COUR D'APPEL DE BORDEAUX
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 22 JUIN 2023
N° RG 21/01889 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MA4O
[L] [K]
c/
[S] [Y]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 février 2021 par Juge aux affaires familiales de BORDEAUX (cabinet , RG n° 20/06634) suivant déclaration d'appel du 30 mars 2021
APPELANT :
[L] [K]
né le 20 Janvier 1978 à [Localité 5] (pakistan)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Agathe JUNOT loco Me Caroline BRIS de la SELARL CBS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
[S] [Y]
née le 09 Juin 1985 à [Localité 3] ([Localité 3]) ([Localité 3])
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4] - [Localité 2]
Représentée par Me Isabelle AIZPITARTE, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du cpc, l'affaire a été débattue le 11 mai 2023 hors la présence du public, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Isabelle DELAQUYS, conseillère chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Hélène MORNET
Conseiller : Isabelle DELAQUYS
Conseiller : Danielle PUYDEBAT
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
M. [K], de nationalité pakistanaise et Mme [Y], de nationalité française, ont contracté mariage le 29 novembre 2008 devant l'officier d'état civil de [Localité 3], sans contrat préalable.
Un enfant est né de cette union, [R], le 24 Juin 2016.
Dans le cadre de la procédure en divorce engagée par Mme [Y], une ordonnance de non conciliation est intervenue le 20 avril 2017 aux termes laquelle, avec l'autorité parentale conjointe, la résidence de l'enfant a été fixé au domicile de la mère, le père bénéficiant d'un droit de visite en point rencontre.
Le jugement de divorce du 21 juin 2018 a fixé un droit de visite au profit du père les deuxième et quatrième dimanches de chaque mois, de 11 heures à 17 heures avec passage de bras devant le commissariat de police de [Localité 3], une pension alimentaire de 90 euros a été mise à la charge du père avec suspension de son paiement.
Aux termes de la convention parentale régularisée par les parties, homologuée par jugement du 13 janvier 2020, la remise de l'enfant se fait désormais au domicile de la mère et non plus devant le commissariat de police de [Localité 3].
M. [K] a saisi le juge aux affaires familiales suivant requête enregistrée le 8 septembre 2020, suite au départ de Mme [Y] dans le département de la Guadeloupe.
Par jugement en date du 18 février 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Bordeaux, après avoir dit le juge français compéetnt et la loi française applicable au litige, a :
- rejeté la dernande de transfert de la résidence habituelle de l'enfant mineur présentée par le pére,
- dit que la fréquence et la durée des périodes. au cours desquelles le pére pourra accueillir l'enfant seront déterminées à l'amiable entre les parties et à défaut d'accord, selon les modalités suivantes :
* pendant les vacances scolaires : la premiere quinzaine du mois d'août les années paires et la seconde quinzaine du mois d'août les années paires et la seconde quinzaine du mois d'août les années impaires,
- dit que pour l'exercice de ce droit d'accueil, la mère prendra en charge le coût des trajets aller et retour,
- dit qu'à défaut pour le bénéficiaire d'avoir exercé son droit au cours de la première journée de la période de vacances qui lui est dévolue, il sera présumé y avoir renoncé, sauf en cas de force majeure,
- dit que sont à considérer les vacances scolaires de 1'académie de la résidence habituelle de l'enfant,
- fixé la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant que le père devra verser a la mère à la somme de 150 euros à compter de la décision, et en tant que de besoin, l'a condamné au paiement de cette somme,
- dit que cette pension sera payable selon les modalités et l'indexation usuelles,
- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
Procédure d'appel:
Par déclaration d'appel en date du 30 mars 2021, M. [K] a formé appel du jugement de première instance en ce qu'il a rejeté sa demande de transfert de la résidence habituelle de l'enfant mineur à son domicile, fixé des modalités du droit de visite et d'hébergement contraires à ses demandes, dit que pour l'exercice de ce droit d'accueil, la mère prendra le coût des trajets aller et retour, fixé la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant que le père devra verser à la mère à la somme de 150 euros à compter de la décision, et rejeté toutr autre demande.
