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14/06/2023 | FRANCE | N°20/00815

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 14 juin 2023, 20/00815


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 14 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/00815 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOVD















Monsieur [Y] [X]



c/



SA LABCATAL



Maître SELARL de Bois [R] devenue SELARL [R]-Pecou, prise en la personne de Maître [I] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Informex

UNEDIC Délégation AGS- C.G.E

.A. D'ILE DE FRANCE-OUEST

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 17/01156) par le Conseil de Prud'hom...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 14 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/00815 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOVD

Monsieur [Y] [X]

c/

SA LABCATAL

Maître SELARL de Bois [R] devenue SELARL [R]-Pecou, prise en la personne de Maître [I] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Informex

UNEDIC Délégation AGS- C.G.E.A. D'ILE DE FRANCE-OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 janvier 2020 (R.G. n°F 17/01156) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 13 février 2020,

APPELANT :

Monsieur [Y] [X]

né le 29 Septembre 1965 à [Localité 5] de nationalité Française demeurant [Adresse 2]

remplacé par Me Anne-geneviève HAKIM de la SELARL AGH AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

SA Labcatal, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 542 021 233

représentée par Me Jérôme DELAS de la SELARL ATELIER AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me François-xavier PENIN, avocat au barreau de PARIS

Maître SELARL de Bois [R] devenue SELARL [R]-Pecou, prise en la personne de Maître [I] [R], ès qualités de mandataire liquidateur de la SA Informex domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représenté par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX, assisté de Me Isabelle ROY-MAHIEU de la SCP SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, avocat au barreau de PARIS

UNEDIC Délégation AGS-CGEA d'Ile de France Ouest, prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]

représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

La société Labcatal, créée en 1954, exerce l'activité de laboratoire pharmaceutique fabricant tous produits et spécialités pharmaceutiques. Elle est placée sous le contrôle de son autorité de tutelle, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM).

La société Informex, dont l'objet social est la diffusion médicale et la promotion de produits pharmaceutiques auprès de professionnels de santé, a été inscrite au registre du commerce et des sociétés le 24 février 1976.

Par contrat en date du 1er octobre 1976, modifié à deux reprises les 1er octobre 2002 et 2 janvier 2008, la société Labcatal a confié à la société Informex, l'exclusivité de la promotion et de la présentation au corps médical de certaines de ses spécialités.

Un contrat d'assistance en matière d'encadrement, de fonctionnement administratif, de gestion administrative, comptable et paie a également été conclu entre les deux sociétés.

Monsieur [Y] [X], né en 1965, a été engagé en qualité de visiteur médical par la société Informex ensuite d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 mai 1989.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

En raison de divers événements, la société Labcatal a été contrainte d'interrompre sa production générant des ruptures de stocks ensuite desquelles elle a sollicité, le 23 mars 2016, la suspension provisoire de l'exécution du contrat de prestation de services la liant à la société Informex avant de l'informer, le 5 septembre 2016, de sa résiliation.

Après avoir recouru au chômage partiel autorisé jusqu'en novembre 2016, la société Informex, a envisagé le licenciement de l'ensemble des salariés.

Consultés les 19 et 28 octobre 2016 sur le projet de licenciement pour motif économique des trente neuf salariés, les délégués du personnel ont émis un avis défavorable.

Le 31 octobre 2016, la société Informex a informé M. [X] de sa volonté de rompre son contrat de travail pour motif économique et un contrat de sécurisation professionnelle lui a été remis auquel il a adhéré de sorte que son contrat de travail a pris fin le 25 novembre 2016.

A la date de la fin du contrat, M. [X] avait une ancienneté de plus de 27 ans et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par jugement du 30 août 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Informex. Il a fixé la cessation des paiements de la société au 20 juillet 2017. La SELARL De Bois-[R], prise en la personne de Maître [I] [R], a été nommée en qualité de mandataire liquidateur de la société Informex.

Réclamant que soit constatée la qualité de co-employeur des sociétés Informex et Labcatal, outre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, violation des règles relatives à l'ordre des licenciements et pour exécution déloyale du contrat de travail et sollicitant l'opposabilité au CGEA d'Ile de France Ouest du jugement à intervenir, M.[X] a saisi le 20 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement de départage rendu le 14 janvier 2020, a :

- a débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Labcatal de sa demande reconventionnelle au titre des frais irrépétibles,

- condamné M.[X] aux dépens.

Par déclaration du 13 février 2020, M. [X] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 mars 2023, M. [X] demande à la cour de :

- juger son appel recevable et bien fondé,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la décision opposable au CGEA d'Ile de France-Ouest et rejeté les demandes reconventionnelles de la société Labcatal,

Pour le surplus,

- infirmer le jugement de départage entrepris en ce qu'il a :

* débouté M.[X] de sa demande de reconnaissance d'une situation de co-emploi, de ses demandes de condamnation solidaire à l'encontre de la société Labcatal et de condamnation au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail,

* jugé que le caractère réel et sérieux du motif économique était démontré,

* jugé que l'obligation de reclassement et de fixation des critères d'ordre des licenciements avait été respectée,

Et statuant à nouveau sur ces points,

- juger qu'il y a bien une situation de co-emploi entre les sociétés Informex et Labcatal,

- juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse faute de preuve

du motif économique apprécié dans les sociétés Informex et Labcatal et faute de

recherches sérieuses et actives de reclassement par les deux sociétés,

- en conséquence, au titre de la solidarité, condamner la société Labcatal au paiement d'une indemnité de 95.000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec sur ce même fondement fixation de la créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Informex, prise en la personne de son liquidateur, à la somme de 95 000 euros,

- Subsidiairement, fixer sa créance contre la société Informex, dans le cadre de la liquidation judiciaire, à la somme de 95.000 euros en raison du licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [X]

- juger que les règles relatives à l'ordre des licenciements n'ont pas été respectées,

-en conséquence, au titre de la solidarité, condamner la société Labcatal au paiement de la somme de 95.000 euros à ce titre, avec fixation de la créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Informex, prise en la personne de son liquidateur, à hauteur de 95.000 euros,

- condamner la société Labcatal au paiement de la somme de 10.000 euros et fixer la créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société INFORMEX, prise en la personne de son liquidateur, à hauteur de 10.000 euros, en réparation de leur exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner la société Labcatal à la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Subsidiairement,

- débouter les intimés et le CGEA de leurs demandes au titre des frais irrépétibles, compte tenu de la situation respective des parties et de l'équité.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 septembre 2022, la SELARL [R] Pécou en qualité de liquidateur judiciaire de la société Informex demande à la cour de :

- recevoir Maître [I] [R] dans l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ces dispositions,

- débouter M.[X] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- réduire les demandes de M.[X] à de plus justes proportions,

- le débouter de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de préavis,

- rendre l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS-CGEA,

- condamner M.[X] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 mars 2023, la société Labcatal demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- déclarer M. [X] irrecevable,

- dire M. [X] mal fondé en toutes ses demandes,

En conséquence,

- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [X] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 novembre 2020, l'association CGEA d'Ile de France Ouest demande à la cour de :

- déclarer irrecevable l'action de M.[X] tendant à la condamnation des intimés,

- confirmer le jugement dont appel,

- dire que M.[X] a été licencié pour une cause économique et pour impossibilité de reclassement au sein du groupe,

- dire qu'il n'y avait pas lieu à mise en 'uvre de critères d'ordre de licenciement, eu égard à la suppression de l'ensemble des postes induite par la cessation d'activité,

- débouter M.[X] en sa demande tendant à la reconnaissance d'une situation de co-emploi,

- débouter en conséquence M.[X] de l'ensemble de ses demandes

indemnitaires au titre de la rupture de son contrat.

A titre infiniment subsidiaire,

- faire droit à ses contestations subsidiaires,

- dire que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'indemnité pour une prétendue violation des critères d'ordre ne se cumulent pas,

- fixer la créance de M.[X] au passif de la société Informex, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la somme de 17.000 euros, au visa de l'article L.1235-3 du code du travail,

- débouter M.[X] du surplus de ses demandes,

Sur la garantie de l'A.G.S,

- dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'A.G.S. que dans la limite légale de

sa garantie, laquelle est plafonnée à six fois le plafond des contributions de l'assurance chômage en vigueur en 2016, au moment de la rupture du contrat et exclut l'astreinte et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre infiniment subsidiaire, en cas de co-emploi,

- dire que l'arrêt à intervenir ne sera opposable à l'A.G.S., que dans la limite légale de sa

garantie, à l'exclusion de l'avance des sommes qui incombent à la société Labcatal en qualité de coobligée et de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, au soutien de la recevabilité de ses conclusions. M. [X] entend se prévaloir des dispositions de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette période.

En l'espèce, la recevabilité de ses écritures n'est ni contestée ni contestable de sorte qu'il sera fait droit à sa demande.

Pour solliciter des indemnités au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail, M. [X] argue d'une situation de co-emploi des sociétés Labcatal et Informex.

