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21/06/2023 | FRANCE | N°20/01149

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 21 juin 2023, 20/01149


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 21 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01149 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPPD











Monsieur [D] [L]



c/



S.E.L.A.R.L. EKIP es qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [U] [H]



UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. DE [Localité 3]











Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 février 2020 (R.G. n°F 19/00046) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 26 février 2...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 21 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01149 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LPPD

Monsieur [D] [L]

c/

S.E.L.A.R.L. EKIP es qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [U] [H]

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 février 2020 (R.G. n°F 19/00046) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 26 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [D] [L]

né le 14 Décembre 1977 de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Michel PUYBARAUD substituant Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, et assisté de Me Philippe HONTAS substituant Me Pascal-henri MOREAU de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [U] [H], placé en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Libourne en date du 15 juin 2020

de nationalité Française,

N° SIRET : 311 891 618

S.E.L.A.R.L. EKIP es qualité de mandataire liquidateur de Monsieur [U] [H], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social est [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Cécile AUTHIER de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANT:

UNEDIC Délégation AGS-C.G.E.A. de [Localité 3], prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

représentée et assistée deMe Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Tronche, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [D] [L], né en 1977, a été engagé en qualité d'ouvrier plombier chauffagiste par M. [U] [H], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 11 avril 2005.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment.

Par courrier en date du 14 décembre 2018, M. [L] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en faisant état d'un défaut de déclaration de sa situation salariale auprès des organismes sociaux, de l'existence de prélèvements concomitants de la part salariale des cotisations sociales, du défaut d'affiliation auprès de la caisse des congés payés du BTP, du défaut de suivi par la médecine du travail et de l'absence de mise en place de la couverture complémentaire collective minimale de remboursement des frais de santé et de la couverture complémentaire obligatoire prévoyance issue de la convention collective.

A cette date, le salarié avait une ancienneté de 13 ans et 9 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Soutenant que la prise d' acte de la rupture doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités, dont une au titre du défaut de mise en place de la couverture complémentaire collective minimale de remboursement des frais de santé et de la couverture complémentaire obligatoire prévoyance issue de la convention collective, outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et patrimonial supplémentaire pour avoir prélevé la part sociale des cotisations, pour travail dissimulé, pour défaut de visite médicale et de suivi par la médecine du travail et non régularisation de sa situation de salarié auprès des organismes de retraite, M. [L] a saisi le 25 avril 2019 le conseil de prud hommes de Libourne qui, par jugement mixte rendu le 4 février 2020, a :

- dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [L] en date du 14 décembre 2018 produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné M. [H] à verser à M. [L] les sommes suivantes :

* 5.628,45 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et

sérieuse,

* 7.166,88 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 3.752,30 euros brut au titre de l' indemnité compensatrice de préavis,

* 375,20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur

préavis,

* 11.256, 90 euros au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- débouté M. [L] de sa demande au titre du défaut de mise en place de la couverture complémentaire collective minimale de remboursement des frais de santé et de la couverture complémentaire obligatoire prévoyance issue de la convention collective,

- débouté M. [L] de sa demande en réparation du préjudice moral et patrimonial supplémentaire pour avoir prélevé la part sociale des cotisations,

- condamné M. [H] à lui remettre les documents de fin de contrat sans astreinte : certificat de travail, attestation Pôle Emploi et solde de tout compte,

- débouté M. [L] de sa demande de certificat de la caisse de congés payés puisqu'il n'y a pas d'affiliation avec cette caisse,

- ordonné l'exécution provisoire en application de l'article 515 du code de procédure civile,

- dit que les sommes allouées à M. [L] porteraient intérêts au taux légal en application de l article 1231-7 du code civil à compter du prononcé du jugement,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus,

- ordonné le sursis à statuer dans l'attente du jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux sur la régularisation sollicitée auprès des organismes de retraite dont dépend M. [L],

- dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de communiquer au conseil de prud'hommes la copie de la décision afin que l'affaire soit ré-enrôlée à la première date utile,

- réservé les dépens.

Par déclaration du 26 février 2020, M. [L] a relevé appel de cette décision, notifiée le 7 février 2020.

Le 9 juin 2020, une saisie attribution a été pratiquée sur les comptes bancaires de M. [H] au titre des condamnations de première instance.

