COUR D'APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE - SECTION B
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ARRÊT DU : 22 JUIN 2023
SÉCURITÉ SOCIALE
N° RG 20/03631 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LW2I
Madame [D] [V]
c/
MDPH DE LA DORDOGNE
Nature de la décision : AU FOND
Notifié par LRAR le :
LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :
La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).
Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 septembre 2020 (R.G. n°19/00177) par le Pôle social du TJ de PERIGUEUX, suivant déclaration d'appel du 06 octobre 2020.
APPELANTE :
Madame [D] [V]
née le 09 Juin 1968 à [Localité 4] (68)
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sami FILFILI substituant Me Alexandre LEMERCIER de la SELARL LEMERCIER AVOCAT, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉE :
MDPH DE LA DORDOGNE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 3]
non comparante et non représentée
OMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 avril 2023, en audience publique, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, Président magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Eric Veyssière, président
Madame Sophie Lésineau, conseillère
Madame Cybèle Ordoqui, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Exposé du litige
Mme [V] a saisi la maison départementale des personnes handicapées (la MDPH en suivant) d'une demande d'allocation aux adultes handicapés ainsi que d'une demande de carte mobilité inclusion mention 'stationnement'.
Par décision du 25 janvier 2019, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Dordogne a rejeté ses demandes, au motif que son taux d'incapacité était inférieur à 50 % et qu'elle ne présentait pas de réduction de son autonomie de déplacement à pied ou de besoin d'une tierce personne dans ses déplacements.
Le 13 février 2019, Mme [V] a saisi la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Dordogne d'un recours administratif préalable obligatoire.
Le 16 avril 2019, Mme [V] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance de Périgueux aux fins de contester la décision implicite de rejet de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
Par jugement mixte du 13 juin 2019, le tribunal de grande instance de Périgueux a :
- déclaré son incompétence s'agissant de la contestation de Mme [V] relative à l'attribution de la carte mobilité inclusion stationnement ;
- renvoyé Mme [V] à mieux se pourvoir de ce chef devant la juridiction administrative compétente ;
- déclaré pour le surplus recevable le recours de Mme [V] ;
- ordonné une consultation confiée au docteur [O] aux fins de dire si Mme [V] souffre de troubles de nature psychique de nature à exercer une influence sur son taux d'incapacité, donner son avis sur le taux d'incapacité permanente de Mme [V] pour la dimension psychologique du handicap à la date du 1er août 2018, dire à cette même date si Mme [V] pourrait être considérée comme substantiellement et durablement restreinte dans son accès à l'emploi, et dire qu'elles peuvent être les perspectives d'évolution de son état de santé ;
- dit qu'à la réception du rapport de consultation du docteur [O], le docteur [X] émettrait son propre avis sur le taux d'incapacité et le droit à l'allocation adulte handicapé revendiqué par Mme [V] ;
- dit que la caisse nationale d'assurance maladie réglerait les frais de consultation des docteurs [X] et [O] ;
- réservé les dépens.
Le 29 juillet 2019, le docteur [O] a déposé son rapport. Le docteur [X] a rendu son avis le 23 septembre 2019.
Par jugement du 10 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux a:
- dit qu'à la date du 27 juillet 2018, Mme [V] n'avait pas droit à l'allocation aux adultes handicapés ;
- rappelé que le coût de la consultation médicale était à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie ;
- condamné Mme [V] aux dépens.
Par déclaration du 6 octobre 2020, Mme [V] a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 29 septembre 2022, la cour d'appel de Bordeaux a :
- ordonné l'expertise médicale de Mme [V] ;
- désigné le docteur [H] [N], clinique mutualiste - [Adresse 1], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux, pour y procéder, avec pour mission en se plaçant à la date de la demande:
* convoquer Mme [V] et la maison départementale des personnes handicapées de la Dordogne ;
* prendre connaissance de tous les documents relatifs aux examens, soins, interventions et traitements ;
* examiner Mme [V] ;
* évaluer le taux d'incapacité de Mme [V] en prenant soin de distinguer le taux psychique déjà fixé par le docteur [O], du taux physique ;
* dans le cas où ce taux atteindrait les 50 %, dire si Mme [V] présentait une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi et donner le cas échéant un avis sur la durée de l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés ;
- dit que l'expert disposait d'un délai de quatre mois à compter de sa saisine pour déposer son rapport, après avoir envoyé un pré-rapport et avoir répondu aux éventuels dires des parties, dires faits au plus tard dans les 15 jours suivant l'envoi du pré-rapport,
- dit que la mesure d'expertise serait effectuée sous le contrôle du magistrat chargé du suivi des opérations d'expertise auquel il sera référé en cas de difficulté et qui pourra notamment pourvoir au remplacement de l'expert en cas de refus ou d'empêchement ;
- dit que les frais d'expertise seraient avancés par la caisse nationale d'assurance maladie ;
- renvoyé l'affaire à l'audience du 27 avril 2023 à 14 heures, cette indication valant convocation des parties à l'audience ;
- réservé les demandes et dépens.