Selon dernières conclusions en date du 29 novembre 2021, M. [K] demande à la cour de :
- à titre liminaire,
- déclarer irrecevable la demande de Mme [Y] tendant à la fixation de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant à la somme de 250 euros, s'agissant d'une demande nouvelle,
- au fond,
- infirmer le jugement du juge aux affaires familiales près le tribunal judiciaire de Bordeaux en date du 18 février 2021 en ce qu'il a fixé le droit de visite et d'hébergement de M. [K] pendant les vacances scolaires, la première quinzaine du mois d'aout les années paires et la seconde quinzaine du mois d'aout les années impaires,
- infirmer le Jugement du Juge aux Affaires Familiales près le Tribunal Judiciaire de Bordeaux en date du 18 février 2021 en ce qu'il a fixé à la somme de 150 euros le montant de la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant mise à la charge de M. [K],
- statuant de nouveau sur ces points,
- fixer le droit de visite et d'hébergement de M. [K] en métropole au gré des parties ou à défaut :
* les années paires durant la totalité des vacances de noël et un mois en été,
* les années impaires durant la totalité des vacances de février et un mois en été,
- fixer à la somme de 90 euros le montant de la contribution à l'entretien de l'enfant mise
à la charge de M. [K] à compter de la décision de première instance,
- confirmer le jugement de première instance pour le surplus,
- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [Y] à la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens
Selon dernières conclusions en date du 25 avril 2023, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture, Mme [Y] demande à la cour de :
- déclarer cet appel recevable mais mal fondé,
- confirmer que le droit de visite et d'hébergement de M. [K] pourra être fixé sur une période de deux semaines durant l'été pendant les congés de Mme [Y], du vendredi matin au dimanche soir avec la précision que la remise de l'enfant se fera au lieu de rendez-vous du parking d'Auchan lac à [Localité 3],
- infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- juger que M. [K] versera pour contribuer à l'entretien et l'éducation de son enfant une pension alimentaire d'un montant mensuel de 250 euros,
- ordonner que les frais de trajets de l'enfant seront partagés par moitié entre les parents,
- condamner M. [K] à payer à Mme [Y] la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [K] en tous les dépens,
- dire que ceux d'appel seront recouvrés directement par Me Aizpitarte, conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
En application de l'article 1072-1 du code de procédure civile, la cour a vérifié l'existence d'une procédure d'assistance éducative à l'égard de [R].Rien ne laisse penser qu'il existe une procédure d'assistance éducative.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 avril 2023.
L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 11 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En suite de l'appel interjeté par M. [K], aux termes des conclusions échangées par les parties, le litige soumis à la cour est circonscrit aux modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement accordé au père et au montant de la contribution l'entretien et l'éducation de l'enfant [R].
Les autres dispositions non contestées de la décision dont appel sont dès lors confirmées.
S'agissant de la fin de non recevoir opposée par M. [K] à l'appel incident sur la contribution alimentaire formé par l'intimée qu motif que celle-ci n'a pas d'intérêt au recours dès lors qu'elle a été remplie de ses droits dès la première instance, il convient de rappeler que :
- l'article 122 code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
- l'article 123 de ce code ajoute que ' Les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt '.
- l'article 789, 6° du code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir ».
- par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, ce texte est applicable devant le conseiller de la mise en état, sans que l'article 914 du même code n'en restreigne l'étendue.
Il en résulte que la cour n'est pas compétente pour statuer sur l'irrecevabilité de l'appel incident de l'intimée qu'entend lui opposer l'appelant.
Sur le droit de visite et d'hébergement
Le juge doit en application des dispositions de l'article 373-2-11 du code civil, lorsqu'il se prononce sur les modalités de l'autorité parentale, prendre notamment en considération la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, les sentiments exprimés par l'enfant mineur, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, le résultat des expertises éventuellement effectuées, les renseignements qui ont été recueillis dans le cadre de l'enquête sociale, les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.
Il règle en toutes circonstances les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant.
L'appelant critique la décision en ce qu'elle a restreint son droit de visite au motif que celui-ci n'avait jamais hébergé l'enfant depuis la séparation du couple, or il considère que la fixation d'un droit d'accueil une fois par an pendant 15 jours n'est pas de nature à maintenir des liens avec l'enfant que la mère s'efforce de rompre, preuve tant de son départ en Guadeloupe sans information préalable. Il souligne qu'il a fait en sorte d'avoir les moyens matériels d'accueillir son fils dans de bonnes conditions et qu'il est en parfaite capacité de s'en occuper ainsi qu'en témoignent ses proches.
L'intimée conclut à la confirmation en soulignant qu'outre le fiat de n'avoir jamais accueilli l'enfant, seul un droit de visite avant toujours été pratiqué, M. [K] s'est montré à plusieurs reprises défaillant dans l'exercice de son droit depuis la decision.
Elle ajoute qu'elle respecte scrupuleusement les appels téléphoniques souhaités par le père claque mercredi.
