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14/06/2023 | FRANCE | N°19/04172

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 14 juin 2023, 19/04172


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 14 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 19/04172 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LE5B













SAS SARLAT AUTOS



c/



Monsieur [S] [B]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :r>


à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 juin 2019 (R.G. n°F 18/00064) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 22 juillet 2019,





APPELANTE :

SAS Sarlat Autos, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 14 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 19/04172 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LE5B

SAS SARLAT AUTOS

c/

Monsieur [S] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 juin 2019 (R.G. n°F 18/00064) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 22 juillet 2019,

APPELANTE :

SAS Sarlat Autos, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 300 165 651 00013

représentée par Me Christophe JOLLIVET de la SELARL AGORAJURIS, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉ :

Monsieur [S] [B]

né le 23 Mars 1978 à [Localité 3] de nationalité Française Profession : Technicien en imprimerie, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Guillaume DEGLANE de la SCP DE LAPOYADE-DEGLANE-JEAUNAUD, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 mai 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 1er août 2016, Monsieur [S] [B], né en 1978, a été engagé par la SAS Sarlat Autos en qualité de chef d'équipe atelier, catégorie agent de maîtrise, échelon 20 de la convention collective nationale du commerce et de la réparation de l'automobile, du cycle (...).

Le contrat prévoyait une rémunération brute de 2.300 euros par mois pour un horaire mensuel de travail de 169 heures.

Par lettre datée du 26 mars 2018, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 avril 2018.

Il a ensuite été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre datée du 11 avril 2018.

A la date du licenciement, M. [B] avait une ancienneté d'un an et 8 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [B] a saisi le 20 juillet 2018 le conseil de prud'hommes de Bergerac qui, par jugement du 24 juin 2019, a :

- requalifié le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [B] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Sarlat Autos à verser à M. [B] les sommes suivantes :

* 2.300 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné le remboursement par la société Sarlat Autos aux organismes intéressés de 6 mois d'indemnités de chômage versées à M. [B], conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail,

- débouté M. [B] de sa demande de dommages et intérêts concernant le bilan de compétences,

- débouté la société Sarlat Autos de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

- condamné la société Sarlat Autos aux dépens et éventuels frais d'exécution.

Par déclaration du 22 juillet 2019, la société Sarlat Autos a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 mars 2020, la société Sarlat Autos demande à la cour de réformer la décision de première instance et de :

- dire le licenciement de M. [B] fondé sur une insuffisance professionnelle,

- rejeter comme sans fondement toute demande portant sur le paiement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- rejeter comme sans fondement toute autre demande de M. [B],

- rejeter comme sans fondement la condamnation portant sur le remboursement d'indemnités de chômage aux organismes intéressés,

- condamner M. [B] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 janvier 2020, M. [B] demande à la cour de'le dire recevable et bien fondé en son action, de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bergerac le 24 juin 2019 en ce qu'il a requalifié son licenciement pour insuffisance professionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse et, à titre incident, de :

- condamner la société Sarlat Autos à lui verser la somme de 8.050 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue à l'article L.1235-3 du code du travail,

- dire que les sommes mises à la charge de la société Sarlat Autos porteront intérêts au taux légal à compter de sa saisine en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, le taux applicable étant celui concernant les personnes physiques n'agissant pas pour les besoins professionnels tel que mentionné à l'article L. 313-2 du code monétaire et financier,

- dire que les intérêts seront capitalisés annuellement en application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Sarlat Autos à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 septembre 2022 et l'affaire, fixée initialement à l'audience du 25 octobre 2022, a été renvoyée au 2 mai 2023 à la demande du conseil de la société, demande acceptée par son contradicteur.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat

La lettre de licenciement adressée par la société à M. [B] le 11 avril 2018 est ainsi rédigée :

« Monsieur,

A la suite de notre entretien préalable du 6 avril 2018, nous avons le regret de devoir procéder à votre licenciement pour le motif qui vous a été exposé.

