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31/05/2023 | FRANCE | N°22/01120

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 31 mai 2023, 22/01120


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 31 MAI 2023







PRUD'HOMMES



N° RG 22/01120 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MSOZ

















S.A.R.L. AQUITAINE SECURITE PREVENTION (ASP)

S.A.R.L. EKIP', ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL AQUITAINE SECURITE PREVENTION



c/



Monsieur [J] [D]



S.A. [Localité 6] DISTRIBUTION

S.A.R.

L. AGENCE CENTRALE 2 SURVEILLANCE (AC2S)

S.A.S. LYNX SECURITE



UNEDIC Délégation AGS-CGEA du SUD-OUEST













Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 31 MAI 2023

PRUD'HOMMES

N° RG 22/01120 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MSOZ

S.A.R.L. AQUITAINE SECURITE PREVENTION (ASP)

S.A.R.L. EKIP', ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL AQUITAINE SECURITE PREVENTION

c/

Monsieur [J] [D]

S.A. [Localité 6] DISTRIBUTION

S.A.R.L. AGENCE CENTRALE 2 SURVEILLANCE (AC2S)

S.A.S. LYNX SECURITE

UNEDIC Délégation AGS-CGEA du SUD-OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 février 2020 (R.G. n°F 18/00330) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 26 mars 2020,

APPELANTE :

S.A.R.L. AQUITAINE SECURITE PREVENTION (ASP), placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 20 janvier 2021

N° SIRET : 411 782 402

S.A.R.L. EKIP', ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL AQUITAINE SECURITE PREVENTION agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

représentée par Me Louis MANERA substituant Me Patrick TRASSARD de la SELARL TRASSARD & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [J] [D]

né le 09 Novembre 1984 à [Localité 5] de nationalité Française demeurant [Adresse 8]

représenté et assisté de Me Francine LINDAGBA-MBA, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A. [Localité 6] DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

N° SIRET : B 3 909 231 75

S.A.R.L. AGENCE CENTRALE 2 SURVEILLANCE (AC2S) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 799 95 9 1 92

représentées par Me Julie ELDUAYEN substituant Me Nicolas SANCHEZ de la SELARL JURIDIAL, avocat au barreau de BAYONNE

S.A.S. LYNX SECURITE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

N° SIRET : 423 50 5 2 13

représentée par Me Michel PUYBARAUD substituant Me Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY - MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me Juliette CAILLON substituant Me Philippe HONTAS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTES :

UNEDIC Délégation AGS-CGEA DU SUD-OUEST, prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 7]

représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mars 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUAUD-FOLLIARD Catherine, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [J] [D], né en 1984, a été engagé en qualité d'agent de sécurité par la SARL Aquitaine Sécurité Prévention (ci après dénommée la société ASP), par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er juin 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de prévention et sécurité.

La société ASP assurait des prestations de gardiennage et de sécurité pour le compte de ses clients, dont le centre commercial Leclerc de [Localité 6], exploité par la société [Localité 6] distribution. M. [D] a été affecté sur ce site.

Les relations contractuelles entre la société ASP et la société [Localité 6] distribution ont pris fin en 2017 à une date qui est discutée. Le successeur désigné par la société [Localité 6] Distribution était la société Lynx Sécurité.

Le contrat de travail de M. [D] n'a pas été transféré à la société Lynx Sécurité.

Demandant la résiliation judiciaire de son contrat de travail et diverses indemnités, outre des rappels de salaires ainsi que des dommages et intérêts , M. [D] a saisi le 8 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 28 février 2020, a :

-mis hors de cause les sociétés Lynx Sécurité, AC2S, [Localité 6] Distribution, ainsi que ' M. [Z],'

-prononcé la résolution judiciaire du contrat de travail liant M. [D] et la société ASP à la date du 17 septembre 2019. En conséquence, condamné la société ASP à lui verser :

*44.297,49 euros brut à titre de salaire sur la période du 1er avril 2017 au 17 septembre 2019,

*3.003,22 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

*300,32 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents,

*1.877 euros brut à titre d'indemnité de licenciement,

*7.500 euros à titre de dommages et intérêts,

*700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [D] du surplus de ses demandes,

-condamné la société ASP à verser à chacune des sociétés défenderesses (Lynx Sécurité, AC2S et [Localité 6] Distribution) 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné reconventionnellement M. [D] à verser à chacune des sociétés défenderesses et à M. [Z] 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné la société ASP aux dépens d'instance.