Par jugement en date du 15 juin 2020, le tribunal de commerce de Libourne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l encontre de M. [H] et a désigné la SELARL HIROU en qualité de mandataire liquidateur lequel a été remplacé, ensuite d'une ordonnance rendue par la même juridiction le 5 janvier 2022, par la SELARL EKIP prise ne la personne de Maître [W] [P], intervenant volontaire à la procédure.

Par jugement rendu le 1er mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux a validé la contrainte établie le 21 mai 2019 par le directeur de l'Urssaf Aquitaine ensuite d'une procédure de redressement mise en oeuvre pour travail dissimulé par dissimulation de salarié, M. [H] s'étant abstenu de déclarer l'emploi salarié de M. [L] du 1er janvier 2013 au 31 mai 2018. A ce titre, il a fixé la créance de l'Urssaf Aquitaine à la somme de 88 458 euros au passif de la liquidation judiciaire de M. [H].

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 4 avril 2023, M. [L] demande à la cour de :

- juger recevable et bien-fondé son appel et réformer le jugement entrepris en ce qu il a

* condamné M. [H] à la somme de 5.628,45 euros à titre de dommages

et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* ordonné le sursis à statuer dans l attente du jugement du Pôle social du tribunal judiciaire de Bordeaux sur la régularisation sollicitée auprès des organismes de retraite dont il dépend,

* sursis à statuer sur la demande de 94.500 euros de dommages et intérêts soutenue pour ne pas avoir régularisé sa situation auprès des organismes de retraite dont il dépend et sur celle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réservée celle sur les dépens,

* débouté M. [L] des demandes suivantes :

* de sa demande de 20.000 euros de dommages et intérêts au titre du défaut de mise en place de la couverture complémentaire collective minimale de remboursement des frais de santé et de la couverture complémentaire obligatoire prévoyance issue de la convention collective,

* de sa demande de 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation

du préjudice moral et patrimonial supplémentaire pour avoir prélevé la part sociale des cotisations,

* de sa demande de 5.000 euros de dommages et intérêts pour défaut de

visite médicale et de suivi par la médecine du travail,

* de sa demande de certificat de la caisse de congés payés,

* jugé qu il convenait d assortir les sommes allouées au titre du jugement des

intérêts aux taux légal à compter de son prononcé,

Et statuant à nouveau,

- juger irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société Ekip sur le fondement de l article L.213-1 du code de la sécurité sociale et ce en application de l article 910-4 du code de procédure civile,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de M. [H] les sommes suivantes :

* 21.576 euros au titre des indemnités au titre de la rupture du contrat de travail,

* 20.000 euros au titre du défaut de mise en place de la couverture complémentaire collective minimale de remboursement des frais de santé et de la couverture complémentaire obligatoire prévoyance issue de la convention collective,

* 10.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et patrimonial supplémentaire pour avoir prélevé la part salariale des cotisations,

* 11.256,90 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 5.000 euros de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale et de suivi par la médecine du travail,

* 94.500 euros de dommages et intérêts et ce pour réparer les conséquences de

la non-déclaration de M. [L] auprès des organismes de retraite dont il

dépend,

- juger qu'en conséquence que la remise des documents de fin de contrat, certificat de travail, attestation pôle emploi et certificat pour la caisse de congés payés sera ordonnée sous astreinte de 200 euros par jour de retard,

- juger qu' il sera fait application d intérêts de retard à compter de la saisine du conseil pour les créances ayant une nature salariale et au jour de sa décision pour les créances indemnitaires dont l'évaluation est faite par le juge,

- juger que ce point de départ servira également de référence pour la capitalisation des intérêts en application des articles 1231-6, 1231-7 et 1343-2 du code civil,

- fixer au passif de M. [H] au titre de la première instance, une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile et au titre de l instance d appel, une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l article 700 du code de procédure civile, ainsi qu aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 mars 2023, la société Ekip', es qualité de mandataire liquidateur de M. [H], demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement de première instance et ce faisant :

