La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/2023 | FRANCE | N°20/01308

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 07 juin 2023, 20/01308


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 07 JUIN 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 20/01308 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LP7E















Madame [T] [S]



c/



SCP [P] [H] & [C] [K], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IPL Atlantique,

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 3]
















r>Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 février 2020 (R.G. n°F 16/01898) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déc...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JUIN 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 20/01308 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LP7E

Madame [T] [S]

c/

SCP [P] [H] & [C] [K], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IPL Atlantique,

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 février 2020 (R.G. n°F 16/01898) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 06 mars 2020,

APPELANTE :

Madame [T] [S] née [A]

née le 30 Novembre 1961 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON - MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SCP [P] [H] & [C] [K], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Société IPL Atlantique, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Catherine GAROUX de la SELARL C & G LAW STOULS & SULLY AVOCATS, avocat au barreau de LYON

UNEDIC délégation AGS - CGEA de [Localité 3], prise en la personne de sa Directrice Nationale domiciliée en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

représentée et assistée de Me Juliette CAILLON, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Philippe HONTAS de la SELARL HONTAS ET MOREAU, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 avril 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société IPL Atlantique, société de droit privé issue du laboratoire municipal d'analyses de la ville de [Localité 3], était une entreprise ayant pour activité les prélèvements et analyses dans le domaine de l'hydrologie.

A la suite de diverses modifications, la société était rattachée au groupe IPL via la société IPL Invest, société holding du groupe IPL SED, détenue par la Fondation Institut Pasteur de Lille, qui comportait 6 filiales opérationnelles sur le territoire national, dont la société IPL Atlantique.

En octobre 2011, le groupe Eurofins est devenu actionnaire majoritaire de la société IPL Invest.

***

Par jugement rendu le 12 juin 2013, le tribunal de commerce de Bordeaux a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au profit de la société IPL Atlantique et désigné Maître [Z] [ZC] en qualité d'administrateur judiciaire, lequel a engagé une procédure de licenciement collectif pour motif économique.

Le document unilatéral établi par l'administrateur portant plan de sauvegarde de l'emploi (ci-après PSE) a été homologué par la DIRECCTE par décision du 3 décembre 2013.

Par ordonnance rendue le 11 décembre 2013, le juge commissaire a autorisé le licenciement de 35 salariés sur les 84 employés par la société dans le cadre de contrats de travail à durée indéterminée.

Par ordonnance rendue le 20 décembre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la requête présentée par le comité d'entreprise et plusieurs salariés tendant à voir ordonner la suspension de la décision d'homologation du PSE par la DIRECCTE.

Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt rendu le 21 février 2014 par le Conseil d'État.

Par jugement en date du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande en nullité de la décision d'homologation du PSE présentée par le comité d'entreprise ainsi que par plusieurs salariés dont Mesdames [S], [U], [R], [E], [Y], [L], [I], [O], [W] et [B] et Messieurs [G] et [J].

Par arrêt rendu le 30 juin 2024, la cour administrative d'appel a débouté les requérants de leur demande d'annulation du jugement et de la décision d'homologation.

Par arrêt rendu le 4 mai 2016, le Conseil d'État a annulé la décision de la DIRECCTE ainsi que le jugement du tribunal administratif et l'arrêt de la cour administrative d'appel.

***

Mme [T] [S], née en 1961, engagée le 1er avril 1982 au sein de la société IPL Atlantique, y occupait l'emploi de technicienne de laboratoire et bénéficiait du statut de salariée protégée.

L'administrateur judiciaire de la société IPL Atlantique a mis en 'uvre les licenciements pour motif économique autorisés par le juge commissaire.

Le contrat de travail de Mme [S] a pris fin le 11 avril 2014 dans le cadre de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle et suite à l'autorisation donnée par l'inspection du travail le 8 avril 2014.

Par décision rendue le 9 mars 2016, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la résolution du plan de redressement qui avait été adopté au profit de la société IPL Atlantique ainsi que la liquidation judiciaire de celle-ci et a désigné la SCP [H]-[K] en qualité de liquidateur.

