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21/06/2023 | FRANCE | N°20/04620

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 21 juin 2023, 20/04620


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 21 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/04620 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LZQX













Monsieur [T] [C]



c/



SASU Mondial Protection venant aux droits de la SASU Mondial Protection Grand Sud-Ouest

















Nature de la décision : AU FOND







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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 octobre 2020 (R.G. n°F 19/00099) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 25 novembre 2020,





APPELANT :
...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 21 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/04620 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LZQX

Monsieur [T] [C]

c/

SASU Mondial Protection venant aux droits de la SASU Mondial Protection Grand Sud-Ouest

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 octobre 2020 (R.G. n°F 19/00099) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 25 novembre 2020,

APPELANT :

Monsieur [T] [C]

né le 21 Février 1962 à [Localité 3] de nationalité Française Profession : Agent de surveillance, demeurant [Adresse 2]

représenté par assisté de Me Roxane VUEZ, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Béatrice LEDERMANN de la SELARL AFC-LEDERMANN, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

SASU Mondial Protection venant aux droits de la SASU Mondial Protection Grand Sud-Ouest, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 817 458 250

représentée par Me Emilie MONTEYROL, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Pascal BENDJENNI, avocat au barreau de VAL D'OISE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [T] [C], né en 1962, a été engagé en qualité d'agent cynophile de sécurité par la société Isopro Sécurité Privée Aquitaine par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mai 2015.

Le 1er avril 2017, son contrat de travail a été transféré à la SAS Mondial Protection Grand Sud-Ouest, filiale du Groupe Mondial Protection, avec reprise de son ancienneté.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [C] s'élevait à la somme de 1.661,47 euros.

La validité de la carte professionnelle d'agent cynophile de M. [C] expirait le 3 juillet 2018.

Le 29 mai 2018, M. [C] a formé une demande de renouvellement de sa carte  professionnelle auprès du Conseil National des Activités Privées de Sécurité (ci-après dénommé CNAPS).

Le 5 juillet 2018, le renouvellement de la carte professionnelle de M. [C] n'ayant pas été obtenu et la précédente étant arrivée à expiration, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 juillet 2018 avec mise à pied à titre conservatoire.

M. [C] avait au préalable demandé des congés du 5 juillet au 15 juillet 2018

inclus. La société l'a maintenu en congés payés aux dates prévues.

Par courrier du 17 juillet 2018, la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest a reporté l'entretien préalable au 25 juillet 2018 puis, par courrier du 20 juillet 2018, au 31 juillet 2018.

Le 27 juillet 2018, M. [C] a reçu un récépissé de renouvellement de sa carte professionnelle. Il en a informé son employeur.

Par courrier du 27 juillet 2018, la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest a annulé la procédure de licenciement pour défaut de carte professionnelle engagée à l'encontre de M. [C].

M. [C] a repris son travail au début du mois d'août 2018.

Réclamant des dommages et intérêts et le remboursement des frais au titre de la formation obligatoire du 17 au 25 avril 2018, M. [C] a saisi le 21 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 16 octobre 2020, a :

- pris acte du remboursement par la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest à M. [C] de la somme de 86 euros au titre des frais engagés pour sa formation du 17 au 25 avril 2018,

- constaté que M. [C] abandonne ce chef de demande,

- débouté M. [C] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] aux dépens.

Par déclaration du 25 novembre 2020, M. [C] a relevé appel de cette décision qui avait été notifiée par lettre adressée aux parties par le greffe le 27 octobre 2020.

Suite à une fusion absorption, la société Mondial Protection vient aux droits de la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 avril 2023, M. [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux du 16 octobre 2020 en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour congés payés forcés du fait de la nullité de la mise à pied conservatoire,

- condamner la société à lui verser la somme de 4.500 euros à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice subi,

En tout état de cause,

- soumettre les sommes à intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner la société à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société aux dépens et frais éventuels d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 avril 2023, la société Mondial Protection venant aux droits de la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest demande à la cour de :

- donner acte de l'intervention volontaire à titre principal de la société Mondial Protection au lieu de la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest à laquelle elle vient aux droits au titre de la fusion-absorption en date du 31 décembre 2022 , cette société ayant été radiée du Registre du commerce et des sociétés le 1er mars 2023,

- confirmer les termes du jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 16 octobre 2020,

- débouter M. [C] de ses demandes,

- condamner M. [C] à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [C] aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 mai 2023, au cours de laquelle les parties ont indiqué que M. [C] ne fait plus partie des effectifs de la société.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [C] soutient que son employeur ne pouvait lui imposer une période de congés payés pendant la période de mise à pied à titre conservatoire, que ce soit pour la période du 5 au 15 juillet 2018 préalablement accordée ou pour la période du 16 au 22 juillet 2018 dans la mesure où l'employeur a, à son initiative et à deux reprises, reporté l'entretien préalable, prolongeant d'autant la période de mise à pied conservatoire.

L'appelant fait par ailleurs valoir que la société a mis en place de façon tardive la formation obligatoire lui permettant de renouveler sa carte professionnelle (du 17 au 24 avril 2018), l'empêchant ainsi de solliciter ce renouvellement trois mois avant la date d'expiration du 3 juillet 2018 tel que l'organisme le recommande.

En outre, une difficulté de paiement de l'organisme de formation par la société a eu pour effet d'augmenter le délai de délivrance de l'attestation de fin stage selon l'appelant.