Il est constant qu'après la separation puis le divorce de ses parents, l'enfant [R] qui était alors très jeune, n'a rencontré son père que quelques heures par mois et au départ par l'intermédiaire d'un point rencontre. Depuis la décision dont un droit d'hébergement est prévu qui sauf dire contraire s'est déroulé de manière satisfaisante. L'appelant produit plusieurs témoignages qui confirment la qualité d'accueil offert par M. [K] à son fils et les liens qui ont pu se nouer. Pour contester cette relation père fils, l'intimée verse aux débats un seul attestation, celle de sa mère qui affirme qu'à l'été 2022 M. [K] aurait refusé de prendre plus longtemps son fils au motif qu'il travaillait, et qu'ayant dit qu'il le prendrait une fin de semaine supplémentaire, il avait failli à son engagement ne venant pas cherché son fils. Outre que cette affirmation ne repose que sur les dires de la mère de l'intimée, ce témoigange vient en contradiction avec ceux produits par l'appelant et qui tous s'attachent à décrire un père soucieux de prendre sa place dans la vie de l'enfant.
Par suite, il convient de faire droit à la demande d'élargissement du droit de visite en prévoyant que celui-ci s'exercera outre les 15 jours en été prévus, durant la totalité des vacances de Noël et février, en alternance, selon les modalités fixées par le dispositif de l'arrêt.
La mère sera toujours chargée des trajets avant pris l'initative de partir Outre Mer pour, avait elle soutenu devant le premier juge, suivre une formation de naturopathe et trouver plus facilement du travail dans le secteur. Trois ans plus tard sa situation n'a guère évolué et il peut être considéré que son départ l'a été pour des raisons strictement personnelles qui ont cependant eu pour conséquence d'éloigner l'enfant de son père. Ce dernier ne saurait donc assumer ce surcoût de frais de trajet pour permettre à l'enfant d'entretenir des liens avec lui.
Sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant
Il résulte des dispositions des articles 371-2 et 373-2-2 du Code civil que chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses capacités contributives et des besoins des enfants. Elle peut prendre la forme d'une pension alimentaire versée selon le cas par l'un des parents à l'autre, laquelle peut également consister en une prise en charge directe de tout ou partie des frais exposés au profit de l'enfant ou encore en un droit d'usage et d'habitation.
Cette obligation d'ordre public en raison du caractère essentiel et vital de cette contribution doit être satisfaite avant l'exécution de toute obligation civile de nature différente, notamment des emprunts immobiliers ou de consommation, les père et mère devant adapter leur train de vie en fonction de cette obligation et s'efforcer d'offrir à leurs enfants un niveau de vie et d'éducation en relation avec leur propre niveau culturel et socio-économique.
Pour fixer à 150 euros le montant de la pension alimentaire due par le père à l'enfant [R], le juge aux affaires familiales a relevé que :
- Mme [Y] perçoit de sindemnités de Pole Emploi pour 690 euros par jour, elle perçoit des revenus ( de l'ordre de 62 euros par mois ) pour des petits travaux à domicile et bénficie des prestations familiales pour 281 euros. Son loyer résiduel est de 130 euros.
- M. [K] est salarié dans une société de peinture, et perçoit un revenue mensuel de l'ordre de 1465 euros. Il perçoit également une prime d'activité de 92 euros et fait face à un loyer de 369 euros.
A ce jour, Mme [Y] dit avoir des resources à hauteur de 1230 euros, restations socials comprises. Son loyer résiduel est de 115 euros.
M. [K] a une situation similaire, sauf à relever que sa charge de loyer après allocation logement est de 454 euros et qu'il fait face à un prêt pour une charge de 218 euros par mois, sequel ne peut cendant primer sur l'obligation alimentaire.
Les besoins de l'enfant n'ont pas évolué. Ils sont ceux d'un petit garçon de bientôt sept ans.
Il convient donc au regard des situations des parties et des dépenses nécessaires pour l'entretien et l'éducation de l'enfant commun de confirmer la décision entreprise.
Sur les frais et dépens
Chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes exprimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIF
La cour ;
Constate son incompétence pour statuer sur la fin de non recevoir opposée à l'intimée par l'appelant ;
Confirme la décision entreprise sauf en ce qui concerne les modalités du droit de visite et d'hébergement du père ;
Statuant de ce chef,
Dit que le droit de visite et d'hébergement de M. [K] en métropole s'exercera au gré des parties ou à défaut :
* les années paires durant la totalité des vacances de noël et quinze jours en été,
* les années impaires durant la totalité des vacances de février et quinze jours en été;
Y ajoutant,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Signé par Hélène MORNET, Présidente de la chambre et par Florence CHANVRIT, Adjointe Administrative Principale faisant fonction de Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente