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21/06/2023 | FRANCE | N°20/05006

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 21 juin 2023, 20/05006


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 21 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/05006 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2TM

















Monsieur [K] [O]



c/



S.A.R.L. GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE

















Nature de la décision : AU FOND
















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Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 novembre 2020 (R.G. n°F 18/00957) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 15 décembre 2020,





APPELANT :

Monsieur [K] [O]

né le 02 Novembre 1981 à ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 21 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/05006 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-L2TM

Monsieur [K] [O]

c/

S.A.R.L. GARDIENNAGE ECLIPSE SURETE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 novembre 2020 (R.G. n°F 18/00957) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 15 décembre 2020,

APPELANT :

Monsieur [K] [O]

né le 02 Novembre 1981 à [Localité 4] (CONGO) de nationalité Congolaise

Profession : Agent de sécurité, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Véronique LASSERRE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SARL Gardiennage Eclipse Sûreté, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 448 549 758 00069

représentée par Me Anne PITAULT de la SELARL CVS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée conclu du 4 décembre 2014 au 31 décembre 2014, Monsieur [K] [O], né en 1981, a été engagé en qualité d'agent de sécurité confirmé par la société Seris ESI Grand Sud (ci-après dénommée la société Seris).

Un second contrat à durée déterminée a été régularisé entre les mêmes parties pour la période du 2 janvier 2015 au 31 janvier 2015.

Un contrat de travail à durée indéterminée a ensuite été conclu entre les parties le 2 février 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 13 avril 2015, la société Seris a informé M. [O] de la perte du marché du magasin Carrefour de [Localité 7] sur lequel il effectuait ses prestations.

Ce marché a été repris par la SARL Gardiennage Eclipse Sûreté.

Le 13 mai 2015, un avenant de reprise du personnel a été conclu entre M. [O] et la société Gardiennage Eclipse Sûreté.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [O] s'élevait à la somme de 1.547 euros.

Le 11 août 2017, la société Gardiennage Eclipse Sûreté a informé M. [O] de la perte du marché avec la région Nouvelle Aquitaine, de la reprise du personnel par la société SGI Sécurité et du fait qu'il faisait partie des salariés susceptibles d'être transférés à la société SGI Sécurité.

Par courrier du 29 août 2017, la société SGI Sécurité a informé la société Gardiennage Eclipse Sûreté de son refus de reprendre le contrat de travail de M. [O] qui en a été informé par lettre du 5 septembre 2017.

Par lettre du 16 octobre 2017, la société Gardiennage Eclipse Sûreté a convoqué M. [O] à un entretien fixé le 25 octobre 2017 afin d'envisager son avenir au sein de la société.

Par courrier du 13 novembre 2017, la société Gardiennage Eclipse Sûreté a informé le salarié de son affectation sur le site Nouvel Hôpital de [Localité 6] à compter du 22 novembre 2017.

Le 15 novembre 2017, invoquant ses contraintes familiales et ne pas être détenteur du permis de conduire, M. [O] a indiqué ne pouvoir accepter sa nouvelle affectation.

Par courrier du 21 novembre 2017, la société Gardiennage Eclipse Sûreté lui a répondu que le nouveau site de travail était conforme à la clause de mobilité insérée dans son contrat, que l'augmentation de son temps de trajet était de 8 minutes et 18 kilomètres et que ce trajet pouvait être effectué par différents moyens de transport.

Par lettre datée du 30 novembre 2017, la société Gardiennage Eclipse Sûreté a mis en demeure M. [O] de justifier son absence sur le nouveau site de travail depuis le 22 novembre 2017.

Par mail du 5 décembre 2017, M. [O] a informé son employeur que suite à une décision du juge aux affaires familiales du 24 octobre 2017, la résidence habituelle de son enfant avait été fixée à son domicile entraînant son impossibilité d'être affecté sur un site à [Localité 6].

M. [O] s'est rapproché de l'inspection du travail pour faire part de ses difficultés.

Par courrier du 14 décembre 2017 faisant suite à une visite dans l'entreprise du 28 novembre, l'inspection du travail a adressé un courrier à la société Gardiennage Eclipse Sûreté rappelant les contraintes matérielles de M. [O] l'empêchant de travailler à [Localité 6] et a demandé à la société de réexaminer la situation du salarié quant à son site d'affectation.

La société a répondu maintenir sa décision par une lettre du 22 décembre 2017 et a informé l'inspecteur du travail de la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement.

Le même jour, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 janvier 2018.

