La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/06/2023 | FRANCE | N°18/02836

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 14 juin 2023, 18/02836


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 14 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 18/02836 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KN2R















Monsieur [L] [N]



c/



Société CDISCOUNT

















Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée le :
>

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 avril 2018 (R.G. n°F16/01081) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 15 mai 2018,





APPELANT :

Monsieur [L] [N], élisant domicile au cabinet de Maître Hélène Pujol né le 18 Avril ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 14 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 18/02836 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KN2R

Monsieur [L] [N]

c/

Société CDISCOUNT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 avril 2018 (R.G. n°F16/01081) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 15 mai 2018,

APPELANT :

Monsieur [L] [N], élisant domicile au cabinet de Maître Hélène Pujol né le 18 Avril 1985 à [Localité 4] de nationalité Française Profession : Directeur marketing, demeurant [Adresse 2] - THAÏLANDE

représenté par Me Valentin GUERARD, avocat au barreau de BORDEAUXsubstituant Me Hélène PUJOL, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

SA Cdiscount, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité audit siège social [Adresse 1]

N° SIRET : 424 059 822

représentée par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Yann BOISADAM de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 avril 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d'instruire l'affaire,

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [L] [N], né en 1985, a été engagé par la SA Cdiscount, filiale du groupe Casino, en qualité de chargé de mission référencement position 6, coefficient 235, statut agent de maîtrise de la convention collective nationale des entreprises de vente à distance, le lieu de travail étant fixé à [Localité 3], par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 septembre 2009.

Par avenant du 2 février 2014, M.[N] a été promu aux fonctions de responsable SEO, SMO et Content, puis à compter d'octobre 2014, de responsable de site.

Les parties ont ensuite conclu le 1er janvier 2016 un avenant temporaire pour une période d'un mois, puis le 12 janvier 2016 un avenant portant conditions d'expatriation, à effet au 1er février 2016, prévoyant que M. [N] était nommé directeur marketing au sein de la société Cdiscount Thailand, également filiale du groupe Casino (par l'intermédiaire de la filiale Big C située en Thailande), la durée de la mission étant fixée à 3 ans.

Au début de l'année 2016, a été annoncée la signature d'un contrat de cession de la participation de Casino dans Big C au groupe TCC, l'un des principaux conglomérats thaïlandais du secteur de la distribution, du commerce et de l'industrie.

M. [N] a été informé de l'annulation de ses billets d'avion avant que son départ ne lui soit confirmé le 29 janvier 2016. Il a rejoint la Thaïlande le 9 février 2016.

Le 7 février 2016, la presse annonçait la reprise officielle des activités CDiscount en Thaïlande au groupe BJC et la cession de Casino dans la société Big C.

Par courriel et courrier du 7 mars 2016, la société CDiscount a informé le salarié de son affectation à compter du 4 avril suivant, en qualité de directeur Créa et Studio Photo à [Localité 3].

M. [N] a répondu le 16 mars 2016 que cette décision était tardive et qu'il souhaitait réfléchir et échanger avec la direction des ressources humaines, le poste proposé ne correspondant pas nécessairement à son profil et son parcours.

Par courriel du 30 mars 2016, la société Cdiscount a écrit à M. [N] dans les termes suivants :

« Votre expatriation a pris fin le 31 Mars 2016, date à laquelle le contrat de travail vous liant à notre société devait retrouver son plein effet.

(...) Or, nous avons fortuitement que vous aviez décidé de demeurer en Thaïlande et de poursuivre vos fonctions auprès du groupe TCC .

En vous engageant ainsi définitivement pour le compte d'un nouvel employeur, vous avez clairement et de manière non équivoque manifesté votre volonté de démissionner.

Nous en prenons acte'.

Par courrier recommandé en date du 7 avril 2016, M. [N] a contesté avoir démissionné et par courrier recommandé du même jour, la société Cdiscount a notifié à M.[N] le fin de son contrat de travail, estimant que son comportement valait démission.

A la date de la rupture du contrat, M.[N] avait une ancienneté de 6 ans et 6 mois et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Soutenant que la rupture de son contrat de travail doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités outre des dommages et intérêts pour licenciement pour cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail, la remise des documents sociaux conformes au jugement sous astreinte, M.[N] a saisi le 12 mai 2016 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 13 avril 2018, a :

- dit que la rupture du contrat de travail de M.[N] est une démission,

- débouté M.[N] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Cdiscount.com de ses demandes reconventionnelles,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration du 15 mai 2018, M.[N] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 septembre 2021, M.[N] demande à la cour de :

- le déclarer recevable en son appel et l'y déclarer bien fondé,

En conséquence,

- révoquer l'ordonnance de clôture au jour des plaidoirie,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 13 avril 2018,