-I- Sur la situation de co-emploi

M. [X] soutient que la société Labcatal était également son employeur en raison des conditions de travail qui lui étaient imposées et de la relation unissant les sociétés Informex et Labcatal, leur lien allant au-delà de la seule application de la charte, du référentiel et de la convention d'assistance. Il soutient que, contrairement aux stipulations de la charte de la visite médicale, la société Informex a été dépossédée de ses pouvoirs de direction économique et de gestion, retenant la décision du tribunal administratif de Cergy Pontoise rendue en ce sens le 26 novembre 2019. Il prétend que la convention d'assistance limite en nombre et temps de travail ainsi qu'en durée, les salariés détachés et prévoit des prestations accessoires, certaines à titre temporaire et transitoire, alors que la société Labcatal gérait en réalité l'intégralité des ressources humaines, financières et administratives de la société prestataire, dépourvue de ces services. Il fait état d'une confusion entre les deux sociétés qu'il tire d'une part, d'un document de la direction de ventes de la société Labcatal qui regroupe des notices mélangeant les questions salariales avec le contrôle de l'application de la Charte et d'autre part, d'un document sur lequel figure l'identité d'un salarié de la société Informex avec une adresse mail Labcatal portant sur les RTT des salariés Informex, les visiteurs médicaux étant qualifiés de « salariés du siège ». Il ajoute que s'agissant des salariés mis à disposition, la société Labcatal n'aurait jamais justifié de la rémunération perçue dans le cadre de la convention d'assistance qui s'est arrêtée en 2016 et que les explications des intimés confirment l'existence d'une situation de co-emploi. Selon le salarié, la somme mensuelle de 7100 euros versée par la société Labcatal à la société Informex au titre du contrat de promotion n'était pas perçue par secteur géographique contrairement aux stipulations contractuelles mais par visiteur médical conformément à l'article 8 du contrat, couvrant ainsi la charge salariale correspondante de sorte que par ce biais les salariés d'Informex étaient rémunérés par Labcatal. Il souligne l'identité des organes de direction, la confusion dans l'identification des deux sociétés et du personnel en faisant état de la carte de visite des visiteurs médicaux au nom de la société Labcatal, d'une boite postale identique à celle de la société Labcatal, des adresses mails identiques, des locaux interchangeables ainsi que d'un téléphone et d' un fax identiques à Labcatal avant la convention d'assistance en 2007. Il fait valoir la dépendance économique et la soumission d'Informex aux choix stratégiques de son unique client ainsi que l'immixtion de Labcatal dans l'exécution de son contrat de travail notamment au regard de l'octroi des primes dont l'attribution était décidée par cette dernière. Il explique avoir été dans l'obligation de rendre régulièrement des comptes à Labcatal. Il met également en avant, l'omniprésence de la hiérarchie de la société Labcatal qui s'adressait directement aux salariés d'Informex, la diffusion à la société Labcatal des comptes rendus des réunions des délégués du personnel d'Informex pour validation, la validation du remboursement de ses frais par la société Labcatal, le versement par cette dernière d'une avance au titre des frais lors de l'embauche de chaque salarié d'Informex et l'acquisition du matériel informatique et téléphonique ensuite de contrats signés par le directeur administratif et financier de Labcatal dont il n'était pas justifié de la mise à disposition.

Pour s'opposer à la demande du salarié, le mandataire liquidateur de la société Informex , fait valoir que les critères jurisprudentiels en la matière selon lesquels il ne peut y avoir de co-emploi entre deux sociétés en l'absence de groupe, en l'absence d'une immixtion anormale permanente d'une société au détriment d'une autre et en l'absence d'une perte totale d'autonomie résultant de l'immixtion permanente de la société dominante, ce qui était le cas en l'espèce. Il conteste la pertinence du jugement administratif dont il a été relevé appel . Il se prévaut des réglementations en vigueur faisant obligation aux entreprises pharmaceutiques de se doter d'un service chargé de la publicité placé sous le contrôle d'un pharmacien responsable ainsi que d'assurer la formation des délégués médicaux. Il ajoute que la Haute Autorité de Santé a publié en 2009 un référentiel de certification qui permet de comprendre les interférences de la réglementation de la promotion médicale avec l'activité du visiteur médical et impose un certain nombre d'exigences aux entreprises exploitantes ainsi qu'aux prestataires qu'il qualifie « d'interventionnisme légitime et réglementaire » auquel s'ajoutent des conventions de prestations de services et d'assistance conclues entre les deux sociétés -qui s'imposent à elles- mettant en commun des moyens humains afin d'assurer le support technique et l'encadrement du réseau des visiteurs médicaux sans toutefois enlever le pouvoir de direction à la société Informex qui a conservé son autonomie décisionnelle, chacune des entités ayant ses institutions représentatives du personnel, son pouvoir de licencier et la gestion de son personnel.

De son côté, la société Labcatal précise qu'il existe deux types de co-emploi : celui reconnu au sein d'un groupe en cas d'immixtion de la société mère sur sa filiale, ce qui ne pouvait être le cas en l'espèce en l'absence de liens capitalistiques entre les deux sociétés en cause et en l'absence de confusion d'intérêts, d'activité et de direction au sein du groupe et le co-emploi lorsqu'il existe un lien de subordination entre le salarié et l'entreprise contre laquelle l'action est dirigée. Elle considère la décision rendue le 26 novembre 2019 par le tribunal adminstratif de Cergy-Pontoise dépourvue de l'autorité de la chose jugée. Elle nie tout lien de subordination affirmant que la société Informex exerçait ses attributions d'employeur à l'égard du salarié au regard notamment des courriels adressés par Mme [P], supérieure hiérarchique de M. [X]. Elle rappelle qu'il n'appartient pas au juge d'examiner l'opportunité du choix de l'employeur dans sa décision sauf à vouloir s'immiscer dans le pouvoir de gestion des entreprises. Selon elle, les entretiens d'évaluation, sans vocation disciplinaire, ont été menés par Mme [W], mise à disposition par la société Labcatal dans le cadre de la convention d'assistance signée par les deux sociétés afin d'assurer une qualité optimale nécessaire à l'obtention pour les deux entités des certifications. Elle soutient que si des directives ont été données, c'était dans le cadre des orientations stratégiques de la societé Labcatal, conformément aux dispositions réglementaires qui confirment un pouvoir d'immixtion de l'entreprise pharmaceutique exploitante s'agissant de la promotion médicale de ses produits. Elle assure que les opérations de contrôle dénoncées par le salarié relevaient du même respect des exigences réglementaires, notamment du référentiel de certification de la visite médicale mais également du cadre contractuel de la convention d'assistance. S'agissant de la gestion du personnel, elle s'inscrivait également dans le cadre de la convention d'assistance et le personnel administratif de la société Informex était impliqué dans le contrôle des frais des délégués médicaux et le suivi de leur activité. Elle fait valoir que s'agissant des échanges, notamment avec le directeur des ventes, les deux sociétés devaient communiquer sur les ventes conformément au contrat de prestations, sans que le directeur des ventes ne dispose d'un quelconque pouvoir d'employeur sur les salariés d'Informex, se contentant d'assurer le relais dans le cadre des textes susvisés. Elle tire de l'organisation pratique du travail des visiteurs médicaux, l'absence de lien de subordination avec Labcatal en précisant que la société Informex procédait à ses propres recrutements et ruptures de contrats, gérait ses rémunérations et tenait des réunions de délégués du personnel.

