais celui-ci n'est rendu possible que par la nature argileuse des remblais qui les rend sensibles au phénomène de retrait lors des périodes de sécheresse (page 59 du rapport). Or la nature pathogène des sols est un défaut propre de la chose et non un cas fortuit.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la perte partielle de la chose n'étant pas causée par un cas fortuit, c'est à tort que le premier juge a accueilli le moyen fondé sur l'article 1722 du code civil et rejeté en conséquence les demandes indemnitaires de Mme [C] et de M. [T].
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance
Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière :
1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent ;
2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ;
3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
L'article 1720 du même code énonce que le bailleur doit faire dans le logement, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires autres que locatives.
Il résulte de ces dispositions que le bailleur est tenu d'indemniser le locataire du trouble de jouissance subi du fait de la non-exécution des travaux lui incombant.
En outre, l'article 1721 du code civil prévoit qu'il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail et que s'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.
Mme [C] et M. [T] font valoir qu'ils subissent depuis leur entrée dans les lieux les désagréments liés à une humidité excessive qui trouve son origine dans des pathologies affectant la structure et les équipements (VMC). Ils réclament l'indemnisation de leur préjudice de jouissance du 1er déc. 2015 jusqu'au 15 février 2022, date d'effet de leur congé, soit 73,5 mois. Ils contestent l'évaluation de l'expert à 20 % du loyer et les motifs invoqués par celui-ci au soutien de son appréciation. Ils chiffrent leur préjudice à 50 % du montant du loyer sur cette période.
Les époux [B] répliquent pêle-même qu'une partie des loyers des locataires a été prise en charge au titre de l'allocation logement, qu'ils ont participé à l'aggravation de leur préjudice, qu'ils sont de mauvaise foi en ce qu'ils ont tardé à quitter les lieux, que M. [T] a domicilié son entreprise dans le local d'habitation en violation des termes du bail et que leur préjudice de jouissance ne peut exécéder 10% du montant du loyer sur une période de 3 ans.
Outre les griefs dirigés contre Mme [C] et M. [T] qui ne sont pas fondés, les intimés font référence à un délai de 3 ans sans toutefois invoquer la prescription prévue à l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et surtout sans formaliser de demande tendant à voir déclarer partiellement irrecevable la demande de leurs contradicteurs. Il en résulte que la cour n'est saisie d'aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Compte tenu de la contestation portant sur le montant de l'indemnité, il appartient à la cour d'apprécier sur le fond, au vu des éléments versés au débat, la réalité et l'intensité du préjudice sur toute la période considérée.
A ce titre, il ressort du rapport d'expertise que le phénomène d'humidité du logement s'explique par les défauts structurels de la chose et par l'absence de système de ventilation fonctionnel depuis l'entrée dans les lieux des locataires, ce qui permet à l'expert de fixer le début des troubles de jouissance au mois de décembre 2015 (page 84 du rapport). Cette date n'ayant pas été contestée, ni devant la cour ni dans le cadre des opérations d'expertise, Mme [C] et M. [T] sont bien fondés à demander réparation du préjudice qu'ils ont subi jusqu'au 15 février 2022, avec comme point de départ le 21 novembre 2016, date à laquelle ils justifient avoir adressé leur première réclamation à leurs bailleurs.
Pour évaluer le préjudice de Mme [C] et de M. [T] à 20% du montant du loyer, l'expert a relevé l'humidité permanente du logement, telle qu'elle se manifeste par la présence de moisissures localisées pour l'essentiel dans la salle de séjour (dont le taux d'humidité est de 80 %), en partie basse de certains murs, ainsi que dans la salle de bain et dans une moindre mesure dans les chambres, outre un phénomène plus occasionnel de remontées d'eau au niveau du carrelage.
L'expert a identifié l'ensemble des causes d'humidité, à savoir l'absence de VMC fonctionnelle, mais également l'absence de barrière d'étanchéité dans les murs et dalle intérieure de l'immeuble et l'existence de fissures infiltrantes dans le mur de façade, soit autant de désordres dont le bailleur doit répondre au titre des vices de la chose et de son obligation d'entretien.
Toutefois, c'est à juste titre que l'expert a tenu compte comme éléments de pondération de la condensation complémentaire apportée par le stockage en nombre de plantes vertes ainsi que le surencombrement des pièces par des meubles ou objets qui ne permettent pas le passage de l'air (pages 83 et 87 du rapport), soit des causes d'humidité qui, sans relever d'un comportement fautif de la part des preneurs, traduisent leur participation, dans une certaine mesure, au phénomène d'humidité dont ils se plaignent.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il est justifié d'indemniser les préjudices de Mme [C] et de M. [T] à hauteur de 20% des loyers versés sur la période de référence et de condamner en conséquence les consorts [B] à leur verser la somme de 10.086 euros (164 euros/mois pendant 61,5 mois).
Le jugement déféré sera réformé sur ce point.
Sur la demande d'indemnisation au titre du préjudice moral et de la résistance abusive
Les locataires font valoir qu'ils ont signalé les désordres à de multiples reprises et que leurs revendications ont été traitées avec mépris par les bailleurs, ces derniers ayant en outre multiplié les démarches et pressions à leur encontre.
Les consorts [B] contestent avoir fait preuve de résistance abusive et de dédain et font valoir que l'atteinte aux sentiments n'est pas démontrée.