- juger que la rupture de son contrat de travail est imputable à la société Cdiscount et doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Cdiscount à lui verser les sommes suivantes :

* 21.125 euros d'indemnité compensatrice de préavis (3mois),

* 2.112,5 euros d'indemnité de congés payés afférents,

* 50.240,88 euros d'indemnité de licenciement conventionnelle,

* 7041,66 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 84.500 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 30.000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner à la société Cdiscount de remettre les documents sociaux conformes au jugement, à savoir, les bulletins de paie et l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision,

- ordonner les intérêts de droit au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Bordeaux,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- débouter la société Cdiscount de ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Cdiscount aux entiers dépens outre les frais éventuels d'exécution forcée.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 mai 2021, la société Cdiscount demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris relativement aux conditions d'exécution et à la rupture du contrat de travail,

En conséquence :

- débouter M.[N] de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande formée au titre de l'avenant du 14 janvier 2016, et faisant droit à son appel incident,

En conséquence :

- condamner M.[N] à lui payer une somme de 14.083,33 euros au titre du remboursement d'un trop-perçu de prime « hardship »,

Y ajoutant,

- condamner M.[N] au paiement à elle de la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Le 4 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a rendu une décision portant injonction de rencontrer un médiateur et ordonnant une médiation en cas d'accord des parties.

La médiation proposée aux parties le 4 octobre 2021, par le conseiller de la mise en état, n'a pas abouti.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 24 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture antérieure aux écritures.

La rupture du contrat de travail

M. [N] conteste avoir démissionné ou avoir annoncé son intention de rompre son contrat de travail.

Au contraire, il soutient avoir demandé des informations sur les modalités pratiques de la suite de sa collaboration avec la société CDiscount et la véritable intention de son employeur, et fait valoir que le poste de reclassement proposé par son employeur n'avait rien à voir avec ses compétences et son parcours professionnel, le deuxième poste évoqué n'ayant jamais fait l'objet d'une proposition sérieuse.

Ces propositions auraient en outre été formulées tardivement à savoir le 7 mars 2016 pour un retour le 31 mars 2016 avec obligation de rejoindre le poste dès le 4 avril 2016 alors même que le salarié était expatrié en Thaïlande avec sa femme et ses deux enfants en bas âge dont un nourrisson, et que la famille ne disposait plus de logement à [Localité 3].

Il indique également qu'aucune réponse claire n'a été apportée à ses demandes, le seul courriel reçu du 24 février concernant le versement partiel de la prime hardship, contrairement à ce qui était prévu contractuellement et qu'il a réaffirmé ne pas vouloir démissionner de son emploi de CDisount par courriel du 7 avril 2016 à 10h03, antérieurement à celui reçu par la DRH de la société qui prenait acte de sa démission, le même jour à 12h50.

La société CDiscount rappelle que le 7 février 2016, la CDiscount Thailand, filiale de Big C, au sein de laquelle le salarié était expatrié, a été cédée par le groupe Casino au groupe TCC.

Cette cession devait nécessairement emporter la fin de la mission de M. [N] et corrélativement, la mise en 'uvre par la société CDiscount de la clause de fin de mission d'expatriation anticipée stipulée dans le contrat de travail de ce dernier.

C'est dans ce cadre, ajoute t'elle, qu'elle a proposé à M. [N] deux postes, correspondant à ses qualifications, et l'a affecté à celui de directeur Créa et Studio photo à compter du 4 avril 2016, à [Localité 3], lequel permettait d'encadrer une équipe de 35 personnes. Elle note que le salarié a émis des réserves sur la compatibilité de ces postes à sa situation professionnelle.

Par la suite, ayant appris que M. [N] avait fait le choix de poursuivre son activité professionnelle au sein de la société thaïlandaise repreneuse, société TCC à compter du 1er avril 2016, la société CDiscount a pris acte de sa volonté de démissionner, manifestée, selon elle, de manière claire et non équivoque par son engagement au sein de la société Cdisount Thaïland.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1237-1 du code du travail, que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté du salarié de rompre le contrat de travail. Cette démission ne doit pas être équivoque, ce que le juge doit rechercher en prenant en considération les circonstances antérieures ou contemporaines de cette manifestation de volonté susceptible de la rendre équivoque.

En l'espèce, la fin anticipée de la mission d'expatriation de M. [N] était à l'initiative de l'employeur, puisqu'elle résultait de la décision prise par le groupe Casino de céder ses parts dans la société thaïlandaise au sein de laquelle le salarié était affecté.

L'employeur se devait dès lors de mettre en oeuvre loyalement la clause contractuelle lui imposant de proposer au salarié un poste compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions occupées au sein de la société.

