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05/06/2023 | FRANCE | N°21/00345

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 05 juin 2023, 21/00345


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 05 JUIN 2023









N° RG 21/00345 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L4T4







[O] [X] épouse [W]



c/



[F] [W]

S.A. CREDIT LOGEMENT



























Nature de la décision : AU FOND



JONCTION avec RG 21/00603










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Grosse délivrée le :05 juin 2023



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de LIBOURNE ( RG : 16/00546) suivant deux déclarations d'appel du 21 janvier 2021 et du 1er février 2021





APPELANTE ET INTIMEE SELON UNE DECLARATION D'APPEL D...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 05 JUIN 2023

N° RG 21/00345 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-L4T4

[O] [X] épouse [W]

c/

[F] [W]

S.A. CREDIT LOGEMENT

Nature de la décision : AU FOND

JONCTION avec RG 21/00603

Grosse délivrée le :05 juin 2023

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de LIBOURNE ( RG : 16/00546) suivant deux déclarations d'appel du 21 janvier 2021 et du 1er février 2021

APPELANTE ET INTIMEE SELON UNE DECLARATION D'APPEL DU 1ER février 2021 ( RG 21/00603) :

[O] [X] épouse [W]

née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 9]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Nicolas DROUAULT, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉ ET APPELANT SELON UNE DECLARATION D'APPEL DU 1ER février 2021 ( RG 21/00603) :

[F] [W]

né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Représenté par Me Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocat au barreau de BORDEAUX et assisté par Me Anthony BABILLON de la SELARL B.G.A., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ

S.A. CREDIT LOGEMENT immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 6]

Représentée par Me Marjorie RODRIGUEZ de la SELARL RODRIGUEZ & CARTRON, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 avril 2023 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Emmanuel BREARD, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant offres du 5 mai 2006, acceptées le 24 mai 2005, la société générale consentait à la SCI le Prévôt représentée par son gérant M. [F] [W] et par sa co-gérante Mme [O] [X], un prêt d'un montant de 197 835,24 euros au taux nominal de 3,65% l'an remboursable en 243 mensualités et un second prêt d'un montant de 182 164,76 euros au taux nominal de 3,65% l'an remboursable en 147 mensualités, destinés à financer l'acquisition d'une propriété située [Adresse 1] à [Localité 8] (33).

Le 24 mai 2006, M. [W] et Mme [X] se sont portés cautions à hauteur de 257 186 euros pour le premier prêt et à hauteur de 236 815 euros pour le second prêt, la SA Crédit Logement se portait caution des engagements de la société par actes du 5 mai 2006 pour chacun des deux prêts.

Les échéances étaient réglées pendant 7 ans puis n'étaient plus régulièrement payées pour chaque prêt et la garantie donnée a été mise en oeuvre au titre du second prêt : la société Crédit Logement a versé à la société générale la somme de 139 273,31 euros suivant quittance subrogatoire du 13 juin 2012.

Par jugement du 4 juin 2013, la SCI le Prévôt a été placée en procédure de sauvegarde.

Par jugement du 6 mai 2014, la SCI le Prévôt a été placée en liquidation judiciaire, Maître [I], a été désigné comme liquidateur.

La clôture de la procédure a été prononcée le 20 avril 2017.

Le 27 mars 2015, la société demanderesse a versé la somme de 196 992,84 euros à la société Société générale au titre du premier prêt, outre le 15 septembre 2015 la somme de 15 622,75 euros à ce même titre.

Par jugement du 14 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Libourne a condamné les défendeurs au paiement à la société Crédit Logement d'une somme de 139 273,31 euros au titre du second prêt.

Par arrêt du 15 juin 2017, la cour d'appel de Bordeaux a infirmé la décision en ce qui concerne la condamnation de M. [W] et a débouté la société Crédit Logement de sa demande de condamnation par l'effet du paiement de la dette emportant extinction du commandement par Maître [I], au moyen d'une partie du prix de vente de la maison.

Par acte d'huissier du 21 mars 2016, la société Crédit Logement a assigné M. [W] et Mme [X] devant le tribunal de grande instance de Libourne afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire au paiement d'une somme de 216 897,07 euros arrêtée au 11 janvier 2016 outre les intérêts au taux de 2,65% l'an jusqu'au paiement définitif et la capitalisation des intérêts.