* limiter le montant de l' indemnisation compte tenu de la rupture à la somme

de 5.628,45 euros,

* débouter M. [L] de ses demandes indemnitaires pour exécution du

contrat de travail de mauvaise foi, pour préjudice moral et patrimonial

supplémentaire, pour absence de visite médicale, et en réparation du

préjudice résultat de l absence de cotisations auprès des organismes de

retraite,

* le débouter de sa demande de remise de documents sous astreinte,

A titre subsidiaire,

- réduire le montant des dommages et intérêts compte tenu de la rupture à de plus justes portions,

- réduire le montant des dommages et intérêts afférents à l'exécution du contrat de travail : exécution du contrat de travail de mauvaise foi, pour préjudice moral et patrimonial supplémentaire, pour absence de visite médicale, et en réparation du préjudice résultat de l' absence de cotisations auprès des organismes de retraite,

En tout état de cause,

débouter M. [L] de ses demandes au titre des intérêts légaux de retard et de capitalisation, de remise de documents sous astreinte.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 mars 2023, le CGEA de [Localité 3] demande à la cour de :

Sur le fond et à titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les quanta et sauf à fixer la créance de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de M. [H] pour les sommes suivantes :

* 94,14 euros à titre d indemnité compensatrice de préavis jusqu au 23 décembre 2018,

* 9,41 euros à titre de congés payés sur préavis,

* 7.166,88 euros à titre d 'indemnité légale de licenciement,

* 4.691 à titre de dommages et intérêts pour requalification de la prise d' acte

en licenciement sans cause réelle et sérieuse, au visa de l alinéa 3 de l' article

L.1235-3 du code du travail, en absence de préjudice résultant de la rupture,

* 11.256 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

- débouter M. [L] du surplus de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- en cas de préjudice retenu pour défaut de visites médicales, fixer la créance de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de M. [H] à la somme maximale de 300 euros au titre des dommages et intérêts pour défaut de visites médicales,

- débouter M. [L] :

* des dommages et intérêts sollicités « pour défaut de couverture de frais de santé et de la prévoyance conventionnelle obligatoire », faute de rapporter la

preuve d un préjudice généré par le défaut d affiliations,

* au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral etpatrimonial « pour avoir prélevé la part salariale des cotisations », obligation imposée par larticle L.243-1 du code la sécurité sociale,

* au titre de dommages et intérêts « pour réparer les conséquences de non- déclaration de M. [L] auprès des organismes de retraite dont il dépend », compte tenu de ses droits préservés à raison du précompte retenu sur les bulletins de salaire au titre de l assurance vieillesse et de la retraite,

- en cas de préjudice moral retenu pour défaut de versement aux organismes sociaux des cotisations salariales retenu, fixer la créance de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de M. [H] à la somme maximale de 1.000 euros, ses droits futurs à la retraite nés de la période d emploi étant préservés par le précompte figurant sur les bulletins,

- débouter M. [L] du surplus de ses demandes,

Sur évocation :

- dire irrecevable la demande de régularisation par M. [H] des cotisations dues à l' URSSAF au titre du précompte et des charges sociales,

Sur la garantie de l'AGS :

- déclarer opposable l' arrêt à intervenir à l'AGS ' CGEA de [Localité 3] dans la limite légale de sa garantie, laquelle est limitée à six fois le plafond des contributions à l'assurance-chômage en vigueur en décembre 2018 et exclut : la créance de l URSSAF au titre des sommes précomptées par M. [H] et non reversées, l' astreinte et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

-I- Sur les demandes indemnitaires au titre de la rupture du contrat de travail

Ni le mandataire liquidateur ni l'Unédic ne contestent que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [L] produit les effets d' un licenciement sans cause réelle et sérieuse ouvrant droit au paiement des indemnités de rupture.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

L'AGS sollicite la réduction de cette indemnisation à hauteur de la somme de 94,14 euros, soutenant que l'indemnité est due jusqu'au 23 décembre 2018 en raison du nouvel emploi du salarié à compter du 24 décembre 2018.

M. [L] expose que cette indemnité présente un caractère forfaitaire et est indépendante du préjudice subi.

Sur ce point, le mandataire liquidateur n'a fait valoir aucune observation.

La rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l' indemnité compensatrice de préavis est due en totalité, peu important que le salarié ait travaillé ailleurs avant la fin de la période de préavis de deux mois.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Si les parties ne contestent pas le montant alloué à ce titre par les premiers juges, il convient toutefois de fixer ladite somme au passif de la liquidation judiciaire de M. [H].

Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive

Pour voir fixer sa créance à ce titre à hauteur de la somme de 21 576 euros, M. [L] expose que l'employeur s'est soustrait pendant douze années aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales, qu'il a dû prendre acte de la rupture de son contrat de travail et qu'au moment de la rupture, il comptait une ancienneté de plus de treize années dans l'entreprise de M. [H].

Pour s'y opposer, le mandataire liquidateur soutient que le salarié ne justifie ni de la réalité ni de l'étendue de son préjudice alors qu'il a été engagé par un autre employeur, la SARL SOLENAIRGIE, dix jours après la prise d'acte. Il sollicite la confirmation de la décision limitant l'indemnisation du salarié à trois mois de salaire.

Selon l'UNEDIC-AGS, la prise d'acte en cause a été notifiée par le salarié dans la perspective de sa nouvelle embauche, intervenue le 24 décembre 2018, au regard de l'attestation délivrée par l'URSSAF. Elle demande en conséquence, la fixation à la somme de 4 691 euros équivalant à 2,5 mois de salaires, les dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail, le salarié n'ayant souffert d'aucun préjudice résultant de la perte de son emploi.

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail et tenant compte notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [L], de son âge, de son ancienneté de plus de treize années, des conséquences du licenciement à son égard dans la mesure où il a rapidement retrouvé un emploi et une rémunération supérieure à celle procurée par l'emploi occupé chez M. [H], la créance de M. [L] sera fixée à hauteur de 6 000 euros.

-II- Sur les demandes indemnitaires au titre de l'exécution du contrat de travail

Sur le travail dissimulé

Le mandataire liquidateur soutient que l'employeur qui avait établi un contrat de travail, des bulletins de salaire et avait réglé tous les mois les salaires, a été mal conseillé pour la gestion sociale et comptable de son entreprise mais n'a pas eu la volonté de dissimuler l'emploi de M. [L].

L'UNEDIC-AGS ne conteste ni le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi ni le montant alloué à ce titre.

Le salarié ne conclut pas sur ce point.

* * *

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L .8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce, ainsi que les premiers juges l'ont rappelé sur le fondement des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, l'employeur qui a déclaré le salarié pour l'année 2005, s'est volontairement abstenu de le faire pour les années postérieures et ce jusqu'en juin 2018, date de la déclaration d'embauche faite auprès de l'URSSAF. L'intention étant ainsi démontrée, c'est à juste titre que les premiers juges ont fixé à hauteur demandée de 11 256,90 euros l'indemnité forfaitaire de travail dissimulé.

Sur le défaut de visite d'embauche et de visites périodiques

Le salarié sollicite la fixation au passif de la liquidation judiciaire de M. [H] d'une somme de 5 000 euros à ce titre, en faisant valoir avoir été privé pendant douze ans de la visite de la médecine du travail.

Le mandataire liquidateur et l'UNEDIC AGS s'y opposent, exposant que le salarié ne justifiait d'aucun préjudice.

Toutefois, l'employeur a une obligation s'agissant de la sécurité et de la santé des salariés dont il ne peut le cas échéant s'exonérer que s'il établit avoir pris toutes les mesures nécessaires et adaptées énoncées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ou en cas de faute exclusive de la victime ou de force majeure.

Dans le cadre de ses obligations, il devait respecter le suivi médical de ses salariés et notamment organiser une visite médicale d'embauche ou au plus tard avant l'expiration de la période d'essai qui suit l'embauche en application des dispositions successivement applicables au cours de l'exécution du contrat de travail.

L'employeur ne justifie pas que l'intéressé a bénéficié d'un tel suivi, alors que compte tenu notamment des fonctions exercées, la visite d' embauche et les visites périodiques avaient pour objet de s' assurer que l' état de santé du salarié était compatible avec son emploi.

Il convient en conséquence de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts .

La décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat

Le salarié sollicite à ce titre la fixation au passif de la procédure collective des sommes suivantes :

- 20 000 euros, l'employeur n'ayant pas souscrit de contrat d'assurance à son profit de sorte qu'en l'absence de couverture de frais de santé et de couverture complémentaire obligatoire de prévoyance issue de la convention collective, il n'a pu prétendre à une indemnisation complémentaire pendant toute la période de son emploi. Il considère que ce manquement caractérise une exécution déloyale du contrat de travail.

- 10 000 euros, l'employeur ayant prélevé la part des cotisations sociales dues au titre de son emploi alors qu'il n'était pas déclaré, ce qui lui a causé un préjudice moral et patrimonial. Il ajoute que l'argument selon lequel il n'aurait pas qualité pour agir est irrecevable en application des dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile en ce que cette fin de non recevoir n'a pas été soulevée dans les premières conclusions en cause d'appel du mandataire liquidateur.

En réplique, le mandataire liquidateur et l'UNEDIC AGS arguent de l'absence d'un quelconque préjudice démontré par le salarié qui s'abstient de verser les relevés de frais de santé laissés à sa charge par la sécurité sociale ou de justifier qu'il se soit trouvé pendant cette période en incapacité de travail.

Ils ajoutent que le salarié est infondé à se prévaloir d'un quelconque préjudice résultant des obligations sociales de l'employeur.

Le mandataire fait valoir, qu'en application des articles L.213-1 et suivants du code de la sécurité sociale, seule l'URSSAF a qualité pour agir en non-paiement des cotisations sociales par l'employeur.

* * *

S'agissant de la garantie des frais de santé, depuis l'entrée en vigueur de la loi de sécurisation de l' emploi le 1er janvier 2016, tous les employeurs du secteur privé doivent proposer une mutuelle d' entreprise à leurs salariés quelque soit la nature de leur contrat. A la rupture de leur contrat de travail ces salariés bénéficient de la portabilité de cette mutuelle qui leur permet de conserver leur couverture santé après leur départ de l' entreprise.

L'employeur ne justifie pas avoir fait bénéficier le salarié d'une telle assurance.

S'agissant de la prévoyance incapacité de travail, dont l'objet est l'indemnisation du salarié en cas d'accident de la vie, d'incapacité permanente ou de décès, elle n'est pas obligatoire mais doit être mise en place si la convention collective applicable le prévoit, ce qui est le cas en l'espèce.

Même si, comme le font valoir les intimés, le salarié ne justifie d'aucun cas de mise en oeuvre de ces garanties et de l'absence de versement des indemnités liées soit à la couverture santé soit aux risques de décès, d'incapacité de travail ou d'invalidité, il n'en demeure pas moins que l'employeur; qui ne pouvait ignorer le caractère obligatoire de la couverture santé à compter du 1er janvier 2016 et de la mise en place de la couverture prévoyance incapacité de travail prévue par la convention collective, n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail.

S'agissant du prélèvement de la part salariale des cotisations par l'employeur, il est admis que le salarié n'est pas recevable à solliciter le remboursement des cotisations prélevées et non versées par l'employeur mais peut seulement réclamer l'indemnisation du préjudice résultant de ce manquement.

En l'espèce, M. [L] ne justifie nullement d'une quelconque conséquence préjudiciable de sorte qu'il sera débouté de ce chef de demande sans qu'il soit besoin d'examiner celle relative à l'irrecevabilité de la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité pour agir.

* * *

En conséquence de l'ensemble de ces éléments, Il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d'infirmer la décision dont appel sur ce point.

Sur les demandes au titre du défaut de déclaration auprès des organismes de retraite

Au soutien de sa demande tendant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire la somme de 94 500 euros qu'il a lui même évaluée, M. [L] avance qu'en l'absence de versement aux organismes de sécurité sociale des cotisations précomptées sur son salaire, il n'a pu faire valider ces périodes pour le calcul de ses droits à la retraite et le mandataire liquidateur ne rapporte pas la preuve d'une régularisation de cette situation.

Le mandataire liquidateur s'y oppose en se fondant d'une part sur les dispositions de l'article R.351-11 du code de la sécurité sociale selon lesquelles il est tenu compte, pour l'ouverture des droits et le calcul de la pension de retraite des cotisations non versées mais précomptées, et d'autre part, sur une base de calcul erronée en ce que le salarié âgé de 44 ans aura cotisé 18 ans de plus pour parvenir à l'âge légal de la retraite de sorte qu'en prenant en compte les 25 années au cours desquelles les revenus sont les plus élevés, les 12 années non cotisées seront neutralisées. Il ajoute qu'à partir de 67 ans, la pension de retraite de base sera automatiquement calculée au taux maximum et en conclut que le préjudice financier invoqué n'est dès lors ni certain, ni né, ni actuel.