Par déclaration du 26 mars 2020, la société ASP a relevé appel de cette décision, notifiée le 6 mars 2020.

Par déclaration du 21 juillet 2020, M. [D] a également relevé appel de cette décision.

Les deux dossiers ont été joints le 26 août 2020.

Par jugement du tribunal de commerce de Bordeaux en date du 20 janvier 2021, la société ASP a été placée en liquidation judiciaire, la société Ekip' étant désignée mandataire-liquidateur.

Par arrêt du 12 janvier 2022, la cour a radié l'affaire pour mise en cause des organes de la procédure collective.

Les 8 et 15 février 2022, M. [D] a assigné en intervention forcée la société Ekip' ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP, ainsi que le CGEA de [Localité 5]. Il a demandé la remise au rôle du dossier le 4 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe le 6 mai 2022, la société Ekip', ès qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP demande à la cour de

A titre principal,

- se déclarer compétent,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause la société Lynx sécurité et la société Lynx Sécurité et la société AC2S,

- condamner la société Lynx Sécurité et la société AC2S à relever indemne et garantir la liquidation judiciaire de la société ASP de toutes les créances qui pourraient être fixées à son passif,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement entrepris sur les condamnations prononcées,

- fixer la créance de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP aux sommes suivantes :

* 46.169,42 euros à titre de rappel de salaires du 1er avril 2017 au 28 février 2020,

* 3.779,05 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la période d'avril 2017 au 28 février 2020,

* 3.003,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 300,32 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1.798,80 euros d'indemnité légale de licenciement,

* 4.504,83 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [D] du surplus de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 5 mars 2023, M. [D] demande à la cour de':

- prononcer l'irrecevabilité des dernières conclusions et pièces du CGEA le 20 février 2023 et leur rejet des débats,

- juger recevable et bien-fondé M. [D] en ses demandes,

Et,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes de voir la résiliation judiciaire de son contrat de travail prononcée à la date de la décision, et dans les dispositions critiquées par M. [D],

- juger que la société ASP a violé ses obligations conventionnelles et notamment l'article 3.2 de l'avenant du 28 janvier 2011,

- juger que M. [D] remplissait les conditions de transférabilité et qu'il est resté au service de la société ASP sans affectation et sans salaire,

- juger qu'il a été victime d'un traitement inégalitaire,

- juger qu'il a été victime d'une discrimination à l'embauche,

En conséquence,

- déterminer le reliquat du rappel de salaire dû au jour de la prononciation de la résiliation judiciaire, et à tout le moins à la date de la liquidation judiciaire de la société ASP, et fixer le montant au passif de la liquidation de la société ASP, soit à tout le moins au 20 janvier 2021,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de M. [D] aux torts exclusifs de la société ASP à compter du prononcé de la décision déférée soit le 28 février 2020 et en tirer toutes les conséquences indemnitaires,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP les sommes suivantes :

* 69.616,35 euros (1.547,03 euros x 45) bruts à titre de rappel de salaire

couvrant la période d'avril 2017 à janvier 2021, montant à réactualiser,

* 1.501,61 euros bruts à titre d'indemnités de congés payés couvrant la

période d'avril 2017 à octobre 2018, montant à réactualiser,

* 10.511,27 euros (1.501,61 euros X 7 = 10.501,27 euros) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3.003,22 euros (1.501,61 X2) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 5.815,03 euros à titre dommages intérêts liés à l'échec du transfert du contrat de travail,