La société intimée prétend que, conformément aux dispositions relatives aux agents privés de sécurité, M. [C] a bénéficié de la formation obligatoire, organisée par la société, dans le cadre du renouvellement de sa carte professionnelle et qu'une attestation de cette formation lui a été remise le 25 avril 2018, à la fin dudit stage.

Toutefois, elle précise que M. [C] a attendu un mois pour transmettre son dossier, soit à la fin du mois de mai et qu'il ne peut donc accuser son employeur d'être à l'origine de la tardiveté de la demande de renouvellement.

Par ailleurs, le salarié devait transmettre un justificatif d'aptitude SST en cours de validité qu'il n'a adressé que le 11 juillet 2018 à l'organisme de sorte qu'il était responsable du retard.

Dans un souci de maintien de salaire, la société a accédé à la demande de congés payés de M. [C] pour la période du 5 au 15 juillet 2018 ; de même, il était dans l'intérêt du salarié de reporter l'entretien pour lui éviter de venir pendant ses congés et pour lui laisser un délai supplémentaire afin de lui permettre de justifier du renouvellement de sa carte professionnelle.

***

Le formulaire de demande de renouvellement de carte professionnelle précise que la demande doit intervenir au moins trois mois avant l'expiration du titre et que, depuis le 1er juillet 2017, un justificatif attestant du suivi d'une formation continue doit être joint à la demande de renouvellement.

La carte professionnelle de M. [C] arrivant à expiration le 3 juillet 2018, il était donc recommandé que la demande de renouvellement soit effectuée avant le 3 avril 2018.

Toutefois, le stage de maintien et d'actualisation des compétences auquel M. [C] a participé s'est déroulé du 17 au 25 avril 2018.

En outre, il résulte du courrier de M. [X] et de celui de M. [G], responsable de la formation suivie par l'appelant, que l'attestation de suivi de stage de M. [C] a été remise à l'employeur un mois après la fin du stage en raison des conditions de règlement entre la société de formation et la société Mondial Protection.

Cette attestation étant un élément indispensable au dossier de renouvellement, il ne peut être reproché à l'appelant d'avoir tardé dans les démarches à réaliser.

La veille de la date d'expiration de la carte professionnelle de M. [C], la gestionnaire du service des ressources humaines de la société a adressé un courriel à la délégation territoriale du CNAPS pour solliciter un récépissé de demande de renouvellement dans l'attente de sa nouvelle carte.

Le 3 juillet, par retour, le service d'instruction du CNAPS a répondu que le dossier de l'appelant entrait en instruction en urgence le jour même.

Dans son courriel du 11 juillet 2018, M. [C] transmet cinq pièces jointes, et non uniquement le justificatif SST, en précisant qu'il transmet les documents que le CNAPS a sollicité dans un courrier non reçu daté du 8 juin qui n'est pas produit aux débats.

Le 23 juillet, la société a relancé l'organisme délivrant les cartes professionnelles pour connaître l'état d'avancement du dossier de M. [C].

Si le report, à deux reprises, de l'entretien préalable, permettait à l'appelant d'avoir un délai supplémentaire pour obtenir le renouvellement de sa carte professionnelle, tel n'est pas le motif énoncé par la société dans les courriers des 17 et 20 juillet.

Le 17 juillet, soit quatre jours après la date initialement programmée de l'entretien préalable, la société a informé l'appelant d'un report de l'entretien 'à la demande du responsable d'agence en raison des congés payés du salarié'.

Puis, dans le courrier du 20 juillet, l'employeur mentionne un report de l'entretien 'à la demande du responsable d'agence en raison de son indisponibilité'.

Par ailleurs, avant tout questionnement sur le délai de renouvellement de la carte professionnelle, un courriel du 14 juin 2018 informait M. [C] que ses congés pour la période du 5 au 15 juillet 2018 lui étaient accordés.

Puis, par courrier du 5 juillet 2018, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire pendant le déroulement de la procédure de licenciement envisagé pour défaut de carte professionnelle.

Cette procédure a ensuite été annulée par courrier du 27 juillet 2018.

Il ressort du bulletin de salaire de M. [C] pour le mois de juillet 2018 que 14 jours de congés payés ont été pris et rémunérés comme tels pour la période du 5 au 15 juillet puis du 16 au 22 juillet.

Lorsqu'un salarié fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, laquelle a pour effet de suspendre le contrat de travail, il ne peut, pendant cette période, valablement prendre ses congés payés, peu important que leur date ait été sollicitée et accordée antérieurement à la mesure de mise à pied.

Il en résulte que M. [C] est bien fondé à solliciter des dommages et intérêts en raison du préjudice qu'il a subi en étant placé en congés payés pendant la période de mise à pied conservatoire, finalement annulée.

En conséquence, la société Mondial Protection venant aux droits de la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest sera condamnée à verser à M. [C] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La société, condamnée en paiement, supportera les dépens de la procédure d'appel mais il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 16 octobre 2020 en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [C] de sa demande de dommages intérêts et l'a condamné aux dépens,

Confirme ledit jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la SAS Mondial Protection venant aux droits de la société Mondial Protection Grand Sud-Ouest à verser à Monsieur [T] [C] la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait qu'il a été placé en congés payés pendant la période de mise à pied conservatoire,

Rappelle que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

Condamne la SAS Mondial Protection venant aux droits de la société Mondial Protection Grand Sud Ouest aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/04620
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;20.04620 ?
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