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07/06/2023 | FRANCE | N°20/01863

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 07 juin 2023, 20/01863


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 07 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01863 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LRO3













S.A.R.L. 4A



c/



Monsieur [Y] [Z]

















Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée le :



à :>
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 mars 2020 (R.G. n°F 19/00053) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 28 mai 2020,





APPELANTE :

SARL 4A, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01863 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LRO3

S.A.R.L. 4A

c/

Monsieur [Y] [Z]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 mars 2020 (R.G. n°F 19/00053) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 28 mai 2020,

APPELANTE :

SARL 4A, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]

N° SIRET : 798 930 806

représentée par Me MOUFANNINE substituant Me Odile FRANKHAUSER de la SELAS ERNST & YOUNG SOCIETE D'AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [Y] [Z]

né le 22 Juillet 1965 à [Localité 4] de nationalité Française, demeurant Lieu-dit [Adresse 1]

assisté et représenté par Me Marjorie RODRIGUEZ substituant Me Nicolas CARTRON de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 avril 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie Paule MENU, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie Paule Menu, présidente

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [Y] [Z], né en 1965, a été engagé en qualité d'ouvrier agricole affecté aux travaux de la vigne et du chai par M. [M] [U], exploitant du [2] à [Localité 5], par contrat de travail à durée déterminée à compter du 6 novembre 1997, contrat qui s'est poursuivi à son terme qui était fixé au 2 juillet 1998.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective départementale des exploitations agricoles de la Gironde.

Le 1er avril 2007, M. [Z] a été promu responsable équipe, statut cadre, par son employeur qui était devenu la SARL La Garelle.

Le 1er septembre 2016, le salarié a été promu directeur technique par son nouvel employeur, la société 4A.

Le 28 octobre 2018, les associés de la société 4A ont cédé l'intégralité de leurs parts sociales à la société par actions simplifiée La Grande Maison Younan Collection.

A compter du 4 janvier 2019, M. [Z] a été placé en arrêt de travail pour maladie, arrêt prolongé jusqu'à la fin de la relation de travail.

Le salarié s'est alors plaint auprès de son employeur de ne pas avoir reçu son bulletin de salaire du mois de décembre 2018 à plusieurs reprises au cours du mois de janvier 2019.

Par courrier en date du 21 janvier 2019, le gérant de la société 4 A a demandé à M. [Z] de lui décrire les tâches qu'il accomplissait et de l'informer des outils de suivi du vignoble et des vinifications mis en place sur les deux dernières campagnes, lui faisant part de son mécontentement quant à l'état du vignoble qualifié de 'déplorable' et lui demandant de restituer durant son arrêt de travail les clés et un scooter en sa possession

Par lettre datée du 29 janvier 2019, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 février 2019.

A la suite de cet entretien, par courrier du 14 février 2019, la société 4A a interrogé M. [Z] sur des questions posées lors de l'entretien préalable, notamment au sujet de l'entretien sanitaire du vignoble.

Par lettre du 20 février 2019, M. [Z] a répondu à son employeur en indiquant que le cahier de travail n'était pas celui dont la photographie d'un 'cahier de brouillon' avait été jointe au courrier du 14 février 2019 mais un cahier bleu intitulé '[2]', ajoutant que les congés pris dont il avait été question au cours de l'entretien étaient ceux d'août et octobre 2018, dûment décomptés sur les bulletins de salaire correspondant.

Par courrier du 23 mars 2019,M. [Z] a informé son employeur de son intention de reprendre son poste de travail à compter du 1er avril 2019.

Par lettre datée du 27 mars 2019, M. [Z] a été licencié pour faute grave, la lettre de licenciement évoquant l'absence répétée de traitements sanitaires obligatoires et d'entretien courant des vignes, la non-tenue des registres, la mise en danger d'autrui et le non-respect du cahier des charges applicables à l'appellation du vignoble.

A la date du licenciement, le salarié avait une ancienneté de 21 ans et 4 mois et la société occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Par lettre du 3 avril 2019, M. [Z] a contesté les motifs de son licenciement.