* 4.500 euros au titre de la rupture d'égalité de traitement entre M. [D]

et ses ex collègues,

* 7.500 euros au titre du défaut de recyclage des diplômes et de défaut de formations du salarié à la charge de l'employeur,

* 8.500 euros au titre du préjudice moral,

- fixer donc au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP la somme totale de 125.947,45 euros,

- débouter la société Ekip' es qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP de l'ensemble de ses demandes,

- débouter le CGEA de [Localité 5] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter les sociétés Lynx, AC2S, [Localité 6] Distribution de toutes demandes dirigées à l'encontre de M. [D],

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de même que les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de son conseil.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 juillet 2022, la société [Localité 6] distribution demande à la cour de':

- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause,

- le confirmer en ce qu'il a condamné la société ASP à lui verser la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- le confirmer en ce qu'il a condamné M. [D] à lui verser la somme de 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ASP à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ASP en tous les dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juillet 2022, la société AC2S demande à la cour de':

- confirmer intégralement le jugement du conseil des prud'hommes de Bordeaux en date du 28 février 2020 en ce qu'il a mis hors de cause la société AC2S,

En conséquence,

- débouter la société Ekip es qualité de liquidateur de la ASP de sa demande de condamnation in solidum, à relever indemne et à garantir la liquidation de la société ASP, de toutes de toutes créances qui pourraient être fixées à son passif, dirigée envers la société AC2S,

- débouter la société ASP de sa demande de condamnation in solidum à lui régler une somme de 2.000 euros dirigée vers la société AC2S sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- confirmer la condamnation de M. [D] à régler à la société AC2S la somme de 50 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'inscription au passif de la liquidation de la société ASP de la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile allouée par le jugement du conseil des prud'hommes de Bordeaux en date du 28 février 2020,

- ordonner l'inscription au passif de la liquidation de la société ASP de la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, au bénéfice de la société AC2S et des dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 juillet 2022, la société Lynx Sécurité demande à la cour de':

- confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Lynx Sécurité,

A titre principal,

- juger qu'aucune demande n'est formulée par M. [D] à l'encontre de la société Lynx Sécurité de sorte que le juge, sauf à statuer ultra petita, ne peut pas entrer en voie de condamnation à son encontre,

- se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Bordeaux pour connaître des demandes de la société Ekip' es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP, de l'AGS et de la société AC2S formées à l'encontre de la société Lynx Sécurité,

- confirmer le chef du jugement ayant mis hors de cause la société Lynx sécurité,

A titre subsidiaire,

- juger que les demandes soutenues par la liquidation judiciaire de la société ASP sont nouvelles et donc irrecevables,

- juger que la cour d'appel de Bordeaux est dépourvue du pouvoir de juger des demandes soutenues par l'AGS, lesquelles sont au surplus irrecevables,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger au surplus que contrairement à la société ASP, la société Lynx sécurité n'a commis aucune faute dans le cadre du transfert de marché,

- juger que les demandes de la société Ekip' es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP et de l'AGS telles que dirigées à l'encontre de la société Lynx Sécurité sont mal fondées et l'en débouter,

- juger mal fondées les demandes de la société Ekip' es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP et de l'AGS dirigées à l'encontre de la société Lynx Sécurité, lesquelles ont pour objet que celle-ci soit tenue de l'indemniser ou de la garantir ou de les relever indemnes d'éventuelles condamnations qui seraient prononcées au profit du salarié et les en débouter,

- juger mal fondées les demandes de la société Ekip' es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP et de l'AGS dirigées à l'encontre de la société Lynx Sécurité, lesquelles ont pour objet que celle-ci soit condamnée in solidum avec la société AC2S à la relever indemne des dommages et intérêts alloués à M. [D] et les en débouter,

- juger que les prétentions de la société Ekip' es-qualité de liquidateur judiciaire de la société ASP et de l'AGS sont non seulement infondées en droit et en fait et ce d'autant que par ailleurs, elles ne sont que la conséquence de ces seuls actes de gestion, mais aussi parce qu'en tout état de cause, les demandes formées par le salarié sont mal fondées et qu'elles ne sont pas justifiées tant dans leur principe que dans leur quantum,