Pour sa part, l'AGS fait valoir l'absence de démonstration par le salarié d'une situation de co-emploi au regard des critères jurisprudentiels. Si les deux sociétés avaient certains actionnaires en commun en revanche elles n'étaient pas filialisées et avaient des activités distinctes soumises au contrôle d'organismes de tutelle distincts. L'activité de promotion médicale de la société Informex s'inscrivait dans le cadre du contrat de promotion conclu le 1er octobre 2002 en contrepartie duquel des redevances lui étaient versées. Aux termes d'une convention d'assistance, les deux sociétés ayant une communauté d'intérêts d'activité et de direction, avaient organisé la mise à disposition du personnel de Labcatal moyennant une rémunération, de sorte qu'aucune confusion d'intérêts, d'activité et de direction ne peut être retenue, chacune conservant son autonomie juridique. S'agissant du lien de subordination, l'AGS expose que dans le cadre de la convention d'assistance, les salariés de Labcatal mis à disposition agissaient en qualité de délégataires ce qui confirmait l'autonomie juridique des deux entités. L'absence d'autorité de la chose jugée était relevée s'agissant de la décision rendue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise dont l'appréciation n'était pas conforme à l'état de la jurisprudence de la Cour de cassation.

* * *

Il est établi au dernier état de la jurisprudence que le co-emploi peut résulter soit d'un lien de subordination relevé entre un salarié et deux sociétés sans que celles-ci n'appartiennent à un groupe, soit de l'existence d'un groupe au sein duquel une société sera considérée comme un co-employeur à l'égard du personnel employé par une autre, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

En outre, sans constituer un groupe, certaines sociétés qui ont été constituées en entités juridiquement distinctes pour des raisons liées à la réglementation de leurs activités, font preuve de confusion d'intérêts, de gestion et de fonctionnement identiques à celles qui peuvent exister dans les groupes.

Sur l'existence d'un groupe ou d'une situation de confusion d'intérêts, d'activité et de direction

Une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de co-employeur que s'il existe une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

De la même façon des sociétés qui forment des entités distinctes, faisant preuve de confusion d'intérêts de gestion et de fonctionnement, peuvent apparaître comme co-employeurs.

En l'espèce, il résulte des pièces produites par les parties que la société Informex, exerçant l'activité réglementée de promotion médicale par le biais de ses visiteurs médicaux et la société Labcatal exerçant l'activité réglementée de fabrication de produits pharmaceutiques, ont eu une communauté d'intérêts économiques dans la mesure où leurs activités étaient complémentaires.

Elles ont conclu un contrat de prestation de service en 1976 modifié par des avenants, selon lesquels la société Informex s'est engagée à assurer la promotion des produits fabriqués par la société Labcatal en lui faisant bénéficier de son expérience et de ses techniques en matière de marketing et de promotion des vente. En contrepartie, il lui était reversée une redevance tenant compte du chiffre des ventes des produits présentés par les visiteurs médicaux et de l'effectif des visiteurs médicaux ayant assuré la prestation mensuelle,

Elles ont également conclu le 2 janvier 2007 une convention d'assistance en matière d'encadrement de fonctionnement administratif, de gestion administrative et comptable et de paie, suivie d'avenants aux termes desquelles la société Informex a souhaité pouvoir bénéficier de ces compétences que la société Labcatal a accepté de mettre à sa disposition par le biais du personnel pour le management du réseau des visiteurs médicaux, des prestations en matière de fonctionnement administratif, de gestion de paie, de tenue de comptabilité, d'assistance en matière financière, étant précisé que ces missions consistaient essentiellement en des conseils, avis et recommandations, Informex prenant sous sa responsabilité, les décisions et mesures nécessaires à l'objectif poursuivi. Il en résulte que chacune conservait son indépendance.

Par ailleurs, même si le président directeur général de la société Informex était aussi directeur général de Labcatal et que les deux sociétés avaient des associés et des intérêts communs, il n'en demeure pas moins qu'elles n'étaient pas filialisées, étaient soumises au contrôle, pour l'une, de l'ANSM et pour l'autre, du Ministère de la santé délivrant un certificat d'agrément, et demeuraient indépendantes l'une de l'autre de sorte qu'elle ne pouvaient constituer un groupe au sens des articles L. 2331-1 et suivants du code du travail.

En outre, les sociétés Informex et Labcatal sont distinctes l'une de l'autre en termes de consolidation de comptes, aucun lien capitalistique n'existant entre elles.

Enfin, contrairement à ce que soutient M. [X], il est admis que l'identité de dirigeants, l'existence d'une même adresse et de liens économiques très étroits sont des éléments insuffisants à caractériser une situation de co-emploi.