L'expert a rendu son rapport le 26 octobre 2022 indiquant qu'à 'la demande du 25 juillet 2018, le handicap physique présenté par la patiente, était à l'origine d'une incapacité physique qui peut être évaluée à 15% '.
Aux termes de ses dernières conclusions du 31 mars 2023, Mme [V] sollicite de la cour qu'elle :
- réforme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Périgueux - RG 19/00177 du 6 octobre 2020 en ce qu'il a :
* 1er chef de jugement critiqué : dit qu'à la date du 27 juillet 2018, elle n'avait pas droit à l'allocation aux adultes handicapés ;
* 2ème chef de jugement critiqué : l'a condamnée aux dépens ;
- dise que son taux d'incapacité excède 50% ;
- dise qu'elle a droit à l'octroi de l'allocation aux adultes handicapés rétroactivement à compter du 27 juillet 2018 ;
- condamne la maison départementale des personnes handicapées à lui payer la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamne la maison départementale des personnes handicapées à payer à la SELUARL Lemercier Avocat la somme de 5 568 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- dise que les sommes prononcées à l'encontre de la maison départementale des personnes handicapées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la décision à intervenir ;
- dise que les intérêts seront capitalisés à son profit ;
- condamne la maison départementale des personnes handicapées en tous les dépens.
La maison départementale des personnes handicapées n'a pas conclu.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.
Motifs de la décision
Il résulte des articles L821-1, L821-2, D821-1 et R821-5 du code de la sécurité sociale que le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés peut être accordé à partir de l'âge de vingt ans ou aux requérants âgés d'au moins seize ans qui cessent de réunir les conditions exigées pour ouvrir droit aux allocations familiales.
L'allocation aux adultes handicapés est accordée aux personnes qui présentent un taux d'incapacité permanente au moins égal à 80 %, pour une période au moins égale à un an et au plus égale à cinq ans. Si le handicap n'est pas susceptible d'une évolution favorable, la période d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés peut excéder cinq ans, sans toutefois dépasser vingt ans.
Cette prestation est également versée à toute personne dont le taux d'incapacité permanente est inférieur à 80 % et supérieur ou égal à 50 %, et qui, compte tenu de son handicap, est atteinte d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi telle que définie à l'article D821-1-2 du code précité. Dans ce cas, la période d'attribution est d'une à deux année(s). Si le handicap n'est pas susceptible d'une évolution favorable, l'allocation aux adultes handicapés peut être attribuée pour une durée de cinq ans.
Le taux d'incapacité est évalué en fonction du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées inscrit à l'annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles. Ce document est purement indicatif et prévoit plusieurs degrés de sévérité du handicap parmi lesquels :
- forme légère : taux de 1 à 15 % ;
- forme modérée : taux de 20 à 45 % ;
- forme importante : taux de 50 à 75 % ;
- forme sévère ou majeure : taux de 80 à 95 %.
En l'espèce, le recours formé par Mme [V] à l'encontre de la décision de la MDPH de lui refuser le bénéfice d'une allocation aux adultes handicapés en raison d'un taux d'incapacité inférieur à 50 % a donné lieu à une consultation confiée au docteur [X]. En raison du caractère succinct du procès-verbal de consultation, une expertise a été ordonnée par la présente cour et confiée au docteur [N] aux fins qu'il évalue le taux d'incapacité physique de Mme [V], étant rappelé que le volet psychique avait déjà été évalué par le docteur [O], psychiatre, qui a conclu à un taux d'incapacité de 15 % pour les seules pathologies psychologiques.
Après avoir procédé à l'examen de la requérante et des pièces médicales de son dossier, le praticien a conclu dans les termes suivants :
"Il s'agit donc d'une patiente, âgée actuellement de 54 ans, réalisant, lors de la demande du 25 juillet 2018, le travail d'auxiliaire de vie scolaire.