En effet, l'annonce de cette cession avait été faite dès le 15 janvier 2016 et l'accord définitif de cette cession a été rendu public le 7 février 2016, quand la mission de M. [N] a d'abord été annulée le 25 janvier pour être reprogrammée pour une durée de 3 ans conformément au contrat le 29 janvier 2016. Alors que la société laissait partir M. [N] le 9 février 2016 en sachant que la filiale allait être cédée, elle annonçait dans le courrier du 7 mars l'obligation de solliciter son rapatriement pour le 31 mars.

C'est seulement un mois plus tard que, la cession ayant été rendue publique, la société CDiscount a adressé une proposition de réintégration à M. [N] par lettre du 7 mars, lui annonçant la nécessité d'un rapatriement effectif au plus tard le 31 mars 2016, avec une entrée en fonction, dès le 4 avril 2016, soit dans un délai extrêmement court, dans la mesure où M. [N] était installé en Thaïlande avec son épouse, dont il n'est pas contesté qu'elle a suivi son époux dans le cadre du contrat d'expatriation, ainsi les deux enfants en bas âge.

Contrairement à ce que soutient la société, ce courrier ne précisait pas les modalités envisagées pour le rapatriement de M. [N] et de sa famille dans un délai aussi bref.

Par ailleurs, dans son courriel du 16 mars 2016 adressé en réponse à la proposition de la société, M. [N] a émis des doutes sur l'adéquation du poste proposé de Directeur Créa et Studio photo à son expérience professionnelle antérieure au sein de la société, ce poste lui faisant perdre un échelon hiérarchique par rapport à son positionnement avant départ. Sur le second poste proposé de Directeur de mission rattaché au directeur commerce et marketing, M. [N] émettait des réserves en ce que ce poste ne comprenait aucun management d'équipe alors que M. [N] encadrait des équipes au sein de CDiscount depuis 2010. M. [N] n'a toutefois reçu aucune information complémentaire sur ces deux postes.

La société se content d' affirmer que les postes proposés étaient compatibles et ne justifie d'aucune réponse apportée aux préoccupations légitimes de M. [N], associées à des considérations tout aussi fondées quant à sa situation personnelle et familiale, aucune volonté de démissionner ne pouvant se déduire de son courriel de demande d' informations, le poste de Directeur créa et Studio Photo étant publié dans les postes vacants le 28 mars 2016.

Dans ce contexte, et en l'absence de réponse de la société en France sur ses conditions de rapatriement, et la société Cdiscount ayant été cédée à un repreneur, M. [N] n'avait d'autre choix que de trouver une solution temporaire à sa situation en Thaïlande en 'poursuivant sa collaboration avec la filiale au sein de laquelle il avait été détachée'.

Cette décision de M. [N] ne peut s'analyser en une démission claire et non équivoque alors qu'elle reposait sur l'absence de réponse de l'employeur à ses interrogations quant aux conditions de sa réintégration en France.

En outre, à supposer que l'employeur ait pu douter des intentions de M. [N] quant à son avenir professionnel, il lui appartenait au préalable de mettre en demeure le salarié de lui faire connaître clairement qu'il ne souhaitait pas être réintégré dans la société et, face à une telle position, d'engager le cas échéant une procédure de licenciement, d'autant que le salarié avait contesté son intention de rompre son contrat de travail par le biais de son conseil le 7 avril 2016, soit avant le courrier de la société retenant la démission et l'établissement par la société des documents de fin de contrat. Il n'est par ailleurs pas contesté que la société n'a jamais reçu de courrier de démission en la forme requise par l'article 11 du contrat d'expatriation lequel prévoyait une 'lettre recommandée avec accusé de réception ou par courriel adressée au supérieur hiérarchique de l'entité d'accueil, ainsi qu'à la DRH CDiscount.'

En l'absence de manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de démissionner, la rupture doit être requalifiée en licenciement imputable à l'employeur et dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes pécuniaires

Invoquant son statut de cadre, son ancienneté de 7 ans dans la société et une rémunération moyenne de 7.041,66 euros au cours des trois derniers mois précédant la rupture, M. [N] sollicite le paiement de la somme de 21.125 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 2.112,5 euros pour les congés payés afférents.

S'agissant de la somme réclamée au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, il sollicite la somme de 50.240,88 euros en application de la majoration de 50% issue de l'article 15 de la convention collective.

Il sollicite également une indemnité égale à un mois de salaire, soit 7.041,66 euros en l'absence de respect de la procédure de licenciement.

La société soutient que le salaire de référence doit être fixé à 6.868,36 euros soit une somme due au titre du préavis de 20.905,07 euros outre les congés payés afférents, 25.120,40 euros au titre de l'indemnité de licenciement, la majoration de l'article 15 de la convention collective n'étant pas applicable dans la situation d'une cession de filiale.

***

L'indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait reçu s'il avait travaillé pendant la durée du délai-congé.

