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21/06/2023 | FRANCE | N°20/00355

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 21 juin 2023, 20/00355


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 21 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00355 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNL7













Monsieur [D] [N]



c/



Madame [T] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/20/4033 du 02/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)












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Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 décembre 2019 (R.G. n°F 18/00176) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Agriculture,...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 21 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00355 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNL7

Monsieur [D] [N]

c/

Madame [T] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 33063/02/20/4033 du 02/07/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 décembre 2019 (R.G. n°F 18/00176) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Agriculture, suivant déclaration d'appel du 21 janvier 2020,

APPELANT :

Monsieur [D] [N] exerçant sous l'enseigne EIRL PSVEV [N] demeurant [Adresse 1]

N° SIRET : 529 800 757

représenté par Me Sandra PORTRON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [T] [I]

née le 30 Janvier 1975 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

représentée et assistée de Me Rémy LEGIGAN, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie TRONCHE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Madame [T] [I] a été engagée en qualité d'ouvrière agricole par M. [D] [N], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 novembre 2016.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective de travail des exploitations agricoles de la Gironde du 1er avril 2004.

Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 2 mars 2018, l'EIRL PSVEV [N] a demandé à Mme [I] de justifier de son absence à compter du 27 février 2018 ou de réintégrer son poste de travail.

Par courrier du 2 mars 2018, Mme [I] a indiqué à l'employeur être dans l'attente de sa part d'un écrit constatant leur accord quant à une dispense totale de préavis.

Le 22 mars 2018, le conseil de M. [N] a adressé un courrier à Mme [I] la sommant de préciser ses intentions.

Le 14 mai 2018, la salariée a écrit à M. [N] aux fins de solliciter ses documents de rupture ainsi que son solde de tout compte en indiquant ne plus faire partie de l'entreprise depuis le 1er mars 2018.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail doit s'analyser en un licenciement abusif et réclamant les indemnités afférentes, Mme [I] a saisi le 5 novembre 2018 le conseil de prud'hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 12 novembre 2019, a :

- dit que la rupture du contrat de travail est un abandon de poste au 28 février 2018,

- constaté un licenciement pour faute grave avec absence de procédure et condamné à l'euro symbolique la société Psvev [N],

- condamné la société Psvev [N], à payer à Mme [I] la somme de 1.200 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

- débouté Mme [I] de sa demande d'indemnité de remise tardive de documents et de sa demande d'indemnité de licenciement,

- condamné la société Psvev [N], à remettre à Mme [I], sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du deuxième mois à partir de la notification du jugement, les documents suivants : certificat de travail, attestation Pôle emploi, solde de tout compte et bulletin de salaire définitif rectifié,

- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte,

- débouté la société Psvev [N] de ses demandes,

- condamné la société Psvev [N] à la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Psvev [N] aux dépens et frais éventuels d'exécution.

Par déclaration du 21 janvier 2020, M. [N] a relevé appel de cette décision, notifiée le 20 décembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 août 2020, M. [N] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu le 12 décembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Libourne,

- confirmer cette décision en ce qu'elle a limité à 1.200 euros l'indemnité de congés payés allouée à Mme [I] et a débouté cette dernière de sa demande de 1.200 euros pour remise tardive des documents de rupture ainsi que de sa demande d'indemnité de licenciement,

- réformer la décision entreprise pour le surplus,

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 1.668,87 euros au titre du préavis de démission non effectué, somme ramenée à 468,87 euros après compensation judiciaire,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à verser à M. [N] une indemnité de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens, de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 novembre 2020, Mme [I] demande à la cour de :

- confirmer le jugement :

* en ce qu'il a dit que la rupture du contrat était un licenciement, non une

démission,

* en ce qu'il a condamné l'employeur à lui régler une indemnité de congés

payés de 1.200 euros,

* en ce qu'il a condamné l'employeur à remettre sous astreinte de 50 euros par

jour de retard les documents de rupture,

* en ce qu'il a condamné l'employeur à lui régler une indemnité de 300 euros

sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux

dépens,

- réformer le jugement :

* en ce qu'il estimé que la rupture du contrat était un licenciement pour faute

grave du fait de l'abandon de poste,

* en ce qu'il a fixé à un euro symbolique ce qui semble être une indemnité

pour non-respect de la procédure,

* en ce qu'il a débouté Mme [I] de sa demande d'indemnité pour remise

tardive de documents de rupture,

* en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de d'indemnité de licenciement,

En conséquence,

- condamner la société [N] au paiement des sommes suivantes :

1.200 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

1.200 euros, au titre d'une indemnité pour remise tardive des documents de rupture,

1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

La médiation proposée aux parties le 11 mai 2022, par le conseiller de la mise en état, n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

-I- Sur la rupture du contrat de travail

Au soutien de son appel, l'employeur considère que Mme [I] a démissionné dans la mesure où elle ne s'est plus présentée à son poste de travail à compter du 27 février 2018 et a trouvé dans le même temps un autre emploi. Il sollicite en conséquence le rejet des demandes présentées par la salariée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des demandes indemnitaires subséquentes. Il convient toutefois être redevable d'une indemnité compensatrice de congés payés à hauteur de la somme de 1.200 euros.

Pour sa part, Mme [I] conteste avoir démissionné soutenant que l'employeur l'a licenciée verbalement.