Par voie de conséquence, en l'absence de groupe et de la démonstration par M. [X], de l'existence d'une situation de confusion d'intérêts, d'activité et de direction enter la société Labcatal et la société Informex, il y a lieu de rechercher un éventuel co-emploi en raison de l'existence d'un lien de subordination entre le salarié et la société Labcatal.

sur le lien de subordination

Le lien de subordination, inhérent à tout contrat de travail, se manifeste par l'exécution du travail sous l'autorité de l'employeur qui peut donner des directives et des ordres, contrôler l'exécution du travail et sanctionner les manquements du subordonné.

Au soutien de son affirmation, le salarié met en avant :

- l'identité totale des organes de direction, la confusion dans l'identification des deux sociétés et du personnel, les salariés d'informex ayant des cartes de visite au nom de Labcatal et des adresses mail au nom de cette même société, le contrôle de son activité, de ses obligations professionnelles, du paiement de ses frais, notamment par Mme [W], salariée de labcatal,

- les instructions relatives à l'organisation du travail données par la société Labcatal,

- un courriel en date du 26 avril 2016 émanant de M. [S], directeur des ventes chez labcatal, faisant suite à une réunion des délégués du personnel pour la mise en place d'un plan d'activité partielle à compter du 17 mai 2016,

- les comptes-rendus des réunions des délégués du personnel qui sont adressés pour validation à Labcatal ainsi qu'à certains de ses salariés,

- la pièce 29 de la société Labcatal constituée d'un document précisant que la société Informex est « dépouillée d'autonomie managériale »,

- la hiérarchie de Labcatal qui s'adresse directement aux salariés d'Informex,

- l'octroi des primes (pièce 14) qui ne s'inscrit pas dans le contrôle par la société Labcatal du respect de la charte et de la certification, le document d'information relatif à ces primes étant à l'entête des deux sociétés,

- la liste de diffusion des contacts pour la visite médicale comportant l'adresse mail de Labcatal,

- les périodes de congés, les arrêts maladie qui doivent être transmis par le visiteur médical à Labcatal.

Toutefois, pour justifier de ses interventions ou par l'intermédiaire de ses salariés, la société Labcatal, à laquelle s'associe le mandataire liquidateur, s'appuie sur la réglementation applicable lui faisant interdiction de procéder elle-même à la promotion de ses médicaments et la contraignant à des opérations de contrôle et de formation au bénéfice de la société prestataire assurant cette promotion pour son compte. Outre le code de la santé publique, elle invoque :

- la Charte de la visite médicale signée en 2004 édictée par le syndicat des entreprises du médicament, révisée en 2014 pour devenir la charte de l'information par démarchage ou prospection visant à la promotion des médicaments, qui reprend les bonnes pratiques du démarchage et de la prospection en matière de promotion du médicament et lui faisant obligation de contrôler l'activité du visiteur médical par son pharmacien responsable, en charge de la qualité scientifique et économique des supports utilisés, en s'assurant que le visiteur médical est correctement formé et que sont élaborées et appliquées au sein de l'entreprise prestataire, les procédures relatives à l'information. La mise en oeuvre de la formation initiale et de la formation continue des visiteurs médicaux et leur évaluation annuelle relève cependant du pouvoir de la société Informex,

- le référentiel qui prévoit d'une part, les procédures d'encadrement de la visite médicale et des délégués médicaux et d'autre part que l'entreprise prestataire s'assure des connaissances et des compétences de ses délégués médicaux, ce qui permet les vérifications nécessaires par l'entreprise pharmaceutique, tandis que la société prestataire s'assure que ses délégués médicaux disposent des moyens et informations nécessaires à la réalisation de leur mission.

Elle fait également état du contrat de prestation de services ainsi que de la convention d'assistance évoquée supra selon laquelle la société Labcatal déléguait ses salariés auprès d'Informex en précisant que les missions confiées à Labcatal consistaient essentiellement en du conseil, avis et recommandations et qu'il appartenait à Informex de prendre, sous sa responsabilité, les décisions ou mesures nécessaires à l'objectif poursuivi.

Par ailleurs, il résulte des pièces versées à la procédure par les parties, que:

- les parties au contrat de travail sont le salarié et la société Informex ( pièce 1 du salarié),

- chacune des sociétés avait son propre organigramme et ses instances représentatives du personnel,

-l'utilisation par les visiteurs médicaux d'une carte de visite au nom du laboratoire Labcatal est conforme à la déontologie, qui impose que soit clairement identifiée l'entreprise pharmaceutique qu'ils représentent, ainsi que le titulaire de l'autorisation de mise sur le marché de la spécialité présentée,

- la société Informex exerçait un pouvoir de direction, par le biais de ses propres salariés, ou avec le concours de salariés Labcatal mis à disposition dans le cadre de la convention d'assistance signée entre les deux sociétés, évoquée supra, et la teneur du courriel du 26 avril 2016 de M. [S], directeur des ventes de la société Labcatal, produit par le salarié (pièce 10) s 'inscrit dans le cadre du contrat de prestation et de la charte en ce qu'il constitue un plan d'action à mettre en oeuvre « en lieu et place des campagnes de promotions actuelles »,

- les évaluations des salariés menées par Mme [W], salariée de Labcatal, répondaient aux exigences la convention de mise à disposition des salariés de Labcatal au profit de la société prestataire avant 2016 et après janvier 2016, c'est Mme [P] devenue responsable régionale des visiteurs médicaux, salariée de la société d'Informex qui réalisait ces entretiens, ce qui démontre que cette dernière société avait seule la maîtrise de son organisation,