En tout état de cause,

- condamner M. [D] à payer une indemnité de 800 euros à la société Lynx sécurité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus des sommes allouées en 1ère instance,

- outre les sommes qui lui ont été allouées en 1ère instance de ce chef, fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP une indemnité complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP les dépens d'instance, en ce compris les éventuels frais d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 février 2023, le CGEA de [Localité 5] demande à la cour de':

Sur l'appel principal :

- rejeter l'exception d'incompétence de la société Lynx sécurité,

- déclarer recevable et bien-fondé l'appel de la société ASP,

A titre subsidiaire et sur l'appel incident de M. [D] :

- déclarer irrecevable l'appel incident de M. [D] tendant à la fixation de la résiliation à la date de l'arrêt ou de la liquidation judiciaire,

- rejeter les chefs de demandes non compris dans le dispositif des conclusions déposées,

- fixer la date de rupture du contrat de travail au jugement, sous réserve qu'il soit demeuré au service de son employeur,

En conséquence,

- fixer la créance de M. [D] au passif de la société ASP aux sommes suivantes :

* 47.565,59 euros à titre de salaires du 1er avril 2017 au 28 février 2020,

* 3.893,35 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur la période du 1er avril 2017 au 28 février 2020,

* 3.003,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

* 300,32 euros à titre de congés payés afférents au préavis,

* 1.853,21 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 4.641,09 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (3 mois), sans que le montant puisse excéder le maximum légal de 3,5 mois soit 7.735,15 euros,

- débouter M. [D] du surplus de ses demandes,

- le débouter de ses demandes indemnitaires au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail,

Subsidiairement,

- débouter M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires ou subsidiairement fixer sa créance au passif de la société ASP à 500 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de paiement des salaires,

Très subsidiairement, en cas d'indemnisation du salarié admise au passif de la société ASP, pour non-respect de l'accord du 5 mars 2002,

- fixer le quantum des dommages et intérêts pour non-respect de l'accord du 5 mars 2002, à la somme maximale de 1.500 euros,

- faire droit à la demande de la société ASP tendant à la condamnation in solidum des sociétés AC2S et la société Lynx Sécurité à la relever indemne des dommages et intérêts alloués de ce chef,

Sur la garantie de l'AGS :

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS ' CGEA de [Localité 5] dans la limite légale de sa garantie laquelle :

* est limitée à six fois le plafond des contributions à l'assurance-chômage, en vigueur à la date de la rupture du contrat,

* exclut notamment l'astreinte l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre très subsidiaire, en cas de recevabilité retenue de la résiliation du contrat à la date de la liquidation judiciaire ou de l'arrêt,

- dire non garantis les indemnités de rupture, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que les salaires au-delà des 15 jours suivant la liquidation judiciaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 février 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 28 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité des conclusions de l'AGS CGEA

M. [D] demande que les conclusions de l'Association du 20 février 2023 soit quelques jours avant l' ordonnance de clôture, soient déclarées irrecevables.

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit respecter et faire respecter le principe du contradictoire.

Les secondes conclusions de l'AGS CGEA n'apportent pas de modification essentielle aux premières et le délai ayant couru entre le dépôt des conclusions de l'association et l' ordonnance de clôture permettait aux autres parties, qui ne demandent pas la révocation de l'ordonnance de clôture, de répondre.

Elles sont recevables.

La demande de résiliation judiciaire du contrat de travail

Pour l'essentiel, la Selarl EKIP' fait valoir que la société [Localité 6] Distribution a informé la société ASP, le 2 novembre 2016, de la résiliation judiciaire du contrat les liant à effet du 28 février 2017, que la société ASP a transmis dans les délais à la société Lynx Sécurité, désignée en qualité de qualité de société entrante, les informations relatives aux contrats de travail transférables, que cette dernière a refusé le transfert du contrat de travail de M. [D] à la date du 1er mars 2017 en arguant de l'erreur de date commise par la société [Localité 6] Distribution.