Il s'avère que vous n'avez pas respecté un certain nombre de procédures actuellement en place dans notre entreprise, et exigées par notre constructeur automobile Citroën.

Il apparait notamment que vous ne procédez pas à la rédaction et au suivi correct des dossiers qui ressortent de votre charge.

Il en est ainsi des dossiers réalisés auprès de notre clientèle dans lesquels il manque régulièrement des documents obligatoires (devis, historique véhicule, fiche d'entretien, contrôle qualité, ').

De plus, vous omettez régulièrement de faire signer ces dossiers, alors même que ces signatures sont obligatoires, car elles formalisent l'accord du client.

Cette situation est préjudiciable dans la mesure où ces dossiers sont non conformes à la fois vis-à-vis du client mais également de Citroën, ce qui nous met en situation de risque financièrement et réglementairement.

Il en est de même du non suivi de la facturation, particulièrement préjudiciable, ce qui ressort notamment du trop fort taux d'encours mensuel sur le site de SARLAT.

Par ailleurs, il apparait que les procédures relatives à l'accueil et à la réception de notre clientèle ne sont pas respectées.

Ainsi, les contrôles opérés par notre constructeur démontrent clairement des manquements en la matière, ce qui se constate à travers les notes établies par celui-ci, qui se révèlent très en dessous des objectifs fixés par la marque, et où l'on constate que le site de Sarlat se situe à la fin du dernier quartile dans chaque classement établi trimestriellement par la marque.

Cette classification a des conséquences financières importantes, dans la mesure où nous ne pouvons pas prétendre aux primes qualités liées, lesquelles sont pourtant indispensables à notre rentabilité.

Enfin, les enquêtes réalisées directement auprès de notre clientèle font état de nombreux retours négatifs en termes d'accueil sur le site de Sarlat.

Il en résulte là encore une déclassification de notre entreprise, le site de Sarlat étant positionné à la fin du dernier quartile et en baisse régulière, avec notamment une baisse du taux de recommandations de 72% en 2017 à moins de 70% en début d'année 2018.

Cette dégradation de la perception client entraine des conséquences financières importantes, eu égard au fait que non seulement cela exclut le versement de primes de qualité liées, tandis que par ailleurs des pénalités seront appliquées en 2018, en deçà de 70% de recommandations.

La persistance de cette situation, alors même que le respect de ces exigences est attendu eu égard à vos fonctions de chef d'équipe atelier, caractérise une insuffisance professionnelle qui rend impossible la poursuite de votre contrat de travail.

(...) ».

Le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige ; le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié d'exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification, constitue une cause légitime de licenciement.

Si l'appréciation des aptitudes professionnelles et de l'adaptation à l'emploi relève du pouvoir de l'employeur, l'insuffisance alléguée doit toutefois reposer sur des éléments concrets et ne peut être fondée sur une appréciation purement subjective de ce dernier.

Pour justifier le licenciement, les griefs formulés doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l'entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci.

Pour voir infirmer le jugement déféré, la société fait valoir en premier lieu que, contrairement à ce que soutient le salarié, les insuffisances qui lui ont été reprochées relevaient de sa qualification de chef d'équipe atelier et non de celle de responsable d'atelier en reprenant le contenu conventionnel de ces deux emplois.

Elle distingue ensuite les différents manquements de M. [B] au titre des missions suivantes :

- suivi administratif des dossiers : sont produits à ce sujet 16 dossiers de clients dans lesquels il manquerait des documents obligatoires (devis, historique véhicule, fiche d'entretien, contrôle qualité) ainsi qu'un dossier 'modèle' réalisé par le successeur de M. [B] ; selon la société, M. [B] omettait régulièrement de faire signer les clients et sont versés à ce sujet trois dossiers ainsi que les canevas de process internes de la marque remis à chaque salarié ; selon la société, les carences de M. [B] auraient conduit le constructeur à déclasser la concession de Sarlat passée en 'accompagnement garantie et contrat' à partir du 1er février 2018 (mail adressé le 30 janvier 2018 par M. [Y]) ;