- Mme [P], directrice régionale d'Informex, organisait des conférences téléphoniques avec les visiteurs médicaux et contrôlait que les pratiques des visiteurs médicaux étaient conformes à la réglementation et aux directives,

- le book administratif produit par le salarié sur lequel apparait l'identité de salariés de Labcatal, n'est rien d'autre qu'un recueil des pratiques à mettre en oeuvre par le salarié s'agissant notamment de ses démarches administratives et des documentations utiles à l'exercice de sa mission, s'inscrivant dans le cadre de la convention de délégation du personnel de Labcatal au profit d'Informex et du contrat de prestation de services signé entre elles,

- contrairement à ce qu'affirme le salarié, il ressort des pièces versées par la société Labcatal (20 à 20-6) que M. [A], PDG d'Informex validait les primes octroyées aux salariés et sur ce point M. [X] produit la pièce 14, constituée d'un relevé de situation établi par M. [C], salarié de Labcatal détaché dans le cadre de la convention d'assistance, qui est insuffisante au soutien de son affirmation,

-les deux sociétés ont conclu un contrat de prestation de service en contrepartie duquel il était reversé à la société Informex une redevance tenant compte du chiffre des ventes des produits présentés par les visiteurs médicaux et de l'effectif des visiteurs médicaux ayant assuré la prestation mensuelle afin de s'adapter aux coûts engendrés par l'exécution de la mission ce qui contredit l'affirmation du salarié- qui ne s'appuie sur aucun élément probant- selon lequel, la société Labcatal rémunérait directement les salariés de la société Informex. En effet, il ressort de ce document ainsi que des pièces comptables versées à la procédure (pièce 104 et 105 de la société Labcatal relatives aux salaires et charges sociales) que le montant fixe était versé par secteur géographique couvert et non par délégué médical car aucun n'était rétribué de la même façon,

- la pièce 29 de la société Labcatal est un exemplaire de la procédure des relations entre la société donneuse d'ordre et la société prestataire en date du 7 mai 2014 qui définit les « modalités de fonctionnement nécessaires au respect des exigences de la certification exprimées dans le référentiel de certification de juillet 2009 » et qui prévoit une délégation contrôlée aux organes managériaux de Labcatal du « soin d'organiser la visite médicale des délégués médicaux d'Informex » ce qui ne saurait constituer la preuve d'une hiérarchie unique ainsi que le soutient le salarié,

- aucune pièce ne permet de démontrer que la société Labcatal a exercé son pouvoir de sanction à l'encontre d'un salarié de la société prestataire.

Par voie de conséquence, ces éléments ne permettant pas de caractériser l'existence d'un lien de subordination entre la société Labcatal et M. [X], ce dernier sera débouté de sa demande à ce titre. La décision dont appel sera confirmée.

-II - Sur l'exécution du contrat de travail

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Pour solliciter l'allocation d'une somme de 10 000 euros à ce titre, M. [X] soutient subir un préjudice moral consécutif au refus par la société Labcatal de reconnaître les conséquences de sa qualité de co-employeur sans toutefois verser d'élément probant au soutien de la démonstration du préjudice invoqué.

Pour s'opposer à cette demande, tant le liquidateur que l'AGS relèvent la défaillance du salarié dans la démonstration des préjudices invoqués et d'un quelconque comportement fautif de l'employeur.

* * *

Aux termes des dispositions des articles L. 1222-1 du code du travail le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

* * *

En l'espèce, la situation de co-emploi n'ayant pas été retenue, la demande de M. [X] sur ce fondement doit être rejetée et la décision dont appel, confirmée de ce chef.

-III- Sur la rupture du contrat de travail

- Sur les motifs économiques du licenciement

M. [X] considère que les difficultés économiques à l'origine de son licenciement ne sont pas justifiées en ce que les difficultés subies par Informex résultaient de celles subies par Labcatal qui a enregistré une baisse de son chiffre d'affaires mais insuffisamment significatif pour conduire à une telle mesure. Il fait état d'un manquement de l'employeur et d'un faute de gestion de ce dernier. Selon lui, la société Labcatal, son co-employeur ne justifie pas de la nécessité d'un arrêt de production en 2016 sur les produits concernés alors qu'elle a continué sa production de produits non visés par l'injonction de l'ANSM, les sites de production étant restés ouverts. Il expose que l'affirmation de la société Labcatal selon laquelle elle aurait été privée de chiffre d'affaires pendant plus de 6 mois est mensongère. Il ajoute qu'il n'est pas justifié que la société Informex a recherché de nouveaux contrats.

Le liquidateur de la société Informex soutient que le salarié ne peut remettre en cause la cessation totale d'activité de l'employeur et que les causes de cette cessation sont sans effet sur la réalité de la situation. La société Informex a cessé toute activité au 1er décembre 2016 après avoir attendu 6 mois que son client exclusif retrouve le droit de mettre sur le marché ses productions. Dès le 19 octobre 2016, la société Informex n'avait plus d'activité. Il considère que la cessation totale et définitive d'activité suivie d'une liquidation judiciaire donne au motif économique un caractère irréfragable, hors fraude ou légèreté blâmable démontrée, rien de tel n'étant établi en l'espèce. Il ajoute que le salarié, qui a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, ne justifie pas du préjudice financier invoqué.