De son côté, l'UNEDIC AGS fait valoir que figurent sur les bulletins de salaire de M. [L] les précomptes salariaux afférents au régime vieillesse et retraite en conséquence de quoi, ils emportent non seulement paiement par le salarié de sa contribution mais imposent leur prises en compte au titre de la validation des trimestres comptant pour la retraite de M. [L].

* * *

L'article R.351-11 du code de la sécurité sociale dispose que sont valables pour l'ouverture du droit et le calcul des pensions de retraite, les cotisations non versées lorsque l'assuré apporte la preuve qu'il a subi en temps utile, sur son salaire, le précompte des cotisations d'assurance vieillesse.

Il est ainsi établi que la délivrance de bulletins de salaire comportant un précompte des cotisations emporte reconnaissance des périodes d'activité et du montant brut précompté.

En l'espèce, il résulte des pièces produites et des explications fournies que l'employeur, pendant la période comprise entre 2005 et 2018, a déduit du salaire à revenir à M. [L] le précompte salarial relatif au régime vieillesse et retraite de sorte qu'aucune restriction de ses droits à la retraite n'est démontrée par le salarié, la période en cause étant comprise dans l'assiette du calcul des pensions à lui revenir.

Par voie de conséquence sa demande à ce titre ne peut qu'être rejetée.

-III- Sur les autres demandes

S'agissant de la demande relative à la remise des documents de fin de contrat

En considération des condamnations prononcées, le mandataire liquidateur devra délivrer au salarié un bulletin récapitulatif des sommes allouées, l'attestation destinée à Pôle Emploi ainsi qu'un certificat de travail rectifiés en considération du présent arrêt, dans le délai de deux mois suivant la signification de celui-ci, sans besoin d'une quelconque astreinte. En revanche, en l'absence d'affiliation de M. [H] à la caisse des congés payés, aucun certificat à ce titre ne peut être délivré au salarié.

S'agissant de la demande au titre des intérêts

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil des prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts. Dans cette limite, les intérêts dus seront capitalisés année par année, conformément aux dispositions de l article 1343-2 du code civil.

S'agissant des demandes au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens, de la première instance et en cause d'appel, seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire mais il n' apparaît pas justifié de faire application des dispositions de l article 700 du code de procédure civile, compte tenu de la situation de la société.

L' arrêt à intervenir sera déclaré opposable à l UNEDIC délégation AGS, dans la limite légale de sa garantie.

* * *

Pour plus de clarté et afin de fixer les créances de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de M. [H], le jugement déféré sera infirmé, sauf en ce qui concerne la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud hommes déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe les créances de M. [L] au passif de la liquidation judiciaire de M. [H], représenté par son liquidateur, la SELARL Ekip' , intervenant volontaire, aux sommes suivantes :

*6 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*7 166,88 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

*3 752,30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*375,20 euros au titre des congés payés y afférents,

*11 256,90 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

*1 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,

*500 euros au titre du défaut de visite médicale d'embauche et de visites périodiques,

Déboute M. [L] de ses demandes au titre du défaut de déclaration auprès des organismes de retraite,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, tout en précisant que l'ouverture de la procédure collective a suspendu le cours des intérêts,

Dit que dans cette limite, les intérêts dus seront capitalisés année par année, conformément aux dispositions de l article 1343-2 du code civil,

Dit que la SELARL EKIP', en sa qualité de mandataire liquidateur de M.[H], devra délivrer à M. [L] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d astreinte sollicitée n étant pas en l état justifiée,

Déboute M. [L] de sa demande de délivrance d'un certificat de la caisse des congés payés,

Dit l' arrêt à intervenir opposable à l 'UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 3], dans la limite légale de sa garantie et du plafond applicable, à l 'exception des dépens,

Dit n' y avoir lieu à l application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens, de première instance et en cause d'appel, seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01149
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;20.01149 ?
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