Le mandataire liquidateur ajoute que les sociétés Lynx Sécurité et AC2S devraient relever indemne la liquidation judiciaire des créances qui seraient fixées à son passif

- la première, pour ne s'être pas assurée que la rétractation par la société [Localité 6] Distribution de la date d'effet de la résiliation du contrat liant cette dernière à la société ASP à la date du 27 février 2017 n'était pas unilatérale mais procédait d'un accord avec cette dernière,

- la seconde, pour n'avoir pas respecté l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2002 en s'abstenant de notifier à la société ASP sa qualité de société entrante et de lui demander les contrats de travail transférables.

M. [D] répond que la société ASP , informée de l'erreur commise par la société [Localité 6] Distribution- elle avait confondu la date de révision du contrat (28 février 2017) avec celle de l'échéance de celui- ci ( 31 juillet 2017) - aurait dû d'une part, lui fournir du travail et le rémunérer et d'autre part, réaliser les diligences permettant le transfert de son contrat de travail à la société Lynx Sécurité.

La société [Localité 6] Distribution fait valoir qu'aucune condamnation n'est formulée à son encontre et demande la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause.

La société AC2S fait valoir que M. [D] ne demande pas sa condamnation et que la demande de l'AGS CGEA n'est pas fondée dès lors qu'elle n'était pas la société entrante, n'étant intervenue qu' en urgence et temporairement sur le site de [Localité 6], suite à la défection de la société Lynx Sécurité.

La société Lynx Sécurité fait valoir que :

- M. [D] ne formule aucune demande à son encontre et qu'elle doit être mise hors de cause,

- le juge prud'homal est incompétent pour connaître des demandes formulées par le mandataire liquidateur au regard de l' article L.1411-1 du code du travail et le tribunal de commerce est compétent,

- le mandataire liquidateur n'a pas repris les demandes de la société SAP alors appelante; elle aurait interverti les demandes principales et subsidiaires; ses demandes sont irrecevables;

-l'AGS CGEA invoque les dispositions de l' article L.442-6 du code de commerce alors qu'en vertu de l' article R.442-6 du même code, seule la cour d'appel de Paris est compétente;

-les demandes d'être relevé indemne ne sont pas fondées d'une part, parce qu'elle a respecté ses obligations de société entrante et d'autre part, parce qu'elle est étrangère aux liens ayant existé entre la société [Localité 6] Distribution et la société ASP qui a refusé de mauvaise foi de poursuivre sa prestation de sécurité à compter du 1er mars 2017,

L'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 5] fait valoir que :

-le juge prud'homal est compétent pour connaître de la demande formulée à l'encontre de la société Lynx Sécurité dès lors qu'elle est fondée sur la violation des dispositions de l'accord du 5 mars 2005 modifié par l'avenant du 28 janvier 2011 relatif aux obligations des sociétés entrante et sortante;

- la demande du salarié de voir fixer la date de résiliation à la date du jugement de liquidation judiciaire ou de l'arrêt est irrecevable parce que différente des demandes antérieures,

- elle fait siens les moyens développés par M. [D] au soutien de la responsabilité des sociétés Lynx Sécurité et AC2S,

- si le relevé de carrière de M. [D] ne mentionne pas qu'il a travaillé pendant la période, il ne peut demander que la prise d'effet de la résiliation soit fixée à la date de la liquidation judiciaire ou de l'arrêt,

-eu égard à la période de maladie du salarié - du premier janvier au 25 mai 2018- et aux dispositions relatives au maintien du salaire, celui-ci serait dû à hauteur de 47 565,59 euros.

La mise hors de cause de la société [Localité 6] Distribution

Aucune demande n'est formulée à l'encontre de la société [Localité 6] Distribution qui sera mise hors de cause. Le jugement sera confirmé de ce chef.