La société Labcatal répond que M. [X] conteste le motif économique de son licenciement sans toutefois pouvoir sérieusement remettre en cause la cessation totale d'activité de son employeur, la société Informex le 1 er décembre 2016 consécutive à de l'absence de production pendant 7 mois, à l'interruption de la commercialisation consécutive et à l'absence d'autres clients.

De son côté, l'AGS affirme que lorsque le salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle la rupture intervient de plein droit à l'expiration du délai de réflexion. Le motif exposé est vérifiable, la cessation d'activité, et suffit à fonder la cause économique de la rupture sans qu'aucune faute ou légèreté blâmable de la société Informex ne puisse être retenue.

* * *

Aux termes de l' article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Le motif économique est ainsi libellé dans la lettre du 31 octobre 2016:

« En raison de difficultés économiques graves, la société INFORMEX est contrainte de cesser complètement et définitivement son activité sans qu'il ne soit possible de vous reclasser à ce jour.

En effet, la société INFORMEX est une société anonyme dont l'activité règlementée est la fourniture de prestations de promotion médicale de spécialités pharmaceutiques auprès des professionnels de la santé (médecins et pharmaciens).

Le contexte de l'activité de la visite médicale est spécifique : il s'agit d'une activité règlementée, dans le secteur de la santé publique ou l'exclusivité a toute son importance.

Dans ce cadre, la société INFORMEX, qui est l'employeur de 33 délégués médicaux, dont vous faites partie, répartis sur le territoire national métropolitain, de 2 responsables régionaux, managers des délégués médicaux sur le terrain et de 3 employés administratifs chargés du suivi de l'activité des délégués sur le terrain, fournit ses prestations de promotion médicale à la société LABCATAL, son client unique depuis les années 1970.

La SA LABCATAL rencontre, depuis le 2ème trimestre 2016, de graves difficultés dans son activité qui l'ont contrainte à une suspension totale de sa production et par voie de conséquence de sa commercialisation.

Privée de chiffres d'affaires depuis plus de 6 mois, elle est dans l'obligation économique de réduire drastiquement ses charges, dont celles liées à la promotion médicale, si elle veut revenir sur le marché quand elle sera en mesure de reprendre sa production.

C'est ainsi qu'elle a d'abord suspendu le 23 mars 2016 pour une durée de 6 mois le contrat commercial qui la liait à son prestataire INFORMEX.

Elle a ensuite été contrainte de le rompre quand elle a constaté que sa situation ne se restaurait pas conformément à ses prévisions et s'aggravait.

Pour faire face aux difficultés économiques engendrées par la situation qu'elle considérait comme graves mais temporaires, et sauvegarder son activité et ses emplois sur le long terme, la SA INFORMEX a d'abord fait appel au dispositif d'activité partielle qui lui a été accordé par la DIRECCTE, le 13 mai 2016, pour une durée maximale de 6 mois.

Cette solution alternative et temporaire s'est toutefois révélée insuffisante, puisque la SA LABCATAL, elle-même en situation de difficultés économiques persistantes, du fait de la non reprise à ce jour et pour une durée indéterminée, de ses activités industrielles et commerciales, n'a plus les moyens de recourir à la promotion médicale pour promouvoir ses spécialités auprès des professionnels de santé.

Le contexte économique difficile que traverse actuellement l'industrie pharmaceutique et plus particulièrement l'activité de promotion médicale, malmenée par les instances de la santé, explique que les recherches de clientèle nouvelles entreprises par la SA INFORMEX aient échouée et que ses actions de reclassement professionnel n'aboutissent pas.

Privée de ressources, la SA INFORMEX se voit contrainte d'envisager le licenciement économique de l'ensemble de son personnel du fait de la cessation complète et définitive de son activité... » .

Il en résulte que la cause économique est la cessation de l'activité de la société Informex, effective au 1er décembre 2016.

Il est constant que la cessation d'activité est une cause économique autonome, les causes de cette cessation étant sans effet, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur.

Les simples erreurs de prévision ou de gestion ne peuvent caractériser la légèreté blâmable, de sorte que le choix de gestion de n'avoir eu qu'un seul client, ne saurait être critiqué, Informex justifiant avoir recherché postérieurement à l'incident à l'origine de l'arrêt de la production par la société Labcatal, de nouveaux clients. Il ne peut lui être reproché de ne pas avoir attendu plus longtemps une reprise de la production par Labcatal, qui dépendait de l'ANSM dans la mesure où elle a eu recours à une mesure de chômage technique mais a été contrainte en raison de la résiliation par la société Labcatal de la convention de prestation qui les liait, de cesser son activité afin de préserver les droits des salariés au regard notamment de l'effondrement de sa situation financière, le chiffre d'affaire étant intégralement absorbé par la masse salariale, et de l'absence d'autres clients.

Ainsi que les premiers juges l'ont retenu, le moyen tiré de la persistance de la fabrication d'autres produits par le laboratoire pharmaceutique est inopérant en raison de la cessation de toute relation économique entre les deux entités.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, aucune faute ou légèreté blâmable ne peut être retenue à l'encontre de la société Informex, seul employeur de M. [X], de sorte que la cause économique du licenciement est acquise.