Par jugement du 18 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Libourne a :

- dit n'y avoir lieu à médiation,

- déclaré les demandes de la société Crédit Logement recevables,

- déclaré irrecevables les contestations relatives au taux effectif global du prêt,

- condamné solidairement M. [W] et Mme [X] à payer à la société Crédit Logement la somme de 163 123,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2017, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

- rejeté le surplus des prétentions des parties,

- condamné solidairement M. [W] et Mme [X] à payer à la société Crédit Logement la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté le surplus des prétentions des parties,

- condamné solidairement M. [W] et Mme [X] aux dépens.

Mme [X] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 21 janvier 2021 (RG n° 21/00345).

M. [W] a relevé appel de ce jugement par déclaration du 1er février 2021 (RG n° 21/00603).

Le conseiller de la mise en état a rendu un avis de jonction le 2 janvier 2023 et a joint les deux déclarations d'appel sous le n° de dossier n° RG 21/00345.

Par ordonnance de référé du 17 juin 2021, la cour d'appel de Bordeaux a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du tribunal judiciaire de Libourne du 18 décembre 2020.

Par conclusions déposées le 13 septembre 2021, Mme [X] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé Mme [X] en son appel,

- réformer le jugement du 18 décembre 2020 en ce qu'il a :

* condamné solidairement M. [W] et Mme [X] à payer à la société Crédit Logement la somme de 163 123,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2017, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

* rejeté le surplus des prétentions des parties,

* condamné solidairement M. [W] et Mme [X] à payer à la société Crédit Logement la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

* ordonné l'exécution provisoire de la décision,

* rejeté le surplus des prétentions des parties,

* condamné solidairement M. [W] et Mme [X] aux dépens.

A titre principal :

- juger que le cautionnement souscrit par Mme [X] le 24 mai 2006 était, lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

- juger que le cautionnement souscrit par Mme [X] le 24 mai 2006 est sans effet,

- juger que Mme [X] est entièrement déchargée du paiement du solde du prêt consenti à la SCI le Prévôt le 24 mai 2006,

A titre subsidiaire :

- juger que Mme [X] n'était pas une caution avertie au jour de l'engagement,

- juger que la société Société générale et la société Crédit Logement ont manqué à leur devoir d'information et de mise en garde à l'égard de Mme [X] de sorte que leur responsabilité doit être engagée,

- condamner la société Crédit Logement à payer à Mme [X] la somme de 163 123,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2017 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, correspondant au solde du prêt,

- ordonner la compensation des sommes dues,

A titre infiniment subsidiaire :

- octroyer à Mme [X] les plus larges délais de paiement,

En tout état de cause :

- condamner la société Crédit Logement à payer à Mme [X] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles afférents à la procédure devant le tribunal judiciaire de Libourne,

- condamner la société Crédit Logement à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner la société Crédit Logement aux entiers dépens de la procédure devant le tribunal judiciaire de Libourne,

- condamner la société Crédit Logement aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Par conclusions déposées le 16 mars 2023, M. [W] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé M. [W] dans l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Y faisant droit,

- réformer le jugement du 18 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Sur la recevabilité de la demande de la société Crédit Logement :

- juger que la demande présentée par la société Crédit Logement à l'encontre de M. [W] est irrecevable car prescrite,

Sur les manquements de la société Société générale et la société Crédit Logement :

- juger le caractère disproportionné des engagements souscrits par M. [W] auprès de la société Société générale en application des dispositions de l'article L. 313-10 et L. 341-4 du code de la consommation ainsi que le manquement de la société Société générale à son devoir de conseil,

En conséquence,

- juger par conséquent que M. [W] sera déchargé du paiement du solde du prêt contracté par la société Le Prévôt auprès de la société Société générale,

- juger qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

A défaut,

- constater que la société Société générale et la société Crédit Logement n'ont pas satisfait à leur devoir d'information, de mise en garde et qu'ils ne peuvent en conséquence prétendre au paiement de quelconques intérêts ou pénalités de retard et ce jusqu'à l'effective mise en demeure de la caution,

- juger à tout le moins que la société Société générale et la société Crédit Logement ont engagé leur responsabilité sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et condamner la société Crédit Logement la somme de 216 897,07 euros à titre de dommages et intérêts à M. [W] en réparation du préjudice subi du fait de la souscription d'une obligation disproportionnée à sa capacité de remboursement outre les intérêts légaux capitalisés annuellement en vertu des dispositions des articles 1153 et 1154 du code civil,

- ordonner la compensation entre les créances,

Sur le cantonnement de la société Société générale et la société du Crédit Logement,

Sur la déchéance des intérêts contractuels,

- juger que seul l'intérêt légal est applicable dans le cadre du prêt en application des dispositions des articles L. 313-22 du code monétaire et financier,

En toute hypothèse :

- condamner la société Crédit Logement à verser 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre es entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL BGA conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 10 mars 2023, la société Crédit Logement demande à la cour de :