Les parties s'accordent sur la rupture du contrat de travail, l'employeur estimant qu' un abandon de poste vaut démission .

Or, la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de rompre le contrat de travail et à défaut, il appartient à l'employeur qui lui reproche un abandon de poste de le licencier.

En l'occurrence, il ne ressort d'aucune des pièces produites que Mme [I] a manifesté sa volonté de démissionner de son poste.

Aux termes de sa lettre à son employeur, reçue le 6 mars 2018, Mme [I] a demandé un accord écrit relatif à une dispense d'effectuer un préavis. Elle n'a pas démissionné.

En écrivant au conseil de son employeur le 26 mars 2018 dans les termes suivants : «... suite à mon licenciement verbal du 28 février 2018, M. [N] [D] m'a demandé de ne plus mettre un pied dans l'entreprise moi ainsi que mon fils... sur ce fait, je ne souhaite pas reprendre mon activité au sein de l'entreprise de M. [N] cependant je lui ai précisé notre accord téléphonique dans la lettre du 2 mars... » n'indique pas sa volonté claire et non équivoque de mettre fin à son contrat de travail mais tire la conséquence d'une rupture décidée par l'employeur .

La rupture du contrat de travail était acquise et en l'absence de démission, il appartenait à l'employeur de respecter la procédure de licenciement s'il considérait que la salariée avait abandonné son poste, tel que cela ressort du courrier qu'il a adressé adressé à Mme [I] le 2 mars 2018 lui indiquant qu'à défaut de justifier de son absence, des sanctions disciplinaires seraient prises à son encontre.

Dans la mesure où il n'est ni allégué ni justifié que l'employeur a engagé une procédure de licenciement à l'égard de Mme [I], la cour considère que la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-II-Sur les demandes pécuniaires

Mme [I] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une indemnité compensatrice des congés payés, une indemnité pour non remise des documents de rupture ainsi qu'une indemnité légale de licenciement.

- Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Mme [I] sollicite à ce titre l'allocation de la somme de 1.200 euros à raison de 22 jours 50 au taux horaire de 11 euros, ce qui n'est pas contesté par l'employeur.

Au regard des pièces versées à la procédure, il convient de faire droit à cette demande et de confirmer la décision entreprise sur ce point.

- Sur la non remise des documents de rupture

Mme [I] sollicite, outre la confirmation de la décision des premiers juges qui ont condamné l'employeur au versement d'une astreinte de 50 euros par jour de retard, la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 1 200 euros à titre de dommages et intérêts en invoquant l'absence de remise par l'employeur des documents de fin de contrat, dès lors qu'elle n'a pu justifier de la rupture de son contrat de travail avec M. [N] auprès de son nouvel employeur et qu'elle a été dans l'obligation de suspendre son activité pendant 15 jours sans pouvoir être rémunérée.

Pour s'y opposer l'employeur prétend que les documents réclamés ne peuvent être délivrés que dans le cas d'un licenciement ce qui n'était pas le cas en l'espèce, la salariée ayant démissionné. Il affirme que les dispositions de l'article D. 3141-34 du code du travail sur lesquelles se fonde la salariée au soutien de sa demande de délivrance d'un certificat pour la caisse des congés payés sont spécifiques aux employés du bâtiment et des travaux publics.

Il est établi que Mme [I] a réclamé ses documents de fin de contrat qui à ce jour, n'ont toujours pas été délivrés par l'employeur alors que la loi lui fait obligation de remettre au salarié, à l'expiration ou à la rupture du contrat de travail, un certificat de travail, un solde de tout compte ainsi que toutes les attestations et justifications permettant au salarié d'exercer ses

droits aux différentes prestations auxquelles il est en droit de prétendre, peu important l'absence d' obligation de délivrer un certificat destiné à une caisse de congés payés.

Par voie de conséquence, il sera alloué à Mme [I] la somme de 300 euros et la décision des premiers juges sera infirmée sur ce point.

Par ailleurs, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné, sous astreinte, à l'employeur de remettre à Mme [I] les documents de fin de contrat.

- Sur l'indemnité légale de licenciement

Aux termes de l'article L.1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

L'article R.1234-4 du même code dispose que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié

- Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

- Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

En conséquence, le salaire de référence à retenir pour calculer l'indemnité de licenciement correspondant au tiers de la rémunération des trois derniers mois est de

1 384,41 euros.

Compte tenu de son ancienneté de 15 mois dans l'entreprise, il convient d'allouer à Mme [I] la somme de 432,62 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement.

La décision dont appel sera infirmée.

- III-Sur les autres demandes

Partie perdante à l'instance et en son recours, l'employeur sera condamné à supporter les dépens ainsi qu'à verser à Mme [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'EIRL [N] à verser à Mme [I] la somme de 1 200 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, à lui remettre les documents de fin de contrats rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard deux mois suivant la notification de la décision et à lui verser la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que la rupture du contrat de travail liant Mme [I] à l'EIRL [N] produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'EIRL [N] à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

-432,62 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 300 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la non remise des documents de fin de contrat,

- 1 500 euros à titre complémentaire au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure d'appel,

Condamne l'EIRL [N] aux dépens de la procédure de première instance et en cause d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00355
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;20.00355 ?
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