Au vu des pièces produites (attestation Pôle Emploi et bulletin de paie du mois d'avril 2016), le salaire devant servir de base au calcul de l'indemnité compensatrice de préavis doit être fixé à la somme sollicitée par M. [N], soit 7.041,66 euros et non, à la moyenne des 12 mois précédents (6.868,36 euros).

La société CDiscount sera en conséquence condamnée à payer à M. [N] les sommes de 21.125 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 2.112,50 euros pour les congés payés afférents.

Conformément à l'article 15 de l'avenant cadres de la convention collective applicable en l'espèce, l'indemnité de licenciement sera arrêtée à la somme de 25.120,40 euros, à laquelle il sera appliquée la majoration de 50% dans la limite d'un plafond de 22 mois et demi, le licenciement ayant eu lieu dans les 18 mois de la cession d'actifs et de participation dans la société Big C Thaïlande, de laquelle dépendait la société CDiscount Thaïland, permettant à au groupe TCC d'intervenir dans la gestion de celle-ci et le licenciement étant directement en lien avec cette opération, la société CDiscount sera condamnée à payer à M. [N] la somme de 50.240,88 euros euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, les irrégularités de procédures ne peuvent être sanctionnées en application de l'article L. 1235-2 dans sa version applicable à l'espèce.

M. [N] sollicite paiement de la somme de 84.500 euros euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

correspondant à 12 mois de salaire, exposant avoir été victime d'une volonté organisée du groupe Casino de se séparer de ses salariés à moindre frais.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [N], de son âge au moment de la rupture du contrat (31 ans), de son ancienneté (7 ans) et en l'absence d'informations sur sa capacité à trouver un nouvel emploi et sur sa situation après la rupture du contrat de travail, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 50.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

Sur le rappel de la prime

Soutenant que la mission de M. [N] est arrivée à échéance au 31 mars 2016, la société sollicite le remboursement par M. [N] de la somme de 14.083,33 euros au titre de la prime 'hardship' indûment perçue dans sa totalité pour l'année 2016.

M. [N] s'y oppose dès lors que le cas de la rupture anticipée n'est pas prévue au contrat et que la société ne précise pas de quelle manière elle a été calculée. Il soutient que cette demande de remboursement est abusive quand il a du faire face à des coûts non pris en charge par son employeur.

La prime Hardship prévue au contrat d'expatriation était liée à l'expatriation ayant pour objectif de compenser le niveau de vie dans le pays d'accueil. En cas de retour anticipé, ce solde est versé au prorata temporis, puisque liée à l'exécution de la mission en Thaïlande. Elle cesse d'être due dès le retour en France ou au terme de la mission en Thaïlande.

M. [N] n'étant pas responsable de la fin anticipée de son expatriation, puisqu'elle résultait de la décision prise par le groupe Casino de céder ses parts dans la société thaïlandaise au sein de laquelle le salarié était affecté, qui a, comme rappelé ci-dessus, laissé partir son salarié le 9 février 2016 dans les conditions contractuellement définies moins d'un mois plutôt, en l'informant dès le 24 février de ce qu'il serait redevable de la somme restant dûe au titre de la prime hardship, il convient de rejeter la demande de remboursement de la société.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur l'exécution déloyale du contrat

M. [N] sollicite également le paiement d'une somme de 30.000 euros pour exécution déloyale du contrat.

Il a été retenu ci-avant que la société CDiscount n'avait pas respecté loyalement ses obligations lors de la rupture anticipée de la mission d'expatriation de M. [N].

Il justifie de ce qu'à la date à laquelle il lui a été demandé de revenir en France, il a vendu son logement et son véhicule sur [Localité 3] et ses effets personnels sont toujours en transit par voie maritime et que la société l'a bien expatrié en Thaïlande dans une filiale qu'elle savait vendue par le groupe dans le mois qui venait, sans répondre à ses interrogations.

En compensation du préjudice subi, il lui sera alloué la somme de 2.000 euros.

Sur la remise des documents sociaux sous astreinte de 150 euros par jour de retard

La société CDiscount devra délivrer à M. [N] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte sollicitée n'étant pas en l'état justifiée.

Sur les intérêts

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant. La capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article1343-2 du même code.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société CDiscount, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à M. [N] de la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société CDiscount de sa demande de remboursement de la prime hardship,

Statuant à nouveau,

Requalifie la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société CDiscount à verser à M. [N] les sommes suivantes :

- 21.125 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2.112,50 euros au titre des congés payés y afférents,

- 50.240,88 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 50.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 4.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel,

Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article devenu l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne à la société CDiscount de délivrer à M. [N] un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu'une attestation Pôle Emploi rectifiés en considération des condamnations prononcées et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Condamne la société CDIsount aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 18/02836
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;18.02836 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award