L'employeur doit fournir du travail au salarié et le rémunérer. Il est constant que la société ASP n'a pas fourni de travail ni rémunéré M. [D] à compter du mois d'avril 2017. Ce manquement grave et durable de l' employeur à ses obligations ne permet pas la poursuite de son contrat de travail et justifie le prononcé de la résiliation judiciaire de ce dernier.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, sa prise d'effet est fixée à la date de la décision la prononçant dès lors qu'à cette date, le contrat de travail n'avait pas été rompu et que le salarié était toujours au service de son employeur.

Le contrat de travail n'était pas rompu et il n'est pas argué que M. [D] n'était plus au service de son employeur.

Aucun élément n'établit que M. [D] aurait poursuivi le contrat de travail au delà du 28 février 2020, de sorte que la résiliation prendra effet à cette date.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé la date d'effet de la résiliation le 17 septembre 2019 et la cour retient que la résiliation a produit ses effets à la date du jugement soit le 28 février 2020.

Les demandes formulées à l'encontre des sociétés Lynx Sécurité et AC2S

Le juge prud'homal est compétent pour statuer sur les demandes formées à l'encontre de la société Lynx Sécurité dès lors qu'elles sont fondées sur la violation des obligations mises à la charge des sociétés entrantes au regard de l'avenant du 28 janvier 2011 à l'accord du 5 mars 2005 relatif à la reprise du personnel dans le cadre des transferts des contrats de travail à l'occasion d' un changement de prestataire. Cette compétence n'est pas contraire aux dispositions de l' article L.1411-1 du code du travail donnant compétence à la juridiction prud'homale pour connaître des litiges nés à l'occasion de tout contrat de travail.

En invoquant les dispositions de l' article L.442-6 du code du commerce, l 'AGS CGEA a seulement estimé que la société ASP aurait pu, dans ses relations avec la société [Localité 6] Distribution, attraire cette dernière pour résiliation anticipée du contrat les liant. Les demandes formulées par l'AGS CGEA ne sont pas fondées sur ce texte et sont recevables.

Ensuite, aux termes de ses conclusions d'appel antérieures au prononcé de la liquidation judiciaire, la société ASP a demandé à la cour de débouter M. [D] de ses demandes en soutenant que les sociétés Lynx Sécurité et AC2S étaient responsables de l'absence de transfert du contrat de travail de ce dernier et de les condamner à la relever indemne des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre. Ce moyen ne constituait pas une prétention.

En demandant, à titre principal, de condamner les deux sociétés à relever indemne et garantir la liquidation judiciaire de toutes créances qui pourraient être fixées à son passif, le liquidateur n'a ainsi pas interverti les demandes de l'appelante. Les demandes de la liquidation judiciaire sont recevables.

La société Lynx Sécurité ne peut être condamnée dès lors qu'il ne lui appartenait pas de vérifier que la rétractation par la société [Localité 6] Distribution de la date de résiliation du contrat la liant à la société ASP avait l'accord de celle-ci. Ces circonstances intéressaient les deux sociétés, étant par ailleurs précisé que la société Lynx Sécurité a sollicité à deux reprises la société ASP pour connaître les contrats de travail transférables.

La société AC2S ne peut être condamnée dès lors qu'elle n'avait pas la qualité de société entrante et produit la facture des prestations réalisées en urgence au cours du mois de mars 2017 de manière à ne pas laisser le centre commercial de [Localité 6] sans sécurité suffisante en période Vigipirate (procès-verbal d'huissier de justice dressé le 2 mars 2017) suite à la défection de la société ASP.

Le mandataire liquidateur et l'AGS CGEA seront déboutés de leurs demandes formées à l'encontre des sociétés Lynx Sécurité et AC2S.

Les conséquences financières de la résiliation judiciaire

La résiliation du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La date d'effet de la résiliation judiciaire est le 28 février 2020.

L'AGS CGEA fait valoir que M. [D] a été placé en arrêt de travail du 1er janvier 2018 au 26 mai 2018 et verse le relevé de carrière de ce dernier indiquant un congé de maladie accident du travail du 1er janvier au 25 mai 2018.