***

Le 20 juillet 2016, Mme [S] ainsi que d'autres salariés protégés ou non, ont saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux afin d'obtenir la fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société IPL Atlantique à la somme de 76.500 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 1233-58 II du code du travail.

Par jugement rendu en formation de départage le 7 février 2020, le conseil de prud'hommes, après avoir ordonné la jonction des procédures engagées individuellement par les 23 salariés non protégés, a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de Mme [S] et l'a condamnée aux dépens.

Mme [S] a relevé appel de cette décision le 6 mars 2020.

Dans ses dernières conclusions en date du 20 mars 2023, Mme [S] demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites ses demandes et en ce qu'il a condamné solidairement les salariés aux dépens,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société IPL Atlantique les sommes suivantes :

* 76.500 euros sur le fondement de l'article L.1233-58 II du code du travail en se référant à un salaire de 2.550 euros,

* 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt opposable au CGEA de [Localité 3],

- ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société IPL Atlantique.

Dans ses dernières conclusions en date du 24 mars 2023, la SCP [H]-[K], en sa qualité de liquidateur de la société IPL Atlantique, demande à la cour de :

A titre principal,

- juger les demandes de Mme [S] irrecevables car prescrites, confirmer le jugement dont appel de ce chef et en ce qu'il a mis les dépens à la charge des salariés,

A titre subsidiaire,

- juger irrecevables les demandes de M. [F], Mme [X], Mme [D], Mme [N], M. [V] et Mme [M] en ce que ceux-ci n'étaient ni parties ni représentés devant le juge administratif, l'arrêt du Conseil

d'État n'étant revêtu que d'une simple autorité relative de la chose jugée et ainsi les débouter de leurs demandes comme étant manifestement irrecevables,

- juger que l'article L.1235-58 du code du travail se substitue aux dispositions de l'article L.1235-10 pour les entreprises sous procédure collective, dans les cas d'annulation pour défaut ou insuffisance de plan de sauvegarde de l'emploi,

- juger que l'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi par le Conseil d'État est imputable à une insuffisance de l'administration,

- juger non applicable la sanction indemnitaire de l'article L.1233-58 du code du travail aux hypothèses d'annulation du plan de sauvegarde de l'emploi pour insuffisance de motivation de l'autorité administrative,

- débouter Mme [S] de ses demandes de dommages et intérêts comme étant dépourvues de base légale et non fondées,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que la mise en cause de la responsabilité civile de l'employeur ne repose sur aucune base légale et n'est nullement étayée,

- débouter par conséquent Mme [S] de ses demandes comme étant manifestement infondées,

A titre infiniment infiniment subsidiaire,

- juger que les demandes de Mme [S] ne sont aucunement justifiées dans leur quantum,

- juger qu'elles doivent être plafonnées à un montant correspondant aux six derniers mois de rémunération brute, soit 15.300 euros et débouter Mme [S] du surplus de ses demandes,

- ordonner la restitution par Mme [S] des sommes perçues au titre du plan de sauvegarde de l'emploi en cause et ordonner la compensation,

En tout état de cause,

- débouter Mme [S] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, demande non fondée et non justifiée,

- condamner Mme [S] à verser à la SCP [H]-[K] la somme de 950 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les appelants supporteront les dépens de l'instance.

Dans ses conclusions adressées le 6 novembre 2020, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] demande à titre principal à la cour de confirmer le jugement déféré, subsidiairement, de juger irrecevables et mal fondées l'action et les demandes des salariés, de les débouter de leurs demandes sur le fondement de l'article L. 1233-58 II du code du travail et de celles tendant à lui voir déclarer l'arrêt opposable ainsi qu'à voir ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société, cette créance n'étant pas garantie.