Pour ce qui concerne Mme [X] :

- dire Mme [X] irrecevable et infondée en son appel,

- dire Mme [X] irrecevable à demander à la cour de juger pour la première fois qu'elle n'était pas caution avertie au jour de l'engagement, juger pour la première fois que la société Crédit Logement et la société Société générale ont manqué à leur devoir d'information et de mise ne garde à son égard de sorte que leur responsabilité doit être engagée, de, pour la première fois, condamner la société Crédit Logement à payer à Mme [X] la somme de 163 123,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2017 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, correspondant au solde du prêt et enfin pour la première fois, d'ordonner la compensation des sommes dues,

- A défaut la dire prescrite à solliciter de juger que Mme [X] n'était pas caution avertie au jour de l'engagement, juger que la société Crédit Logement et la société Société générale ont manque à leur devoir d'information et de mise en garde à l'égard de Mme [X] de sorte que leur responsabilité doit être engagée, de condamner à payer à Mme [X] la somme de 163 123,50 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2017 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière, correspondant au solde du prêt et d'ordonner la compensation des sommes dues.

En tout état de cause, la débouter de son entier appel, et contestations

Pour ce qui concerne M. [W] :

- constater que la cour n'est pas saisie de l'appel de M. [W] faute pour lui d'avoir saisi le greffe des moyens visés attaqués,

- dire M. [W] irrecevable comme présentant une demande nouvelle sur 1382 du code civil de dommages intérêts de la somme de 216 897,07 euros,

- A défaut, le dire prescrit à solliciter de sur 1382 du code civil de dommages intérêts de la somme de 216 897,07 euros,

- A défaut, au fond le débouter de toutes ses demandes y compris sa demande de médiation non sérieuse

* le débouter de l'ensemble de ses conclusions et en conséquence,

* dire que son engagement de caution n'est pas disproportionné,

* dire qu'il ne peut se prévaloir d'aucun manquement à une obligation de mise en garde,

* le débouter de ses demandes sur 1382 du code civil et de toute demande se rapportant à la responsabilité civile du banquier,

* le débouter de sa demande de déchéance des intérêts contractuels,

* de sa demande au titre des frais d'instance

Par voie de conséquence contre les deux appelants :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement les débiteurs à régler à la société Crédit Logement une somme de 163 123,50 euros assortie des intérêts au taux conventionnel arrêté à 2,65% au 27 septembre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- les condamner solidairement à une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et ainsi,

- condamner solidairement le débiteur à régler à la société Crédit Logement une somme de 136 123,50 euros assortie des intérêts au taux conventionnel arrêté à 2,65% au 27 septembre 2017 jusqu'à parfait paiement,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- les condamner solidairement à une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

- les condamner solidairement à une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance

- les condamner solidairement aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

L'affaire a été fixée à l'audience rapporteur du 3 avril 2023.

L'ordonnance de clôture a été fixée au 20 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I Sur la recevabilité de l'appel effectué par M. [W].

L'article 562 du code de procédure civile énonce que 'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.

La société Crédit logement affirme que la déclaration d'appel effectuée par M. [W] est dépourvue d'effet dévolutif, faute de viser le moindre chef de jugement critiqué, notamment en les rappelant.

Cependant, il ressort de l'avis de déclaration d'appel enregistré le 2 février 2021 et effectué par M. [W] que ce dernier énonce les chefs de jugement critiqués.

Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé et que le recours sera déclaré recevable.

II Sur la recevabilité de la demande de la société Crédit Logement.

En vertu de l'article L.218-2 du code de la consommation, l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

M. [W] estime que non seulement cet article est opposable à la société intimée, mais en outre que c'est à compter de la date du premier incident de paiement que le prêteur aurait dû engager une action en paiement à l'encontre des cautions.

Il reproche au premier juge d'avoir fixé le point de départ de la prescription à la date de déchéance et non au premier impayé, disant que la caution personne physique peut faire l'objet d'une mesure d'exécution pendant la période d'observation, en particulier par une hypothèque judiciaire provisoire, seule l'exécution du titre étant selon lui suspendue pour la durée du plan.

Or, il observe que les premiers impayés remontent au 7 avril 2012 et que si la créance a fait l'objet d'une déclaration par le financeur suite à la procédure de sauvegarde du 4 juin 2013, la demande en paiement n'est intervenue que le 21 mars 2016.