Soutenant que son licenciement n'est pas fondé et réclamant diverses indemnités, M. [Z] a saisi le 17 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Libourne qui, par jugement rendu le 13 mars 2020, a :

- dit que le licenciement de M. [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société 4 A à lui payer les sommes suivantes :

* 21.420 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 33.336 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 8.341 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 834,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

* 750 euros à titre d'indemnité en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté la société 4 A de ses demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société 4 A aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 28 mai 2020, la société 4A a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2023, la société 4A demande à la cour de juger son appel recevable et de :

- juger que le licenciement pour faute grave de M. [Z] est justifié ;

- débouter M. [Z] de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour appel abusif à hauteur de 5.000 euros nets ;

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Libourne en ce qu'il a requalifié le licenciement pour faute grave de M. [Z] en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL 4A au versement :

* de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à hauteur de 21.420 euros nets,

* d'une indemnité de licenciement d'un montant de 33.336 euros nets,

* d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 8.341 euros bruts outre la somme de 834,10 euros bruts pour les congés payés afférents,

* 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse d'un montant de 23.580 euros nets ainsi que de sa demande en paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

- condamner M. [Z] au paiement de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

En tout état de cause, sur les demandes indemnitaires de M. [Z], si par extraordinaire la cour jugeait que le licenciement ne repose pas sur une faute grave,

- débouter M. [Z] de sa demande de versement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 33.336 euros nets ;

- juger que l'appel incident formé par M. [Z] est irrecevable,

- débouter M. [Z] de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse d'un montant de 23.580 euros nets,

Statuant à nouveau,

- condamner la SARL 4A au paiement d'une indemnité de licenciement d'un montant de 29.079,98 euros nets.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 mars 2023, M. [Z] demande à la cour de'confirmer le jugement du 13 mars 2020, de dire que son licenciement pour faute grave est abusif comme dénué de cause réelle et sérieuse et de :

- condamner la société 4A à lui verser les sommes suivantes :

* 21.420 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 33.336 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 8.341 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 834,10 euros d'indemnité compensatrice des congés payés y afférents,

Y ajoutant, en cause d'appel :

- condamner au surplus la société 4A à lui verser les sommes suivantes :
* 23.580 euros de dommages et intérêts supplémentaires pour son licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte-tenu de son ancienneté et de l'invraisemblance et injustice évidentes de ce licenciement,
* 5.000 euros de dommages et intérêts spécifiques pour appel abusif, sans préjudice de l'amende civile qu'il plaira à la cour de prononcer,

* 5.000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel,

En tout état de cause,

- débouter la société 4A de ses entières prétentions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mars 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 25 avril 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement adressée le 27 mars 2019 par l'employeur et signée par '[R] [I] en vertu d'un pouvoir spécial consenti par M. [F] [G], gérant', est ainsi rédigée :

« (...)

Contrairement à ce que vous semblez penser, si nous avons tardé à vous écrire à la suite de notre entretien du 12 février 2019 et à la réception de vos explications du 20 février 2019, c'est que nous voulions vous donner le bénéfice du doute et avons donc cherché activement et avec diligence, mais sans succès aucun, la trace du cahier des traitements que vous affirmez avoir tenu da,s le cadre de vos fonctions. Nous avons même pris en CDD une assistante pour faire le tri de tous les documents restés sur place lors de votre départ en congés non annoncés, sans plus de succès.

Certes, nous avons trouvé des bribes d'élémenrs éparpillées relatives à l'entretien des vignes, mais aucun registre ni carnet de suivi.

En revanche, en contradiction directe avec vos affirmations lors de notre entretien du 12 février 2019, nous avons trouvé un stock de produits phytosanitaires en quasi-totalité périmés, de toute évidence pas utilisés pour les traitements auxquels ils étaient destinés. Pire, ces produits, entassés dans un endroit non sécurisé, représentaient un danger pour les personnes qui y étaient exposées.

Notre direction, informée de la situation, a pris la décision de vous notifier votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité.