Par lettre datée du 2 février 2018, il a été licencié pour faute grave (absences injustifiées et abandon de poste).

A la date du licenciement, M. [O] avait une ancienneté de trois ans et un mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités outre des dommages et intérêts, un rappel de salaire pour la période du 22 novembre au 31 janvier 2018, la remise sous astreinte d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés et le remboursement par l'employeur des allocations de chômage qu'il a perçues, M. [O] a saisi le 19 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu en formation de départage le 27 novembre 2020, a :

- débouté M. [O] de ses demandes,

- dit que l'ancienneté de M. [O] court à compter du 4 décembre 2014 et ordonné à la société Gardiennage Eclipse Sécurité de rectifier les documents de fin de contrat en ce sens,

- condamné M. [O] aux dépens,

- rejeté la demande de la société Gardiennage Eclipse Sécurité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 15 décembre 2020, M. [O] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 juillet 2021, M. [O] demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son appel interjeté à l'encontre du jugement de départage prononcé par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 27 novembre 2020, de réformer ladite décision et de

-juger qu'il a été victime d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Gardiennage Eclipse Sûreté aux sommes suivantes :

* 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.094 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 309 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1.256,93 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 3.583,66 euros à titre de rappel de salaire outre 358 euros à titre de congés payés y afférents,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- condamner la société Gardiennage Eclipse Sûreté au remboursement des indemnités de chômage qui lui ont été versées du jour de son licenciement jusqu'au jour du jugement prononcé dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage sur le fondement de l'article L. 1235-4 du code du travail,

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 27 novembre 2020 en ce qu'il a ordonné à la société Gardiennage Eclipse Sûreté d'établir un nouveau certificat de travail portant comme période d'emploi celle du 4 décembre 2014 au 2 février 2018 ainsi qu'une attestation ASSEDIC comportant la même mention,

- réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 27 novembre 2020 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise de ces documents sous astreinte,

- juger que la remise de ces documents sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, laquelle courra à compter de la notification du jugement à intervenir.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mai 2021, la société Gardiennage Eclipse Sûreté demande à la cour de':

- confirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 27 novembre 2020 en ce qu'il :

* déboute M. [O] de l'intégralité de ses demandes,

* condamne M. [O] aux dépens,

- réformer le jugement rendu en ce qu'il :

* rejette sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - statuer de nouveau afin de condamner M. [O] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'instance en ce compris les éventuels frais d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une

importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

M. [O] a été licencié pour avoir refusé de travailler sur un nouveau site, celui du Nouvel Hôpital de [Localité 6], à compter du 22 novembre 2017 conformément à un planning transmis dans le délai de prévenance conventionnel, et ce, en dépit d'une mise en demeure en date du 30 novembre 2017.

La société excipe de la clause de mobilité inscrite au contrat de travail signé par les parties et explique que cette clause a été mise en oeuvre en raison de la perte du marché du site Région Nouvelle Aquitaine et du fait de la non-reprise par la société SGI Sécurité du contrat de travail de M. [O].

L'intimée ajoute que le nouveau lieu de travail se situe dans le même secteur géographique, que seul ce poste pouvait correspondre à la qualification professionnelle de l'appelant, qu'il s'agissait du poste à pourvoir le plus proche de son domicile et que certains sites tels Carrefour ne souhaitaient pas l'intervention de M. [O].

De plus, selon la société, différents transports en commun, dont le train, permettaient à l'appelant de faire le trajet entre son domicile ([Localité 5]) et ce lieu de travail ([Localité 6]), même en l'absence de permis de conduire.

Enfin, l'intimée prétend qu'il n'y pas d'atteinte à un droit fondamental de M. [O] qui a un enfant à charge puisque ce nouveau site de travail n'impose pas un changement de vie familiale, que les horaires restent équivalents et que le temps de trajet n'est pas considérablement modifié. Elle ajoute que la garde d'un enfant ne saurait suffire à justifier l'atteinte au droit du salarié à mener une vie personnelle et familiale.

M. [O] fait valoir que la société n'a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité.

Ainsi, il affirme tout d'abord que la société lui a initialement proposé une rupture conventionnelle qu'il a refusée et que ce refus est à l'origine de la mutation qui lui a été imposée.

Il conclut également que la société n'a pas étudié tous les postes disponibles sur la période ayant précédé son licenciement, qu'elle ne démontre pas que le client Carrefour ne souhaitait pas son intervention et que l'ensemble des salariés avaient une clause de mobilité.