***

S'il ressort clairement des prétentions de M. [W] qu'il se prévaut d'une prescription, il convient néanmoins de relever, comme l'a jugement fait le premier juge que le délai de prescription du crédit immobilier a été interrompu et non suspendu par l'effet de la procédure collective ouverte contre l'emprunteur et s'est prolongé pour le créancier dont la créance a été admise jusqu'à la clôture de la liquidation judiciaire.

Il n'est pas remis en cause que la liquidation judiciaire de l'emprunteur a été ouverte par jugement du 6 mai 2014 et clôturée le 28 juin 2017.

Il résulte de ces seules constatations que la prescription n'est pas établie et la décision attaquée sera donc confirmée de ce chef.

III Sur la question de l'obligation de conseil et de mise en garde du prêteur à l'égard de Mme [X] et de M. [W].

L'article 1147 du code civil applicable dispose « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

M. [W] avance que le jugement du 18 décembre 2020, s'il a retenu sa qualité de directeur d'hôpital public, a en revanche omis le fait qu'il n'a aucune compétence de chef d'entreprise privée, ce d'autant que c'est le trésorier qui contrôle la dépense et la recette d'un hôpital.

Mme [X] dit sa demande à ce titre recevable, celle-ci tendant aux mêmes fins que son argumentation relative à la disproportion de son engagement. Elle remet également en cause la moindre prescription à ce titre, s'agissant d'un moyen de défense.

Elle met en avant ne pouvoir être considérée comme une caution avertie et ne pas avoir de compétence en matière de gestion financière ou avoir été en mesure de d'apprécier le contenu, la portée et les risques de l'opération de crédit et de son engagement en qualité de caution.

Les appelants considèrent ne pas avoir été informés de la disproportion entre le montant de l'emprunt et la capacité de remboursement de la part de l'emprunteur ou leurs revenus. Ils se prévalent encore de l'absence de prise en compte de l'absence de prise de renseignement sur le patrimoine de la société emprunteuse et de ses associés.

***

Il apparaît que si M. [W] n'a jamais été chef d'entreprise, il n'en pas moins exercé des fonctions de gestion d'un établissement hospitalier en sa qualité de directeur et dispose de ce fait des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques de l'engagement objet du litige.

Il résulte de ces seules constatations qu'il doit être considéré comme une caution avertie et ne saurait se prévaloir de ce fait d'un défaut de conseil ou de mise en garde de la part du prêteur.

En ce qui concerne Mme [X], il est exact que non seulement sa demande au titre du devoir de conseil et de mise en garde du prêteur tend aux mêmes fins que celle au titre de la disproportion de son engagement, mais en outre, s'agissant d'un moyen de défense, qu'il ne saurait lui être opposé la moindre prescription, ni une irrecevabilité de ses demandes nouvelles en appel, s'agissant de demandes reconventionnelles.

Sur le fond, il résulte du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Libourne le 14 janvier 2016 que l'appelante était gérante d'au moins 2 sociétés civiles immobilières et sa déclaration de revenus pour l'année 2004 montre qu'elle percevait en outre des loyers à titre personnel (pièces 13, 14, 15 et 33 de la société intimée).

Il s'ensuit qu'elle doit être considérée comme une caution avertie, ayant les qualités nécessaires pour évaluer le contrat de prêt souscrit.

Les demandes des appelants au titre du dévoir de conseil et de mise en garde du prêteur seront donc rejetées.

IV Sur la disproportion des engagements de M. [W] et de Mme [X].

L'article L.341-4 du code de la consommation applicable mentionne que 'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et retenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation'.

Mme [X] soutient que son cautionnement était disproportionné, retenant que l'immeuble financé doit être exclu de l'appréciation de cette disproportion, étant acquis par un tiers, notamment en ce qu'il portait sur un montant de 236.815 €, alors qu'elle était déjà caution pour un autre prêt auprès de la même banque pour un montant de 257.186 €.

Elle note que le jugement en date du 18 décembre 2020 se contente de mentionner qu'elle percevait lors du cautionnement un salaire d'un montant annuel de 23.000 €, des loyers et était propriétaire de plusieurs immeubles, tout en soulignant qu'elle ne produit aucun élément sur sa situation à ce moment là.

Elle dit établir que son revenu fiscal s'élevait en 2004 à un montant de 21.539 €, puis de 4.447 € en 2005 et que le prêteur a donc manqué à son obligation de vérifier sa capacité à supporter le cautionnement objet du litige. Elle indique au surplus justifier de sa situation contemporaine de l'année 2016 qui montre qu'elle n'avait alors que de faibles revenus.

M. [W] argue quant à lui que l'ensemble de ses revenus ne permettait de régler la dette qu'en 10 ans en 2005 et en 7 ans lors de l'assignation, alors qu'il n'est propriétaire d'aucun bien immobilier et que les sommes garanties dépassent le taux d'endettement personnel de 30% en général admis.