Les motifs de ce licenciement sont ceux qui vous ont été exposés lors de l'entretien précité et rappelés ci partie ci-dessus, à savoir :

- L'absence répétée de traitements sanitaires obligatoires et d'entretien courant des vignes, ayant entraîné une dégradation notable de l'état du vignoble de la propriété, avec de nombreux pieds manquants, de mauvaises herbes envahissantes, etc., alors que vous étiez le directeur technique responsable de la bonne gestion et protection des vignes.

- La non-tenue des registres permettant de justifier de la réalisation de ces traitements et de cet entretien, alors que la tenue des registres était au coeur de vos responsabilités.

- La mise en danger d'autrui par le stockage sauvage de produits phytosanitaires toxiques, dont la présence était non seulement pas signalée, mais était même niée par vous, qui étiez pourtant à l'origine de leur achat et responsable de leur stockage et utilisation (laquelle, en définitif, n'était pas assurée).

- Plus généralement, le non-respect du cahier des charges applicables à la tenue de vignobles bénéficiant de l'appelation contrôlée Saint Emilion Grand Cru, mettant en péril l'utilisation de cette appellation pour la production de la Garelle.

Pour toutes ces raisons, nous considérons aujourd'hui que la gravité et l'ampleur de vos manquements, qui ont fortement perturbé la bonne marche de la propriété et entraîné sa détérioration, rendent impossible la poursuite de votre contrat de travail.

(...) ».

M. [Z] met tout d'abord en cause la qualité pour procéder à son licenciement de M. [I] qualifié de 'consultant' par la société, dont il n'est pas salarié, et fait valoir qu'il n'est pas justifié du pouvoir spécial de celui-ci invoqué par la société dans la lettre de licenciement.

Il invoque en outre un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 13 octobre 2013 prononçant à l'encontre de M. [I] une sanction judiciaire d'interdiction de diriger, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale et toute personne morale de forme commerciale pour une durée de cinq ans.

La société 4A soutient que M. [I] était chargé en tant que consultant de la gestion de certains vignobles du groupe la Grande Maison [G] Collection dont elle fait partie et bénéficiait de délégations de pouvoirs consenties par son gérant, notamment pour licencier tout membre du personnel.

***

Il résulte des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail que la finalité même de l'entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l'employeur de donner mandat à une personne étrangère à l'entreprise pour conduire la procédure de licenciement jusqu'à son terme et que le licenciement intervenu dans ces conditions est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, ainsi que le soutient M. [Z], il n'est pas justifié que M. [I], signataire de la lettre de licenciement qui lui a été adressée, était salarié de la société 4 A : la délégation versée aux débats par la société, établie par M. [F] [G], gérant de la société, mentionne en effet seulement : « donne tous pouvoirs à Monsieur [R] [I], responsable contractuellement de la gestion de certains vignobles du groupe La Grande Maison Younan Collection, dont 4A » ; dans ses écritures, la société qualifie M. [I] de consultant sans établir ni même préciser que celui-ci serait un salarié de l'entreprise.

Le licenciement de M. [Z] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires au titre de la rupture

Le licenciement de M. [Z] étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié qui sollicite la confirmation du jugement déféré quant aux sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents est fondé dans ses demandes à ce titre.

En conséquence, sur la base d'un salaire de référence d'un montant de 2.780,55 euros, sur lequel les parties s'accordent, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a alloué à M. [Z], qui bénéficiait du statut de cadre, la somme de 8.341 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 834,10 euros bruts pour les congés payés afférents.

***

Dans ses dernières écritures et compte tenu des observations faites par la société appelante quant aux modalités de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement, M. [Z] a réduit sa demande à la somme de 30.389,08 euros à ce titre en appliquant, pour la période où il était ouvrier les dispositions légales (soit un calcul sur la base d'un quart plus favorable que l'article 19 de la convention collective départementale des exploitations agricoles de la Gironde, qui prévoit 1/5ème), puis, pour la période où il a été promu cadre, l'article 100 de ladite convention qui prévoit que le montant del'indemnité est porté à 12 mois de salaire brut pour le cadre ayant plus de 15 ans d'ancienneté.

La société reconnaît à titre subsidiaire devoir la somme de 29.079,98 euros soutenant qu'il y a lieu d'appliquer la formule conventionnelle dans sa globalité pour le calcul de l'indemnité due.