Enfin, l'appelant n'ayant pas de permis de conduire et s'étant vu confier la garde exclusive de son fils de 3 ans, soutient que la mise en oeuvre de la clause de mobilité sur le site de [Localité 6] avec l'amplitude horaire de 7 heures-19 heures portait une atteinte fondamentale au respect de sa vie familiale.

***

L'employeur est tenu d'exécuter de bonne foi le contrat de travail. Il ne peut, dès lors, faire un usage abusif d'une clause de mobilité insérée au contrat.

C'est au salarié, qui reproche à l'employeur un usage abusif de son droit de mettre en oeuvre la clause de mobilité, de le prouver. Ainsi, il lui appartient de démontrer que cette décision a, en réalité, été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou bien qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Lorsque la mise en oeuvre de la clause de mobilité porte atteinte à la vie personnelle et familiale du salarié, cette atteinte doit être justifiée par la tâche à accomplir et être proportionnée au but recherché, compte tenu de l'emploi occupé et du travail demandé.

Le juge se prononce au vu des éléments de preuve apportés par le salarié.

En l'espèce, dans la mesure où la société intimée a perdu le marché de la région Nouvelle Aquitaine et que la société SGI a indiqué dès le 5 septembre 2017 ne pas reprendre le contrat de travail de M. [O], la société Gardiennage Eclipse Sûreté devait affecter l'appelant sur un autre poste.

Un entretien a eu lieu le 25 octobre 2017 pour 'envisager la suite de l'avenir professionnel du salarié au sein de la société'.

M. [O] a relaté le déroulement de cet entretien dans un courrier du même jour. Il y explique que le directeur régional qui l'a reçu lui a alors proposé une rupture conventionnelle qu'il a refusée.

Si la société conteste avoir proposé à M. [O] une rupture conventionnelle, force est de constater qu'elle n'a pas contesté les termes du courrier du salarié, sans pour autant affirmer ne pas l'avoir reçu.

Suite à cet entretien, par courrier du 13 novembre 2017, la société a proposé à l'appelant d'intégrer le site Nouvel Hôpital de [Localité 6] à compter du 22 novembre 2017, précisant 'avoir étudié tous les postes disponibles au sein de l'entreprise afin de proposer un changement de site adapté aux qualifications professionnelles' du salarié.

M. [O] a indiqué en retour, deux jours plus tard, ne pas pouvoir travailler à [Localité 6] n'ayant pas le permis de conduire et ayant la garde de son fils qu'il devait récupérer à l'accueil périscolaire à 18 heures.

Le 21 novembre 2017, la société lui a expliqué que le nouveau site n'est éloigné, par rapport au site précédent, que 'de 18 kilomètres de plus' de son domicile ce qui ne représente que '8 minutes supplémentaires' et que les 'contraintes personnelles décrites sont loin d'être insurmontables'.

Elle ajoute que 'différents moyens de transport tels le train, le bus ou le covoiturage peuvent être utilisés' en l'absence de permis de conduire, que 'ce changement de site est par conséquent imposé et qu'un refus serait de nature à remettre en cause la poursuite du contrat de travail'.

Dans la lettre de licenciement du 2 février 2018, la société écrit également que 'l'argument selon lequel M. [O] devait récupérer son fils à la garderie au plus tard à 18 heures était facétieux', qu'il n'avait 'jamais apporté aucun élément tangible permettant de corroborer ses dires' et que la situation invoquée ne l'avait pas empêché 'd'accepter des vacations au-delà de 18 heures depuis le mois de janvier 2017".

M. [O] justifie d'une inscription en petite section à l'école maternelle de [Localité 5] de son fils et de la fréquentation de ce dernier de l'accueil périscolaire et du centre de loisirs ainsi que des horaires d'ouverture (7h30 - 18h30).

Il produit également le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 24 octobre 2017 qui fixe, à compter de la décision, la résidence habituelle de l'enfant, né le 27 janvier 2014, au domicile de son père.

Ce jugement a été transmis à la société intimée le 5 décembre 2017, soit avant que M. [O] ne soit convoqué à l'entretien préalable.

Auparavant, M. [O] assurait une garde ponctuelle de son fils (en application du jugement précédent du 16 mars 2015 également transmis à son employeur) ce qui lui laissait la possibilité de travailler tard ou certaines fins de semaine et le contraignait seulement à n'accepter que certaines vacations durant les week-end (ses pièces 19, 20 et 34).