A titre infiniment subsidiaire, l'UNEDIC demande à la cour de juger que les salariés ne justifient pas de la réalité du préjudice qu'ils prétendent avoir subi, de les débouter de leurs demandes et, en tout état de cause, d'ordonner la compensation des sommes allouées avec les indemnités perçues dans le cadre du plan de sauvegarde.

L'UNEDIC rappelle enfin les termes de la garantie qui lui incombe et notamment son exclusion pour les frais irrépétibles et les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2023 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 3 avril 2023,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La décision de la DIRECCTE du 3 décembre 2013 homologuant le PSE a été annulée par le Conseil d'État dans l'arrêt rendu le 4 mai 2016, au motif que, n'ayant pas examiné « si les mesures contenues dans le plan sont suffisantes pour satisfaire aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement par des salariés au regard des moyens dont disposaient l'entreprise et le groupe et, notamment si l'employeur avait procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe, l'autorité administrative a méconnu les dispositions de l'article L. 1233-57-3 du code du travail ».

L'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Bordeaux a été annulé par le conseil d'Etat au motif suivant : « Considérant, par suite, qu'en jugeant que l'autorité administrative devait uniquement s'assurer de ce que l'employeur avait sollicité le groupe d'une demande d'abondement du plan de sauvegarde de l'emploi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ».

Mme [S], qui fonde sa demande sur les dispositions de l'article L. 1233-58 II du code du travail, fait valoir que le conseil de prud'hommes, en retenant que l'action diligentée par les salariés était prescrite au visa de l'article 1235-7 du code du travail, a inscrit sa décision dans le sillage de l'arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la Cour de cassation dans le cadre de l'article L. 1233-16.

Cet arrêt ne pourrait être étendu à l'hypothèse visée par l'article L. 1233-58 II du code du travail qui concerne la situation des entreprises faisant l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, dont les salariés, en cas d'annulation de la décision de l'autorité administrative homologuant le PSE, peuvent uniquement prétendre au versement d'une indemnité nantie d'un plancher, sans que cette condamnation n'emporte la moindre incidence quant au licenciement lui-même, l'article L. 1233-58 II excluant expressément l'application de l'article L. 1233-16 du code du travail.

Il en est de même de l'article L. 1233-67 du code du travail, instaurant également un délai de prescription de douze mois courant à compter de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

En l'absence de toute contestation portant sur la régularité, la validité ou le motif de la rupture du contrat de travail, la présente action ne relève donc pas des dispositions des articles L. 1235-7 et L. 1233-67 du code du travail.

Mme [S] soutient ensuite que sa demande n'est pas irrecevable car ce n'est qu'à la suite de l'arrêt rendu par le Conseil d'État que son droit de bénéficier de l'indemnisation prévue par les dispositions de l'article L. 1233-58 II alinéa 5 du code du travail a été porté à sa connaissance ; or, ce texte, dans sa rédaction applicable à la date des licenciements, ne fait naître le droit à l'indemnité de 6 mois qu'il prévoit qu'en cas d'annulation de la décision d'homologation par le juge administratif.

Ainsi, faire application des dispositions de l'article L. 1235-7 ou de l'article L. 1233-67 reviendrait à juger que la prescription aurait été acquise avant même que l'objet de son action ne soit né, ce qui porterait une atteinte disproportionnée à son droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Selon Mme [S], c'est en vain que, pour s'y opposer, les intimés font valoir qu'il suffisait aux salariés de saisir le conseil de prud'hommes dans le délai de douze mois de la rupture et de solliciter un sursis à statuer car, ce qui est en cause n'est pas le délai de prescription lui-même, mais le point de départ de celui-ci.

Or, s'il est légitime de fixer par principe le point de départ de ce délai à la réception de la lettre de licenciement ou à l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, date à laquelle le salarié a nécessairement connaissance des motifs de la rupture, tel n'est pas le cas lorsque la connaissance des faits permettant l'action intervient plus de douze mois après celle-ci.