*

Ainsi que le fait valoir la société, il ne peut y avoir application 'distributive' des modalités légales de calcul et conventionnelles de calcul de l'indemnité.

L'indemnité légale étant inférieure à l'indemnité conventionnelle telle que calculée par la société, M. [Z] se verra allouer la somme de 29.079,98 euros.

*

Le jugement sera donc réformé quant au quantum de la somme allouée.

***

M. [Z] soutient par ailleurs que la cour ne pourra que confirmer la somme qui lui a été allouée par le conseil de prud'hommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, soit 21.240 euros soutenant que la société appelante n'en n'a pas contesté le montant dans le délai prévu par l'article 910 du code de procédure civile.

Il sollicite cependant des dommages et intérêts 'supplémentaires' à hauteur de 23.580 euros, 'compte tenu de son ancienneté, du fait que le licenciement est intervenu alors qu'il était en arrêt de travail pour maladie et en raison de 'l'invraisemblance et injustice évidentes' de son licenciement.

La société, sans répondre sur le caractère irrecevable de sa contestation de la somme allouée par les premiers juges, estime cette somme surestimée dès lors que M. [Z] ne produit aucun justificatif de sa situation actuelle et, pour le surplus de la demande, fait valoir que l'appel incident de l'intimé serait irrecevable.

*

La déclaration d'appel formée le 28 mai 2020 par la société porte sur les dispositionns suivantes de la décision du conseil des prud'hommes de Libourne :

« Dit que le licenciement de Monsieur [Y] [Z] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse Condamné en conséquence la SARL 4A en la personne de son représentant légal à lui payer les sommes suivantes : 21420 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 33336 € à titre d'indemnité de licenciement conventionnelle 8341 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis 834,10 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents 750 € à titre d'indemnité en vertu des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile Débouté la SARL 4A de ses demandes plus amples ou contraires Condamné la SARL 4A en la personne de son représentant légal aux dépens de l'instance. »

Dans ses premières conclusions adressées le 10 août 2020, la société a conclu au rejet de l'ensemble des prétentions de M. [Z] en soulevant notamment le caractère excessif de la somme allouée à celui-ci à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande de la société est donc recevable au regard du délai de trois mois prescrit par l'article 908 du code de procédure civile.

La demande complémentaire formulée par M. [Z] dès ses premières écritures adressées le 5 novembre 2020, qui ne vise en réalité qu'à porter ses prétentions à hauteur de la somme qu'il sollicitait en première instance (soit un total de 45.000 euros), s'analyse certes en un appel incident de la décision déférée mais cet appel est recevable, l'article 909 du code de procédure civile n'imposant aucun formalisme particulier à l'appel incident.

M. [Z], né en 1965, avait une ancienneté de plus de 21 ans lorsqu'il a été licencié pour faute grave alors qu'il n'avait fait l'objet d'aucun antécédent disciplinaire antérieur et qu'il était placé en arrêt de travail pour maladie depuis le début de l'année 2019.

Il produit une attestation émanant de Pôle Emploi datée du 27 mars 2023 dont il résulte qu'il est inscrit en qualité de demandeur d'emploi depuis le 2 avril 2019.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [Z], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 40.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail.

Sur les autres demandes

D'une part, le droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours ne dégénère en abus qu'en cas de faute caractérisée par l'intention de nuire de son auteur, sa mauvaise foi ou sa légèreté blâmable, qui ne résultent pas du seul rejet des prétentions formulées par la société en cause d'appel

M. [Z] sera en conséquence débouté de sa demande à titre de dommages et intérêts pour appel abusif.

La société, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [Z] la somme complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [Z] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société 4A à payer à M. [Z] les sommes de 8.341 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de 834,10 euros pour les congés payés afférents et de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

L'infirme pour le surplus,

Condamne la société 4A à payer à M. [Z] les sommes suivantes :

- 29.079,98 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société 4A aux dépens.

Signé par Madame Marie Paule Menu, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Marie Paule Menu


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01863
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;20.01863 ?
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