La cour relève également que l'appelant avait saisi l'inspecteur du travail de ses difficultés. L'inspecteur du travail a alors demandé à la société, par correspondance du 14 décembre 2017, de réexaminer la situation de M. [O] quant à son site d'affectation, après avoir rappelé les obligations familiales impérieuses qui lui incombaient et précisant que l'intérêt légitime de cette décision d'affectation n'était pas clairement explicitée.

M. [O] justifie par les pièces qu'il verse aux débats que la décision de la société de l'affecter à [Localité 6] n'était pas compatible avec les charges familiales qu'il devait assumer.

Pour justifier sa décision, la société produit des documents relatifs au temps de trajet nécessaire pour se rendre du domicile de M. [O] à l'hôpital de [Localité 6] soit 10 minutes de marche de son domicile à la gare de [Localité 5], un trajet compris entre 16 et 29 minutes en train puis 16 minutes de marche de la gare de [Localité 5] au site d'affectation.

Il n'est pas justifié du temps de trajet du salarié sur le site dont le marché a été perdu mais il était desservi par les transports de la communauté urbaine de [Localité 3] et la société indique que le site était à une distance de 10 kilomètres du domicile de l'appelant.

Par ailleurs, pour justifier de l'absence de poste disponible plus proche du domicile de M. [O] et correspondant à sa qualification, l'intimée verse aux débats l'attestation de Mme [R], directrice des ressources humaines de la société, qui atteste 'qu'en 2015, suite à divers incidents, M. [O] a été exclu des sites Carrefour par le client', ce qui expliquerait qu'il a été 'difficile de trouver un poste de reclassement en novembre 2017 dans la mesure où, à cette période, la majorité des postes à pourvoir en tant qu'agent de sécurité sur le secteur de [Localité 3] se trouvaient sur les différents sites Carrefour' ;

D'une part, la directrice des ressources humaines de la société intimée ne fait état de recherches qu'au mois de novembre et décembre 2017 mais aucun document ne corrobore l'exclusion de M. [O] par le client Carrefour qui daterait de 2015.

D'autre part, Mme [R] utilise les termes 'la majorité des postes à pourvoir' ou encore 'la plupart des autres postes', ce qui laisse supposer l'existence d'autres possibilités dont la société ne fait pas état.

La société produit également un tableau informatique listant différents sites sur [Localité 3] ainsi que l'effectif correspondant, réparti par type de fonctions (agents de sécurité, agent cynophile, chefs de poste...).

Ce document intitulé dans le bordereau de communication de pièces 'tableau Excel recensant l'ensemble des sites existants sur le secteur de [Localité 3] aux mois de novembre et décembre 2017 et précisant les types de postes par site' n'est pas daté et n'est accompagné d'aucune autre pièce permettant d'en apprécier la véracité. De plus, il n'est pas précisé si les postes listés sont vacants ou pourvus.

Est ensuite versée aux débats la déclaration mensuelle obligatoire des mouvements de main d'oeuvre de l'agence de [Localité 8] pour les mois de novembre et décembre 2017.

L'information de non-reprise de M. [O] par la société CGI datant du début du mois de septembre 2017 et son licenciement ayant été prononcé le 2 février 2018, la période sur laquelle la société se justifie est trop restrictive et ne permet pas de s'assurer qu'aucun autre poste n'était disponible, notamment au mois de janvier 2018.

Par ailleurs, l'étude de ce document fait ressortir qu'entre le 1er novembre et le 31 décembre 2017, 38 licenciements de salariés, agents civils de sécurité et de surveillance en contrat à durée indéterminée, sont intervenus, 4 démissions, un départ en retraite ainsi qu'une rupture au cours de la période d'essai.

Parallèlement seuls deux recrutements ont été réalisés en contrat à durée indéterminée sur cette même période et sur ces mêmes fonctions.

Il n'est donc pas établi que le poste proposé sur le site de [Localité 6] était le seul poste disponible que la société pouvait proposer à M. [O] au regard de ses qualifications.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Gardiennage Eclipse Sûreté a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail en mettant en oeuvre de façon abusive la clause de mobilité de M. [O], sa décision étant disproportionnée aux contraintes que celui-ci rencontrait dans sa vie personnelle et familiale.

Dès lors, le licenciement de ce dernier en raison de son absence injustifiée et de son abandon de poste depuis le 22 novembre 2017, date de la mise en oeuvre de la mutation de M. [O], est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur ce point le jugement déféré sera infirmé.

Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Sur le rappel de salaire

Soutenant que la société n'était pas fondée à mettre en oeuvre la clause de mobilité, M. [O] sollicite un rappel de salaire pour la période du 22 novembre 2017 jusqu'à la date de rupture du contrat de travail, soit la somme de 3.583,66 euros outre les congés payés y afférents.

La société intimée prétend que cette demande est infondée dans la mesure où l'appelant n'a pas travaillé sur cette période puisqu'il a abandonné son poste sans justificatif. Elle affirme également qu'elle a été contrainte de trouver en urgence un agent de sécurité pour occuper temporairement le poste de M. [O].

Le salaire correspond à la contrepartie d'un travail effectué.

Or, en l'espèce, M. [O] n'a pas fourni de prestation de travail sur la période sollicitée.

Toutefois, dans les développements précédents, la cour a jugé que l'employeur n'avait pas exécuté de bonne foi le contrat de travail et avait mis en oeuvre la clause de mobilité de façon abusive de sorte que M. [O] n'a pas été en mesure d'effectuer son travail à compter du moment où la société lui a imposé une affectation sur le site de [Localité 6].

Dans son courrier du 15 novembre 2017 le salarié indique d'ailleurs : 'je ne refuse pas le travail mais je ne peux pas aller travailler à [Localité 6]', 'trouvez-moi du travail à [Localité 3]'.

En conséquence, M. [O], contraint de ne pas assurer sa prestation de travail en raison de la mise en oeuvre abusive de la clause de mobilité, peut prétendre à un rappel de salaire du 22 novembre 2017 au 2 février 2018.

Ainsi, sur la base des pièces produites, la société sera condamnée à lui verser la somme de 3.583,66 euros bruts outre celle de 358 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont le point de départ est fixé par la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement.

M. [O] sollicite à ce titre la somme de 3.094 euros bruts outre les congés payés y afférents.

***

La société intimée ne conteste pas ces montants et ,au vu des pièces produites, sera condamnée à verser à l'appelant la somme de 3.094 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 309 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Sur l'indemnité de licenciement

Selon l'article L. 1234-9 du code du travail le salarié a droit à une indemnité de licenciement.

Conformément à l'article R. 1234-2 du même code, dans sa rédaction applicable à la date du licenciement, cette indemnité ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté, pour les années jusqu'à 10 ans.

L'employeur ne conteste pas le montant sollicité par le salarié à hauteur de la somme de 1.256,93 euros.

Au vu des pièces versées aux débats, la société sera condamnée à verser à M. [O] la somme de 1.256,93 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Sur ce point les premiers juges ont débouté l'appelant considérant son licenciement fondé.

M. [O] sollicite la réformation du jugement dont appel et demande que la somme de 10.000 euros lui soit allouée à ce titre.

***

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [O], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 4.641 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L.1235-3 du code du travail, qui, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit le versement d'une indemnité comprise entre 3 et 4 mois de salaire.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur la remise des documents de rupture rectifiés

M. [O] sollicite la prise en compte de son ancienneté à compter du 4 décembre 2014, date à laquelle il a été embauché initialement par la société Seris. Il demande ainsi la rectification de la période d'emploi mentionnée sur le certificat de travail et sur l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

La société intimée indique dans ses écritures ne pas s'opposer à cette demande de rectification mais sollicite que cette demande ne soit pas assortie d'une astreinte.

***

La société sera condamnée à remettre à M. [O] les documents précités rectifiés, conformément à la présente décision et ce, dans le délai de deux mois à compter de sa signification, sans que cette obligation soit assortie d'une mesure d'astreinte, non justifiée en l'état.

Sur les autres demandes

La société intimée, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à M. [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux rendu le 27 novembre 2020,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Monsieur [K] [O] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Gardiennage Eclipse Sûreté à verser à M. [K] [O] les sommes suivantes :

- 3.583,66 euros bruts à titre de rappel de salaire,

- 358 euros bruts au titre des congés payés afférents au rappel de salaire,

- 3.094 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 309 euros bruts au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

- 1.256,93 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 4.641 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne le remboursement par la société Gardiennage Eclipse Sûreté à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement perçues par M. [K] [O] du jour de son licenciement jusqu'à la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités,

Ordonne à la société Gardiennage Eclipse Sûreté de délivrer à M. [K] [O] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées par la présente décision et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de celle-ci,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Gardiennage Eclipse Sûreté aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/05006
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;20.05006 ?
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