Il précise que sa situation ne s'améliorera pas avec son départ en retraite et que la prestation compensatoire au profit de sa précédente épouse n'avait pas été fixée lorsqu'il a souscrit l'engagement objet du présent litige.

Il remarque qu'aucun questionnaire ne lui a été soumis à ce propos, le seul rempli l'ayant été le 29 août 2011, suite à divers incidents de paiement, outre qu'il a souscrit d'autres engagements de caution pour l'acquisition de biens personnels à Mme [X] pour lesquels il est également poursuivi en paiement.

***

La cour constate, s'agissant de Mme [X], que le juge aux affaires familiale a motivé sa décision du 7 avril 2016 en retenant 'qu'il est constant qu'elle est propriétaire d'un immeuble si à [M] estimé le 13 mai 2011 à 450.000 € et qu'elle a vendu le 16 juin 2010 à la Sci Hibiscus 4 dont elle était la gérante un immeuble sis à Saint Martin pour 650.000 €'.

Il résulte de ces seuls éléments, non contestés, que le patrimoine immobilier de Mme [X] lui permettait de faire face à son engagement de caution, lequel ne saurait donc avoir été disproportionné à son égard.

Sa demande sera donc rejetée.

A propos de M. [W], il sera rappelé que l'intéressé est une caution avertie et qu'il ne pouvait donc ignorer la disproportion existante entre ses revenus et le montant du cautionnement consenti. Outre le fait qu'il appartient à cet appelant d'établir cette disproportion, alors qu'il reste silencieux sur la composition de son patrimoine, en particulier financier, l'intéressé bénéficiait d'un avantage en nature grâce à son logement mis à disposition et du fait qu'il disposait de la propriété de la moitié des parts de la société emprunteuse. Il ne rapporte donc pas la preuve d'une disproportion dans son engagement.

Il s'ensuit que cette demande sera également rejetée.

Il résulte des éléments qui précèdent qu'il n'est pas justifié de faute de la part de la société prêteuse et donc que celle-ci, ou la société subrogée dans ses droits, n'a pas engagé sa responsabilité contractuelle.

Les demandes en dommages et intérêts faites à ce titre par les appelants seront donc rejetées.

V Sur la question de l'information de la caution.

L'article L.313-22 du code monétaire et financier prévoit que 'Les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

La réalisation de cette obligation légale ne peut en aucun cas être facturée à la personne qui bénéficie de l'information.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette'.

M. [W] estime que la société Crédit Logement ne peut prétendre aux intérêts, disant ne pas avoir reçu l'information prévue à l'article L.313-22 du code monétaire et financier précité.

Il précise que les courriers émanant du prêteur entre 2011 et 2015 ne lui sont pas parvenus et que les informations qui y sont contenues ne sont pas fiables.

***

Toutefois, il convient d'observer qu'il ressort des pièces 40 à 41 c) de la société intimée, que les courriers d'information prévus à l'article L.313-22 du code monétaire et financier sont non seulement communiqués, mais en outre qu'ils forment un ensemble cohérent dans les chiffres énoncés.

La décision attaquée sera donc confirmée de ce chef.

VI Sur la demande de délais de grâce faite par Mme [X].

Il résulte de l'article 1343-5 alinéa 1er du code civil que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Mme [X] se dit de bonne foi lors de la présente procédure et entend qu'il lui soit accordé des délais de paiement les plus larges, n'ayant selon ses dires qu'un reste à vivre d'un montant de 200 € mensuel pour elle et ses deux enfants.

Néanmoins, outre qu'elle ne justifie pas par les pièces versées de son patrimoine immobilier, notamment faute d'adjudication de l'immeuble détenu par la Sci Hibiscus 4, l'intéressée a déjà bénéficié de délais de paiement de plus de deux ans, sans qu'il soit établi que ce délai puisse servir à désintéresser la société créancière.

Cette demande sera donc rejetée.

VII Sur les demandes annexes.

Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, M. [W] et Mme [X], qui succombent au principal, supporteront in solidum la charge des dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l'espèce, l'équité commande que M. [W] et Mme [X] soient condamnés in solidum à verser à la société Crédit logement la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de la présente procédure en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DÉCLARE M. [W] recevable en son recours ;

Confirme la décision rendue par le tribunal judiciaire de Libourne le 18 décembre 2020 ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [W] et Mme [X] à verser la société Crédit logement la somme de 1.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [W] et Mme [X] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00345
Date de la décision : 05/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-05;21.00345 ?
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