- suivi de la facturation : selon la société, ce manquement s'est traduit par un taux d'encours particulièrement élevé représentant des sommes non négligeables, le taux étant moins élevé en décembre 2017 à raison de l'intervention de M. [M], directeur général de la société ; la société ajoute que M. [B] avait été alerté de cette difficulté par M. [Y] dès le mois d'août 2017 ;

- accueil et réception de la clientèle : ces manquements auraient été stigmatisés d'une part, à l'occasion des visites 'mystère' diligentées par le constructeur, la dernière adressée le 19 février 2018 chiffrant le score de la concession de Sarlat à 542/1000 pour une moyenne nationale de 827/1000, les deux précédentes visites réalisées en juin et novembre 2017 nommant directement M. [B] ; d'autre part, les enquêtes réalisées auprès de la clientèle démontreraient l'insatisfaction de celle-ci, ce dont M. [B] aurait été informé par un rapport de M. [Y] de janvier 2018 ; sont produites trois enquêtes réalisées auprès de clients ayant émis des avis négatifs au cours des mois de février et juillet 2017, M. [B] ayant été averti à ce sujet, la société se référant à un mail de M. [Y] adressé en mars 2018 lui demandant de saisir les 'KPI' de février.

M. [B] sollicite la confirmation de la décision déférée exposant en premier lieu que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement n'entraient pas dans ses fonctions de chef d'atelier telles que définies tant par la convention collective applicable que par les missions figurant à son contrat de travail.

Il souligne à cet égard que son successeur a été engagé en qualité de responsable d'atelier, statut cadre.

S'agissant du suivi administratif des dossiers, M. [B] soutient que la société avait pour habitude de ne pas éditer de devis mais uniquement des estimations de travaux, présentes et acceptées par les clients dans tous les dossiers qu'elle communique et souligne que les dossiers qu'il suivait respectaient les étapes des process prévus par le constructeur.

Il ajoute, concernant le passage de la concession en 'accompagnement', que la déclassification alléguée concerne les dossiers 'en garantie', qui n'entraient pas dans ses attributions puisqu'elles correspondaient à celles de responsable d'atelier, pour lesquelles il n'avait reçu en outre aucune formation.

S'agissant de la facturation, M. [B] fait valoir qu'il transmettait régulièrement les éléments nécessaires au service comptable de la société et que la différence entre le nombre de dossiers 'en cours' non facturés ne peut lui être imputée à faute.

S'agissant de l'accueil et de la réception de la clientèle, M. [B] soutient que la société ne justifie pas qu'il aurait manqué à ses obligations à ce titre : la visite mystère du mois de février ne permet pas de retenir qu'il a été l'interlocuteur de la personne envoyée par le constructeur. Il ajoute qu'ainsi que l'a retenu à juste titre le conseil de prud'hommes, les plaintes des clients étaient très anciennes et n'avaient alors fait l'objet d'aucune remontrance.

M. [B] indique enfin que les rapports du gestionnaire, M. [Y], ne lui étaient pas adressés.

- Sur les manquements au titre du suivi administratif des dossiers

La société appelante verse aux débats 14 dossiers de clients, pour une relation contractuelle ayant duré près de 20 mois, qui datent de novembre et décembre 2017.

Leur prétendue incomplétude, non établie au regard des process du constructeur, n'a donné lieu à aucune remarque faite au salarié qui n'est pas démenti quant à l'usage qu'il allègue de la seule signature du client d'une estimation des travaux et non d'un devis.

Le fait que le successeur de M. [B], M. [V] - engagé le jour même de la lettre de licenciement en qualité de responsable d'atelier au statut cadre - ait procédé différemment n'est pas la démonstration de ce que M. [B] aurait failli dans l'accomplissement de ses missions, la société ne justifiant ni d'instructions précises à ce sujet ni de reproches adressés à M. [B] antérieurement au licenciement quant à des manquements dans la manière de traiter les dossiers des clients.