M. [D] ne confirme pas ces arrêts de travail et le mandataire de la société employeur ne les invoque pas non plus.

La période d'arrêt de travail de M. [D] n'est donc pas établie et les salaires et indemnités seront calculés sur toute la période considérée.

La créance de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP sera ainsi fixée:

- les salaires sont dus du 1er avril 2017 au 28 février 2020 soit à hauteur de 54 146,05 euros,

- l' indemnité compensatrice de congés payés sur la période du 1er avril 2017 au 28 février 2020 soit, à hauteur réactualisée de 3 893, 35 euros,

-l' indemnité compensatrice de préavis de deux mois de salaire à hauteur demandée de 3 003,61 euros ,

- les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à hauteur de 5 000 euros au regard de l' ancienneté et de l'âge du salarié,

La cour constate que M. [D] ne formule pas de demande au titre d'une indemnité de licenciement ou de congés payés afférents à la seule indemnité compensatrice de préavis comme indiqué au jugement.

Les autres préjudices

M. [D] demande la fixation d'une créance :

- de 5 815,03 euros pour préjudice lié à l'échec du transfert de son contrat de travail mais aucun élément n'établit qu'il aurait subi un préjudice non couvert par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sera débouté de ce chef;

- de 7 500 euros pour défaut de recyclage de diplômes mais aucune précision ni pièce ne sont versées. Il sera débouté de ce chef;

-d'une créance de 8 500 euros à titre de préjudice moral. M. [D] a été privé de travail et de salaire de manière abrupte et placé dans un état de précarité. Ce préjudice sera réparé à hauteur de 2 000 euros,

- d'une créance de 4 500 euros au titre de la rupture d'égalité de traitement d'avec ses ex collègues dont certains ont été reclassés mais aucun élément n'est produit qui laisserait supposer l'existence d'une discrimination. M. [D] sera débouté de ce chef.

Les frais irrépétibles

Vu l'équité,

la créance de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP sera fixée à hauteur de 3 000 euros,

la société [Localité 6] Distribution sera déboutée de sa demande de paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

la créance de la société AC2S au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP sera fixée à la somme de 2 000 euros;

la créance de la société Lynx Sécurité au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP sera fixée à la somme de 2 000 euros,

les autres demandes seront rejetées.

Les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société ASP.

PAR CES MOTIFS

la cour,

Se déclare compétente pour connaître des demandes,

Dit recevables les conclusions de l'AGS CGEA en date du 20 février 2020,

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail de M. [D] mais l'infirme en ce qu'il a fixé sa date le 17 septembre 2019,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la résiliation du contrat de travail prend effet à la date du jugement soit le 28 février 2020,

Dit que les demandes de l'AGS CGEA recevables,

Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société [Localité 6] Distribution;

L'infirme en ce qu'il a condamné les parties au paiement de sommes,

et statuant à nouveau de ce chef,

Fixe la créance de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP comme suit:

- 54 146,05 euros au titre du rappel de salaire du 1er avril 2017 au 28 février 2020,

-3 893,35 euros à titre d' indemnité compensatrice de congés payés,

-3 003,61 euros au titre de l' indemnité compensatrice de préavis,

-5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre du préjudice moral et statuant à nouveau,

Fixe la créance de M. [D] au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP à la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral.

Constate que M. [D] ne formule pas de demande de paiement d'une indemnité de licenciement,

Constate qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de M. [Z],

Confirme le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société [Localité 6] Distribution,

Déboute la Selarl Ekip' et l'AGS CGEA des demandes formées contre la société Lynx Sécurité et la société AC2S,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société ASP les créances relatives aux frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel aux sommes de :

- 2 000 euros au profit de la société AC2S ;

- 2 000 euros au profit de la société Lynx Sécurité;

Déboute les parties des autres demandes,

Dit l'arrêt opposable à l' Unedic AGS CGEA de [Localité 5] dans les limites de sa garantie fixées par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail;

Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société ASP.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 22/01120
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;22.01120 ?
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