Mme [S] ajoute que la possibilité de solliciter un sursis à statuer ne fait pas disparaître l'atteinte au droit d'accès à un tribunal dès lors que le sursis à statuer ne présente aucun caractère obligatoire pour le juge et qu'au surplus, en cas de confirmation de la validité de la décision d'homologation, les demandeurs se trouveraient contraints de se désister d'une action ne reposant que sur ce fondement, en s'exposant à une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

La SCP [H]-[K] ès qualités conclut à la confirmation du jugement déféré qui a retenu l'irrecevabilité des demandes comme étant prescrites pour avoir été présentées devant le conseil de prud'hommes plus de 12 mois après la rupture du contrat, en vertu du délai de prescription imparti par les articles L. 1235-7 et L. 1233-67 du code du travail, applicable aux demandes reposant sur l'article L. 1233-58 II.

Le liquidateur fait ensuite valoir que les délais légaux de péremption ou de prescription figurent parmi les restrictions légitimes au droit d'accès à un tribunal, droit qui peut donner lieu à des limitations dès lors que celles-ci ne restreignent pas l'exercice de ce droit à un point tel qu'il s'en trouverait atteint dans sa substance.

*

L'UNEDIC conclut également à la confirmation du jugement déféré, reprenant pour l'essentiel l'argumentation du liquidateur de la société.

***

Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-58 II du code du travail, dans sa version applicable du 1er juillet 2013 au 1er juillet 2014, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire et de mise en 'uvre d'une procédure de licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, le PSE doit être homologué par la DIRECCTE dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1233-57-4 et à l'article L. 1233-57-7.

En cas de licenciements intervenus en l'absence de toute décision relative à l'homologation ou en cas d'annulation d'une décision ayant procédé à cette homologation, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En vertu de l'article L. 1233-67, dans sa version en vigueur du 30 juillet 2011 au 1er janvier 2015, l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle emporte rupture du contrat de travail. Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par douze mois à compter de l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

D'une part, ce délai de prescription, qui court à compter de la notification du licenciement ou de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, concerne les contestations de la compétence du juge judiciaire, fondées sur une irrégularité de la procédure relative au plan de sauvegarde de l'emploi ou sur la nullité de la procédure de licenciement en raison de l'absence ou de l'insuffisance d'un tel plan, telle la demande d'indemnisation prévue à l'article

L. 1233-58 II, alinéa 5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013.

D'autre part, il ne peut être valablement soutenu que le délai de prescription de 12 mois, destiné à assurer la sécurité des situations juridiques par la prévisibilité du temps de leur contestation, porte atteinte de manière disproportionnée au droit d'accès à un tribunal et à un recours effectif.

En effet, tant l'article L. 1235-7 que l'article L. 1233-67 prévoient que le délai de prescription de 12 mois ne court que si le salarié est dûment informé soit dans la lettre de licenciement, soit dans la proposition du contrat de sécurisation professionnelle, de la nécessité de saisir la juridiction prud'homale dans le délai d'un an courant à compter de la notification du licenciement ou de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.

Or, à l'audience, le conseil des salariés a reconnu que cette obligation d'information avait été respectée par l'administrateur de la société.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient Mme [S], le risque de se voir refuser par la juridiction prud'homale un sursis à statuer dans l'attente de la ou des décisions de la juridiction administrative est inexistant comme contraire au principe d'ordre public de séparation des pouvoirs et aux règles applicables à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction.

Enfin, la condamnation éventuelle en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne serait que la conséquence d'une contestation non fondée engagée devant la juridiction administrative.

Mme [S], dont le contrat de travail a pris fin le 11 avril 2014 suite à son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, a saisi le conseil de prud'hommes le 20 juillet 2016, soit plus de 12 mois plus tard et donc, après l'expiration du délai de prescription applicable.

Les demandes de Mme [S] sont dès lors irrecevables comme prescrites et le jugement déféré sera en conséquence confirmé.

Mme [S], partie perdante à l'instance et en son recours, supportera les dépens mais en considération de l'équité, il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [T] [S] aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 20/01308
Date de la décision : 07/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-07;20.01308 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award