Par ailleurs, le déclassement de la concession passée en 'accompagnement garantie et contrat' à partir du 1er février 2018 qui ressort d'un mail adressé le 30 janvier 2018 par M. [Y], concerne des tâches qui n'étaient pas imparties au salarié, que l'on se réfère à la définition de ses missions par la convention collective qui confère le 'suivi des garanties' au responsable d'atelier, statut cadre, ou à celles figurant à son contrat de travail.

Enfin, le défaut de signature de trois commandes de travaux par les clients concernés ne peut constituer un grief sérieux au regard de la durée de la relation contractuelle (3 clients en 20 mois), de la date de ces commandes, respectivement passées en janvier, mars et août 2017, soit plusieurs mois avant la rupture du contrat, de l'absence de remarques faites à ce sujet au salarié ainsi que du fait qu'il n'est ni justifié ni prétendu qu'une difficulté de paiement de ces travaux serait survenue.

Les manquements allégués ne sont donc pas établis.

- Sur les manquements au titre du suivi de la facturation

D'une part, les pièces produites par la société appelante ne permettent pas d'imputer au salarié des retards dans la transmission au service comptable des documents nécessaires à la facturation des prestations effectuées par la concession, d'autant plus qu'à supposer un tel retard établi, la société ne justifie d'aucune alerte adressée à M. [B] à ce sujet.

D'autre part, il ne peut qu'être relevé que le suivi des encaissements des clients ne relevait pas des attributions tant conventionnelles que contractuelles dévolues au salarié.

Les manquements allégués ne sont donc pas établis.

- Sur les manquements dans l'accueil et la réception de la clientèle

D'une part, ni l'enquête mystère de février 2018, ni les précédentes visites de juin et novembre 2017, qui se limitent à mentionner le nom de M. [B] comme celui figurant sur la facture, ne permettent de retenir que celui-ci était bien l'interlocuteur de l'agent mandaté par le constructeur.

D'autre part, il n'est pas justifié que les doléances de trois clients, en février, juillet et août 2017, soit plus de 6 mois avant la rupture du contrat pour la dernière et pour une relation contractuelle de près de 20 mois, ont été portées à la connaissance de M. [B], et, a fortiori, lui ont été reprochées par l'employeur.

Les manquements allégués ne sont donc pas établis.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M. [B] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture du contrat

M. [B] sollicite la somme de 8.050 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, invoquant un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris ayant écarté le barème instauré par l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à la date de son licenciement.

A titre subsidiaire, la société appelante souligne que le barème limite l'indemnisation à deux mois de salaire brut et que le conseil de prud'hommes a justement fixé le montant des dommages et intérêts à 2.300 euros, demandant à la cour de prononcer une condamnation plus symbolique encore.

***

D'une part, les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

D'autre part, les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi, étant observé que l'article L.1235-3-1 du même code prévoit que, dans des cas limitativement énumérés entraînant la nullité du licenciement, le barème ainsi institué n'est pas applicable.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la convention précitée et qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'application du barème que ce texte instaure.

*

M. [B] ne justifie ni même ne précise sa situation à la suite de son licenciement.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [B], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué à la somme de 2.300 euros la somme de nature à réparer le préjudice subi du fait du caractère abusif de son licenciement.

Le jugement déféré sera toutefois réformé en ce qu'en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il a ordonné le remboursement par la société des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié, compte tenu de l'ancienneté de celui-ci, inférieure à deux ans.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ; le taux d'intérêt est celui applicable aux créances des particuliers et il sera ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343 du code civil.

La société appelante, partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [B] la somme complémentaire de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel en sus de la somme allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné le remboursement par la société Sarlat Autos aux organismes intéressés des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [B] depuis son licenciement,

Infirmant le jugement de ce chef, statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à ordonner le remboursement par la société Sarlat Autos des indemnités de chômage éventuellement versées à M. [B],

Rappelle que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Dit que le taux d'intérêt est celui applicable aux créances des particuliers et ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343 du code civil,

Condamne la société Sarlat Autos aux dépens ainsi qu'à payer à M. [B] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/04172
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;19.04172 ?
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