Cette patiente a des antécédents urologiques très anciens avec reflux vésico-urétal ayant nécessité plusieurs interventions chirurgicales, et étant à l'origine de douleurs et d'infections urinaires à répétitions, nécessitant la prise très fréquente d'antibiotiques urinaires. Ces traitements favorisent par ailleurs la survenue de mycoses.
La patiente souffre depuis des années de douleurs surtout occipitales, traitées comme des migraines, pouvant survenir trois à quatre fois par mois.
La patiente présente par ailleurs des troubles psychiques responsables d'une incapacvité, évaluée par le docteur [O] à 15 %.
Elle souffre par ailleurs, comme cela est fréquent dans un tel contexte psychologique, d'une tableau polyalgique, qui prédomine aux rachis lombaiure mais n'épargne pas le rachis dorsal et cervical ainsi que les régions cervico-trapéziennes.
Si les douleurs rachidiennes lombaires, en rapport avec une discopathie dégénérative L5 S1, ont justifié en 2017 un avis chirurgical, dont la propositon thérapeutique n'a pas été réalisée, la patiente n'apporte pas d'éléments concernant leur prise en charge thérapeutique médicamenteuse ou physique. Les données cliniques actuelles concernant le rachis lombaire ne sont pas déficitaires.
C'est dans ce contexte que l'on peut indiquer que lors de la demande du 25 juillet 2018, le handicap physique présenté par la patiente, était à l'origine d'une incapacité psychique présentée par la patiente, elle-même évaluée à 15 %.
Il faut noter par ailleurs la présentation clinique actuelle, lors de cette expertise, très démonstrative, avec des troubles de la marche, de type pseudo para parésie spastique des membres inférieurs, apparu depuis peu, dans les suites de l'infiltration d'un nodule fibromateux de l'aponévrose plantaire du pied droit, et ne s'accompagnant d'aucun élément déficitaire neurologique pyramidal".
En dépit du caractère détaillé de ce rapport, Mme [V] maintient sa contestation, estimant qu'il ne reflète pas la réalité de son état. En outre, elle soutient que le praticien s'est montré agressif à son égard, de parti pris et l'a également insultée. L'appelante ajoute que toutes les pièces de son dossier n'ont pas été examinées et qu'il n'a pas été tenu compte de ses nombreuses limitations.
La cour observe pourtant que le rapport litigieux comporte un rappel de la mission confiée au médecin-expert et des faits ayant conduit à ladite expertise. Les antécédents de Mme [V] y sont repris, tout comme le détail de sa prise en charge médicamenteuse et chirurgicale. Les doléances de la patiente sont retranscrites ; il est d'ailleurs expressément fait mention d'une asthénie sévère, de reflux ou encore de la nécessité d'utiliser une canne anglaise. La situation socio professionnelle est également explicitée, ainsi que le récit de l'examen clinique. Il ne ressort de ce rapport pas le moindre propos déplacé ou jugement de valeur.
Par ailleurs, il y a lieu de noter que même l'infiltration liée au nodule que Mme [V] évoque dans ses conclusions pour décrire son état de santé au jour de l'expertise, a été mentionné par le docteur [N]. Dès lors, la requérante ne peut valablement soutenir que l'expert a manqué d'impartialité.
En outre, il convient de rappeler que l'expert avait pour mission de se placer à la date de la demande, soit le 25 juillet 2018, de sorte qu'il ne pouvait tenir compte des éléments postérieurs à cette période.
Dans la mesure où l'état psychiatrique et l'état physique de Mme [V] ont tous deux été évalués par des spécialistes, et que la somme des deux taux attribués ne permet pas d'atteindre le taux minimum requis de 50 %, il y a donc lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
Il appartient toutefois à Mme [V] qui fait valoir une aggravation de son état de santé, de saisir la MDPH d'une nouvelle demande qui sera étudiée au jour de son dépôt et ce, au regard des pièces qui y seront jointes.
Mme [V] qui ne parvient pas à démontrer l'existence d'un préjudice subi, est déboutée de cette demande, étant rappelé que les consultations et expertises ordonnées par le tribunal et la présente cour n'étaient pas à sa charge mais à celle de la caisse nationale d'assurance maladie
En application de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [V], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel qui seront couverts par l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée. Elle sera également déboutée de ses demandes au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [V] de l'ensemble de ses demandes ;
Condamne Mme [V] aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés par l'aide juridictionnelle totale qui lui a été accordée par décision du 10 juillet 2019.
Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
E. Gombaud E. Veyssière