Par voie de conséquence la demande de M. [X] à ce titre sera rejetée sans qu'il soit besoin d'examiner ses moyens relatifs à la société Labcatal, la situation de co-emploi à son égard ayant été écartée. La décision de première instance sera confirmée.

- Sur la recherche de reclassement

Le salarié fait grief à la société Informex de ne pas avoir procédé à une recherche sérieuse et loyale de reclassement exposant que les courriers produits à cette fins sont de pure forme. Selon lui, l'employeur ne démontre pas avoir informé le syndicat national de l'industrie pharmaceutique et la commission paritaire nationale contrevenant ainsi aux dispositions de de l'article 32 de la convention collective.

Le mandataire liquidateur réplique que l'employeur a procédé à des recherches de reclassement externes en vain ce que confirme tant le rapport de l'inspection du travail du 11 mai 2017 que la société Labcatal contactée à cette fin.

L'AGS affirme que l'employeur justifie des recherches de reclassement entreprises et souligne la nature facultative de l'information de la commission partiaire visée à l'article 32 de la convention collective dont l'irrespect n'emporte aucune conséquence sur la validité des licenciements.

* * *

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa version applicable à l'espèce, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure mais avec l'accord exprès du salarié.

Les offres de reclassement proposées sont écrites et précises.

Le licenciement économique d'un salarié ne peut donc intervenir que si le reclassement dans l'entreprise est impossible et il appartient à l'employeur de justifier de toutes les possibilités de reclassement existantes ou qu'un reclassement était impossible. A défaut le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit au profit du salarié au paiement de dommages et intérêts.

Les premiers juges ont relevé à juste titre que la cessation d'activité de la société Informex rendait tout reclassement interne impossible.

Par ailleurs, il ne saurait être reproché l'absence de reclassement de M. [X] dans une société du groupe à l'employeur dans la mesure où il a été retenu que ce dernier ne faisait pas partie d'un groupe.

En outre, il est établi à l'examen des pièces de la procédure, que la société Informex a sollicité le 28 septembre 2016 la société Labcatal pour connaître les possibilités de reclassement de ses salariés au sein de ses services qui ne disposaient que de trois postes de pharmaciens, ce qui rendait le reclassement impossible.

Il est également justifié de la saisine le 20 septembre 2016 à cette fin de la société Propharma, qui recrute et met à disposition des délégués médicaux.

La société Informex a dès lors procédé sérieusement et loyalement à des recherches de reclassement de M. [X].

S'agissant du défaut d'information du syndicat national de l'industrie pharmaceutique et de la commission paritaire nationale en application de l'article 32 de la convention collective, ainsi que le souligne l'AGS, la Cour de Cassation ne sanctionne le défaut de saisine de la commission paritaire qui si la convention collective prévoit une recherche étendue et notamment externe.

En l'espèce, l'article 32 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique prévoit que les entreprise qui envisagent des licenciements pour motif économique d'au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours doivent appliquer les dispositions de l'accord collectif du 1er décembre 1987, annexé à la convention collective et informer la commission paritaire nationale de l'emploi des industries de santé en application de l'accord collectif du 20 avril 2006.

L'accord du 20 avril 2006 en son article 2 n'attribuant pas à la commission paritaire une mission en matière de reclassement externe des salariés licenciés pour un motif économique, aucune saisine préalable de la commission avant toute mesure de licenciement économique n'est donc obligatoire.

De la même façon, il ne peut être tiré aucune conséquence du défaut d'information du syndicat national de l'industrie pharmaceutique, l'article 32 de la convention collective prévoyant que l'employeur devra l'informer des licenciements effectués afin qu'il puisse s'efforcer de reclasser dans la profession le personnel licencié, cette information étant postérieure à la mesure de licenciement.

Par voie de conséquence, le licenciement de M. [X] est justifié par une cause réelle et sérieuse, de sorte qu'il ne peut qu'être débouté de l'ensemble de ses demandes de ce chef, en confirmation du jugement déféré.

- sur le respect des critères d'ordre

Le salarié soutient que tant la société Informex que la société Labcatal se sont abstenues de respecter l'ordre des licenciements qui s'imposait à elles. Il sollicitait à ce titre la somme de 95 000 euros.

Pour s'y opposer, les intimés répliquent que l'ordre des licenciements ne peut s'appliquer dans la mesure où tous les salariés ayant été licenciés, aucun choix entre eux n'était à opérer.

* * *

L'article L.1233-5 du code du travail dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dispose que: « lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article ».

L'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements constitue pour le salarié une illégalité qui entraîne pour celui-ci un préjudice dont la réparation est comprise dans sa demande de dommages-intérêts consécutive à un licenciement pour motif économique.

* * *

Ainsi que les premiers juges l'ont décidé à bon droit, la société Informex n'était pas tenue de mettre en oeuvre les critères d'ordre dans la mesure où tous les salariés de l'entreprise ont été licenciés, aucun choix parmi les personnes d'une même catégorie ne pouvant dès lors être effectué.

La demande de M. [X] doit être rejetée et la décision dont appel sera en conséquence confirmée de ce chef.

-IV- Sur les autres demandes

M. [X], partie perdante en son recours supportera les dépens.

La situation respective des parties et l'équité ne justifient pas l'application de l' article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [X] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/00815
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;20.00815 ?
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