En l'espèce, si les locataires ont signalé des problèmes d'humidité dès la fin de l'année 2016, ils ne justifient pas avoir souffert un préjudice moral ni d'un préjudice né de la résistance des bailleurs à respecter leurs obligations distinct de de celui réparé par les dommages et intérêts alloués au titre du préjudice de jouissance.
Ces circonstances et les éléments versés au débat ne permettant pas de faire la démonstration d'une résistance abusive de la part des consorts [B] ou même de caractériser un abus dans l'exercice de leur droit d'agir, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [C] et de M. [T].
Sur la demande d'indemnisation au titre des dégradations et du défaut d'entretien des lieux loués
Au soutien de leur demande incidente, les intimés font valoir, d'une part, qu'il s'agit d'une demande recevable en appel en ce qu'elle est consécutive au départ des locataires en cours de procédure et, d'autre part, qu'elle se justifie par les désordres constatés dans le procès-verbal de constat valant état des lieux de sortie.
Les appelants soutiennent qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui ne peut être accueillie en cause d'appel en ce qu'elle les priverait du double degré de juridiction. Sur le fond, ils contestent le principe et le quantum des sommes réclamées au titre des arbustes et des luminaires et soutiennent que le devis relatif à la poignée de porte n'est pas représentatif du préjudice réellement subi par les bailleurs.
Sur la recevabilité de la demande
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, les manquements des locataires invoqués ressortent d'un procès-verbal de constat d'huissier, valant état des lieux de sortie contradictoire, qui n'a pu être réalisé qu'après leur départ des lieux, en l'occurrence le 16 février 2022, suivant congé délivré à la demande des locataires le 3 janvier 2022, soit postérieurement au jugement dont ils ont relevé appel.
Les consorts [B] soumettant à la cour de nouvelles prétentions tendant à faire juger les questions nées d'un fait nouveau qui se rattache par un lien suffisant au litige initial,
il y a lieu de déclarer leur demande recevable, étant rappelé, au surplus, que si la règle du double degré de juridiction a un caractère d'ordre public, elle peut néanmoins être écartée dans les conditions prévues par la loi, au regard notamment des exceptions légales au principe de l'interdiction des prétentions nouvelles en appel, dont il est ici fait application.
Sur le bien-fondé de la demande
Aux termes de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 le locataire est tenu de :
c) répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement,
d) prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. Les modalités de prise en compte de la vétusté de la chose louée sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission nationale de concertation.
f) ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l'état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés.
En l'espèce, il ressort du constat d'huissier que :
- la porte d'une chambre 'a été dégradée tout comme le cadre ; l'ensemble est hors d'usage et à remplacer',
- 'des installations électriques ont été posées par les locataires sur les poteaux. Celles-ci n'ont pas été déposées',
- 'la haie n'a pas été taillée'.
Au vu du constat d'état des lieux d'entrée (pièce n° 2 du dossier des appelants) et de la description de la chose louée par le contrat de bail, les consorts [B] sont bien fondés à demander réparation de leur préjudice, au titre des désordres constatés, qui trouvent leur origine dans les manquements des locataires à leurs obligations.
Les devis n'apparaissant pas excessifs, il y a lieu de les retenir comme élément d'appréciation des préjudices, lesquels se limitent toutefois, s'agissant de l'entretien du jardin, au seul entretien de la haie, manifestement défaillant. Au regard du devis 'Les artisans de la nature' versé au débat, ce chef de préjudice sera fixé à 480 euros.
Le préjudice des époux [B], ainsi évalué à 1742, 20 euros, leur ouvre droit à réparation à hauteur de 922,20 euros, compte tenu du dépôt de garantie non restitué de 820 euros.
Ajoutant au jugement déféré, la cour condamnera Mme [C] et M. [T] au règlement de cette somme.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Compte tenu du sort réservé aux demandes respectives des parties, les dépens de première instance seront mis à la charge des époux [B] et chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.
Toutefois, compte tenu des circonstances du litige et les consorts [B] succombant pour l'essentiel, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à leur charge l'intégralité des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance comme en appel et de les débouter en conséquence de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande, en revanche, de les condamner à indemniser Mme [C] et M. [T] de leurs frais irrépétibles, à hauteur de 1.500 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Mme [W] [C] et M. [R] [T] de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice moral et procédure abusive,
Statuant à nouveau,
Condamne in solidum Mme [Z] [B] et M. [M] [B] à régler à Mme [W] [C] et M. [R] [T] ensemble la somme de 10.086 euros en réparation de leur préjudice de jouissance sur la période comprise entre le 21 novembre 2016 et le 15 février 2015,
Déboute Mme [Z] [B] et M. [M] [B] de leurs demandes subsidiaires,
Y ajoutant,
Déclare recevable la demande incidente en paiement de dommages-intérêts formée par Mme [Z] [B] et M. [M] [B] au titre des frais de remise en état de l'immeuble loué,
Condamne solidairement Mme Mme [W] [C] et M. [R] [T] à payer à Mme [Z] [B] et M. [M] [B] ensemble la somme résiduelle de 922,20 euros, déduction faite du dépôt de garantie,
Condamne in solidum Mme [Z] [B] et de M. [M] [B] aux dépens de première instance,
Dit que M. [T] et Mme [D] d'une part et M. Et Mme [B] d'autre part conserveront la charge de leurs dépens d'appel,
Condamne in solidum Mme [Z] [B] et M. [M] [B] à régler à Mme [W] [C] et M. [R] [T] ensemble la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Bérengère VALLEE, conseiller, en remplacement de Monsieur Roland POTEE, président, légitimement empêché, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,